J'accuse...

Le printemps arrivait… Et avec lui les chutes de neige, avalanche imprévisibles et le dégel. Le grand nord quittait son carcan de froid glacial pour le troquer contre un petit duvet de louveteau. Mais ce manteau n’en n’était pas moins traitre. Agréable à l’œil, il éclipsait l’essentiel : le danger des crevasses, le sol glissant, la propagation de l’eau et donc de maladies… Un masque de neige bien cruel et pourtant bien réel. Et dans ce paysage aussi idyllique que trompeur, un procès était tenu.

- Les rapports démontrent votre implication dans le meurtre du Jour-Festigrid, M. Museau-Cramé. Qu’avez vous à dire pour votre défense ?
La parque haussa un sourcil, son oreille droite remuant par petits intermittences, percevant d’infime chuchotements.
- Oui ? M. Griffe-Calibre vous avez des réclamations ? Tentative de séquestration avec soutien vous dites ? Voyons cela avec notre témoin voulez vous. M. Pic-
Sa mine prit un air effaré, alors qu’un sourire malicieux prenait place sur ses babines.
- Oh, au combien astucieux….
Terezi se retourna, le poil hérissé, ombre grandissante avec le levé du soleil.
- Eliminer le seul témoin occulaire de la scène du crime M. Rouge-Croc.

Un lourd silence s’abattit sur l’endroit, secoué de temps à autre par le vent polaire s’engouffrant dans les cavités neigeuses. Elle planta ses prunelles perçantes dans celle du coupable, un très mince sourire un lèvres.
- Un manque de preuves ? Nous en serons avisés M. Rouge Croc.
Elle reprit une marche souple, détendue, régulière, examinant toutes les personnages présentes une à une, comme un artisan détaillant son œuvre, attentif au moindre détail, prêt à repérer le moindre accroc, à rectifier les erreurs jusqu’à les faire disparaître complètement… Elle eut un petit rire, d’humeur plaisantine.
- Enfin… Nous avons tous droit à la chance. Au bénéfice du doute…
Elle s’arrêta devant une pierre plate, presque sans relief.
- Face : vous êtes acquittés. Pile : vous êtes coupable.

La tapotant de ses griffes, elle marqua la face visible d’une entaille, puis récupéra le minéral dans sa gueule, savourant son gout de roche glacée alors qu’elle l’élevait, gravillons pétillants sur sa langue hypersensible. Elle repassa devant son audience, lentement, calculant son pas, se plaçant au centre de la petite caverne. Elle lança la pierre d’un mouvement leste de la nuque, la faisant voleter dans l’air froid. Celle ci ne tarda pas à retomber. Face.

Le coupable lâcha un soupir retenu. Le sourire de terezi ne quitta pourtant pas sa place. M. Rouge croc la regarda d’un air interloqué, perplexe. Terezi sourit de plus belle.
- Oh mais pourquoi êtes vous si satisfait, M. Rouge-Croc ? Vous ne vous souvenez pas…
Elle diminua la distance entre eux, collant son museau à la surface glacée de la peau de son interlocuteur.
- La procureur ne voit pas de pierre. ELLE EST AVEUGLE !
Et sur ce, elle se jeta sur l’accusé pétrifié, lui déchirant le cou. Fin de la pièce, simple produit de son imagination et de sa mise en scène théâtrale. M. Rouge Croc résidait désormais dans son gosier, tas de neige informe ayant eut son moment de gloire éphémère, alors que d’autres tas de poudreuse légèrement sculptée regardait ce spectacle d’un air indifférent, inanimé. Les marionnettes lupines reposaient dans leur giron, décor blanchâtre égayant quelque peu la vétuste grotte qui les abritait, témoins à jamais silencieux du verdict de la parque.

- Bien. Le procès est terminé. Merci de votre participation ! HIHIHIHI !
Son rire fou résonna contre les parois gelées, orchestre chaotique d'une hilarité toute spontanée et machiavélique.

- Atchmm.
La parque remua ses oreilles, bien que peu surprise par le bruit. La présence de l’intrus n’était pas passé inaperçu avec ses sens développés, et elle avait put le repérer avant que son éternuement à moitié étouffé ne résonne dans le renfoncement pierreux. Elle avait néanmoins choisie de continuer son jeu. Un procès se doit d’être terminé dans les règles ! Et non interrompu devant le premier fouineur venu. De toute façon, cela ne dérangeait point la louve : ses petites pièces était un de ses grands plaisir, et comme elle était déjà considéré comme dérangé par la plupart des membres de la meute, un comparse de plus ou de moins ne changerait rien à l’affaire. Au contraire ! Ce n’en serait que plus amusant !

