De rock et d'os.

Automne An 5 ~ Le canyon rouge ~



C'était un fort étrange sentiment que de se retrouver de nouveau seule au milieu du désert. La dernière fois que cela lui était arrivé, le résultat n'avait pas été gratifiant le moins du monde... Et l'avait d'ailleurs amenée à bien vite retrouver la compagnie de ses congénères.
Salama se demanda encore une fois ce qui serait advenu si Sigma ne l'avait pas ramassée alors...
Avec un peu de chance quelqu'un d'autre aurait fini par la découvrir gisant inconsciente, mais compte tenu de l'étendue du désert, c'était déjà miraculeux que la chamane l'ait trouvée.

La louvarde releva la tête vers le soleil cuisant, trouvant un tout nouvel attrait au cadeau d'adieu de son "mentor" de quelques mois...
Elle comprenait mieux pourquoi la petite louve brune ne sortait jamais sans le crâne de son maître ! Ces trucs-là étaient décidément formidable pour garder la tête au frais en plein cagnard !
Salama trébucha sur une petite discontinuité dans le sol.
Par contre, le casque d'os, c'était pas terrible pour naviguer correctement...
Elle essaya de nouveau d'orienter son "masque" dans l'espace pour apercevoir ses orteils, mais rien n'y faisait.
Elle haussa les épaules : si Sigma parvenait à se mouvoir avec sans gêne, sans doute n'était-ce plus qu'une question d'habitude...

Cependant, autant sa vision se voyait quelque peu handicapée par le crâne de gazelle, autant son flair n'avait rien perdu de sa superbe. Au contraire, il était plus développé que jamais, grâce à ses pointilleux entrainements de chasse (dont les résultats lui servaient de "loyer" envers la guérisseuse farfelue et son apprentie aveugle).
Son odorat ne pouvait donc la tromper, et si cette odeur en particulier ne lui évoquait encore rien, la présence d'un individu dont elle ne connaissait pas encore les motivations la poussa à se glisser derrière des rochers pour passer inaperçue.

Affronter le canyon lui semblait bien plus aisé maintenant qu'il s'était départi de toute sa fourrure d'hiver. Il se sentait à l'aise, même sous le soleil et les pierres brûlantes. Il s'était nourri et s'était soulagé quelques temps avant, afin d'éviter à l'Histoire de se répéter. Son dernier voyage ici remontait à plusieurs saisons. Il se rappelait vaguement des détails.

l'Agneau à la fourrure fantôme, une louve de sable, le sang dans la nuque de l'agneau, ... Ça lui revenait. C'était lui qui avait blessé l'Agneau. Oui, parce-qu'il avait revu ce même Agneau pendant l'Occupation, et s'était confronté au loup qui l'avait soignée. Le loup aux marques blanches et aux yeux de feu. Et qu'il n'était pas mort - évidemment. L'occupation lui rappela quelques visages, quelques prisonniers qu'il avait côtoyés,...

Et Calamité.

Il se raidit à cette pensée, et préféra centrer ses préoccupations ailleurs. Il ne cherchait pas vraiment à se dissimuler - ses pas n'étaient pas inaudibles, sa démarche était sautillante et ses yeux bien ouverts - car il savait de toute façon qu'il saurait se défendre si jamais il était attaqué. Il n'avait pas l'impression qu'il devait avoir peur. Se balader sur ces terres, pour lui, était l'équivalent d'une simple promenade. Il se mit d'ailleurs à chantonner, appréciant le dénivelé sous ses pattes, appréciant sautiller sur les pierres qui se chevauchaient pour former la corniche.

Camouflée par une rangée de roches, Salama continua à avancer, essayant de ne pas faire trop de bruit alors que l'odeur s'intensifiait, confirmant l'approche d'un étranger.
Soudain, l'espèce de mur derrière lequel avançait la louvarde s'abaissa jusqu'à disparaître dans le sol, la laissant complètement à découvert si elle continuait sa route.
Elle regarda de tous les côtés pour chercher un autre moyen de croiser l'individu sans risque. Ne trouvant rien de bien utile, elle envisagea d'attendre, tout simplement. Mais cela ne lui convenait pas. Pourquoi devrait-elle se soumettre à la présence oppressante d'un étranger potentiellement dangereux et psychotique ?
...
Avec un soupir excédé, elle leva les yeux au ciel... Ou au plafond de son crâne, dans son cas.
Une idée lui vint alors : elle s'était admirée, parée de son masque d'os, dans les eaux de la rivière avant de prendre la route. Et il était bien évident que n'importe quel animal sain d'esprit crierait comme une petite fille en l'apercevant.
Bouffie de cette vague de confiance prodiguée par son crâne, elle se redressa bien droite, les cornes de son couvre-chef dépassant désormais par-dessus le mur.

