Petit détour, ni vu ni connu...

Mi-Automne An 6 ~ Le bassin thermal



Les retrouvailles de Salama avec Gunthaer l'avait... quelque peu chamboulée. Déjà rendue bien plus méfiante depuis sa mésaventure au camp, l'avertissement du violet avait fini de la refroidir quant aux possibles rencontres désagréables qui se profilaient à l'horizon si elle n'y prenait gare.

Elle avait sciemment choisi de repartir dans les plaines pour remonter vers le nord, et ce dans le but d'intercepter - avec un peu de chance - ses amis, s'ils avaient la bonne idée de vouloir lui rendre visite chez les hommes.
Salama réprima un frisson en imaginant Chrono débarquant sans réfléchir et proclamant vouloir la voir devant Blight...
Non... Mieux valait ne même pas y penser...
En attendant, les propos de Gunthaer l'avait fait hésité sur son plan de trajet... Soudain, repasser par les plaines, même à des lieues du camp, ne lui paraissait plus très sûr... Il faudrait pourtant bien... Mais histoire de gagner du temps, Salama s'était offert un petit détour vers le sud.
Sigma lui avait rapporté l'existence d'un lac d'eau chaude et ça, c'était quelque chose qui devait valoir la peine d'être vu !
Sigma avait également insisté sur les propriétés médicales formidables de cet eau, mais malgré son petit apprentissage en guérison, la louvarde ne se sentait pas particulièrement enthousiasmée par cette indication. Quoique...

Son intérêt se raviva lorsqu'elle songea qu'elle tenait peut-être là une possible solution aux problèmes de Chrono et Ciaran !
Si cette eau était vraiment aussi spéciale, il y avait une chance pour qu'elle apporte au moins un début de réponse !
Elle arriva sur place quelques heures plus tard, dorénavant motivée par une cause plus noble que de vouloir remettre sa traversée des plaines au plus tard possible... Et puis, elle se sentirait peut-être moins coupable de n'avoir rien glané chez les hommes, comme ça...

Il lui fallut escalader des pentes fortement érodées pour accéder à l'intérieur de ce qui semblait être un vieux cratère.
Un peu plus bas se découpait le fameux lac dont la beauté lui coupa le souffle. Cela valait définitivement le détour !

Pour mieux contempler le paysage, elle avait posé à ses pattes son crâne d'antilope. La sensation du vent qui lui balayait le visage lui parut si étrange qu'elle songea qu'elle aurait dû le porter moins souvent.
Mais difficile de voyager avec un crâne cornu dans la gueule pendant des heures...

Un cri perçant lui fit lever les yeux au ciel. De sa position, et malgré l'absence de lumière aveuglante, elle prit le rapace pour un vautour et fronça aussitôt le museau.
Ce n'était pas parce qu'elle trimballait un crâne qu'il fallait la prendre pour une charogne mouvante, nom de dieu !
Ses oreilles s'agitèrent en voyant l'oiseau commencer à la survoler en cercles.
Grommelant, elle remit son masque et entama la descente, toujours suivie par le vautour.
Lorsqu'elle atteint la surface plane du cratère, un cri la fit se redresser tête et oreilles brusquement.
- HEY ! TU....!
Un jeune loup, sans doute plus jeune qu'elle, freina brusquement, se retrouvant à quelques mètres d'elle. Il baissa si instantanément la tête en l'apercevant qu'elle douta qu'il ait bien vu la tête qu'elle avait... Ou alors il était sur le point de s'évanouir de frayeur...
- Hey, petit, tu te sens pas bien ? Demanda-t-elle, ennuyée à l'idée de provoquer la syncope d'un jeune... Même s'il s'agissait d'un jeune d'Alteron... Et puis il y avait toujours ce vautour qui leur tournait autour...
Elle fronça la truffe : elle aurait reconnu cette odeur pestilentielle n'importe où. Elle avait imprégné l'oasis pendant suffisamment longtemps après leur déroute pour qu'elle l'oublie...
Bah, on choisissait pas sa meute de naissance, après tout...

