Petit lemming.

Début printemps an 6


Nourriture , nourriture.
Cédric en cherchait , seul comme à son habitude , il grattait machinalement le sol à la recherche d'un quelconque rongeur.
Sa taille et sa corpulence ne lui permettant pas d'aller vite , chasser un gros gibier seul était de la pure folie.
Et puis , un simple lemming ou lièvre ferait l'affaire.
Il avait du temps libre , Keylie ne lui avait donner aucun ordres , Julius et son fils non plus.
Il était donc libre.

...

Le Parque fixa silencieusement l'horizon , ses yeux bleutées n'exprimaient aucune émotion , comme d'habitude.
Cédric était monotone , sans aucun artifice , aucune fantaisie , un pion , depuis que Julius l'avait " adopter ".
Soudainement , ses oreilles se dressèrent.
Une boule de poils grise fit des bons dans l'herbe blanche.
Lemming.

...!

Un pas après l'autre , il s'avança à pas feutrés vers le boule de poils sautillante , les yeux rivés dessus , il commença à accélérer.
A la manière d'un taureau à la charge , il courut vers le rongeur , mais les pas tambourinant du gros mâle alertèrent le petit animal qui fuit à une vitesse impressionnante.
Il s’arrêta.
Sa lèvre inférieure remonta vers le haut.
La solitude n'avait pas que des avantages.

Grrrr...

Maintenant qu'il était paré à affronter la semaine sans la nécessité de manger, Darjeeling avait décidé de se dépenser autrement en aidant ses pairs plutôt qu'en cherchant à survivre tout seul. Il ne connaissait de la famille royale que Julius et son fils, Thunderhead, s'intéressant vaguement aux autres. Disons qu'il avait d'autres priorités. Ses pattes foulaient l'herbe courte et épineuse de la toundra, parsemée par des congères de neige, signe que l'hiver tirait à sa fin et que le printemps pointait déjà le bout de son nez.

Plus tôt, dans sa ronde, il s'était approché d'un troupeau de boeuf musqué qui lui avait aussitôt lancé le mauvais oeil. Chaque adulte s'était serré les uns contre les autres, défendant les plus jeunes au milieu qui mugissaient de frayeur. Ne voulant pas dépenser toute son énergie à s'évertuer à descendre ne serais-ce qu'un morceau de ces demis-dieux, Darjeeling s'était contenté de les observer, de loin, peu désireux de sentir sa chair se faire traverser par leurs cornes. Il était ensuite reparti, de bon pied, cherchant quelque chose à faire. Car en optimisant son temps, il était surpris de réaliser à le nombre d'heures libres qu'il avait obtenu ensuite.

Soudain, ses sens en éveil, il quitta le sol dans un bond sur le côté, envoyant sa gueule vers le bas pour attraper au passage un petit rongeur auburn qui battait encore l'air de ses pattes. À moitié couché sur la sienne, Darjeeling se redressa, un peu surpris que le rongeur se soit lancé vers lui sans penser. Pourquoi n'avait-il pas tenté une fuite souterraine ? En entendant un grognement non loin, il releva soudain la tête ( faisant piailler le rongeur dans sa gueule ) reconnaissant là l'odeur d'un camarade de sa meute. Sur un pas désormais assuré, il alla à sa rencontre, le saluant d'un signe de tête ainsi que d'un sourire.

Toujours immobile , l'automate continua dévaluer la situation qui s'offrait a lui.
La proie partie , il n'avait plus aucunes raisons de rester là , il devait donc bouger.
Le regard azuré du soldat s'assombrit , où allait-il aller ? Et surtout qu'allait-t-il faire ? Il n'aimait pas prendre d'initiatives , les initiatives ne ramenaient que des ennuis , surtout au Grand Nord n sauf qu'on est un haut gradé bien évidemment.

Figé sur place , il se contenta de soupirer , lointain.
Il ne remarqua même pas son collègue qui , une fois assez près le salua , son regard s'orienta vers le grassouillet.
Cedric lui rendit bien évidemment son salut puis remarqua enfin la proie que tenait son camarade.
Ce n'était pas son lemming ? Il sourcilla.
Ses yeux firent des aller et retours entre Darjeeling et le lemming.

...Erfm.

Son visage reprit son air impassible.

Si le salut de Cédric l'enjoua au début, la totale inexistence de réaction s'enchaînant sembla le refroidir. Les paupières à moitié refermées, le sourire de Darjeeling se crispa: Oh, voilà qu'il était tombé sur une lumière, aujourd'hui. L'autre, devant, regardait tour à tour le rongeur et le loup, avant de baisser les yeux.
- ...Erfm, il lâcha, tout bas, ce qui arracha un soupir ( un peu étouffé, au vu des circonstances ) à l'autre loup, qui leva les yeux au ciel. Pas très subtil, ce Cédric. D'un tressautement sec de la nuque, Dart lança le lemming désormais inerte aux pieds de son camarade. Il se pourlécha les babines, réajusta sa mâchoire en happant l'air, puis, il leva un charmant sourire à son... " interlocuteur ". Parce-que dans interlocuteur, il y a le mot locution, et locution veut dire parler. Or, Cédric semblait tout sauf loquace.
- Tiens ! Il est à toi maintenant. fit quand même mine de lui expliquer Darjeeling, craignant que son geste de bonté ne soit peut-être pas compris par l'autre.

