Traine-pieds.

— Attention là haut ! lui lança Chrono et se faufilant dans l'étroit petit corridor en forme d'entonnoir. Il n'avait pas choisi une grotte à l'entrée béante en praticable, oh non. Il avait choisi une grotte dont l'entrée était en voûte et débouchait sur une gorge de pierre se connectant à d'autres couloirs, plus étroits les uns que les autres.

La décision leur avait été immédiate: habituée à s’avancer dans des tunnels - héritage leur venant de leur père - ils se sentaient plus en sécurité dans une fourmilière de roc que dans une grotte où ils pourraient faire de mauvaises rencontres. Chrono descendit les quelques corniches avant d'atteindre le seuil d'une salle dégagée. Il leva la tête, cherchant à voir où en était son amie.
— Pas trop de mal? il lui lança, son écho se réverbérant sur les murs du long entonnoir. Il ne put s'empêcha de lever un sourire en coin.

J'parie que t'aimerais perdre quelques centimètres en trop, hein~?

il cingla, étouffant un gloussement. Il écarquilla soudain ses yeux, ses oreilles se logeant dans sa nuque.
— Aaahh--!!...
Il retroussa ses babines sur le cou de la bernache qu'il tenait entre ses crocs.
— NAAAAAaaaannnnnn !!!!

- Attention là haut !
Salama s'arrêta net, face à une minuscule ouverture en forme de voute dans laquelle venait de disparaître son camarade.
- C'est une blague ! Lâcha-t-elle entre ses crocs, une marmotte (comme promis !) pendant par la queue de sa gueule. Elle secoua la tête, éberluée.
Comment diable était-elle censée passer par là !
Ce n'était pas tant l'étroitesse du semblant de tunnel qui l'inquiétait (elle était bien assez mince pour que ce genre de détails soient sans importance) mais la hauteur du plafond... !
Évidemment, les deux louvards à moitié arctique n'avaient eu aucun de mal à s'y faufiler...
Bon, pas le choix...
Elle poussa un soupir avant de se ratatiner autant que possible sur elle-même pour accéder à la "grotte". Il devint cependant bien vite évident que sa seule chance de continuer était carrément de se mettre à ramper... Cela ne se jouait pas à grand chose, mais si elle avait continué debout, elle se serait arrachée la peau du dos...

- Pas trop de mal?
- Tout se passe merveilleusement bien ! Répondit-elle, suintante d'ironie.
- J'parie que t'aimerais perdre quelques centimètres en trop, hein~?

Salama grogna doucement.
- T'es juste jaloux ! ~ Répliqua-t-elle sur un gloussement.
Aaahh--!!...  NAAAAAaaaannnnnn !!!!
Alarmée, la louvarde tenta d'avancer plus vite malgré sa position.
- Quoi ? Qu'est-ce-qu'il y a ?!
Elle déboucha enfin sur une salle au plafond d'une hauteur raisonnable, et elle en profita pour se redresser et rejoindre Chrono d'un bond.

En entendant son cri, Salama redoubla d'ardeur et s'empressa de le rejoindre.
— Quoi ? Qu'est-ce-qu'il y a ?! Chrono tourna sa tête vers elle, les yeux larmoyants.
— Je... Je viens de complimenter ma taille !... il lâcha, sa voix se brisant.

Chrono se tourna vers elle, visiblement horrifié, les larmes aux yeux. Salama s'attendait au pire alors que son coeur battait plus vite...
- Je... Je viens de complimenter ma taille !...
La louvarde ne comprit pas de suite, fixant d'abord son ami d'un regard plein d'incompréhension.
Quand, enfin, elle eut recollé les morceaux, son oreille bouclé tiqua, faisant tinter les petites parcelles rigides.
- I-DIOT ! Clama-t-elle en lui envoyant une patte dans la tronche (pour une fois que c'était elle qui distribuait des taloches...).
Elle continua ensuite de marmonner pour elle-même, levant les yeux au ciel.
Se désintéressant totalement du petit louvard geignard, elle inspecta la salle dans laquelle ils se trouvaient avec curiosité. Un grondement attira son attention. Elle pointa les oreilles dans la sombre direction d'où cela venait.
De tous les lieux, ils avaient choisi une grotte étroite et sombre. À croire qu'ils avaient tout prévu pour l'accueillir en la punissant de son insouciance des dernières saisons...