[Désolée pour l'embrouille avec le crâne, c'est devenu tellement évident pour moi... Et faut que je fasse un ava avec pour faciliter la vie de tout le monde... ]


A peine sa question posée que le vautour se posa entre elle et ce qui semblait être un gamin au bord de l'évanouissement.
Salama se hérissa aussitôt, redressant la tête pour ne paraître plus impressionnante.
Le rapace n'avait, finalement, rien d'un vautour (si ce n'était d'être un rapace, quoi...).
Sous son crâne, la jeune louve fronça les sourcils. Ce n'était pas la première fois qu'elle croisait un oiseau géant, pas en ayant passé autant de temps dans le désert avec Sigma. Mais elle avait toujours du mal à digérer que, compte tenu de ses origines, ces foutus charognards étaient aussi grands qu'elle au garrot (elle n'osait avouer que parfois, il étaient même plus hauts.)
Elle laissa échapper un début de grondement, prête à faire foutre le camp au plumeux s'il essayait de bouffer son jeune congénère.
Mais le volatile était visiblement plus bavard que menaçant et Salama s'en retrouva toute désenflée.
- C'est qu'on est pas habitués à voir un...une...enfin, quelque chose dans votre genre. Vous êtes quoi en fait ?
Elle fut surprise en comprenant que le vautour - qui n'en était pas vraiment un - était avec le mioche.
Le-dit gamin en profita pour lancer une pique, bien à l'abri derrière l'immensité plein de plumes :
- Vos cornes vous sert à vous reproduire , c'est ça ?
Un sourire narquois lui fit plisser les yeux et elle secoua la tête, sa boucle d'oreille venait cliqueter contre le crâne.
- Nope, elles me servent de garde-manger. Rétorqua-t-elle, sérieuse. J'y embroche mes repas pour manger en route.
Elle croisa ses pattes pour se déporter d'un pas vers le côté, de sorte à apercevoir un peu mieux le jeune Alteron.
- D'ailleurs, je pense que tu fais juste la bonne taille pour tenir sur les deux en même temps ! Finit-elle sur un rire sombre.

Le gamin sembla se recroqueviller, au grand amusement de Salama dont la queue se mit à battre lentement autour de ses jarrets.
Mais la plaisanterie n'amusa guère son accompagnateur à plumes, lequel doubla de volume, menant Salama à reculer d'un pas (par précaution).
- TU LE TOUCHE, C'EST MOI QUI T'EMBROCHE !
Le sifflement perçant de sa voix arracha une grimace à la métisse. Elle abattit vivement ses oreilles en arrière pour tenter, en vain, de protéger sa pauvre audition de cette agression.
- Tu viens de me défoncer une oreille...
Les mots du jeune semblèrent bien faibles tant les oreilles de Salama sifflaient. Elle les agita, comme pour vérifier qu'elles étaient toujours bien là, avant de porter un regard d'enfant boudeur sur le rapace.
- Eh bien ! Quelle verve ! Lâcha-t-elle platement. Ce n'étais pas la peine de s'énerver comme ça, c'était juste une blague, voyons...
Et pour prouver sa bonne foi, elle glissa une patte sous le masque pour le retirer, découvrant ainsi son long visage mince aux poils emmêlés.
- C'est mieux comme ça ? Fit-elle avec un sourire malin.

Son effet dramatique d'enlevage de masque n'eut pas vraiment le résultat espéré : où étaient les cris de stupéfaction et d'effarement ? Roh !
Le petit semblait même déçu, en effet :
- Je pense que je vous préférais avec.
Quant au rapace, eh bien...
- Non non non !
L'oiseau se mit alors à gargouiller étrangement en dodelinant de la tête comme s'il s'étouffait, avant de régurgiter une... boule... pleine de poils, de plumes, et d'autres matières innommables...
Salama regarda la chose atterrir par terre dans un silence de mort.
Elle était sûre d'avoir déjà vu Sigma mettre un truc qui ressemblait beaucoup à ça dans une quelconque potion.
Maintenant qu'elle savait d'où provenait cet "ingrédient secret", l'idée qu'une pauvre âme ait dû avaler un remède qui en contenait la dégoûta profondément.
- Eww... Finit-elle par commenter en fronçant le museau et en se détournant de l'excrément.
Mais j'aimerais bien vous voir face à...euh...ben...vous.
Le louvard intervint alors, visiblement agacé.
- Arrête de bégayer , tu vas nous faire honte...!
Salama haussa les sourcils.
- Y a pas d'mal à avoir peur... A moins que vous essayiez de m'impressionner... ? Commenta-t-elle, découvrant un grand sourire moqueur. Enfin, faites pas attention à moi, je suis juste venue jeter un coup d'oeil à l'eau.
Elle haussa les épaules avant de loucher vers le lac turquoise un peu plus loin.

-Pourquoi, y'a pas d'eau là d'où vous v'nez ?
Salama cligna des yeux en les braquant de nouveau sur l'oiseau. L'ironie de cette question l'amusa profondément et elle échappa un sourire sur un court éclat de rire.
Le louvard intervint alors, sermonnant une nouvelle fois sa camarade à plumes :
- Ne sois pas ridicule Kath' , il y'a de l'eau partout voyons !