- Bonjour, vous êtes donc procureur ? Procureur spécialisée dans le jugement de … la neige ?
Terezi ne se départit pas de son sourire, et laissa échapper un gloussement avant de répondre simplement.
- Oui et oui.
Elle s’approcha de la source de la voix, l’identifiant rapidement comme étant celle d’un louvard. L’odeur qu’il portait ne lui était pas inconnue non plus, et elle ne tarda guère à retrouver l’identité de son propriétaire aux effluves de myrtille et de roche poreuse : Layk, fils de Maelström, descendant de Julius. Elle eut un rire intérieur alors qu’elle commença à tourner autour du jeune, le jaugeant. Elle l’avait quelque peu observé durant ses premiers mois, surveillant ses allés et venues dans la meute, analysant ses relations avec les autres, le fait est que la princesse du nord était en rivalité constante avec sa belle mère ne l’encourageant pas à abandonner ses investigations sur leur agissements et les tensions qui animait les deux partis… Et, louveteaux ou pas, les enfants des deux louves étaient déjà, et bien malgré eux, cantonnés à un camp défini. Mais de tous les protagonistes présents, ce fut le penseur qui attira son attention : ses tics, et surtout la réaction des loups par rapport à ces derniers, la rendait complètement hilare. Néanmoins, ce passe temps bien sympathique avait dut s’arrêter au profit du pistage et de l’espionnage d’Inaria. Le César, bombé d’ambitions et de paranoïa, n’avait cessé de l’envoyer quérir diverses informations sur leurs voisins, persuadé d’une menace extérieure latente.

- La neige entend tout, voit tout, sent tout. Il ne tient qu’à nous de la faire parler…
Lâcha t-elle d’une voix sérieuse, presque sinistre. Sa mine s’éclaira cependant, ses oreilles dressés comme des piques alors qu’elle trottina en sens inverse, et se stoppa non loin d’une des statues au museau lupin, fredonnant au passage. Elle eut un grand sourire.
- Tiens !
Elle rapprocha un de ses appendices auditifs de la bouche fictive du témoin, soudainement survolté, écoutant ses propos comme le chuchotement des vagues, hochant la tête comme pour affirmer son attention.
- Hm, hm.
Elle eut un dernier coup de tête, comme pour acquiescer, et se retourna en direction de Layk, ses yeux rouges scintillant d’une lueur malicieuse.
- La neige me dit que tu t’appelles Layk, que tu es le petit fils de Julius… et que tu as de vilaines manies corporelles !
Sur cette affirmation, elle donna un vif coup de patte dans l’amas qui avait servi de tête à M. Museau Cramé, et se cura les canines, désinvolte.
- Pas que j’en porte une quelconque importance. Elle fit de gros yeux, passant une de ses pattes devant ses verres oculaires inutiles, la bouche entrouverte en un rictus aussi joyeux que ridicule. J’te vois pas !

Et sur ce elle se roula dans la neige, incapable de se retenir plus longtemps.
- HAHAHAHA !

Terezi sentit le louvard s’agité, comme un insecte prit dans une toile d’araignée. Le son de sa chute au sol, de sa respiration saccadé, de sa toux même, vinrent en ses magnifiques ruche d’informations auditives, enregistrant chaque modulation avec précision. Sa truffe sentait sa peur croissante alors qu’elle visualisait le gout qu’elle pouvait avoir, tache de bleu mêlé d’un rouge ardent aux accents de mente piquante… Elle rigola, ravie, joyeuse, béate. Puis son rire se coupa, comme s’il n’avait jamais eut lieu.
- Eh, relaxe. J’mange pas les louvards. Trop coriaces.