Salama le dévisagea quelques secondes avant d'avoir un déclic. Ses oreilles s'étaient redressées - il le savait au cliquètement distinctif de son drôle de grigris - et ses traits s'étaient raidis.
— I-DIOT ! lui lança-t-elle en le giflant d'une patte, arrachant un glapissement chez le plus petit, qui lui fit échapper sa proie en gueule. Après avoir levé les yeux au ciel, Salama le dépassa et entreprit de tracer elle-même le chemin.

Chrono secoua sa tête, une patte - celle marquée sur la joue, les oreilles dans le cran.
Elles se redressèrent bien vite à l'entente d'un grondement. Il se retourna, voulant rejoindre Salama, avant de faire demi-tour, se pencher et ramasser sa proie. Arrivé à côté de la louve aux sens affûtés, il tourna sa tête, zieutant les extrémités de la grande salle.
— Ah !
Ses oreilles s'abaissèrent et sa queue se leva sur sa croupe.
— Après tout le mal que j'me suis donné-- tu ne devrais pas être levée, il dit au vide en fronçant les sourcils. Il s'avança d'une foulée vers les ombres, dodelinant sa tête en reproche.
— Ran, c'est bon, c'est moi. Il cessa son mouvement et esquissa un sourire. Regarde, j'ai trouvé Sal.

-  Ah !  Après tout le mal que j'me suis donné-- tu ne devrais pas être levée.
Salama tourna la tête vers Chrono qui était revenu à sa hauteur. Elle en concluait que Ciaran était quelque part dans la pénombre, mais c'était tout de même bizarre de voir le louvard crème sembler discuter avec les ombres.
Il faisait décidément trop noir dans ce coin. Les lèvres de la métisse se pincèrent.
Chrono avança un peu plus dans la direction supposée du grognement qu'elle avait entendu.
Alors qu'il lui tournait le dos, un sourire espiègle s'afficha sur son visage. Elle lâcha prestement sa marmotte et se tourna sur elle-même...
- Ran, c'est bon, c'est moi.
- C'est normal que je me lève, ça fait un moment que je t'attends !
Salama continuait de vaquer à son affaire du moment...
- Regarde, j'ai trouvé Sal.
- Sal ?
Ciaran sortir de sa cachette, juste à temps pour voir Salama se tourner de nouveau dans sa direction, cette fois affublée de son crâne.
- En chair et en os ! Répondit-elle, avant de s'effondrer de rire à sa propre vanne.
En général, la nervosité pétrifie les gens. Dans le cas de Salama, eh bien... Ca ne changeait pas grand chose, en fait...

• - En chair et en os !
  T'as mauvaise mine!
  
  Gouailla Ciaran, levant un sourire alors qu'elle sortit de l'ombre. Mais que diable faisait-elle avec un crâne sur sa tête? Si cela avait été plus avantageux, la nature leur en aurait probablement donné deux dès le départ!

— Sal ? À celle-ci de lui faire face, parée à nouveau de son crâne.
— En chair et en os ! Chrono croisa son regard vide et sentit un haut le coeur.
— BAAAAHHHH !!! Il beugla, lâchant le cou de la bernache qui rencontra le sol. Chrono détala vers l'avant en se jetant derrière Ciaran, la fourrure gonflée et hérissée de partout.
— T'as mauvaise mine! se contenta de dire Ciaran, comme si l'apparence de son amie ne lui avait pas fait battre un cil.

