C'est le début d'un temps nouveau

(Printemps, An 6)

Les saisons avaient passées, les plaies, bien qu’elles aient eues du mal, avaient cicatrisées. Stoneclaw tentait de se remettre sur de meilleures bases et ce en commençant par élire un nouveau Monarque sans issue direct avec Kanshu. Des suites de leur défaite face à Inaria, les membres avaient tranquillement regagné le territoire et Rei fut probablement un des derniers à revenir à Stoneclaw. Ses os avaient mal pris le choc et il avait dû attendre plusieurs jours afin de revenir en toute sécurité, c’est-à-dire sans risque de se briser un membre. Il fut donc le dernier avertit que Vardan était leur nouveau Roi. Youhou, quelle joie. Peu lui importait, la seule chose qui l’attristait vraiment c’était de ne pas avoir vue Sahau se faire remettre à sa place et Hajirah se prendre la défaite que son soi-disant grand fiston n’était pas si puissant.

Les deux fils du Roi avaient donc légèrement été mis de côté, quelque chose de peu nouveaux pour Rei qui s’accoutumait déjà de sa petite vie tranquille loin des tracas de la vie d’héritier. Quoique vers la fin de sa vie, Kanshu avait mis lui-même ses deux seuls fils sur le côté, refusant d’admettre, de reconnaître, dans sa folie, qu’il possédait véritablement deux héritiers. Néanmoins, bien qu’on lui accordait depuis toujours un tant soit peu d’importance, Rei ne pouvait plus tellement mener sa petite vie de rêveur ni de libertin, puisque Vardan arpentait le territoire sans s’interdire de remettre certains membres à leur place. Il n’était pas comme Kanshu, enfermé dans sa caverne avec ses soi-disant esprits. L’hybride blond n’eut donc d’autres choix que de se trouver une vocation qui était peu chaussure à son pied. Guerrier. Rei haussa un sourcil en regardant son reflet dans l’étendue boueuse.

- Quel redoutable guerrier. ricana-t-il avant d’envoyer son reflet valser d’un coup de patte.

Il avait l'habitude d'attendre les heures les moins chaudes pour se désaltérer, afin d'éviter le plus de membres du clan possible. Il n'aimait pas les regarder, ni sentir leur regard, il n'aimait pas leur parler, ni qu'eux s'adressent à lui et il n'aimait pas leur présence. À la seconde où il sentait l'un d'eux trop près de lui, il s'éloignait, tout simplement. Il avait pris l'habitude d'éviter les conflits. D'éviter l'entente. À quoi servait une entente avec des individus qui allaient mourir de toute manière? Il s'agissait d'une perte de temps de tisser des liens, de s’efforcer à comprendre le parti adverse et d'être là pour eux. C'était une situation inconfortable qui ne se terminait jamais bien.

C'est ainsi qu'il avait appris à éviter les autres, à s'isoler et à les regarder de haut. Cependant, s'il les regardait de haut, c'était bien pour pallier à son complexe d'infériorité. Il se savait inférieur - malgré ses tentatives de se mentir à lui-même - et traduisait ce sentiment par de la colère et du mépris.

Et donc, alors qu'il lapait tranquillement l'eau, un autre semblable, non loin, se prêta à la même tâche, dans le silence. Hubert s'était senti victorieux: cet autre jeune ne l'avait même pas aperçu ! Ce-dernier était bien trop occupé à s'admirer dans son reflet, pensa Hubert en levant un petit sourire moqueur. Il s'apprêtait à lever la tête et prendre congé qu'un jet d'eau lui tomba dessus, faisant s’affaisser ses mèches sur son visage.
- Mraw !? il échappa dans sa stupeur.
- Quel redoutable guerrier, ricana l'autre. Aveuglé par ses mèches, Hubert se senti rougir de honte et de colère.
Que... Il l'insultait ? Ce jeune se permettait de l'insulter et de la ponctuer d'un jet d'eau ? Hubert tourna la tête vers lui, les yeux voilés par ses mèches détrempées, relevant ses babines sur ses crocs.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ?... il gronda à mi-voix, sortant ses griffes afin de les agripper au sol.

Avec ses propres réflexions, rêveries, Rei en avait omis la présence d’un autre félin non loin de lui. Ce n’est que lorsqu’il releva la tête qu’il reconnut Hubert. Toutefois, celui-ci ne semblait pas tout à fait dans son état. Rei ne pouvait confirmer exactement ce qui traversait le visage de son demi-frère puisque ses mèches lui retombaient dans la figure. Il en déduit que Monsieur avait mal pris le jet d’eau sur la tronche.

- Awh, fais pas la tronche Hubert, c’était juste un peu d’eau. fit-il en roulant les yeux et en haussant les épaules.

- Qu'est-ce que tu viens de dire ?...

Le fils d’Hajirah haussa un sourcil avant de soupirer.

- J’ai dit que ce n’était que de l’eau. fit-il avant de baisser les yeux vers les pattes d’Hubert tandis qu’il ramenait la boue contre ses coussinets. T’énerve pas pour autant, bon sang, argh. soupira de nouveau le félin pêche.