Froideur [Prio' Sa'ffy]

Constatant que son petit savait comment se débrouiller, Whitewind le laissa mener ses expériences à son rythme et avança de son côté, de sorte à se rendre dans une eau un peu plus profonde. Elle arrêta de s'enfoncer vers le centre du lac lorsque l'eau lui arriva un peu plus bas qu'à l'encolure et demeura à cette hauteur, faisant quelques lents pas par moment. Pour elle qui n'était pas particulièrement friande de la chaleur, le rafraîchissement de l'eau lui était plus que favorable. Après avoir bu quelques lapées, la dame argentée plongeant sa tête dans l'eau pour chasser les quelques moustiques qui s'étaient attroupé autour d'elle, puis se redressa lentement. C'est vers ce même moment que les eaux du lac commencèrent à s'agiter, par les brusques mouvements de Nagash.
- Maman... !!
La femelle se retourna aussitôt au cri de son enfant, le repérant un peu plus loin. Brièvement, l'image d'un autre loup emporté par le courant se juxtaposa à celle de Nagash. Son coeur manqua un bref battement, mais elle se ressaisit d'un bref froncement de sourcils. Nagash n'était pas encore dans l'eau très profonde (quoiqu'elle l'était suffisamment pour lui), mais les deux étaient séparés d'une bonne dizaine de mètres. Whitewind s'élança donc sans attendre que ses forces ne faiblissent et parvint à avaler la distance assez rapidement, bénéficiant d'une expérience largement supérieure en nage. Après avoir cheminé en lui lança quelques paroles encourageantes, elle fut assez près pour saisir le loupiot par le cou. Considérant qu'elle ne voulait point tenter sa chance, la dame grise le ramena vers les rives et le déposa là où l'eau était basse, et où il pourrait donc reposer ses pattes.

Pataugeant péniblement, Nagash essayait tant bien que mal de maintenant sa tête hors de l'eau, entendant à peine la voix de sa mère qui lui criait quelques encouragements en se précipitant vers lui. Le temps qui s'écoula avant qu'elle ne le sorte de l'eau lui parut durer une éternité et se retrouver enfin près de la rive, maintenu entre les mâchoires de sa mère, lui fit éprouver un profond soulagement. Essoufflé, le louveteau se mit à sortir la langue, haletant bruyamment tout en s’asseyant afin de se reposer les pattes. Une fois remis de sa mésaventure, il jeta un regard penaud en direction de Whitewind. Si elle n'avait pas été la, il aurait sans doute finit par se noyer...

- Désolé m'man... Murmura t-il en abaissant les oreilles. J'aurais du attendre un peu avant d'aller si loin...

Son petit se coula bien rapidement vers une terre plus ferme, s'y asseyant avec un soulagement bien compréhensible. Un air de culpabilité se peignit aussitôt sur son visage et il regarda de biais sa mère, se faisant de plus en plus petit à chaque seconde.
-  Désolé m'man... J'aurais du attendre un peu avant d'aller si loin...
En effet, il avait fait une bévue, qui aurait pu lui coûter sa vie. Mais la panique n'avait durée que de brèves secondes, et cette fois Whitewind avait été en mesure d'intervenir. Son coeur s'était facilement remis à battre doucement : sa paix d'esprit des derniers mois l'aidait à faire face plus calmement aux crises. Elle reprit donc sans trop d'effort un air apaisé et s'avança vers son fils, abaissant légèrement sa tête vers lui.
- Ce n'est pas grave, mon ange. Tu as fais une erreur, et tu as appris. Il ne t'arrivera rien tant que je serai là. 
Elle lui offrit un doux sourire, de petites rides se creusant sur son front. Elle aurait tant voulu que cela soit la réalité, mais elle n'était pas naïve au point de croire pouvoir le protéger contre tout.

Honteux, Nagash se contenta de regarder ses pattes, ne relevant la tête vers sa mère que lorsqu'il entendit celle-ci approcher. Le visage de la louve grise était parfaitement serein, comme si elle avait miraculeusement évacué toute l'angoisse qu'elle avait pu ressentir.

- Ce n'est pas grave, mon ange. Tu as fais une erreur, et tu as appris. Il ne t'arrivera rien tant que je serai là. Fit elle d'une voix douce et paisible.