En revanche, lui n'était pas encore tout à fait habitué à son casque. Et encore moins dans l'obscurité, où la seule lumière était en contre-plongée et creusait chaque arrête, lui renvoyant tout là l'allure d'un vivant mort. Il fut saisi d'un court tremblement en repensant à un autre vivant mort, mais s'empressa de chasser l'idée d'une secousse de la tête.
— Gnn, il fit tout bas, collant son front contre le flanc de sa soeur, cherchant à chasser sa frayeur.

Chrono poussa un hurlement en constatant qu'elle avait de nouveau revêtu son masque. Il partit même se réfugier derrière sa soeur. Salama roula des yeux.
- T'as mauvaise mine! Répliqua la petite femelle du tac au tac.
Salama poussa un soupir dramatique.
- Awwh ! Tu me brises le coeur ! C'est tout l'effet que je te fais après tout ce temps ? Elle secoua sa tête, faisant cliqueter sa boucle d'oreille contre une arrête du crâne.
Le gémissement de Chrono qui s'appuya contre Ciaran attira son attention.
- Oooh ! Grow up, Chro ! Râla-t-elle. Elle se figea aussitôt, dressant subitement les oreilles. Puis un ricanement étouffé lui échappa en réponse à l’ambiguïté de sa remontrance.
- Désolée... C'était pas intentionnel... S'empressa-t-elle d'ajouter, les épaules secouées par ses gloussements.

— Awwh, fit Salama, dépitée. Tu me brises le coeur ! C'est tout l'effet que je te fais après tout ce temps ?
Ciaran rétorqua:
— T'as tout de même quelque chose de mort sur le visage! Et pas n'importe quoi, se permit de maugréer Chrono, comme pour lui-même. Il cacha son visage derrière l'avant bras de sa soeur.
— Oooh ! fit Salama en levant les yeux au ciel. Grow up, Chro ! À Chrono de se raidir. Il n'avait pas bien compris, mais au ricanement étouffé de Sal, il était capable d'aligner les morceaux. Assez pour froncer les sourcils, se détacher de sa soeur et darder son amie des yeux.

Mais au lieu d'ouvrir la bouche et de la fusiller d'injures, il se ratatina sur lui-même lorsque ses yeux croisèrent de nouveau le casque d'os faiblement illuminé.
— Désolée... C'était pas intentionnel...
Ciaran s'avança d'un pas, mettant de côté leurs badineries habituelles pour relever un point lui semblant important.

— Hé! Tu ne devrais pas être plus grande que ça , toi Sal ? l’interrogea Ciaran en esquissant un sourire en se comparant.
— Et tu n'es pas à ton entrainement?
— ... ...
Il se décala d'un autre pas de Ciaran, retourna auprès de Salama pour pencher sa tête et rattraper sa - petite - bernache, et la traîner au milieu d'un cercle improvisé. Il la laissa là et alla s'asseoir à l'extrémité.
— Assied toi, Ran.
Elle lui - leur - avait promis une discussion derrière une marmotte ( ou une bernache, ou deux musaraignes ), après tout.

Chrono se redressa avec humeur en comprenant le sous-entendu découvert sur le tard de Salama. Mais bizarrement, au lieu de la noyer d'injures, il détourna les yeux, visiblement mal à l'aise.
- Hé! Tu ne devrais pas être plus grande que ça , toi Sal ? Et tu n'es pas à ton entrainement ?
Le sourire s'effaça du visage de Salama et son expression se fit plus pensive : elle revenait finalement sur terre, à ses préoccupations de plus tôt...
Chrono prit le relai, revenant chercher son volatile avant d'aller s'assoir plus loin.
Tout aussi silencieuse, Salama se saisit de sa marmotte et s'installa dans le cercle, regardant ailleurs le temps que Ciaran les rejoigne.
- Assied toi, Ran.
L'atmosphère avait bien changé. La louvarde sentait soudain la pression lui retombait dessus et ce poids recouvré lui fit ployer la nuque.
- Comme j'ai dit à Chro... tout à l'heure : c'est une longue histoire, alors installez-vous confortablement. Soupira-t-elle en poussant sa proie au centre de leur cercle improvisé.