Cédric observa sans comprendre les gestes de Darling comme on l'appelait souvent.
C'est quand il reçut le rongeur a ses pattes qu'il comprit , il voulu sourire mais il ne fit rien.

Tiens ! Il est à toi maintenant.

Il inclina légèrement la tête.

...Merci.

Puis coula un oeil vers le lemming.

Mais...Servez-vous avant , vous l'avez tuer , pas moi.

- ...Merci.
Des mots! Il parlait! Comme ragaillardi devant le don de parole de son interlocuteur ( qui méritait son nom, cette fois! ) Darjeeling lui répondit d'un sourire, avant de baisser les yeux vers le lemming. Cédric n'avait pas bougé. Pourquoi ne s'était-il pas penché ?

- Mais...Servez-vous avant , vous l'avez tuer , pas moi.
Oh, c'était donc ça. Darjeeling s'approcha. Comme l'autre le vouvoyait, il en fit de même.
- Et ne vous laisser que les restes...? lui souleva, abaissant ses oreilles sur un sourire navré. Il secoua sa tête, fermant les yeux. Impensable. En rouvrant les paupières, il étira son cou pour pousser le rongeur du museau vers son camarade à la fourrure polaire.

- Je vous le donne. À vous de choisir ce que vous voulez en faire !

Et ne vous laisser que les restes...? Impensable.

Cédric perdu le fil , ce n'était pas normal ? Le chasseur mangeait en premier , ceux qui n'avaient pas servit , mangeait les restes.
Logique , non ?
Il haussa intérieurement les épaules , si Monsieur Darling le voulait et bien soit , il attrapa donc le rongeur , dès que sa langue toucha la fourrure du lemming , il grogna.

Retournez vous...S'il vous plait.

Après avoir analysé le lemming, Cédric se pencha pour l'approcher à lui, avant de pousser un léger grognement à l'égard de son camarade à la fourrure auburn.
- Retournez vous...S'il vous plaît. Drôle de requête, songea Darjeeling en arquant un sourcil. Loin de lui l'envie de froisser ce bon bougre, il s'exécuta, pivotant sur ses talons, faisant dos à l'autre. Sa queue se mit à frétiller pour si peu. Tout compte fait, cet autre loup s'avérait peut-être plus complexe qu'il ne l'avait pensé! Peut-être était-il timide et refusait qu'on le voie manger.

Darjeeling s’exécuta.
Satisfait , Cédric entreprit son petit rituel , plaçant le lemming au sol , sa patte d'ogre écrasa le flanc de l'animal , faisant relever sa tête , d'un mouvement rapide , il attrapa celle-ci entre ses crocs pour tirer dessus jusqu’à l'arracher.
Rapidement , il posa la tête fraîchement découpé et l'enterra a la va-vite , mais celle-ci s'obstinait à rester en dehors du sol ! Il eut donc l'idée de s'allonger sur elle , puis commença a manger le reste , ne savourant rien , il mâchait machinalement.

Vous pouvez vous retourner.

Les yeux de mort le terrifiait jusqu'au plus profond de son âme , n'importe quel animal était effrayant une fois mort !
Il en frissonna.

S'il ne pouvait pas voir la scène, il pouvait l'entendre, et, par ses piliers fortement appuyés au sol, pouvait à limite la ressentir. L'une de ses oreilles se pivota vers l'arrière lorsqu'une succession de sons l'interpella. Un bruit sec, une espèce d'exhalation tenue, un son de déchirement de tissus - ponctué de cliquètements d'efforts, un son râpeux qui grattait le sol, un grommellement contrarié, et un bruit mat, comme si on venait d’aplatir un petit élément avec une masse plus significative. Darjeeling n'y comprenait rien, mais il devait s'avouer grandement amusé à l'idée que tout un spectacle - ou un rituel - se déroulait à l'insu de ses yeux. Il entendit des crocs croquer dans quelque chose de tenace, puis, la voix de Cédric, comme un murmure.

- Vous pouvez vous retourner.
Ah, c'est pas trop tôt, songea Darjeeling en jetant un regard par-dessus son épaule, avant de faire quelques pas de côtés pour se poster face à l'autre loup, désormais allongé. Il s'apprêtait à lancer la conversation que quelque chose sembla attirer son attention. Il semblait que le ventre de Cédric était distendu. Il lui en fit la remarque.
- Hmm... vous avez un renflement, là. Il enchaîna: Ha ! ah !, vous vous êtes peut-être couché sur quelque chose !