Il releva doucement ses oreilles à leur position initiale, rassuré aussi bien par l'attitude de Whitewind que par ses mots. Savoir qu'il pouvait compter sur elle l’apaisait grandement, il lui répondit donc en un sourire avant de se relever pour s'ébrouer. Sa fourrure s’ébouriffa.

- Merci m'man. J'vais devenir très fort que je serais grand, et il ne t'arrivera rien non plus.
Fit il en remuant doucement la queue.

La honte était perceptible dans tous les trais du jeune mâle; au même âge, Whitewind aurait probablement abordé la même réaction. Mais désirant lui éviter les affres d'avoir une conscience trop rigide, la mère lui avait soufflé quelques paroles encourageantes, qui parvinrent à le dérider un peu. Nagash se releva et se secouant, enlevant l'expérience négative qui lui collait à la peau.
- Merci m'man. J'vais devenir très fort que je serais grand, et il ne t'arrivera rien non plus.
À nouveau, le petit sourire qu'eut la dame blanche ne faisait que ressortir ses traits marqués par le temps.
- Je ne doute pas que tu veilleras sur toute ta famille et ton clan. Évasa-t-elle, mais avec sincérité.
La femelle savait pertinemment ne plus en avoir pour bien longtemps, et l'idée que son fils promette dans le vide et dusse passer par son deuil lui brisait le coeur. Mais elle n'avait pas le courage de lui parler de son départ arrivant, pas encore. Désirant ainsi changer de sujet, autant pour elle que pour éloigner Nagash de sa presque noyade, elle lui proposa :
- Préfères-tu que nous retournions explorer la berge ?

- Je ne doute pas que tu veilleras sur toute ta famille et ton clan. Lui assura t-elle avant de changer subtilement de sujet, ne laissant rien paraitre de son désarroi au louveteau.
- Préfères-tu que nous retournions explorer la berge ?

La question fit hésiter Nagash durant quelques secondes. D'un coté, son corps le suppliait de retourner à la tanière et de s'y reposer, mais de l'autre, son envie d’exploration le poussait à poursuivre la promenade. Il trancha la question en se disant qu'il n'aurait peut être pas l'occasion de revenir ici de si tôt, alors que dormir était quelque chose qu'il pouvait faire toutes les nuits.

- On retourne explorer la berge ! S’exclama t-il en remuant la queue de nouveau.

Le loupiot ne lui répondit pas tout de suite, pesant probablement le pour et le contre : nager ne le tentait probablement plus, mais à avoir fait tout ce chemin et attendu aussi longtemps, il ne voulait sûrement pas quitter si tôt, sur une note négative. C'est donc son enthousiasme qui prit le pas sur sa fatigue, et il s'exclama avec une énergie renouvelée :
- On retourne explorer la berge !
- D'accord.
Guidant le chemin, mais veillant cette fois à s'assurer que Nagash ne s'éloignait pas trop, Whitewind atteignit la berge en peu de temps. Le laissant alors vadrouiller comme il le voulait, l'alpha se dirigea vers un amas de roche précis, où un tronc d'arbre pourrissait depuis de nombreuses saisons. Ayant elle aussi eut un temps d'exploration, et y étant revenue quelques fois depuis, elle connaissait cette cache où, à chaque nouvelle année, des batraciens venaient y cacher leurs oeufs. Relevant la tête après s'être assurée qu'ils étaient encore là, la grise appela son petit :
- Est-ce tu veux voir des bébés grenouilles ?

Admirant le paysage alentour tout en veillant à ne pas trop s'éloigner de sa mère, Nagash la suivit tranquillement jusqu’à la berge. Une fois qu'il furent sur place, le jeune se mit à gambader dans l'herbe, observant les diverses fleurs qui parcouraient la rive ainsi que les magnifiques papillons  qui s'en échappaient. Il essayait en vain d'en attraper un lorsque sa mère l’appela.

- Est-ce tu veux voir des bébés grenouilles ?

- Des bébés grenouille ? Répéta t-il en accourant jusqu’à elle, curieux. Sa mère se trouvait devant une vieille souche d'arbre, aussi supposa t-il que c'était à cet endroit qu'elles se trouvaient.
Nagash s'y avança donc doucement, et, voyant les petites créatures vertes et brunes, se mit à sourire d’émerveillement.

- Oh... ! Murmura t-il en se retournant vers sa mère. Elles sont tout petites !