- Comment est-il possible que vous ayez collecté autant d’information sur ma personne, alors que c’est bien la première fois que je croise votre silhouette ! Concrètement, mais qui êtes-vous ?! Une espionne ? Une je ne sais quelle voyante ? Sérieusement.
Elle repartit de son rire aigue, sa queue battant l’air froid alors qu’un rictus creusait ses traits.
- Voyante ! Oho ! C’est bien la première fois qu’on me dit que je puisse avoir le don de voir quelque chose ! HAHAHA !
Elle marqua une pose, soudainement sérieuse, ses yeux se réduisant à deux fentes étirés, stries de rouge sang sur un bleu glacial.
- Sérieusement ? Hn, tant de curiosité pour une innocente aveugle qui ne fait qu’écouter les confidences de la poudreuse… Cela est des plus suspect !
Elle se redressa de toute sa hauteur, soudainement plus menaçante, sa chevelure noirâtre passant fugitivement devant ses globes oculaires, ombre sur un feu de joie.

- En tant que procureur je me dois d’enquêter, hihi…
Un mince rayon de soleil passa, redessinant les contours de sa silhouette. Elle avança, diminuant dangereusement la distance entre son nouvel accusé et elle, jusqu’à se coller contre son flanc, sa gueule non loin de son oreille, son museau niché dans les mèches violacés de sa tête, reniflant à n’en plus pouvoir. Pourtant, elle ne dit rien, se concentrant sur les réactions de son comparse, attendant avec impatience la ribambelle de sensation que leur soudaine proximité allait sans nul doute provoqué chez lui.

« Eh, relaxe. J’mange pas les louvards. Trop coriaces. » Déclara la louve bleu. Avait-elle laissé un sous-entend si bien placé pour effrayer davantage le louveteau ? Certainement, elle avait glissé cela dans l’espoir de faire frissonner Layk. Mais rationnel comme il était, il se rassurant, convaincu qu’elle n’avait jamais tenté de manger un louveteau.

« Voyante ! Oho ! C’est bien la première fois qu’on me dit que je puisse avoir le don de voir quelque chose ! HAHAHA ! » En y réfléchissant de plus près il n’avait pas vraiment réfléchi à ce qu’il avait dit. Dire à une aveugle qu’elle semble être une voyante, c’est quelque peu paradoxal. Mais il se dit que la surprise, l’étonnement, l’avait mis sur une mauvaise route d’expression. Il se reprit, espérant de pas articuler tes phrases non cohérentes. Layk n’aimait pas utiliser un vocabulaire restreint et mal employé. Il voulait être le plus juste possible dans ses propos. Il baissa sa tête et ses oreilles, confus des paroles de la procureure.

« Sérieusement ? Hn, tant de curiosité pour une innocente aveugle qui ne fait qu’écouter les confidences de la poudreuse… Cela est des plus suspect ! » Innocente aveugle ? Layk n’était pas convaincu. L’odeur qu’elle dégageait n’avait rien de celle d’un nourrisson pure et innocent. Bien au contraire. Il se focalisa sur sa musculature et ses armes : ses crocs et ses griffes. Tout cela paraissait plus entraîner à combattre qu’à garder des louveteaux. C’était sûr qu’elle n’était pas nourrice. Assassine ? Layk frissonna à cette idée. Même s’il reconnaissait l’odeur de son clan, et que cette louve figurait dans les aspects physiques d’une louve polaire, il ne pouvait s’empêcher de trembler face à l’inconnue. Elle dégageait quelque chose de dérangeant, dans le sens qu’elle chancelait entre la folie et la raison. Et ça, c’était effrayant.

Et puis, franchement, reposer son savoir sur de la neige ! C’était complètement absurde. Layk restait confus.

« En tant que procureur je me dois d’enquêter, hihi… » Dans un mouvement furtif, la lovue se jeta presque sur le louveteau. Layk n’eut pas le temps de réfléchir. L’étrangère au regard sanglant se trouvait bien à le renifler. Elle cherchait quoi exactement ? De la neige ? Layk fut d’abord surpris et voulut reculer mais il se trouvait dans une impasse. Impasse dans laquelle il s’était lui-même enfermé –idiot !- pensa-t-il. Il tremblait. Mais il n’avait pas radicalement peur. Ses membres subissaient la pression de son crâne, autrement dit ses tics sous la montée d’adrénaline tressautaient. Layk était effrayé par son comportement. Cependant, il garda un certain calme, même si cela n’était pas du tout apparent. Mais après tout elle était aveugle. Layk posa sa patte sur le museau de la bleue et tenta de la faire reculer, en vain. Il secoua violemment sa tête dans tous les sens, faisant un « non ».
Enfin, il se décida à parler, car ce n’était pas avec cette louve que l’on pouvait jouer aux devinettes en faisant des mimes.