Du coup de l'oeil, un mouvement l'intéressa et il tourna son attention vers ce-dernier. L'image floue de ce qui semblait être les ramures d'un ongulé devint nette. Il ne s'agissait pas de ramures, mais bien de cornes. D'instinct, ses oreilles s'abaissèrent, mais il parvint à freiner son mouvement de recul en préférant prendre l'initiative. Il entama sa foulée.

Décrivant une volte afin de contourner le mur et de voir de ses yeux vus ce qui se cachait derrière. Il n'avait pas la posture d'un animal en chasse, mais d'un animal curieux. Quelle drôle d'herbivore à cornes pouvait bien vivre dans le Canyon?

Un herbivore à cornes qui avait la particularité d'être ni herbivore, ni à cornes, bien sûr !
Salama se figea en remarquant le mouvement olfactif : l'individu prenait une trajectoire qui l'amènerait directement à elle !
La louvarde se mit à paniquer, son précédent sursaut de confiance dégringolant aux oubliettes. Qu'allait-elle faire s'il s'agissait d'un psychopathe cannibale ?! Elle en avait assez soupé des fous dangereux comme ça ! Son expérience avec Blight lui avait au moins enseigné la prudence... Pensait-elle... Puisqu'après tout, c'était bien de sa faute si ses belles cornes ivoire s'agitaient joyeusement à la vue de tous derrière le muret naturel.
Prenant enfin une décision, elle s'enfonça dans l'ombre de la haute paroi rocheuse qui faisait face au muret et se racla la gorge. Comment Chess faisait-il déjà... ?
- Qui va là ?! Gronda-t-elle, tentant d'imiter feu son parrain en grimant sa voix pour faire croire à une grosse bête.

— Qui va là ?! grogna soudain une voix, l'interrompant dans sa cadence. Il changea d'antérieur par réflexe et s'arrêta de bouger, analysant la situation. Non, il ne lui était pas nécessaire de paniquer. Mais peut-être la bête s'avérait-elle plus timide qu'elle voulait le faire croire...
— Tiens donc! Elle parle, lança Gunthaer en manifestant son amusement d'un petit gloussement. Il fit mine de s'approcher d'un pas des ombres où s'était cachée la bête.

Un court silence accompagné d'une hésitation dans le pas lui fit battre le coeur d'espoir.
- Tiens donc! Elle parle.
Son espoir fut de courte durée. Qui plus est, le son de la voix l'électrisa et elle se tendit alors qu'un souvenir venait gratter la barrière de son esprit pour se frayer un chemin jusqu'à la surface.
Perplexe, Salama ne répondit rien tout de suite. Sigma avait été claire quant au sérieux qu'elle accordait aux "instincts" de la louvarde dorée, et Salama ne pouvait donc pas l'ignorer. Mais désormais elle était bloquée. Sa seule chance était de parvenir à faire fuir l'énergumène qui avait déclenché son radar.
- Va-t-en ! Va-t-en ou viens goûter de mes crocs et mes griffes ! Tenta-t-elle de nouveau, insufflant autant de férocité dans sa voix et ses propos qu'elle le pouvait.
Sa gorge commençait à s'irriter de ce petit manège...

Il eut un court silence, qui suscita un nouveau rire sous cape de la part du loup pourpre.
— Va-t-en ! Explosa soudain la voix mystérieuse dans les ombres. Va-t-en ou viens goûter de mes crocs et mes griffes ! Gunthaer recula la tête, croisant ses pattes avant, au repos. Il pencha la tête sur le côté, légèrement perplexe.
— Et moi qui croyait que vous viendriez m'écorner ! Vous dites en plus avoir des crocs et des griffes ?
Sa tête s'abaissa légèrement.
— _{Ha ha ha ha ha...} Mais quelle coïncidence ~... Il fixait un point, dans les ombres. Si la moindre créature en sortait, il serait préparé à l’attraper.

