Le poids des souvenirs.

Quelle saloperie. Quel sentiment envahissant. Il était déjà bien loin du désert et des troupes Alteronnes et il ressentait déjà ce manque. Comme un cocaïnomane en manque de drogue. C'était sa conclusion. Il en avait besoin, et sans ça, il avait du mal à fonctionner. Pourtant, ça ne lui était jamais arrivé. Alors pourquoi maintenant? Pourquoi dans une pareille situation? Pourquoi s'en intéresser. Oui, où en était l'intérêt !?

Lui qui avait l'habitude de tout pousser du revers de la patte se sentait étrangement oppressé. Il avait besoin de se changer les idées. Il avait voulu aller jusqu'à Oerba, mais quelque chose avait retenu ses pas, alors il s'était arrêté de marcher pour demeurer dans la forêt noire.

La forêt noire, même l'automne, n'avait presque pas changé. Quelques feuilles tombée laissaient découvrir le ciel dans la dense canopée, mais rien de trop aveuglant. Ainsi, sur son chemin, quelques minces faisceaux et puits de lumière se découvraient de temps en temps, rendant quelques blafardes couleurs à cette forêt normalement si étroite qu'on l'appelait ' noire '. Ses pattes rendues faibles par le manque et le besoin, il s'effondra au sol, sur le ventre, baignant dans la faible lueur d'un puits de lumière, cherchant à trier ses idées. Si obnubilé par son problème, il ne réalisa pas l'effluve qui lui annonça la présence d'un autre loup.... ou d'une autre louve.

Ses oreilles se dressèrent, il ferma les yeux, et il se mit à humer une torve mélodie, cherchant à saturer son être de musique pour pallier à son manque.

Sa mélodie trop sombre et sinistre à ses oreilles, il chercha à l'agrémenter de petites notes plus hautes, en vain. Son chant se termina sur un soupir, un silence, et il abaissa la tête, visiblement dépité d'être incapable de changer ses idées. Déclic. Quel idiot: il y avait une source de distraction, juste là, qui l'avait déjà repéré. Il tourna sa tête d'un bloc, ses yeux bleus luisant dans la noirceur de la forêt, accrochant son regard sur la femelle qui cherchait à se fondre dans les ombres - pratique, avec sa fourrure terne. Il pouffa. Pourtant, il n'avait pas l'air inquiétant, il avait même prit le temps de se soigner, au lieu de garder ses mèches ébouriffées ainsi que sa fourrure trop longue. Il avait un air distingué, alors pourquoi ne pas en abuser ? Il secoua son corps, défléchit ses pattes et se leva, la tête droite, le port sans défauts, frétillant tout doucement la queue. Puis, sans prévenir, il se mit à trotter de côté pour s'approcher de la femelle, s'arrêtant à une limite d'un mètre, la saluant d'un mouvement de tête.
- Plus on cherche à disparaître, moins on réussit, tendre miss, se contenta-t-il de dire, tournant sur lui-même, préférant lui faire front. Il lui tendit un charmant sourire en guise de salutations.

- Quelles sont donc les raisons qui peuvent bien vous pousser à penser que je suis tendre ?
- Eh bien, répondit Gunther en manifestant son amusement, à mon avis, vous appeler " dure miss " ou " revêche miss " me semblait beaucoup moins poli. Il leva sa tête, un sourire aux lèvres.
- Qu'à cela ne tienne. Je présume que vous voudriez un autre surnom ? ♥

- Ou m'appeler par mon prénom serait tout aussi convenable.
Il pouffa devant tant de confiance, ramenant sa tête contre son poitrail, secoué d'un léger ricanement. En se redressant, il pencha la tête, s'assurant toujours de ne pas trop s'avancer, de respecter son intimité.
- Bien entendu, mais pour ce faire, miss, il débuta en appuyant sa syllabe, il faudrait que je le connaisse. À moins que vous insinuez que votre popularité vous donne le droit d'autant de mystère?
Il secoua sa tête, feignant un air navré.
- Si c'est le cas, je regrette de vous annoncer que votre fanclub, hélas, ne s'étend pas aussi loin...

- MistyShine, répondit-elle, soudain moins amène qu'il n'y avait de ça quelques instants. Toujours couchée, elle détourna la tête, cherchant à l'ignorer. Comme s'il avait été perplexe par une telle froideur, il se contenta de s'asseoir, réfléchissant à la raison qui aurait bien pu la rendre de si mauvaise humeur. Lui qui avait seulement cherché à la faire rire... Gunthaer se laissa tomber sur le flanc, cherchant à se rendre à la même hauteur que la femelle. Peut-être son malheur était seulement du au fait de sa proximité avec le sol.

- Gun, dit-il alors, étirant ses pattes postérieures pour la pousser de celles-ci, pour lui montrer qu'il était encore là, et que d'être ainsi ignoré n'allait pas suffire pour l'éloigner.

Par sa position, il lui était aisé de prêter attention aux réactions physiologiques de la louve. Comme en témoignait le mouvement de ses oreilles, elle demeurait attentive malgré sa tentative de clore la conversation. Elle déposa de nouveau sa tête sur ses pattes, plus droite cette fois, l'air fatigué, las. Il ne s'attendait pas à ce que la conversation se poursuive, mais elle pourrait bien le surprendre. Elle avait l'air d'avoir beaucoup de bagage à porter.

