Drôle de saison

Le cœur battant, les yeux écarquillés de frayeur, je me propulse à travers un buisson d'épines. Leurs pointes acérées s’accrochent à ma fourrure et se plantent dans ma peau à divers endroit. Je grince des dents en continuant de courir le plus vite possible. J’espère les avoir semés car si ils me trouvent, ils vont me le faire payer très cher. Le lapin que j'ai dans la gueule ne m'appartiens pas. Il était à un chasseur de la meute avant que je ne le lui dérobe. C'est de sa faute, il n'avait qu'a la garder avec lui au lieu de l'abandonner pour aller flirter avec une charmeuse ! Un obstacle se dresse devant moi, je saute le tronc d'arbre d'un bond souple. Une fois de l'autre coté, mes pattes se prennent dans une racine et je crie de surprise en me frappant contre le sol de la jungle. Une fois les idées de nouveau en place, je constate que mon lapin est allé rouler à quelques mètres de moi. Je gronde en allant le chercher. Personne derriere moi. Une voix me fait alors sursauter. Instinctivement, je bondis dans le premier buisson qui s'offre à moi et j'observe les alentour en restant la plus discrète possible. Une queue grise passe alors juste devant moi. Je tressaille. l'odeur confirme mes doutes, il s'agit bien de mon grand frère. Aux anges, je bondis hors de ma cachette et m'approche de lui en m'écriant:

- Clay', je suis si heureuse de te voir !! »

Hélas, mon frère n'était pas seul. En m'approchant, je découvre qu'il était en plein entretient avec Gunthaer, le messager que j'ai rencontré quelques jours plus tôt ...

Heureuse de revoir mon cher frère, je me met aussitôt à le couvrir de lèches affectueuses et énergiques. Claymore est aussi enjoué que moi. Il me bondit dessus en manquant presque de me faire tomber à la renverse. Nous nous mettons donc à chahuter comme deux louveteaux insouciants. Derrière nous, je vois Gunthaer qui nous contemple, une lueur amusée dans les yeux. Ce n'est que lorsqu'il se met à repartir vers la jungle que je cesse mes démonstrations d'affection pour braquer mon attention sur lui.

- Je ne crois pas que vous avez fait erreur. Vous avez peut-être plus de qualités que vous n'osez vous l'avouer! »

Bien que je ne sache absolument pas de quoi il retourne, je comprends qu'il s'agit d'un compliment à l'intention de mon frère et cela me met le sourire aux lèvres.

- Petit Prince, Petite princesse. »

Finit-il par dire en nous adressant un clin d’œil complice.

- Ha ha ha ha ha, bonne journée! »

... Bonne journée à vous aussi. »

Je répond respectueusement pour une fois. Parce qu'un loup qui nous salue et félicite mon frère de la sorte n'est peut être pas si mauvais. Guns est peut être même sympa.

Je regarde le messager s'éloigner tout en léchant les oreilles de mon frère avec tendresse. Une tendresse, je l'avoue, que je n'ai avec personne excepté lui.

- Scy je t'ai cherché partout ! J'ai crû que tu avais des soucis, et puis je me suis perdu et … et ... »

Surprise par cette rapidité de débit, je tourne mes yeux émeraudes dans les siens et le fixe un instant. Il reprend doucement son souffle et je souris tout en enfouissant ma tête dans son cou.

- Oh Clay ! Tu crois que tu ne m'as pas manqué à moi ? Je baisse les oreilles.
- Arrête de disparaitre comme ça ... Tu sais bien que je ne suis jamais loin. »
Puis je lui fait une lèche sur la joue et murmure doucement:
- Je t'aime frangin. »

-"Moi aussi je t'aime, je pourrais pas vivre sans toi.»
Un sourire serein s'étend sur mes lèvres. Ces mots tendre, ces caresses, je ne les obtiens plus que de lui. Claymore m'offre tout ce dont je manque auprès de mes congénères: de l'affection. J'ai beau ne jamais en donner aux autres que lui, je ne pourrais pas vivre sans un minimum. Sans me sentir aimée, rien qu'un petit peu ... Soutenue. Que ma vie soit précieuse aux yeux d'une personne au moins. Sans Claymore, je ne pourrais pas continuer de vivre. Je me tais pour profiter de cet instant tout en fermant les yeux. De son contact, de son odeur, de sa truffe humide que je sens contre ma peau. A dire vrai, je préfère m'en souvenir longtemps au cas ou ... J'ai toujours eu peur de ne plus jamais le revoir. Que chaque instant soit le dernier passé en sa compagnie. Je déteste penser à ça mais j'en suis obligée.