— Qu'est ce qui se passe?
Chrono se coucha sur le ventre et étira sa patte afin de racler l'une des musaraignes de ses griffes. Il tourna ensuite la tête vers Salama et lui lança le menton, les oreilles dressées, attentives.

Salama se débarrassa de son crâne et Ciaran les rejoignit, une nouvelle inquiétude visible dans son expression.
- Qu'est ce qui se passe?
Salama se racla la gorge lorsque Chrono se coucha sur le flanc et lui fit signe de commencer.
- Je vais essayer de faire au plus court, quand même... Prévint-elle avant de se lancer pour de bon.
Elle tourna les yeux vers Ciaran plus spécifiquement car ce qui allait suivre était désormais déjà connu de Chrono.
- Comme je l'ai expliqué rapidement à Chrono en chassant tout à l'heure, il ne s'est pas passé grand chose d'intéressant quand je suis arrivée chez les bipèdes. Si ce n'est que ma taille anormale, comme tu l'as fait remarquer, m'a posé quelques problèmes pour trouver un humain... Elle jeta un coup de biais au louvard. Elle n'avait vraiment plus l'intention de le taquiner aussi ouvertement sur sa taille...
- Après quelques semaines, par contre, je suis (littéralement) tombée sur un chien qui connaissait ma mère... Ainsi que son "petit" secret... Il m'a révélé l'identité véritable de mon père : un chien, Blight. Elle secoua la tête, omettant volontairement les détails exacts de cette situation, sans importance pour l'heure. Et quelques jours plus tard, je me suis retrouvée face à face avec lui. Je ne sais comment, mais il était au courant de mon existence et a voulu faire plus ample connaissance. On a très vite développé le genre de relation que je n'aurais jamais pu espérer avoir avec Warbound... Jusque là tout va bien...
Elle prit une profonde inspiration en se rappelant qu'elle allait également devoir révéler ses petits travers au camp, et elle grimaça.
- Bref, je me suis laissée embarquer dans une multitude de petits tours et farces pas toujours jolis jolis... Et après quelques temps, Blight m'a donné rendez-vous au crépuscule...
Elle prit soin d'expliquer sa confusion et son outrage face à ce qu'il lui demandait, ainsi que l'ambiance glauque qui régnait dans cette assemblée canine.
- C'est comme ça que j'ai récolté ce trou à l'oreille. Précisa-t-elle en agitant la dite oreille, bien qu'elle ne fut pas certaine que la perforation soit visible dans la pénombre ambiante.
Elle passa ensuite rapidement sur sa fuite et son malaise dans le désert.
- Je me suis réveillée dans la tanière de deux louves : Sigma et Ester. Sigma est une guérisseuse aux méthodes un peu... excentriques. C'est elle qui m'a offert ce crâne. Ou plutôt, c'est elle qui l'a conservé pour moi parce qu'il s'agissait de mon premier gros gibier. C'était son cadeau d'adieu quand j'ai décidé de repartir.
Elle eut un sourire à cette pensée, puis braqua son regard sur Chrono et Ciaran l'un après l'autre.
- D'ailleurs, je pense que vous devriez aller la voir... J'ai préféré ne pas trop parler de votre... problème... Mais elle pourra peut-être aider...
Elle soupira, se passa une patte sur le visage et termina son long monologue :
- Enfin... Je les ai quittées il y a seulement quelques semaines. Et j'ai croisé Gunthaer, le loup violet d'Alteron, qui s'est révélé être un autre pion de la communauté de fous de mon "père". Il m'a laissé passer sans encombres mais depuis je me méfie de tout... Si lui fait parti de cette bande de timbrés, il y en a peut-être d'autres disséminés aux quatre vents... Ce qui m'amène à la raison de ma venue et à... ce qui s'est passé tout à l'heure... Je voulais vous prévenir de ne pas vous approcher du camp... Il suffirait qu'on découvre que vous avez un lien avec moi pour que cela tombe dans la mauvaise oreille et vous crée des problèmes... J'en ai déjà causé à Chrono puisque deux crétins de chiens ont réussi à me retrouver...
Elle se détendit et se permit enfin de grignoter la deuxième musaraigne de Ciaran : elle n'avait plus très faim après tout ça...
- Voilà, vous savez (à peu près) tout.