L'intérêt de Nagash presque instantanément captivé, le petiot accourut auprès d'elle en une poignée de secondes. Il ralentit cependant la cadence avant que sa mère ne puisse l'avertir, approchant donc avec lenteur de la cache des jeunes grenouilles. Whitewind lui céda la place avec un sourire, surveillant toutefois la scène avec attention. Si certains loupiots (comme Nohas) auraient probablement tendu la patte pour "jouer" avec les bêtes, Nagash n'eut aucun mouvement autre que l'apparition d'un grand sourire sur son visage.
- Oh... ! Elles sont tout petites !
- Tu étais presque aussi petit que ça, quand tu es né, se moqua gentiment sa mère.
Puis, abaissant sa nuque pour avoir son visage à la hauteur de celui de son fils, elle lui pointa du museau un groupe de grenouilles à mi-chemin dans leur transition.
- Regarde, certains ont encore leur queue !

- Tu étais presque aussi petit que ça, quand tu es né.

Nagash détourna son attention des batraciens pour regarder sa mère d'un air contrit, vexé d'être comparé à ces minuscules créatures désarmées, ne comprenant pas l'humour qui émanait de la remarque. En s'abaissant vers lui pour designer quelques jeunes grenouilles, Whitewind réussit vite à rediriger son attention sur la souche, lui faisant oublier presque aussitôt sa contrariété.

- Regarde, certains ont encore leur queue !
Et elle avait raison ! En se penchant au dessus de la souche, le jeune louveteau aperçu plusieurs petites grenouilles dont la queue était encore bien visible. Une question lui vint alors à l'esprit.

M'man, fit il en dirigeant son regard vers la concernée. Elles servent à quoi, leurs queues ?

- M'man, posa-t-il en remontant son regard vers elle. Elles servent à quoi, leurs queues ?
La dame ne répondit pas tout de suite, promenant d'abord son regard sur l'assemblée de batraciens, y cherchant quelques têtards. Mais, comme cette couvée était plutôt vieille, elle n'en trouva aucun et ne pu donc montrer d'exemple à Nagash. Elle lui expliqua donc au meilleur de ses connaissances et en tentant d'être compréhensible :
- Quand les grenouilles sortent de leur oeuf, elles n'ont qu'une tête et leur queue. Pas de corps, pas de patte ! Leur queue sert donc de nageoire. C'est ensuite qu'elles se développent pour devenir de "vraies" grenouilles, mais certaines prennent du temps avant de perdre leur queue.

- Quand les grenouilles sortent de leur œuf, elles n'ont qu'une tête et leur queue. Pas de corps, pas de patte ! Leur queue sert donc de nageoire. C'est ensuite qu'elles se développent pour devenir de "vraies" grenouilles, mais certaines prennent du temps avant de perdre leur queue.

Pensif, Nagash observa les différents stades évolutifs des batraciens tout en enregistrant les informations que sa mère venait de lui donner. Alors comme ça, ces petites bêtes naissaient dans l'eau et se développaient jusqu’à ce qu'elles puissent en sortir ? C'était assez incroyable, elles étaient d'ailleurs peut être les seules pouvoir se transformer de la sorte ? Nagash savait que les loups ne changeaient pas en grandissant, en tout cas. Il redirigea son regard vers sa mère, c'est les seules à savoir faire ça ?

L'air concentré, Nagash assimilait tout ce que sa mère lui disait. Pour cette dernière, l'existence des grenouilles allait de pair avec leur transformation, mais en y réfléchissant un peu plus, il était vrai que cette mutation était impressionnante.
- C'est les seules à savoir faire ça ? Questionna-t-il.
Pour un instant, elle songea à lui inventer une histoire, comme quoi les oiseaux naissaient ver de terre au départ, mais elle laissa tomber l'idée.
- Non, mais on ne le réalise pas toujours. Les grandes races ne changent pas de formes, mais c'est beaucoup plus fréquent chez les insectes. Comme les chenilles qui deviennent papillons !

- Non, mais on ne le réalise pas toujours. Les grandes races ne changent pas de formes, mais c'est beaucoup plus fréquent chez les insectes. Comme les chenilles qui deviennent papillons !