- Et moi qui croyait que vous viendriez m'écorner ! Vous dites en plus avoir des crocs et des griffes ?
Il n'abandonnerait donc jamais ?!
Le rythme cardiaque de Salama continuait de battre comme si elle courait à s'en briser les pattes.
Elle plissa les yeux d'agacement.
- Ha ha ha ha ha... Mais quelle coïncidence ~...
Un soupir tremblotant lui échappa. Elle n'aurait décidément pas d'autre choix que de se révéler et d'espérer être d'allure assez effrayante pour qu'il déguerpisse sans y réfléchir plus...
Pour faire bonne mesure, elle racla les cornes de son masque contre la roche, provoquant un son assez lugubre, qu'elle accompagna d'un coup de crâne qui fit dégringoler quelques cailloux (et lui fit un peu mal à la tête, mine de rien).
Puis, inspirant profondément, elle sortit de l'ombre en un bond, et s'élança vers l'intrus d'un autre, poussant un cri qui avait perdu la tonalité caverneuse utilisée jusque là.
- HYYYYAAAAH !!!

Toute cette situation était loin de lui déplaire. Il préférait de loin cette visite au canyon que la précédente. Il attendait, se trémoussant légèrement les épaules en se préparant à faucher la bête qui s'approchait, sentant l'adrénaline le gagner en entendant ce qui semblait être le son de ses cornes se racler contre la pierre du muret.  Un nouveau choc fit dégringoler quelques cailloux qui cliquetèrent au sol, comme un dernier avertissement. Mais Gunthaer n'avait pas bougé.

Enfin, un éclair blond jaillit des ombres, ce qui affina le sourire du mâle qui sembla se cabrer légèrement dans un signe de jeu.
— HYYYYAAAAH !!!
Hurla la mystérieuse bête. Gunthaer eut un déclic: au lieu de la percuter de face, il se décala en pivotant et d'un léger bond, dévisageant la bête (mi louve-mi ... squelette.) qui venait de se dévoiler au grand jour. Il étira sa patte dans l'espoir de la faire trébucher dessus.

Un nouveau choc transperça Salama lorsque la fourrure violacée s'inscrivit sur ses rétines, alimentant les souvenirs qui finirent par fracasser la barrière de sa conscience. Elle se tendit dans son élan et alors que l'autre pivotait pour l'éviter, elle ne put esquiver la patte qu'il tendit pour la trébucher.
Salama valsa sur le sol poussiéreux, glissant sur le flan quelques mètres plus loin. Sa tête cogna le sol et elle sentit le crâne se défaire de son front et rebondir à côté d'elle.
Vivement, elle se remit sur quatre pattes, faisant désormais face au loup violet, à nu. Ses mèches emmêlées lui obstruèrent un instant le visage et elle les dégagea correctement d'un souffle.
Ses yeux jaunes étaient circonspects lorsqu'elle rencontra le regard glacé qui avait hanté ses nuits jusqu'à plusieurs mois après leur rencontre.
Ses souvenirs semblaient flous : le temps était passé par là et elle n'était qu'une gamine de quelques mois lorsque l'invasion de l'oasis avait eu lieu. Mais l'évènement avait été assez marquant pour qu'elle se souvienne de ce qui importait... C'était bien sa veine que de tomber précisément sur un psychopathe alors qu'elle venait à peine de commencer son voyage...
Sa boucle d'oreille cliqueta doucement lorsqu'elle coucha les oreilles en arrière.

La précision de son geste vint à faucher l'équilibre de l'autre, qui glissa sur le sol et continua son tracé sur quelques mètres. Gun déposa sa patte repliée, fronçant les sourcils, sans perdre des yeux la créature à qui on lui ravit la tête: ses cornes - ou plutôt, le crâne qu'elle arborait rebondit à ses côtés. Elle ne demeura pas sonnée longtemps: elle se précipita sur ses quatre pattes, lui faisant face, ses yeux obstrués par ses longues mèches.

Gun vit l'image d'un jeune louveteau se superposer à la sienne. Un jeune louveteau qui avait lui aussi des mèches très longues, et qu'il lui fallait souffler dessus afin de dégager son visage. Il se rappelait des mots qu'ils avaient échangés. Ses yeux perçurent un nouveau mouvement et il s'empressa de concentrer son attention dessus.

À l'une de ses oreilles, un curieux grisgris y semblait attaché. La vision d'un tel objet ne le fait pas sourciller: il avait l'habitude de voir les chiens ou les hommes en porter. Son regard se posa de nouveau sur son visage, et l'ombre d'un sourire passa sur le sien.

— J'en déduis que le voyage s'est mal passé ? en insinuant l'absence de tatouage sur ses joues.