Au fil de son récit, il avait l'impression de comprendre un peu plus la situation, de pouvoir la toucher, de pouvoir la ressentir. Et ce qu'il ressentait de celle-ci n'était rien d'apaisant: il se sentait lâcher prise, comme si tout ce à quoi il s'accrochait n'était qu'une infime partie de l'univers, un simple fil de soie parmi tant d'autres tissant une toile d'araignée aux proportions inimaginables.

Le père de Salama était un chien. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait considéré sérieusement au début, avant de se rappeler de mot qu'il avait échappé - et qui lui avaient tenus à coeur - dans son enfance. Mutante. Il l'avait traitée de mutante sans même prendre le temps de la connaître. Bien entendu, ils avaient grandis, ils s'étaient détachés de ça. Enfant, il avait bien du raconter n'importe quoi, mais... Est-ce que ses mots avaient eus un poids plus important qu'il ne l'avait cru ?

Le père de Salama lui avait fait ce trou à l'oreille. Il ne put s'empêcher de s'imaginer la scène: en plantant les crocs dans le corps du rongeur entre ses pattes, il sentit dautres crocs se planter dans son oreille, le mettre à terre, et lui percer le cuir de la peau. Il eut un frisson. Les chiens de plus tôt avaient cherché à maîtriser Salama plutôt que de la blesser. Est-ce que ça signifiait qu'ils l'auraient tué?

Mourir?
Si jeunes?...

Non...?

La communauté de son père avait des loups? Mais quelle communauté? Et surtout, dans que but? Et--
— Je voulais vous prévenir de ne pas vous approcher du camp...
... Heiin?
Non, ils voulaient aller au camp pour se ressourcer. Ils en avaient besoin. Et si se cachait au camp un herboriste aux grands talents? Ils ne pouvaient pas laisser cette chance !
— Il suffirait qu'on découvre que vous avez un lien avec moi pour que cela tombe dans la mauvaise oreille et vous crée des problèmes... J'en ai déjà causé à Chrono puisque deux crétins de chiens ont réussi à me retrouver...
— ...
— Voilà, vous savez (à peu près) tout.
— Eh bah...
Chrono se fondit dans un long mutisme, ses oreilles s'abaissant, l'éclat dans ses yeux se dissipant au profit d'un air absent, ailleurs, dans ses pensées.

Le silence accueillit la fin de son récit.
- Eh bah... Lâcha Ciaran, semblant troublée.
Le regard de Salama voyagea ensuite vers Chrono qui restait muet, les oreilles basses et le regard perdu dans le vague.
Elle finit par baisser les yeux sur son rongeur à demi mangé. Le pire c'est que sa seule existence les privait d'une chance de trouver une solution à leur problème chez les chiens ou les humains... Solution qu'elle aurait peut-être pu trouver d'elle-même si seulement elle ne s'était pas autant laissée distraire par les évènements de son (court) entraînement...
Son ventre se crispa et la louvarde ressentit de nouveau la faim. Elle goba ce qui restait de la petite bête mais garda obstinément son regard loin de ses amis.
L'accumulation de ses échecs et erreurs commençaient à lui peser plus qu'elle ne l'aurait pensé... Mais elle voyait mal comment se racheter, à moins de retourner au camp, à ses risques et périls, pour sérieusement chercher un remède à leurs maux...

Dix minutes s'écoulèrent en silence. La pression de l'air bourdonnait dans le creux de ses oreilles. Il entendait le vent s'infiltrer par la seule entrée, racler et balayer les grains de poussière de sa brise. Il lui semblait que la situation précédente -

Ciaran tombant malade, revoir Salama, se battre contre des chiens, revoir le loup violet, chasser, revenir à la grotte et entendre les explications - le pesait tellement qu'il se sentait avoir perdu quelques centimètres, tant l'impression de soulever quelque chose de lourd l'écrasait.  Un tintement lui vint aux oreilles, se manifestant par le déplacement de l'air dans des voies étroites de "leurs" tunnels.