« Je vous prierez de bien vouloir, EVITER, de me renifler ainsi. » Il continuait de pousser la louve.
« Il y a d’autres manières pour se présenter, je pense que la conversation prime toujours sur des actions insensées comme CELLE-CI ! »

Ses yeux vermeil transpercèrent la peau de Layk, voyant au delà du trou noir béant qu’était sa vision, ses autre sens rassemblant données et détail dans un ordre machinal, presque automatique. Elle sentait Layk frétillé sous elle, tentant en vain de se dégager de son envahissante présence. Il était déstabilisé. Dérangé. La parque savoura ce flot de révélations et sensations avec gourmandise. Puis elle sentit une patte sur sa truffe, et une sensation de mouvement plus importante.

- Je vous prierez de bien vouloir, EVITER, de me renifler ainsi. Il y a d’autres manières pour se présenter, je pense que la conversation prime toujours sur des actions insensées comme CELLE-CI !
Ses oreilles se dressèrent de toute leur hauteur. Le jeune essayait de la repoussé. Animé d’un vif sourire, elle le laissa faire, hilare.
- Insensées ? Oh petit Layk, comment veux tu qu’une aveugle reconnaisse pleinement son interlocuteur et se présente à lui sans un minimum de contact PHYSIQUE ?
Elle lui donna un coup de coude, tirant la langue.
- Sensible de la touffe hein ?
Ses sourcils se montèrent et s'abaissèrent, suggestifs à souhait alors qu'elle inclina sa tête, ses dents pointues luisant dans la grotte à présent éclairé par la lumière timide du matin.

Attention ! L'event d'hiver est terminé.
J'enlève le message ~

- D’ailleurs, avant tout contact aussi PHYSIQUE, une quelconque présentation ne serait pas de refus. Je ne connais toujours pas votre identité, alors que vous connaissez parfaitement la mienne. Ce n’est pas un début très égalitaire.

Tez alla répondre, mais elle ne put néanmoins continuer ses railleries. Une sensation de glissement intense frisa les poils de son abdomen. Elle hoqueta, sincèrement décontenancée. L’odeur propre à Layk s’en alla plus loin, mince ruban violet sur un fond bleu. Bizarrement, sa présence était moins forte, mais toujours perceptible. Elle cligna des yeux, confuse.
- Eh petit gars, tu serais sympa d’éviter les jeux de cache-cache avec moi. C’est hautement vexant !
Un rictus contrarié pris place sur ses traits, ses sourcils se fronçant à vu d'oeil. Pour un peu et elle boudait presque.

Mais, soudainement, elle entendit un bruit étouffé de mastication et reprit vite ses esprits, un sourire des plus méphistophélique agitant sa gueule. Elle se retourna vivement vers la source du bruit, le poil de sa nuque se hérissant alors qu’elle lécha ses crocs. Oh toi…
- Voyez vous ça… On parle d’égalité, et pourtant tu es le premier à prendre avantage d’une handicapée… Pire encore… Son pas résonna dans la caverne lourd, ses griffes frappant le sol avec violence. Tu tentes de lui voler sa source d’information !

Elle renifla l’air, les oreilles remontées de toute leur hauteur. Les sons de respirations parvinrent à elle, minimes, mais tout aussi clair que l’eau de roche pour son radar interne. Elle se lécha les babines, jubilante, puis murmura, une lueur menaçante animant ses iris couleur rubis. Sa démarche se fit plus légère, mince spectre de décibel à peine perceptible sous le souffle croissant du vent du nord.
- Layk, second fils de Maelstrom, petit fils de Julius… Je vous inculpe pour vol et abus de confiance de personne à oculo-motricité réduite ! Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous...
Le tas de poudre blanche, derrière lequel son coupable était caché, était assez important pour la dissimuler entièrement si elle se tassait sur elle même, chose qu’elle fit immédiatement après avoir pris ses marques. Et sur ce, elle se glissa contre la paroi de neige qui les séparait, se fondant presque en son sein, aussi agile qu’une anguille et aussi silencieuse qu’une souris. Elle se fia à ses membres et à son expérience, effleurant la neige comme une danseuse, avant de se figé, immobile comme une statue. Elle refreina sa respiration, et attendit, patiente, attentive, à l’affut. Elle était à peine à quelques centimètres du jeune, camouflé par le mur d’eau gelée qui était sur son flanc gauche, prête à se ruer sur lui au moindre mouvement de sa part, ne serais ce qu’un simple tic.

