Noir Nocturne

Le bleu du ciel était aussi pur qu’un saphir et aussi profond que la mer. Quelques nuages s’amoncelaient au loin, menaçants. Un coup de tonnerre gronda, étouffé par la distance. Une brève lumière vint éclairer un louveteau, s’éclipsant en une seconde, le renvoyant à l’obscurité. La nuit. Froide. Lourde. Oppressante. Maverick détestait la nuit. Les températures en chute libres faisait grincer ses articulations, et lui pressait les poumons. Il commença à frissonner, mais il n’était pas prêt de bouger de son refuge. De toute façon, la vitesse de ses déplacements rendait la chose inutile. Il attendait sa mère, roulé en boule, les yeux cernés, et la queue battant contre le sol. Il renâcla, mal à l’aise… Ce n’était pas que pour ça qu’il n’aimait guère la nuit. Des images floutés lui emplissait la tête. Elles revenaient, inlassablement. Des fantômes de rêves virant au cauchemar. Il se sentait pris dans un tourbillon de sable, de griffes. La sensation d’être mis à nu. Jeter. Il virait, à la dérive. Il n’était pas en contrôle. Une lame lui transperçait la poitrine. Il criait. Mais personne ne lui répondait… Il sursauta, le poil hérissé. Sa tête heurta violement le mur, lui arrachant un gémissement de douleur mêle de rage… Il s’était assoupi. L’abruti ! Il ne devait pas céder à la fatigue tant que Quickflight n’était pas arrivé… Ou les ombres qui hantait son repos allaient revenir, le manipulant comme poupée de chiffon. Ces maudites ombres… Ces maudits souvenirs…

- ‘Fait chier.

Il retint ses larmes, les dents serrées à s’en rompre la mâchoire. Il haïssait la nuit.

Le ciel était bleu, profond, clair. Et très vite, il gagna quelques teintes de rouges. Le soleil se couchait peu à peu. En effet, le soleil se couchait tôt et vite, même pendant la saison des feuilles nouvelles. Le printemps. Il était là mais avait du mal à s'installer. Il luttait durement contre l'hiver qui ne souhaitait pas partir. Mais malheureusement pour ce pauvre Hiver, il fallait que le soleil se montre. Chacun son tour pour éviter les disputes ! De plus, ColdSnap souhaitait retrouver des couleurs plus vive, l'arrivé de l'hiver l'avait fait blanchir énormément, plus que l'année précédente.
Elle entra sans un mots dans une grotte sombre. La lumière du jour l'éclairait de moins en moins. Elle s'arrêta et fit volte-face: elle avait oublié de donner sa prise du jour aux louveteaux ou aux anciens. Elle se rua donc vers la sortie et revint une fois de plus dans la grotte. Des nuages couvraient peut à peut le ciel, au fur et à mesure que la lune se levait pour permettre un repos mérité au soleil. Lorsque celui-ci reviendrait en pleine forme et plus brillant que jamais, ColdSnap pourrait partir en vadrouille et aller défier les cactus puis revenir au camp, des épines dans l'arrière-train. Sa mère les lui enlèveraient doucement, comme elle le fait d'habitude et elle pourrait jouer avec sa sœur une fois de plus.
Elle tenait dans sa gueule un moineau que seul un chat à la vue perçante aurait pût discerner dans le noir. L'un des premiers moineaux du mois ! Fière de sa prise, elle allait le montrer aux anciens. Le tonnerre gronda. Un sourire se lut sur les lèvres de la BlackBlood, malgré le cadavre encore chaud de l'oiseau. Chouette, demain il pleut ! Les souris sortent sous la pluie. J'irais en chasser avec SpearHeart et on en amènera aux anciens et aux louveteaux !
Dans la pénombre, la fausse louve sentit quelque chose tressaillir. Ou quelqu'un ! Prudente, elle s'avança dans le noir. Non, rien n'avait bougé. Ses yeux n'étaient pas encore habitués au noir de toute façon, elle ne pouvait rien voir plus loin que le bout de son nez.
Elle reprit alors une marche trottinante vers le fond de la grotte lorsque quelque chose tressaillit vraiment cette fois-ci. Une voix faible se fit entendre.
- ‘Fait chier.
Charmant. Elle se dirigea vers la voix pour voir de qui c'la venait quand elle découvrit une masse de poils qui semblait âgée. Ah oui ! C'est vrai ! FairStep lui avait dit que Quickflight avait eût des louveteaux. Un louveteau. Qu'elle avait pseudo eût un louveteau. Un louveteau âgé qui ne devait pas survivre plus d'une lune. On ne le voyait que rarement. ColdSnap n'avait jamais vraiment fait attention à lui et était indifférente à son égard. Elle posa l'oiseau dans un coin et s'approcha du jeune vieux. D'un coup de museau rassurant, elle se mit à lui parler d'une voix douce.
- Eh... Est-ce que ça va ?