-"Tu sens bizarre Scy'.»
Mes oreilles se dressent de surprise. Quoi ? C'est tout ce qu'il a à me dire après tout ce temps ? Que je sens ... Bizarre ?
- Tu trouves ? »

J'essaye de comprendre pourquoi mon odeur le dérange plus que d'habitude mais je ne vois pas. A moins qu'il ne s'agisse de ... De ses premières chaleurs ?
Je souris, embarrassée.
- Hem, je ne vois pas de quoi tu parles Clay ... Je suis normale. »

Je vois Claymore froncer les sourcils et cette vision ne me plait pas du tout. Cela signifie qu'il me trouve quelque chose de louche. Peut être même qu'il ne me croit pas ... J’espère que ce n'est pas ça car j'en serais vexée. Il se rapproche alors de moi et je fait tout pour être la plus détendue possible.
- Si tu le dis... T'as peut-être traversé un truc qui sentait fort ? »
Je lève les yeux au ciel comme si cette explication était évidente.
- Mais oui, voila ! »

Puis je me colle contre lui pour le sentir à deux reprises. Son corps chaud me rassure mais je trouve que quelque chose est bizarre. Son odeur ... Me semble plus forte et amère qu'avant.
- Clay ... Toi aussi tu as une odeur bizarre ... »

Je ferme les yeux pour apprécier au mieux sa chaleur et sa présence. Me coller contre lui, c'est encore la seule chose agréable qui puisse m'arriver ... Personne d’autre de me fait jamais de câlins comme Claymore. Je suis tellement heureuse de l'avoir ... Je me demande même si on ne devrais pas partir loin de cette meute tous les deux. Après tout, on a besoin de rien, et surtout pas d'eux.

- C'est les cendres de la montagne. »
Je hoche lentement la tête sans répondre. En fait, je me fiche de son odeur, tant qu'il est la. Enfin ... Quand même ... Je sais pas si c'est lui cette odeur dégoutante de graisse mais elle me monte rapidement au nez et me donne la nausée. Une voix des plus disgracieuses résonne alors dans mes oreilles et brise notre moment d'affection.

« Bon sang ce que ça pue, des kids comme vous. » « Dégagez! C'est mon séquoia et je compte bien y faire une sieste... aller vous r'nifler les chaleurs ailleurs! »

Une coup de queue dur comme l'acier me fouette la nuque en m'arrachant un couinement plaintif. Mes oreilles se plaquent contre mon crane et je tourne la tête derriere moi en me cachant presque sous Claymore. C'est quoi ce gros tas qui ose nous virer comme ça ? On était la avant ! Soudain, l'ombre qui m'entourait disparait et Claymore fait un bon prodigieux en arrière. Je manque de tomber maintenant qu'il ne me sert plus d’appuis et je le regarde d'un air incrédule. Les paroles du gros me reviennent alors à l’esprit. allez vous r'nifler les chaleurs ailleurs!
Alors cette odeur, ce serait les chaleurs ? Oh non ! Mon cœur se met à battre d'inquiétude. Si ça se trouve je ... Non, je n'ose même pas penser à ça. Les oreilles plaquées contre le crane, je me tapis au sol. C'est injuste ! Je ne peux même plus être contre mon frère maintenant ... Les yeux pleins de rage, je me retourne et à mon plus grand étonnement, je me met à hurler sur Krämor qui doit pourtant faire 8 fois mon poids.

- On ne se renifle pas, c’est mon frère abrutit !! »
Les crocs découverts, je me rend compte que je vais certainement le payer cher. Encore une fois, j'ai agis sans mesurer les conséquences ... Bah, si il essaye de me frapper, je peux toujours essayer de fuir. Il est trop gros pour être rapide. Et moi, je suis particulièrement rapide justement.

Hélas, mon adversaire n'a pas la réaction que j'attendais. Au lieu d'être intimidé par ma posture dominatrice, l'imposant canidé se met à rire d'un ton gras et désagréable. Une réaction prévisible dans une telle situation. Il est vrai que peu de loups prennent au sérieux les menaces d'une Oméga. Néanmoins, je ne perds pas la face, essayant de rester la plus crédible possible. Les yeux de Krämor se durcissent de mépris pour m'observer un instant. Lorsque je le vois s'approcher, je recule, prête à fuir. Discrètement, je donne rapide coup d’œil à Claymore. D'une part pour me rassurer, mais aussi pour lui donner un signal. Celui de la fuite.

« Hey chaton, tes p'tites quenottes tu peux bien les mettres dans l'cul de ton frère. »

Je me retourne brusquement vers Krämor, les oreilles bien droites, les yeux plissés et les crocs découverts. Cette dernière phrase me met dans une telle colère que j'en oublie ma fuite. Que je je reste bêtement plantée devant lui et que sa patte me percute de plein fouet pour m'envoyer valser contre le tronc d'un arbre. Ma tête heurte violemment le bois dur et je lâche un couinement rauque.

-"Scythe ! »
Je secoue doucement la tête pour me remettre les idées en place. Le monde semble tourner autour de moi. Je n’étends que cette voix qui ajoute.

« Et toi, grisouille, tu veux pas j'texplique comme ont fait des bébés? T'as l'air choqué. BWAH BWAH BWAH! »

Claymore bondit à coté de moi pour me redonner le courage et la force dont j'avais besoin.

-"J'ai pas besoin de toi vieux bouc puant. »
Déterminée à nous défendre, j'essaye de me montrer plus forte et je me poste aux cotés de mon frère, les muscles saillants et les crocs découverts de nouveau.

- Laisse nous tranquille gros tas ! »

Une lueur d’espoir bille en moi. Peut être qu'a deux, nous parviendrons à l'intimider. Mais regarder la taille et le poids qu'il fait me sort vite cette idée de la tête. Comme je me sent observée, je jette un rapide coup d’œil derriere moi avant de me reconcentrer sur notre adversaire commun.