— Et maintenant, Ciaran rompit le silence, qu'est-ce que tu vas faire ? Chrono sentit un mouvement à ses côtés. Il s'agissait de sa soeur qui avait levé la tête, sans doute pour regarder leur amie dans les yeux. Il tourna les pupilles vers elle, morne, entrapercevant son ombre se pencher vers sa bernache afin d'en prendre une bouchée.
— Rentrer à l'oasis?
— ... ...
À quoi bon. Elle venait de dire qu'elle avait rencontrée deux louves, Sigma et Esther, et que leur excentricité l'avait charmée. C'était d'ailleurs pour ça qu'elle arborait si fièrement son crâne. Salama était une chasseuse accomplie, qu'est-ce qui la retiendrait à l'oasis, maintenant? Elle était à demi-chienne, est-ce que ça voulait signifier qu'elle n'était plus des leurs ? Et eux, qu'allaient-ils faire. Les paupières de Chrono eurent un sursaut. Il dressa lentement ses oreilles sur sa tête. Rentrer à l'Oasis. Ça pourrait être une idée. Il tourna sa tête vers sa soeur, cherchant à se remettre de tout.. ça.
— ...  .... .... Pourquoi ... pas ?
Son dos se redressait au fil de ses mots. Notre ... seul obstacle, en ce moment, c'est le danger des chiens, c'est ça ? Il pencha sa tête, perdant son assurance. On peut pas vraiment changer ça, je pense. Mais, ... mais c'est pas grave. Il secoua sa tête, levant sa patte, replaçant ses franges qui avaient vus des meilleurs jours.
— Parce-que... parce-que même si on peut pas changer ça, au moins, maintenant, on sait.
Un éclat luit dans ses yeux. Tout n'était pas perdu.
— ... Et... e-et savoir, signifie qu'on peut se préparer.

De longues minutes passèrent en silence, chacun d'entre eux perdu dans ses pensées, cherchant sans doute une solution.
Ciaran fut la première à briser le silence :
- Et maintenant, qu'est-ce que tu va faire ? Rentrer à l'oasis?
Salama rencontra le regard soucieux de son amie et grimaça.
Elle n'avait pas évoqué ce point dans son récit, mais, comme elle l'avait expliqué à Sigma, elle ne comptait pas retourner à l'oasis. Pas en tant que membre, en tout cas. Il n'y avait plus rien pour elle là-bas, désormais.
- ... .... .... Pourquoi ... pas ? Intervint Chrono, hésitant pour exprimer ses pensées, certainement.
Salama tourna vivement la tête vers lui, abaissant les oreilles. Qu'ils lui en laissent le temps et elle se ferait un plaisir de citer un à un les éléments de son non-intention de retourner dans cet îlot de misère. A ne pas se méprendre cependant : elle aimait profondément le désert. Elle y était née, sa mère y avait vécu et y avait rendu son dernier soupir. Elle avait adoré vivre en plein désert avec Sigma et Ester, quand bien même la vie était rude.
- Notre ... seul obstacle, en ce moment, c'est le danger des chiens, c'est ça ? On peut pas vraiment changer ça, je pense. Mais, ... mais c'est pas grave. ... Et... e-et savoir, signifie qu'on peut se préparer. Continua-t-il, la tête tournée vers sa soeur.
La louvarde mordorée le fixa avec confusion : où voulait-il en venir ? Elle comprenait qu'il n'avait pas l'intention d'abandonner à cause de quelques chiens fous, mais il cherchait à proposer une alternative ou quelque chose, et elle ne savait pas quoi.
- Arrête de tourner autour de pot, Chro. Qu'est-ce-que tu veux dire ? Fit-elle, sa queue s'agitant.