Salama lut bientôt la reconnaissance dans les yeux de son ancien geôlier, bien qu'elle ne fut pas accompagnée de la moindre surprise. Elle ne se rappelait plus des détails de leur entrevue de l'époque, mais elle se souvenait que ses réactions n'avaient jamais rien de normal et qu'il était doué pour jouer la comédie et contrôler ses émotions, aussi ne s'étonna-t-elle pas du calme qu'il renvoyait.
Les yeux du mâle se déplacèrent un peu et un vague sourire accompagna ses paroles :
- J'en déduis que le voyage s'est mal passé ?
Son coeur tambourinait mais Salama se redressa, l'air parfaitement sereine, quoique sur ses gardes.
- On peut dire ça comme ça, en effet... Répondit-elle d'une voix légèrement éraillée par sa prestation de plus tôt.
Elle toisa l'Alteron d'un regard incisif.
- Encore là pour envahir des populations innocentes ? Demanda-t-elle d'un ton badin.
S'il lui répondait que oui, elle se demandait ce qu'elle ferait...

— On peut dire ça comme ça, en effet... lui répondit la désormais louve Salama, un soupçon de méfiance dans sa voix. Au moins elle semblait calme, beaucoup plus calme que l'avait été Sunshine lorsqu'il l'avait recroisé dans les plaines. De vieilles connaissances ! Il ne voulait surtout pas se sentir importun! Au regard qu'elle lui lança, son intérêt sembla s'aiguiser.

— Encore là pour envahir des populations innocentes ? Gunthaer voûta la nuque et se mit à remuer les épaules, signe qu'il rigolait.
— _{Ha ha ha, allons.} Vous me donnez bien trop de mérite ~ Il releva la tête, les yeux brillants, plantés dans ceux de la femelle. Quelle réponse vous satisferait ?

Sa question sembla beaucoup l'amuser et Salama s'efforça de rester de marbre, ne souhaitant pas retomber dans les vieux pièges du loup violacé.
Curieusement, il ne lui apparaissait plus aussi effrayant maintenant qu'elle faisait la même taille. Mais un fou restait un fou, et si elle était bien plus capable de se défendre aujourd'hui, il n'en resterait pas moins certainement plus puissant et habile qu'elle au combat.
- Ha ha ha, allons. Vous me donnez bien trop de mérite ~ Quelle réponse vous satisferait ?
Elle haussa un sourcil.
- Ce n'était pas un compliment. Lâcha-t-elle, distante. Hum... Que tu sois venu t'offrir en sacrifice à ma... la meute de l'oasis en rémission de tous les péchés d'Alteron... Serait une réponse très acceptable...
Elle n'avait pas non plus l'intention de le vouvoyer, de même qu'elle l'avait vite refusé dans son enfance. Un tel signe de respect, il ne le méritait pas.
Elle s'inquiéta cependant de sa bévue momentanée, guettant une réaction du mâle.
Laisser entendre qu'elle n'appartenait plus à la meute du désert n'était probablement pas la preuve de son intelligence...

— Ce n'était pas un compliment. Hum... Que tu sois venu t'offrir en sacrifice à ma... la meute de l'oasis en rémission de tous les péchés d'Alteron... Serait une réponse très acceptable... Il dressa les oreilles à cette option. Quelle ironie: si il l'avait croisée quelques saisons plutôt, il aurait sérieusement considéré la proposition. Mais quelque chose avait attiré son attention. Il se rappelait d'elle lorsqu'elle était louveteau, et donc trop jeune pour quitter l'oasis, et trop jeune pour venir d'ailleurs. La pensée l'intrigua. Que diable s'était-il passé?
— Ahh, si ce n'est plus votre meute alors il n'est plus question de se soucier de leurs problèmes, hmm ? il lui demanda en penchant la tête sur le côté, sans perdre le sourire. Ses yeux se détachèrent le temps de regarder le crâne par-terre. Un herbivore qui, à sa connaissance, n'habitait pas le désert.