La parque attendit, le frisson si typique à la traque s’emparant de ses membres avec délice. Le curieux se découvrirait tôt ou tard, ne se doutant pas de sa position. Après tout, la louve n’était pas devenue ce qu’elle était sans efforts et capacités ; sa cécité additionnée à ses manières achevaient de rendre ses cibles totalement ignorantes de ses ressources. Elle sentit un mouvement d’air, qu’elle identifia bien vite à celui d’un redressement. Elle sourit, tout crocs dehors. Le louvard venait de se trahir…
- BOUH !
Susurra t-elle, ravie des sensations qui s’emparèrent de Layk. Ce dernier courut, plus affolé que jamais. Elle n’eut aucun mal à suivre la trace de son agitation nerveuse, sillon d’odeur aussi amer que reconnaissable. Puis elle sentit la cadence ralentir, alors qu’un craquement résonna dans l’abri vétuste.

- OHNON ! OHNON !
Terezi freina brutalement, consciente du phénomène qui se produisait grâce à ses sens ultra-réceptifs. Elle jura entre ses canines. Les sillons de glace aussi microscopiques que réels fléchissaient, le hurlement du louvard se répercutant contre leurs liens aussi fragiles que des ailes de libellule. L’engrenage qui maintenait les plaques gelées soudées entre elle céda aux ondes produites par leurs mouvements respectifs, suite logique de la fragilisation de son équilibre, menaçant de faire effondrer la structure entière sur leur têtes.

- Retour à la case départ.
Le louvard soupira, inconscient de la catastrophe qui risquait à tout moment de leur tomber dessus. Dans un réflexe, elle se relança dans sa direction, s’aidant grâce aux minces courant d’airs et aux infimes mouvements de Layk qui animait la croute terreuse, se laissant porté par le glissement du terrain. Un crépitement agita la glace… La procureur calcula ses options en un éclair.
- Sinon on fait égalité. Je n’utilise plus mon sens visuel ?
Elle eut un rire amer, à peine à quelques centimètres de la nuque de l’héritier de Julius.
- Tsséh, tu auras tout le temps d’être à égalité si tu ne bouges pas tes fesses, abruti !
Et sur cette déclaration, elle lui agrippa vivement la peau du cou, un grondement sourd se faisant entendre au même moment. La couche externe de la glace s’effondra. La neige retenu à sa surface suivit celle ci, avalanche d’éléments en furie. Elle recula soudainement, prenant appuis de ses quatre pattes, rejetant son corps en arrière, tel un ressort. L’effort la porta suffisamment loin pour qu’ils évitent le plus gros des dommages, et elle se réceptionna tant bien que mal, ses pattes arrière griffant la terre maladroitement. Le poids de Layk additionné au sein acheva de rompre son semblant de balance, la gravitation prenant le relais. En un dernier réflexe, elle porta son corps sur le coté avant de tombé au sol comme une pierre. La douleur lui vrilla le dos, alors qu’elle relâcha son emprise sur le male, sifflant de mécontentement. Elle dérapa encore quelques mètres plus loin, à la dérive, avant de s’invectiver.
- Franchement qui m’a fichu un idiot pareil. Hurler dans une grotte en dégel…
Elle tenta de se relever, mais dut vite renoncé à son entreprise, ses nerfs criant leur mécontentement. Au loin, la chute se calma, mince reflet de la cascade de neige de quelques instants plus tôt. Vu l'afflux de particules humides et spongieuse qui lui emplissait les narines, l'entrée de la grotte était sans doute bouchée à présent... Elle pesta, presque colérique.
- Et le comble, c’est pour ma pomme, tssss !




hors jeu:

Terezi lâcha un soupir satisfait. Layk n’était peut être pas un expert, mais les contacts qu’il initiaient restaient doux et apaisants.
- Hm, dites, vous avez déclaré de point enseigner faute d’élèves. Mais si un prétendant disciple se propose à l’apprentissage de vos techniques remarquables ? Vous penseriez éventuellement à approfondir les connaissances de cet élève ?

