Une frousse monstre [Prio' Koya]

Le soleil était monté à son zénith et commencait déjà décliner lentement vers l'ouest, mais l'après-midi était encore jeune. Sortant des ombres des arbres, une petite silhouette haute comme trois pommes avançaient vers la lumière qui inondait la clairière. Au contact de celle-ci, elle sentit la chaleur sur sa fourrure et ce seul contact suffit à la faire sentir bien. Encore un nouvel endroit à découvrir! Pénétrant finalement dans les hautes herbes, il était facile de la perdre de vue, la seule chose qu'on pouvait discerner était les mouvements des herbes selon le chemin qu'elle empruntait. Une brise vint incliné par endroit la végétation, laissant le loisir à la petite louve mordorée d'apercevoir non loin un rocher fiché dans cette étendue herbeuse. Elle ne voyait rien au loin avec toutes ces longues tiges, elle en profita donc pour emprunter la direction menant au petit promontoire. Mais, avec son sens de l'orientation si peu développé, elle était plutôt en train de le contourner sans s'en rendre compte, jusqu'à buter dans un petit caillou en cherchant un signe de la pierre en question. S'écrasant un peu plus loin le menton dans la poussière, ce furent une bande d'oiseaux affolés qui lui firent le bonjour, s'envolant en piaillant et en une tornade de plumes, fichant une frousse énorme à la petite qui s'écrasa sur le sol, les oreilles plaquées contre sa nuque, les yeux fermés et ses pattes avant les recouvrant dans cette mentalité de 'si je les vois pas, ils me voient pas' qui n'était en fait pas très effective. Dressant une oreille incertaine, elle souleva ensuite l'une de ses pattes pour se découvrir les yeux pour tomber nez à nez avec un corbeau qui eut la bonne idée de la croire morte, laissant la loupiote pousser un hurlement de mort avec le son aigu propre au gamine de son âge, faisant envoler maintenant tous les oiseaux du secteurs...

Laissant les croassements retentir et les plumes retomber, Charlie attendait que son petit coeur tambourinant retrouve un rythme normal avant d'oser ouvrir de nouveaux les yeux. Quand le calme fut revenu dans les alentours excepté le vent dans l'herbe, la louvette mordorée jeta un coup d'oeil entre ses orteils puis, n'apercevant rien d'alarmant, déposa ses pattes au sol dans un soupir, restant toute fois aplatie au sol. Un bruissement dans la végétation la fit poser le menton sur le sol pour espérer se tapir dans son environnement, mais c'était plutôt peine perdue quand elle vit se diriger vers elle -non sans retenir sa respiration en le voyant déboucher de nul part- un loup caramel roussi qui ne manqua pas de la remarquer, s'empressant de lui demander :
« Hey, ça va ? Qu’est ce qui t’as fait peur comme ça ? »
Elle déglutit, avalant de la même façon le petit cri qu'elle avait faillit pousser de nouveau en entendant le bruit de pas dans sa direction. Prenant une grande inspiration, les oreilles tordues vers l'arrière avec un certain malaise, elle répondit de sa toute petite voix :
-Les..les oiseaux, monsieur. fit-elle, relevant un peu les yeux vers lui comme si on l'avait prise en flagrant délit.

Elle le regarda d'en bas balayer les alentours de ses yeux bleus et lentement ses oreilles se décollèrent de sa nuque, attendant le rapport.
« Ne t’inquiètes pas, ils sont tous partit très loin maintenant ! »
Elle laissa doucement sortir sa tête d'entre ses épaules, rassurée du départ des oiseaux noirs.
« Et ne m’appelle pas monsieur, mon nom c’est Sharpwit ! »
- Oh! Pardon Mons-... Sharpwit. se reprit-elle, regardant aux alentours avec un sourire gêné. Un petit silence s'installa, loin de déranger la mordorée jusqu'à ce qu'elle se rappelle les mesures de politesse, sortant de sa transe d'observation pour s'exclamer :
- Moi c'est Charlie!

Il la regardait, comme semblant réfléchir tout en l'observant sous toutes ses coutures. Les oreilles de Charlie se ramollirent un instant, mais le sourire que lui tendit le mâle la rassura un peu alors qu'il s'empressait de lui demander :
« Les oiseaux ne t’ont pas fait mal au moins ? Tu n’as rien ? »
Un petit hoquet de stupeur la fit réaliser qu'elle ne s'en était pas assuré. Elle se leva, se regarda dans tous les sens, soulevant chaque patte l'une après l'autre, les tournant pour les vérifier, jetant un oeil à son dos puis à sa queue avant de reporter ses yeux jaunes sur le visage du loup, sa tête se secouant de gauche à droit négativement. Il fallait bien tout vérifier, comme lorsque avec Blaw elle avait touché une plante vénéneuse sans s'en rendre compte et que finalement c'était lui qui lui avait fait remarqué qu'elle avec des cloches d'eau sur le nez. Mais tout allait bien cette fois-ci.
- Je vais bien, je n'ai rien. conclut-elle de sa petite voix.

« Voilà qui est rassurant ! »
Elle fit un petit sourire discret, suivant le regard du grand loup qui jeta un oeil à la ronde.
« Mais tu sais, tu ne devrais pas avoir peur des oiseaux, vois tu, eux même ont en réalité peur de toi ! »
Peu sûre de la véracité des dires du mâle, elle tordit une oreille, tournant la tête, regardant ailleurs. Peut-être avaient-ils peur d'elle, mais plus ? Ça restait encore à prouver...
« Ils auront peur de toi si tu leur montre que tu n’as pas peur ! Mais si tu te cache ou que tu es timide, ils vont prendre le dessus. Tu sais, les oiseaux c’est un peu bête en fait, il suffit de leur foncer dessus les yeux fermés et ils s’en iront immédiatement ! Même si tu as peur, ça marche ! »
Voilà qui était plus convaincant! Quoiqu'elle n'avait pas vraiment envie de le tester non plus. Elle releva les yeux vers ceux du mâle, lui donnant un sourire pour faire signe qu'elle avait comprit. Après tout, l'idée était tout de même drôle! Mais Charlie restait enveloppée dans son mutisme, se contentant de sourire maladroitement et de rester entassée sur elle-même.