La curiosité qui apparut dans ses yeux ne lui laissa plus aucun doute : il avait évidemment relevé son faux-pas. Son oreille trouée tiqua.
- Ahh, si ce n'est plus votre meute alors il n'est plus question de se soucier de leurs problèmes, hmm ? Il pencha la tête, souriant. Salama lui répondit en plissant légèrement les yeux.
Le regard de l'Alteron se fit aspiré par le crâne qui trainait toujours à côté d'elle. Salama était tentée de le repasser par-dessus sa tête, mais la manoeuvre que cela exigeait la rendrait trop vulnérable. De plus, elle ne voulait pas laisser penser au violet tout ce que cet objet représentait à ses yeux.
- Tu voulais savoir quelle réponse me satisferait. Le reste n'a pas d'importance. Énonça-t-elle prudemment.
Malgré tout, elle finit par se placer devant le crâne de gazelle, une patte possessive posée sur le sommet du crâne.
C'était la première grosse prise qu'elle avait chassée et ramenée à Sigma et Ester. Après son premier contact avec Blight au camp des hommes, Salama avait trop souvent séché ses chasses avec Esmée pour avoir eu le temps de chasser plus que du petit gibier avec elle...
Apparemment, Sigma avait précieusement décortiqué et conservé le crâne de cette première prise, précisément pour lui en faire cadeau à son départ. C'était un symbole de détermination et d'évolution pour la louvarde.

— Tu voulais savoir quelle réponse me satisferait. Le reste n'a pas d'importance. Gunthaer reporta momentanément son regard sur la louve avant de le recentrer sur le crâne.
— Mm, il acquiesça, sans plus. Elle sembla deviner son intérêt en se poster devant l'objet de convoitise et en posant une patte dessus. Gunthaer releva les yeux vers elle, tentant de déchiffrer l'origine de ce sentiment d'attachement envers... cette chose dénuée de vie. Cet objet. Il se rappelait de Mistyshine, qui avait développé le même attachement singulier envers un collier, auquel était rattaché un misérable silex. Il recula sa tête.
— Je croyais que seuls les sabres avaient l'habitude de se parer de crânes. Il haussa un sourcil, avant de retrouver le sourire. Ha ha ha, ne me dites pas que vous partez en guerre !

Son mouvement attira bien évidemment l'attention de Gunthaer, mais au moins Salama se sentait plus en contrôle de la situation ainsi. La curiosité du mâle était presque palpable et la louvarde ne s'étonna donc pas de son questionnement.
- Je croyais que seuls les sabres avaient l'habitude de se parer de crânes. Ha ha ha, ne me dites pas que vous partez en guerre !
Un petit sourire en coin, également typique de son géniteur, accueillit l'hypothèse hautement improbable.
- La preuve que non ! Fit-elle en jetant un rapide coup d'oeil au crâne luisant de jeunesse. Et non, je pars... en voyage.
Elle avait failli dire "à la recherche de quelqu'un", mais c'était plus d'informations qu'il n'en méritait.
De fait, cela s'apparenterait tout de même à un sacré voyage puisqu'elle n'avait pas la moindre idée de la direction qu'ils avaient pris après son départ... Elle prévoyait donc de rejoindre les grandes plaines, espérant croiser leur route à quelques distances du camp... Ils ne devaient pas s'en approcher... Une douleur fantôme traversa son oreille trouée à la pensée de ce qui se passerait s'ils s'approchaient (elle comprise) du camp...

— La preuve que non ! Lui répondit la louve, comme si elle laissait graduellement sa tension redescendre. Gunthaer redressa sa tête d'un recul, une sorte de ravissement au visage. Il ignorait si la perspective qu'une guerre se préparait et qu'il n'en ferait pas partie l'offusquait, ou l'indifférait. De toute évidence, il faisait fausse route: ce crâne avait une valeur sentimentale, à l'instar du collier de Mistyshine.
— Et non, reprit Salama, mesurant ses mots. Je pars... en voyage. En voyage, disait-elle. Un éclat sembla reluire dans les yeux du loup, avant qu'il ne referme ses paupières. Ses deux oreilles s'abaissèrent légèrement et les traits de sa posture et de son visage semblèrent s'adoucir.
— Dans ce cas, j'espère pour vous que ce voyage sera différent du dernier. Il rigola tout bas, de bonne foi.
— Ce serait dommage de répéter les mêmes erreurs ...

L'expression de l'Alteron s'était faite plus douce, Salama s'en méfia aussitôt, se raidissant.
- Dans ce cas, j'espère pour vous que ce voyage sera différent du dernier. Rit-il. Salama, elle, ne trouva pas ça drôle du tout. Son visage se pinça.
- Ce serait dommage de répéter les mêmes erreurs ...
La louvarde se détourna, quelque peu hérissée.
- Tch... Quelles erreurs ? Marmonna-t-elle avec amertume.
Elle aurait pu s'en vouloir d'avoir été naïve, mais qu'est-ce-qui aurait pu lui prédire le véritable fond de Blight ? Rien.
En revanche, se faire avoir une deuxième fois, par exemple avec Gunthaer, là ce serait une erreur...
Elle commençait à s'impatienter et serait bien repartie si sa méfiance n'était pas si exacerbée en présence du mâle violacé : elle n'osait pas lui tourner le dos, exactement comme la première fois qu'elle l'avait rencontré...