Elle resta muette, étudiant les possibilités d’une telle décision. Apprendre ses connaissances en matière de traque pourrait la désavantager ; personne d’autre que elle ne les utilisait, son anonymat et sa maitrise en serait alors menacé. Et ce petit était un descendant du tyran… Il y avait des chances pour qu’il suive sa famille dans leurs idéaux monarchique. En même temps, ce dernier semblait avoir un certain potentiel. Bien que orienté comme un pur rationaliste… il pouvait évolué dans une autre direction. Rien n’était figé dans la psychologie. Et se rapproché de lui signifiait se rapproché des dirigeants. Elle rumina, pensive. C’était un jeu dangereux… Quitte ou double, hein ? Comme avant… Prudence : voilà le maitre mot qui résonna dans son crane, alors qu’elle s’exprima, légère.
- Pourquoi pas ? Puis, sa voix se fit menaçante, sifflante. Mais ces techniques ne sont pas destinées à n’importe qui. Ce ne sont que des outils à une vision du monde…

Elle se releva, jugeant que le moment de détente avait été plus que suffisant. Ses pattes étaient plus stables et la douleur endormie. Elle se dirigea vers l’entrée, fronçant ses sourcils alors qu’elle huma l’air. La caverne était bouché de fond en comble… Pas un seul rayon de soleil ne venait lui titiller le poil… Ce n’était pas un bon signe. Il ne fallait pas qu’ils restent ici trop longtemps : même si le printemps était là, le froid était toujours intense et la neige épaisse. Il suffisait d’une pression plus basse que la normale et une période de temps propice, et ils finiraient gelés en un rien de temps… Ou étouffer, faute d’oxygène renouvelé.
- Et encore faut-il que nous sortions de là.
Elle eut un sourire en coin, amusé et presque chaleureux, posant sa patte sur la poudre blanche, aussi minutieuse qu’un archéologue entrain de déterrer un fossile, jaugeant sa densité à l’aide de ses coussinets et de ses griffes.
- T’sais petit gars, je te mentais pas quand je disais que la neige sait tout. Les empreintes sont encré dessus comme le soleil en plein jour. Les sons sont absorbés par son épaisseur. Et elle est le seul témoin tangible des allés et venus des troupeaux ou autres scènes de la vie arctique. Le seul problème c’est son silence…
Et sur cette tirade, elle reprit son examination, cherchant une portion plus fragile que le reste, espérant trouver un mince filet d’air au centre du bloc pour pouvoir y percer un trou et permettre un report de poids grâce à une poussé suffisante.

- Ainsi la neige peut paraître simple décor de la scène alors qu’elle est avant tout actrice.
Terezi sourit, sombre.
- Tu n’as pas idée.
La neige ; le fervent témoin de la mort de Cornélia. De Caius. Hélas, elle avait failli à éviter les deux. Blanche lui avait confirmé ses théories concernant Maelstrom, ayant assisté à la scène de la mise à mort du compagnon de Snowfall, en brave assistante et sœur de cœur, voletant sous les indications de la louve bleue. Les scènes des crimes avaient été inspectées une à une par la parque, révélant sans faute l’identité des coupables. Des détails. Ce n’était que de simples détails qui avaient avoué toute la vilainie de la famille de Julius. Une touffe de poil. Des éraflures sur le sol. Des odeurs. Des sons. Des restes d’empreintes. L’inclinaison du terrain. Celle des corps. Pendant une seconde, le mépris apparut sur son visage, vidant ses yeux de leur chaleur. Ce fut les paroles de Layk qui la sortie de sa sourde colère. Son expression changea aussi vite qu’elle était apparut.

- Là-haut, sur la gauche, je crois bien apercevoir ce qui pourrait être notre sortie de secours.
La louve suivit les instructions de Layk, décalant lentement sa patte vers l’endroit indiqué. Elle s’arrêta à plusieurs reprise, collant ses oreilles à la couche du bloc, cherchant à s’assurer de la véracité de ses dires.
… Hmfh.
Un très mince sifflement pouvait être entendu, écho répercuté par la neige. Elle il passa sa langue, goutant la texture de la surface gelée. Celle ci avait un gout plus discret ; les particules d’eau qui y résidaient étaient soumises à la chaleur du soleil, les faisant s’évaporé dans l’air, rendant sa saveur moins forte. La chaleur caressa ses doigts, et elle expira, agréablement surprise.
- Il semblerait.
Elle toisa le louveteau, nostalgique et se détourna aussitôt, murmurant, neutre. Pourtant, une pointe d’amertume pouvait se lire dans ses orbes rouges.
- Je reste aveugle.
Elle reprit, collant son flanc à la poudreuse, et grattant l’endroit indiqué par Layk avec parcimonie et délicatesse.
- Enfin ! Ceci est une bonne nouvelle. Elle se stoppa momentanément, jaugeant l’entaille. Elle se retourna vers le jeune et chuchota à son oreille, savourant chaque syllabe alors que le frison de la joie et de l’amusement revenait. Peux être que finalement, tu pourras te libérer de tes charges petit curieux !
Sur ce, elle donna un coup sec de ses pattes avants, inclinant et poussant la neige vers le haut, augmentant la pression avec le reste de son corps de manière latéral, pour finalement changé de direction et fragilisé le bas de la bute, alternant les rythmes, cassant peu à peu les liens qui soudaient les monceaux entre eux. Elle répéta cet enchainement plusieurs fois, patiente, creusant petit à petit un mince creux aux fondations de plus en plus instable. Le vent était à présent clairement audible.

