Ce n'est plus que du passé. [Pv Rapier]

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Elle n'avait que vaguement eut conscience d'avoir traînée sa carcasse à l'écart du combat, articulant son corps brisé de façon pathétique. Après s'être écrasée sur le sol, elle avait dû sombrer dans le coma, car elle sursauta soudainement. Son corps tout entier tressaillit et, par le même fait, lui arracha un grognement de douleur. Ses pattes entrèrent en contact avec un corps étranger. Entrouvrant ses paupières crispées l'une contre l'autre, la Reine aperçut une forme floue à ses côtés et, encore un peu dans les vapes, elle s'agita pour tenter de le chasser.

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Ses pattes s'agitèrent dans l'air, aussi vivement qu'elle le pouvait compte tenu de la pauvre condition de son corps, mais elles ne rencontrèrent nul obstacle. La forme s'était éloignée.
- Il n'y a rien à craindre, aucun mal ne sera fait à votre personne, dit l'être voix.
Elle n'en reconnu ni le ton, ni la forme, mais secoua la tête pour tenter de se montrer plus lucide. La présence s'éloigna, mais demeurait aux alentours, elle pouvait le sentir.
- Vous avez besoin de soins.
Ses paroles lui parvinrent comme un écho qui s'affermissait. Plus le temps s'écoulait, plus ses sens lui revenaient. Un ange passa, et la perdante retrouva ses esprits. Enfin, retrouva sa conscience d'elle, d'Oren, de la situation. Sa hargne était toujours là, solidement ancrée, mais le combat de plus tôt l'avait complètement épuisée. Son coeur était un rougeoiement acerbe qui n'avait pas la force de devenir brasier. Elle ne pouvait que se laisse être soignée, comme l'invalide brisée qu'elle était devenue. Son regard se porta sur la silhouette mordorée, toujours à distance. Il aurait pu avoir déjà périt sous ses crocs. Sa meute d'origine était probablement morte, d'ailleurs. Et si ç'avait été le maître guérisseur qui se fut retrouvé en si piteux état - ou même, si ç'avait été son fils -, elle l'aurait laissé pourrir là. Et voilà que Blade avait ordonné qu'on préserve son corps handicapé, qu'on la protège, et le guérisseur s'y adonnait de tout coeur.
- Oh pitié.. Gronda-t-elle difficilement entre ses crocs, par auto-dérision.

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- Pitié? Répéta le mâle.
Elle plaqua ses oreilles contre son crâne, s'attendant à la décharge de haine qui ne manquerait de suivre.
- Nul besoin de pitié. Il n'y a nulle honte à la défaite. C'est en tombant que l'on apprend à se relever. C'est vous, qui indirectement me l'avez appris.
De quoi parlait-il ? Pour autant qu'elle sache, elle n'avait rien fait pour lui. Peut-être lui donner le rang de maître guérisseur et lui donner le droit à la progéniture, mais elle ne lui avait rien appris. Ce n'était qu'un simple membre. Un soldat - il devait être un loup sans visage, il devait être sans histoire. Il avait perdu sa famille, très probablement sous ses ordres. Elle ne savait même plus. Les visages se confondaient, car ils devenaient tous les mêmes. Des pions au préalablement détruit.
Et il voilà qu'il allait presque jusqu'à la remercier ? La rage, la douleur, la défaite et l'incompréhension se mêlaient en elle.
- Vous avez su réunir tous ces être sous une même personne, réussit à vous attirer le respect de chacun d'entre eux.
Malgré qu'Oren fusse penché sur elle, la louve redressa le cou pour l'observer, les yeux écarquillés.
- Vous avez régné longtemps, menant tout le monde d'une poigne de fer, Je ne peux pas avoir pitié d'une personne ayant accompli autant de grandes choses.
C'était invraisemblable. Aberrant, plutôt. Voire monstrueux. Un mode de pensées qui lui était complètement étranger, qu'elle n'avait jamais pu comprendre, ni même envisager. Avant aujourd'hui. Comme si sa défaite, avant de la plonger dans une spirale de folie, lui permettait un bref moment compréhension. Elle pouvait momentanément suivre le point de vue d'Oren, et cette réalisation devenait l'une des choses épeurantes. Une prise de conscience.
- Tu devrais me détester. Vous devriez tous le faire- vous le faîtes déjà, gronda-t-elle.
Elle avait été sans coeur, mais pas complètement aveugle.
- J'ai décimé des meutes et des familles. Tué la tienne, probablement.
Elle avait craché avec force, mais un moment de silence s'interposa ensuite. Son regard tressaillit alors, et elle grommela quelques mots mal attachés.
- Rien d'accomplis; tout d'échoué. Défaite au désert et sur ma propre terre.