Son sourire s'élargit et elle plissa les yeux pensivement : les Alterons avaient-ils donc eu trop honte de leur défaite dans le désert pour en parler aux nouveaux nés d'après guerre ?
- Détrompe-toi ! Je viens justement d'un endroit où il n'y a pas d'eau...
Elle s'arrêta en repensant à quelque chose et haussa les épaules pour elle-même.
- 'Fin... En tout cas, il n'y a pas si longtemps, il n'y en avait pas du tout à l'exception d'une seule petite mare, perdue au beau milieu de terres asséchées.
Elle se retourna vers le rapace pour préciser :
- Mais c'est pas pour ça que je suis venue voir cette eau. J'ai entendu des rumeurs... Prononça-t-elle en entretenant le mystère.

Le volatile réagit assez platement à sa réaction, se perdant dans ses pensées, tandis que son compagnon lupin se redressait avec assurance :
- Impossible. Les nuages emmène l'eau partout ! C'est mon père qui me l'a dit. Le jeune leva les yeux au ciel et Salama sourcilla.
Donc, il n'avait pas entendu parler du désert, et donc vraisemblablement pas de la guerre ?
- Et... ton père ne t'a pas expliqué ce qu'était le désert ? Fit-elle en regardant vers le ciel comme étonné.
Si les Alterons avaient trop honte de leur défaite pour en parler à leurs jeunes, elle, en revanche, n'allait pas se gêner pour en donner tous les détails si le louvard se montrait réceptif...

- " ledezer " , jamais attendu parler.
Y a pas qu'a lui qu'on a pas parlé... je sais même pas ce que c'est un désert. Vas-y, explique...siteuplait.
Un instant d'étonnement saisit Salama lorsqu'elle réalisa que le volatile était probablement bien jeune lui aussi. On ne l'aurait pas cru en voyant l'envergure gigantesque du rapace, mais la métisse savait qu'il fallait toujours se méfier des apparences... et pas seulement parce qu'elle était née au pays des mirages.
- Tu préfères les paroles d'une inconnue à celles de ton clan Kath ? Je te croyais plus futée.
Salama pencha la tête sur le côté.
- Dis-moi, petit, tu veux devenir quoi plus tard pour t'amuser à courir comme tu le faisais ici ?
Bah, s'il ne voulait pas la croire, elle allait bien trouver un moyen d'aiguiser sa curiosité suffisamment pour qu'il en fasse la découverte lui-même. Avec un compagnon ailé, ça ne devrait pas prendre trop de temps non plus, et ça lui éviterait des discours descriptifs ennuyants au possible...

- Déjà, tu devrais savoir que j'ai une cervelle de piaf. Et que ça rime rarement avec intelligence ! Ensuite...c'est pas que je crois pas ce qu'on nous a dit... puisqu'on ne nous as rien dit, justement. Vaut mieux des infos douteuses que rien du tout. Soit dit sans offense. Remarqua le volatile face au cynisme de son camarade lupin.
Salaman haussa les épaules.
- Y a pas d'mal. Avant de se retourner vers le louvard : - Dis-moi, petit, tu veux devenir quoi plus tard pour t'amuser à courir comme tu le faisais ici ?
Le jeune fit un pas en arrière, sur la défensive. La blonde pencha la tête, amusée de susciter tant de méfiance. Sa mine se renfrogna un instant, sous son masque, en se demandant si Gunthaer avait tiré un amusement semblable lorsqu'il s'était improvisé son chien de garde lors de l'occupation de l'oasis...
La réponse du petit Alteron la ramena à la situation présente :
- A quoi cela pourrait bien vous servir, bête à cornes ? Vous demandez ça à tous les jeunes que vous rencontrez ?
Elle le toisa sans répliquer pendant quelques instants.
Ils foutaient quoi avec leur mômes à Alteron ? Ils leur lavaient le cerveau ou quoi ?
A bien y réfléchir, cela n'aurait rien eu d'étonnant...
Salama roula des yeux.
- Nan, juste aux gamins qui n'ont l'air de ne croire que ce qu'ils voient ! Trancha-t-elle. Donc si c'est ton cas, tu peux remonter un peu au nord d'ici, derrière les montagnes rocheuses à l'horizon...
Elle jeta un coup d'oeil au rapace avant d'ajouter :
- A vol d'oiseau, doit pas y en avoir pour plus de quelques heures en volant vers le nord-ouest.
Elle s'ébroua puis s'étira nonchalamment, lorgnant vers les deux compères.
- 'fin j'dis ça, j'dis rien. Mais pour devenir éclaireur, messager ou j'sais pas quoi, c'est ptêtre bien de savoir où on met les pattes ! Finit-elle en entreprenant de descendre vers le bassin d'eau thermal.