- Eh... Est-ce que ça va ?
Maverick sursauta au contact, ses yeux vitreux n’ayant guère aperçu la présence de la femelle dans l’obscurité de la grotte. Il se recula aussi vite qu’il le put, apeuré, et grognant comme un animal prit au piège. Il heurta le mur derrière lui, alors que sa queue battait violemment contre ses flancs. Son cœur battait fort dans sa poitrine. Ses yeux s’emplirent d’angoisse, ne captant que de très minces traits de l’intruse, laissant sa vision floue et désordonnée. L’odeur était familière, ce qui diminua quelque peu son appréhension. Mais le coup de la surprise était encore trop fort pour modérer ses ardeurs brulantes.
- PUTAIN ! DÉBOULES PAS COMME ÇA !
Il chercha à se ressaisir, ses petites griffes grattant le sol avec frénésie. Il feula, mi- embarrassé, mi- colérique.
- Non ça vas pas ! J’viens de frôler la crise cardiaque !
La pâleur de la lune éclaira quelque peu sa visiteuse, lui révélant une silhouette mince et plutôt petite. Ses sourcils se froncèrent. Il râla, railleur, tout en analysant l'étrange canidé qu'il avait sous les yeux, méfiant.
- Merci pour l’attention, la nyctalope de mes deux.

- Tain, t'es si agréable que j'ai limite plus envie de m'excuser. Mais bon, je suppose que c'est à cause de la peur...
- Grmfh, t’es douée dis moi. T’as trouvé ça toute seule ?
- De rien. Et désolée de t'avoir fait peur.
Maverick regarda la forme s’éloigner, suspicieux, ignorant les protestations des ancêtres avec brio. Mais le fait qu’elle s’était excusée ne passa pas inaperçu dans les oreilles du louveteau ; c'était suffisamment rare pour être quelque chose. Il tiqua, ses yeux se rétrécissant alors qu’il cherchait la femelle du regard, le nez plissé. Il remarqua alors les caractéristiques de Coldsnap plus facilement. Interloqué, il lâcha une phrase à moitié articulée, de sa voix rêche et grincheuse.
- Pfff. Mouais. R’garde où tu met les pattes avant de cogner quelqu’un à l’avenir, grandes oreilles, ça f'rait pas de mal à tes neurones.
Il n’était pas plus engageant, mais certainement plus modéré. Il restait à voir ce que la renarde allait faire. Son amabilité n’était pas piqué, mais sa curiosité, oui.

- Pfff. Mouais. R’garde où tu met les pattes avant de cogner quelqu’un à l’avenir, grandes oreilles, ça f'rait pas de mal à tes neurones.
Aussi-tôt, ColdSnap se figea. Elle doubla, que dis-je, tripla de volume tant sa fourrure c'était hérissée. Grandes oreilles ?! Là, c'était trop. Beaucoup trop. Elle en avait assez des reproches sur son apparence que les autres prenait un malin plaisir à faire. Elle fit volte-face en direction du grincheux.
- Pardon ?!, s'indigna-t-elle sans pensé à chuchoter. Grandes oreilles t'as bien dis ?! Écoute, gamin, je pense que tu devrais fermer ta grande gueule, t'as beau être de mauvaise humeur à cause de moi, ça te donne pas le droit de dire ça !
Si elle le voulait, elle pouvait s'assoir sur le louveteau pour le faire taire et, avec un peu de chance, l'étouffer. Elle respira plus calmement.
- Et en plus tu me donnes des conseils... Nan mais sérieux, t'as quel âge pour m'apprendre la vie ? T'en connais rien ! T'es jamais sortit d'ici pour X raisons et tu penses sincèrement que tu vas m'dire si j'dois r'garder où j'met mes pattes ? J'les utilises déjà plus que toi les miennes alors tu t'la ferme, pigé ?!
- TOI tu la ferme !
- PARDON. hurla-t-elle agacée. Modère-toi un peu ou tu vas très vite te prendre des coups sur le museau, et crois-moi, ils sont pas délicats !
C'était un conseil ça aussi. ColdSnap restait tout de même tolérante malgré les surnoms horripilants que lui donnait cet idiot fini. De plus, elle avait presque peur pour lui: si il était comme ça avec tout le monde, il serait très vite mis encore plus à l'écart. Et ColdSnap savait ce que c'était d'être mit à l'écart. Ce rendant presque compte de sa bêtises, la jeune BlackBlood ferma les yeux. Elle soupira agacée.
- Désolée de t'avoir crier dessus. Mais sérieux, te prend pas pour ce que tu n'es pas, c'est très mauvais pour toi et pour les autres.
Elle se décida enfin à aller chercher l'oiseau. Elle savait que les plus vieux dormaient déjà, mais peut-être pas sa mère, elle pourrait lui emmener.
Une idée lui traversa la tête et elle eût un pincement au coeur. Laisser un louveteau seul, dans le noir et effrayé n'était pas forcément bon. De plus, QuickFlight n'avait pas l'air décidée à arriver. Elle attrapa l'oiseau et se dirigea de nouveau vers le grincheux.
- Tiens. fit-elle en laissant tomber pitoyablement l'oiseau aux pattes du louveteau, J'te l'offre. J'l'ai attraper tout à l'heure. Tu devrais en profiter, je suis bien lunée aujourd'hui, mais ce sera pas toujours le cas.