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Bien qu'il aurait dû la soigner, Oren eut le culot de planter son regard dans le sien, geste pouvant facilement passé pour de la défiance. Oh certes, Rapier connaissait assez le mâle pour savoir qu'il n'en était rien; mais un an plus tôt, nul ne se serait risqué à soutenir son regard de sang. Les yeux ainsi rivés dans les siens, le mordoré lui confirma la mort des siens, sous son ordre. Sa voix était quasiment neutre, comme si la douleur ressentie par la mort de ses proches ne voulait rien dire. Rapier ne partageait point l'étanchement de certains face au deuil, mais n'y était pas insensible : la tristesse chez autrui l'amusait, alors que chez elle-même, l'émotion la faisait rager. Le détachement d'Oren était donc surprenant, surtout qu'il ne provenait pas de la même source que le sérieux de Talon ou la légèreté de Gun, à l'époque où il était encore à la jungle.
- (...) On ne peut pas changer le passé...Et puis, si comme vous dites, tout le monde vous détestait, ce ne serait pas Blade qui vous aurait vaincu, mais bien le regroupement de votre meute. Ils ne l'ont pas fait. Je doute que ce qu'ils éprouvent envers vous soit de la haine. À la place, c'est la chair de votre chair qui reprends le flambeau.
- Comme quoi il aura finalement réussi à faire quelque chose..
Rapier grogna, dépitée. Si un regroupement ne s'était pas formé (enfin, il y avait bien eu celui de Scimitar et Ivy), c'était bien parce que la peur avait été plus forte que la haine. La peur d'échouer, la peur de punition, mais aussi la peur du futur. La majorité des loups d'Alteron n'osaient même pas quitter leurs terres, comme apeuré de se libérer de leur prison. Et, advenant qu'ils l'eut tuée, ses fils et la Brigade auraient eu tôt fait de tuer les rebelles. Non, si Alteron ne s'était pas rebiffé, c'était bien plus par poltronnerie que par affection à son égard.  
- Vous m'avez également permis de me refaire ma vie, d'avoir une descendance et de trouver ma voie. Pour moi ce n'est pas rien.
Oren était peut-être le seul assez allumé pour avoir un quelconque sentiment de redevance à sa personne. Cette conception, cette façon de penser, lui était totalement étrangère. Son sourire était autant incompréhensif qu'agacent.
- Tu dois être le seul heureux de la meute, alors.
Même son fils n'était pas assez heureux avec elle, qu'il avait dû la défier -- non, non, c'était elle qui l'avait défié, il était vrai. Mais elle n'avait eu qu'à brièvement lancer l'invitation pour que Blade saisisse l'opportunité. Peut-être aurait-elle dû attendre quelques jours, que son corps pourrisse encore plus, pour voir son aîné se révolter contre elle de son plein gré. Seul Shank n'avait jamais failli dans l'affection qu'il lui portait, mais la raison derrière cela était sûrement la même que pour ses capacités mentales plus ou moins développées. Tout autre la détestait, et ils avaient raison.

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Il ne répondit pas. Rapier attendit, que ses paroles aient touchées une corde sensible ou qu'il réitère ses propos moralistes, mais non, rien. Elle posa donc sa tête encore plus confortablement sur le sol, enfin, autant qu'elle le pouvait malgré son corps qui la tiraillait dans tous les sens. Gardant le silence, Oren s’affairait au-dessus d'elle. Éventuellement, lorsqu'il aurait finit de s’acharner sur elle, la Reine déchue pourrait s'endormir. Et à son réveil, elle partirait.