- Qu'est-ce qui vous amène ici, Gun ?
- Une vieille habitude.
Il se tut pour troquer son air aussi las que celui de la femelle par un air songeur.
- Un peu d'ennui aussi, pourquoi pas. Vous ne vous ennuyez pas, toute seule, Mistyshine? Cet endroit a perdu tout intérêt depuis la disparition de la meute qui y logeait. La forêt noire, à ses yeux, était bien ennuyante lorsqu'on y restait seul. Auparavant, il était aisé de rencontrer quelque garde Oerba qui patrouillait, mais depuis leur déclin, la forêt avait été délestée de sa vie et de son sentiment de liberté. Elle n'était plus qu'une forêt, comme s'il s'agissait d'un fade reflet de celle d'Inaria. Enfin, c'est ce que Gun aurait pensé, s'il avait connu Inaria.

- Rarement. lui répondit la louve. Comme par perplexité, le mâle tourna la tête, manifestant ce qui semblait être de l'incompréhension. Mistyshine jugea bon de préciser sa pensée: Je m'ennuie rarement, lui répondit-elle enfin, un peu plus claire. Gunthaer redressa ses oreilles. Étais-ce vraiment le cas? En ce moment, recherchait-elle réellement la solitude ? Qu'à cela ne tienne, il ne la laisserait pas fuir aussi facilement. Si elle, avait besoin de solitude, lui, avait besoin d'être diverti. Occupé. Ses paroles réussirent à attiser une certaine curiosité dans les yeux de la femelle, au grand ravissement du mâle.

- Gun, vous venez de me parler d'une meute. Des loups vivaient ici, autrefois ?
- Ah, indeed. Ils ne vivaient pas ici, au creux de cette forêt, mais plutôt à la lisière, au loin, il désigna d'une patte une direction quelconque, voulant illustrer son ' au loin '. Il poursuivit: Ils vivaient sur la côte, près de la mer. en sourcillant, faisant bien sûr d'appuyer ses syllabes: ' Vivaient '. Ils ont été assiégés par une autre meute qui désirait leur territoire. il se coucha sur le ventre, secouant sa tête, de débarrassant du trop plein de matière organique qui s'était collé à sa peau.
- Ce devait être un caprice de leur chef, car même si le territoire est dominé, aucun garde n'y est posté. Il se pencha vers la femelle, un fin sourire aux lèvres.
- Ça vous intéresse ? ♥

En voyant qu'il avait eu tout son attention, un éclat indicible brilla dans les yeux du mâle, qui avait dressé ses oreilles, lui-même attentif à la réaction de la femelle à l'air morne. Sa curiosité était rafraîchissante, dévoilant d'elle plus qu'une louve revêche qui se complaisait dans sa triste solitude.
- Vous semblez avoir eu vent d'un tas de choses, vous voyagez beaucoup ?
Gunthaer lui répondit d'un large sourire, se levant déjà sur ses quatre pattes.
- Who cares ! lâcha-t-il avec force. Vous préférez rester allongée et écouter de bêtes histoires, plutôt que de venir découvrir par vous-même ? Il trépida sur place. Du cran ! En étirant rapidement son cou, il la poussa de sa truffe, comme pour chercher à la motiver à se lever. Ses yeux lorgnèrent à son poitrail, et il aperçut une forme. À peine discerna-t-il de quoi il s'agissait qu'il glissa sa tête sous le fil, coulant son visage tout près de la femelle.
- Parfois... il faut savoir...
d'un leste mouvement de la nuque, il se releva sur quatre pattes, lui subtilisant son collier.
- Se libérer ! Le collier à son cou, Gunthaer détourna la tête sur un sourire amusé, la queue en panache. Il se pencha en haussant haus ses sourcils.
- Vous venez~ ?

La voir bouche-bée de la sorte ne fit que décupler son amusement. Mistyshine s'était résignée à se lever sur quatre pattes, lui faisant enfin face. Elle était quelques centimètres de plus que lui, soulignant ses ascendances direwolves. Sa fourrure épaisse toutefois lui rappela aussi la toison hivernale des loups arctiques. Peut-être était-elle le fruit d'une louve polaire et d'un grand loup? Elle avait levé la patte pour soulever le silex qu'il tenait désormais à son cou, empreinte d'un certain air de nostalgie. Bien qu'il n'en comprit pas la raison, il partagea son sérieux.

- J'y tiens beaucoup, c'est un cadeau, lui dit-elle, les yeux toujours posés sur son joyau de pierre taillée. Gunthaer leva brusquement l'une de ses pattes pour chasser celle de la femelle, se décalant d'un soudain bond. Il lui rendit un sourire complice, sa queue levée sur sa croupe en signe de provocation.
- Pas question que je vous le rende avant d'atteindre Oerba ! Il se redressa, gloussant, se mettant déjà en route.
- Come on, Mistyshine! Il se tourna sur lui-même pour la regarder par-dessus son épaule. N'est-ce pas vous qui vouliez en savoir plus sur ces terres ?