Il acquiesça sagement, quoique toujours aussi stupéfait par ce qu'il venait d'apprendre : des chenilles, il en avait déjà vu des tas, près de la tanière. Elles étaient pourvues de plusieurs paires de pattes et leurs corps verts se camouflaient à la perfection avec les feuilles ou elles rampaient pour se déplacer. Pas un seul instant, il n'eut imaginé que ces petits insectes aux allures entortillées pourraient un jour devenir de beaux et gracieux papillons volants... Nagash délaissa la souche pour se rapprocher de l'herbe ou il balaya le parterre du regard.

- Et ça prend beaucoup de temps pour qu'elles se transforment ?

Le silence devenait l'habitude après qu'elle eut répondu à ses questions : il analysait l'information à son rythme. Peut-être n'avait-il jamais fait le lien entre les chenilles et les papillons ; peut-être imaginait-il d'autres bestioles qu'il connaissait en train de se transformer. Éventuellement, il délaissa la cache des grenouilles et, sa mère à sa suite, se dirigea vers l'herbe. S'éloignant lentement des berges, ils ne tarderaient probablement pas à retourner aux tanières, bien que Whitewind n'était pas là pour le presser.
- Et ça prend beaucoup de temps pour qu'elles se transforment ?
- Je crois que cela dépend des espèces, posa-t-elle, mais normalement aux alentours d'une lune.
Elle avait certaine connaissance de la flore et faune de la forêt, mais les détails s'étaient perdus dans les brumes de l'âge et les autres préoccupations.
- Ce n'est pas bien long, mais leur vie est plus courte, aussi.

- Je crois que cela dépend des espèces, répondit sa mère, mais normalement aux alentours d'une lune.

Il pencha la tête, d'avantage impressionné : une lune, c'était si peu de temps ! Si seulement il pouvait grandir aussi rapidement...

- Ce n'est pas bien long, mais leur vie est plus courte, aussi.

Nagash baissa les yeux au niveau de l'herbe. Une petite araignée passa en trombe près de sa patte, disparaissant derrière un rocher. Plus... courte ? Du haut de ses quelques centimètres, il n'avait pas encore assez vécu pour se poser la question de savoir ce qui se passait à la fin de la vie. Pour tout dire, il ne savait même pas que la vie pouvait avoir une fin... Sa voix se fit hésitante.

- M'man... Commença t-il, quelque peu inquiet. Qu'est-ce qui s'passe à la fin d'la vie... ?

Parlant des spécificités de chaque espèce avec naturel, elle n'avait pas réalisée la portée de ce qu'elle venait de dire. Ce n'est que lorsqu'elle perçut son fils soudainement plus hésitant que l'idée la frappa et qu'elle eut un pincement au coeur.
- M'man.. Commença-t-il, s'enlignant exactement vers l'endroit qu'elle avait voulu évité. Qu'est-ce qui s'passe à la fin d'la vie... ?
La bouche de l'alpha devint légèrement pâteuse : elle vivait depuis si longtemps que parler de la mort n'était plus aussi difficile qu'autrefois. Cela devenait une partie de la vie, même si ses récents deuils laissaient présager autre chose. Mais il y avait une différence entre enseigner la mort à des jeunes esprits, avec une aura calme, et devoir l'expliquer à ses nouveaux enfants qu'elle savait devoir bientôt quitter. L'imminence de sa propre mort rendait la discussion plus que difficile.
- À la fin de notre vie, on tombe dans un sommeil éternel, murmura-t-elle. Notre corps reste endormi, mais quand notre esprit se réveille, il est entouré de ceux qui ont aussi fini leur vie. On y retrouve nos ancêtres et ceux que nous avons perdus. Il n'y a plus de tracas, seulement de la paix.

- À la fin de notre vie, on tombe dans un sommeil éternel, murmura-t-elle. Notre corps reste endormi, mais quand notre esprit se réveille, il est entouré de ceux qui ont aussi fini leur vie. On y retrouve nos ancêtres et ceux que nous avons perdus. Il n'y a plus de tracas, seulement de la paix.

Nagash resta silencieux, la gorge nouée, sans qu'il ne sache vraiment pourquoi. Un constat venait de se formuler dans son jeune esprit : si sa mère était plus âgée que lui, elle allait finir sa vie avant lui. Cette idée d'être séparé d'elle l'angoissait profondément, provoquait en lui une terrible sensation de mal être. Il sentit des larmes perler à ses yeux. "Il n'y a plus de tracas, seulement de la paix.", "Il n'y a plus de tracas, seulement de la paix..." se répétait-il en vain. Rien à faire, il avait simplement peur.