- Pardon ?! Grandes oreilles t'as bien dis ?! Écoute, gamin, je pense que tu devrais fermer ta grande gueule, t'as beau être de mauvaise humeur à cause de moi, ça te donne pas le droit de dire ça !
Il la regarda, médusé. Il répliqua aussi sec, irrité, confus.
- L’droit de dire ça ? MAIS OUVRE LES YEUX ! T’as des grandes oreilles, nan ? Alors t’as de grandes oreilles. Point.
- Et en plus tu me donnes des conseils... Nan mais sérieux, t'as quel âge pour m'apprendre la vie ?
- Ta gueule !
- T'en connais rien !
- TA GUEULE !
- T'es jamais sortit d'ici pour X raisons et tu penses sincèrement que tu vas m'dire si j'dois r'garder où j'met mes pattes ? J'les utilises déjà plus que toi les miennes alors tu t'la ferme, pigé ?!
La frustration revint. Et la tristesse, la douleur. Mais il n’en laissa rien transparaitre. Non. Cette abrutie ne verrait rien de ses émotions intérieures. Tout ce dont auquel elle aurait droit, ce serait sa rage.
- TOI tu la ferme !
- PARDON.
- VOUS LA FERME.
Beugla t-il. Puis il se retourna vers la renarde, les yeux écarquillés par la colère grandissante qui montait en lui.
- ET TOI !? T’ES QUI POUR ME FAIRE LA MORALE CONNASSE !?
Il leva ses pattes, faisant mine de porter un coup à Coldsnap, mimant l’action avec une menace évidente.
- J’LES UTILISES PEUT ETRE PAS BEAUCOUP, MAIS AU MOINS J’LES UTILISES BIEN ! ET SI TU VEUX QUE J’LA FERME, FAUDRA ME PASSER SUR LE CORPS POUFFIASSE !
Les menaces revinrent. Il eut un sourire intérieur. Quel con il avait été de croire qu’elle serait différente à cause de ses appendices difformes.
- Modère-toi un peu ou tu vas très vite te prendre des coups sur le museau, et crois-moi, ils sont pas délicats !
- Ouuuuh je vais mouiller mon pelage. Vas s’y si t’es si terrible ! J’en ai vu d’autres ! J’la connais la vie moi !
Il grogna ouvertement, les babines retroussées, la haine se lisant des prunelles violacées. Un seul mouvement agressif de la part de la renarde, et il n’hésiterait pas à lui sauter à la gorge…
- Désolée de t'avoir crier dessus. Mais sérieux, te prend pas pour ce que tu n'es pas, c'est très mauvais pour toi et pour les autres.
Nullement calmé par ces paroles, il cria une derni ère fois, hors de lui.
- Me prendre pour ce que je suis pas ?! ME PRENDRE POUR CE QUE JE SUIS PAS !? Bah, vas s’y alors ! DIS MOI CE QUE JE SUIS ALORS L’INTELLO ! ÉCLAIRE MOI DE TA CONSCIENCE DE CRÉTINE FINIE !
Il la regarda se détourner, espérant qu’elle ficherait le camp. Mais non, elle revint, avec un truc dans la gueule. Il hésita quelques seconde, un très court silence s’installant dans la grotte.
- Tiens. J'te l'offre. J'l'ai attraper tout à l'heure. Tu devrais en profiter, je suis bien lunée aujourd'hui, mais ce sera pas toujours le cas.
Il se détourna, dégouté. Elle voulait l’acheter avec de la nourriture maintenant !? Il souffla, ses vibrisses se courbant de mécontentement.
- J’en veux pas d’ta saloperie. S’tu veux faire la charitable, vas voir ailleurs si j’y suis.