La parque s’’arrêta finalement, satisfaite. Elle tendit une oreille, distinguant la brise derrière le mur de neige. Elle tapota à peine la couche de poudreuse dans le creux, effritant légèrement celle ci. Une bonne pincée tomba aussi sec, atterrissant doucement sur le sol de la caverne. Terezi huma l’air, puis relâcha celui ci, sa poitrine s’affaissant dans un mouvement proche du soulagement. Presque… Ils y étaient presque.

- Un petit coup de patte en plus, même s’il n’est pas aussi précis que le vôtre, serait-il le bienvenue ?
La louve eut un sourire taquin alors qu’elle tourna la tête vers Layk, son expression ne trahissant guère ses pensées. Même si le plus gros du travail était achevé, ce qu’il restait était difficile et sensible. Un geste de travers, et la bute s’agrandirait : le passage était esquissé, mais pas tracé, et la pression devait ne pas être trop forte sur ses fondations pour ne pas réduire son œuvre à néant. Une seconde personne pouvait faire la différence. Après quelques instants de silence, elle éclaircit sa voix, sérieuse.
- Nous arrivons à la partie la plus délicate… Toute aide est la bienvenue.
Son sourire s’agrandit et ses yeux s’étirèrent, déformant son visage. Ce n'était pas un rictus heureux. Ce n'était pas un rictus triste...
- Te sens tu capable de suivre mes directives, jeunot ? L’erreur n’est pas une option.
Autant être clair. Quitte à être moins marrante. Si cela pouvait leur épargner une nouvelle avalanche.

- Oui procureure. Je suis prêt.
Terezi reprit une mine grave, professionnelle. Le louvard avait fait son choix et avait du répondant. C’était un très bon signe. Non seulement pour la tache qui l’attendait, mais aussi au vu de son avenir… Bien que sa décision ne fut pas encore définitive, la parque avait sérieusement étudié sa proposition et s’en trouvait… plutôt ravie. Elle n’avait jamais eut d’élève : ce serait une expérience. Et puis, léguer son savoir et ses idéaux n’était pas rien. Et Layk semblait suffisamment réceptif pour ne pas prendre ses enseignements pour du vent. Mais elle n’eut néanmoins pas l’occasion de commencer son énoncé, son potentiel élève la prenant de cours en s’élançant vers la barrière naturel, tout émoustillé, créant une vague d’air froid dans son sillage.
- Olà, doucement. Elle gloussa dans sa fourrure. La fougue de la jeunesse, ché.
Elle se rapprocha du jeune, et l’assista, donnant l’exemple tout en énonçant ses consignes.
- Tout d’abord : remonte le creux, et oriente le de manière latéral. Les risques sont diminués si la pression est exercé que d’un seul coté de la barrière et plus le creux est haut, plus la gravité est freiné par la masse déjà présente au sol.
Elle appliqua ses dires, déblayant délicatement la neige sur son axe vertical. Elle continua, imperturbable.
- Etudie la neige. Utilise tes sens. Tous sans exception. Ressent sa texture. Son épaisseur. Le bruit créé par tes actes. Les variations de blancheur et d’éclairage.
Elle s’arrêta de temps à autre, interpellé par de fins crissements, des bruits d’échos étouffés. Elle acheva, tout sourire.
- Enfin : essayes de capter les nuances, les détails. Ce sont eux qui feront la différence.
Une fois ceci dit, elle donna une tape sur l’arrière train du louvard, badine.
- Allez, au boulot maintenant !
Et elle rigola, guillerette, tout en reprenant son travail. Elle cherchait à apaiser la tension. Le moment décisif approchait à grands pas.