- J't'aime m'man... Murmura t-il. J'veux pas que tu partes...

Elle avait fini sur un murmure, contrôlant sa voix pour ne pas la perdre. La dame ferma les yeux alors que de lentes secondes s’égrainaient. Elle aurait voulu y croire. Elle aurait voulu transmettre toute sa conviction que la mort ne changeait rien, qu'elle n'était qu'une étape plus paisible de la vie. Ce n'était pas qu'elle avait menti : la vie après la mort serait paisible, entourée de ceux qu'elle aimait et avait aimé. Mais cela ne rendait nullement l’inévitable plus facile. Elle aurait voulu que ses enfants, au contraire d'elle, possède la sérénité et la maturité nécessaire pour ne pas s'en faire avec ce sujet. Qu'ils acceptent facilement son départ, lui disant temporairement au revoir, le temps d'une vie. Mais elle savait que retrouver son corps déclencherait une tempête d'émotions. Elle les abandonnerait, sa famille et sa meute, et c'était cela qui lui faisait peur.
- J't'aime m'man... Murmura-t-il. J'veux pas que tu partes...
La louve grise inspira lentement. À l'écoute de son corps, pour l'une des rares fois, elle pouvait sentir le vieillissement fatiguer ses os. Puisant dans ses forces, elle se confia à Nagash en faisant appel à sa maturité d'une voix douce et aimante :
- Mais je ne peux pas rester. Mon corps est fatigué, petit ange, je ne pourrai plus vous suivre.
Elle tendit la patte et le ramena contre elle, effleurant le dessus de sa tête de son museau.
- Mais ta vie va continuer, tu vas rencontrer de nouveaux êtres. Ne doute pas de ta force; tu peux continuer sans moi.

- Mais je ne peux pas rester. Mon corps est fatigué, petit ange, je ne pourrai plus vous suivre.

Il se laissa machinalement aller contre elle, abandonné de toute volonté. Sa mère lui caressa la tête du museau. Il était encore malheureusement trop jeune pour raisonner de façon mature, son fonctionnement intellectuel d'enfant étant si peu développé, trop inexpérimenté pour bien comprendre ce qui allait se produire. Pour lui, sa mère allait s'en aller un jour, et il ne la reverrait plus que dans très longtemps... Perspective aussi fataliste qu’effrayante.

- Mais ta vie va continuer, tu vas rencontrer de nouveaux êtres. Ne doute pas de ta force; tu peux continuer sans moi.

Nagash ne disait plus rien, il tachait de se montrer fort, comme pour lui prouver qu'il n'en doutait pas. La séparation lui faisait peur, mais il avait au moins compris qu'elle serait inévitable. Peut être que sa mère retrouverait enfin la paix, que se serait en fin de compte une bonne chose, une étape naturelle de la vie, mais son égocentrisme d'enfant l’empêchait de se réjouir pour elle. Il ne réalisait pas cela, il ne pouvait s'imaginer ce qu'était véritablement la mort. Il ne comprenait pas encore à quel point Whitewind était fatiguée par la vie.

- J'veux rentrer à la maison... Murmura t-il en sortant de l'étreinte de sa mère, la queue basse. Il ne voulait plus en parler, plus jamais.

Nagash ne disait rien, mais elle pouvait le sentir s'abandonner contre elle, le corps presque tremblant à la perspective de son départ. En ayant déjà beaucoup dit, Whitewind garda le silence : rien de ce qu'elle ne pouvait ajouter ne faciliterait la réflexion du loupiot. Elle aurait tant voulu lui faciliter la tâche, le préparer dès aujourd'hui à son départ. Elle aurait tant voulu que son esprit soit assez ouvert et mature pour comprendre. Mais  il restait fermer à ses propos. Elle déposa son museau sur sa tête, le coeur lourd, jusqu'à ce qu'il se dégage doucement d'elle.
- J'veux rentrer à la maison... Murmura-t-il.
La dame grise eut un soupir silencieux, le regard perlé de quelques larmes.
- Très bien, allons-y, fit-elle sur le même ton.
Elle se releva et, le louveteau à sa suite, reprit le chemin vers les tanières.