- J’en veux pas d’ta saloperie. S’tu veux faire la charitable, vas voir ailleurs si j’y suis.
- Okay, Okay, j'ai compris, j'me casse ! De toute façon, ailleurs, c'est toujours mieux qu'ici, avec un bouffon pareil !
Elle attrapa son oiseau.
- Reste tout seul si ça te chante, mais te plains pas d'avoir personne avec toi le jour où tu auras besoin !
Le tonnerre gronda. Bientôt, on entendit la pluie dehors. Une pluie glaciale et froide. Elle apporta une légère brise qui frôla la polaire. ColdSnap fit volte-face, hors d'elle. Pour qui il la prenait sérieusement ?! Juste sous prétexte qu'il est différent, il se donne le droit de dire ce genre de choses et de la traiter de tout les noms. Non mais ! Elle aussi, elle était différente, et alors ? C'n'est pas pour autant qu'elle allait faire ressortir les défauts physiques des autres. Quand on essaie d'être gentil, on s'en prend plein la gueule et quand on est mauvais, on s'en prend pareil. De toute façon, ils sont tous idiots.
Ce n'était pas la faute de ColdSnap si elle était susceptible et si elle prenait très mal la moindre remarque sur son physique. De plus, le fait d'être différente que les autres n'arrangeait rien du tout. Elle se sentait tout le temps mal, avec un poids sur le coeur. Elle vivait avec et a oublié qu'il était là. Seulement, il y a toujours ces abrutis qui sont là pour lui rappeler qu'elle n'est pas la bienvenue ici, parce qu'elle n'est pas comme eux. Touts les jeunes en âge de chasser sont allés aux camps des hommes pour s'entraîner et acquérir leurs tatouages. ColdSnap était restée là, sur la frontière du territoire à les regarder partir. Elle n'allait jamais avoir de tatouages alors qu'elle était comme les autres. C'était juste les autres qui n'étaient pas comme elle.
Rageuse, elle fit volte-face pour s'enfoncer dans la grotte, l'oiseau à la gueule. Elle jeta un regard méprisant en arrière. Ses yeux se fixèrent sur le grincheux.
- Au fait, mes grandes oreilles t'emmerde, connard.

ColdSnap pénétra dans le fond de la grotte en grommelant. Un des vieux lui adressa un regard mauvais.
- La prochaine fois va t'engueuler dehors ! beugla-t-il, haineux.
- Allons, laisse-nous dormir ! Tu fais plus de bruit qu'elle ! une vieille louve venait de lui donner un coup de patte sur l'épaule.
- Chuut ! ordonna un troisième.
Le tonnerre tonna et la polaire sursauta. Dans un soupire, elle reprit sa marche en direction d'un coin douillet où elle s'y faufila. Sa mère n'était visiblement pas rentrée et sa sœur non plus. Quand à son neveux et sa nièce, ils étaient toujours à l'entraînement. Elle se coucha à l'endroit où sa mère dormait d'habitude et se roula en boule, puis ferma les yeux, essayant de ne plus penser à la chamaillerie avec Maverick.

Le vieux Blackblood lâcha brusquement le monstre, reculant vivement.

- TOI - !!

Il fixa avec un dégoût prononcé l’autre loup. Sawtooth ne savait vraiment pas quoi faire. Comment une telle horreur pouvait être la chair de sa chair ? Son descendant.

- … Mais. Qu’est-ce que tu es au juste ?!

Un chut. Deux chut. Un vieux qui hurle. L’honorable vieillard se racla la gorge.

- Le premier qui ouvre encore sa gueule JE VAIS LUI FAIRE MANGER SA TRUFFE ! Grummmmble. A mon époque le Conseil se plaignait moins !

- TOI - !! … Mais. Qu’est-ce que tu es au juste ?!
Maverick gémit presque, tremblant comme une feuille. Il veut dire à l’autre de dégager, de voir ailleurs si son cul y était, mais ses mots restent coincés dans sa gorge. Il déglutit, souffletant, immobile dans sa frayeur, paralysé par l ‘image mental d’un Léviathan lupin prêt à le dévorer si jamais il ose relevé la tête. Sa queue se tord, et il s’enfonce dans le sol, se cachant son début de crête, aux aboies. La présence semble l’étouffer, le broyer…
- Le premier qui ouvre encore sa gueule JE VAIS LUI FAIRE MANGER SA TRUFFE ! Grummmmble. A mon époque le Conseil se plaignait moins !
N’y pouvant plus, il réitère une dernière fois son injection, butant sur chacun de ses mots, les forçant à sortir comme on arrache un mollusque de sa carapace, un simulacre de colère creusant ses rides, bientôt vite remplacé par la peur. Il recule maladroitement, la pluie et les gouttes d’eau se faisant plus audible à mesure qu’il met de la distance entre lui et le vieux.
— P-pars ! Dé-dégage ! T’es c-celui qui fait le p-plus de bruit ic-ici !