— Tch... Quelles erreurs ?
— Ha ha ha... Qui sait ? I'll leave the part I play in all this to your imagination. Il esquissa un mouvement vers l'avant, comme pour se remettre en route.
— Pas d'inquiétude. Votre présence sur ses terres est en dehors de ma juridiction. Ça signifiait que rien ne lui apporterait de s'attaquer à elle maintenant. Il aurait pu lui dire de la manière la plus franche possible. " Je suis au courant de tout ". " Je sais qui tu es, et ce que tu fuies ". Mais gaspiller sa salive à lui expliquer quelque chose d'aussi compliqué l'ennuyait. Aussi décida-t-il de lui offrir un charmant sourire. Quelle chance d'être tombé sur moi plutôt que sur un autre, non ? ♥

- Ha ha ha... Qui sait ? I'll leave the part I play in all this to your imagination.
Ces paroles cryptiques ne firent que la renfrogner plus, comme si chaque nouvelle parole du loup violet ne faisait qu'augmenter sa méfiance et sa raideur.
Mais ce qui suivit était digne des pires cauchemars de la louvarde, après sa fuite du camp...
- Pas d'inquiétude. Votre présence sur ses terres est en dehors de ma juridiction.
Sans trop comprendre, son rythme cardiaque s'accéléra de nouveau. Elle repassa les mots dans sa tête, cherchant une explication à ce nouveau message codé.
- Quelle chance d'être tombé sur moi plutôt que sur un autre, non ? ♥
Cette goutte d'eau finit de lui faire comprendre. Salama pâlit aussitôt, se figeant sur des pattes qu'elle sentait mollir.
Ce n'était juste pas POSSIBLE !
Avant de perdre toute constance, elle se laissa aller à formuler la question qui lui brûlait les lèvres, se raccrochant au mince espoir d'avoir mal compris, ou qu'il la manipule, encore une fois.
- Qu'est-ce-que tu veux dire... ?
La patte qui reposait toujours sur le crâne se crispa et ses griffes crissèrent contre l'os.

— Qu'est-ce-que tu veux dire... ?
Gun rouvrit les yeux.

— Je ne suis pas aussi proche de Blight que je le suis avec son Supérieur. Ainsi, j'ai le loisir de choisir si je veux obéir ou non à ses ordres.
Il pouffa, comme pour lui même.
— Comme celui de " s'occuper " de sa progéniture qui en saurait un peu trop, par exemple ~ ...

- Je ne suis pas aussi proche de Blight que je le suis avec son Supérieur. Ainsi, j'ai le loisir de choisir si je veux obéir ou non à ses ordres.
Il rit... Il fucking rit !
Salama, quant à elle, crut qu'elle allait finalement faire une rechute de son insolation d'il y a quelques mois...
Elle retira sa patte du crâne, pour mieux soutenir son corps défaillant.
- Comme celui de " s'occuper " de sa progéniture qui en saurait un peu trop, par exemple ~ ...
Les oreilles de la louvarde bourdonnaient si fort qu'elle failli se les boucher. Mais une vague de nausée lui posait plus problème, là tout de suite.
IL savait !
Cette enflure de loup violet qui l'avait déjà traumatisé dans son enfance était, EN PLUS, de mèche avec son fou de "père" !
Salama éluda totalement la partie concernant un supérieur et chose... Elle n'avait jamais rien vu d'autre que Blight à la tête d'une mini-meute de cinglés qui l'avaient pourchassée loin dans les plaines...
La métisse se remit à trembler, de rage cette fois. Elle canalisa cette nouvelle énergie pour lui permettre de reprendre le contrôle de ses nerfs.
- Eh bien, quel était l'intérêt de me dire tout ça, alors ? Siffla-t-elle. Si tu t'es bien amusé, trace la route maintenant. Je pense qu'on en a fini, et j'en aurais au moins tiré l'info que les fous de mon "père" trainent partout !
Dans son élan, elle en profita pour glisser la tête sous son crâne, lequel elle replaça correctement dans un claquement.
Ses yeux furibonds, mais dans lesquels perçait une terreur froide, fixaient désormais l'Alteron-espion-chose au travers des énormes orbites vides de son trophée.