Un air d'agitationostalgique

[Fin Hiver, Squat Inaria, quelques jours après le retour de Chrono, Ciaran et Salama]

Il s'estimait chanceux d'être rentré en un seul morceau- enfin, figurativement parlant. À leur retour, ils avaient été accueillis par leur frère Chrysantos, leur mère Sunshine, leur grand-oncle JD et leurs benjamins, Elon et Azula. En apprenant la mort d'Enzo, Chrono semblait s'être refroidi. Il ignorait quoi en penser. Il n'eut pas le temps de développer: l'Oasis avait gagné en densité, accueillant désormais leurs camarades originaires de la forêt d'Inaria. C'était une chose étrange de les revoir sur leur territoire alors qu'ils avaient passé la saison chaude jusqu'à la saison morte sur le leur. Revoir Adrian, Brooke, Honeydust et les autres lui avait été comme une source de réconfort... et d'inquiétude. Il s'était éloigné de l'amoncellement de loups pour s'approcher des zones délestées.

Il gravit les marches de roc qui débouchait à la faîte de la muraille, au milieu de l'intersection entre l'Arche de Pierre et le corridor menant à la principale grotte aux chauve-souris. Il suivit le corridor en clopinant, quelques feuilles en gueule, s'adaptant à la physiologie changeante de ses pattes. Enfin arrivé à l'entrée de la grotte, il s'arrêta, en revivant un souvenir. Celui d'avoir cherché une plante légendaire, tout au fond, qui aurait pu guérir n'importe quelle maladie. La pensée lui arracha un sourire triste : après tout, l'origine de cette aventure avait été leur désir naïf de vouloir guérir leur père de la sienne.

Il regarda le soleil une dernière fois avant de s'avancer dans les ombres. Là, en levant la tête, des centaines de petits yeux rouges se braquèrent sur lui. La scène lui revenait, mais il avait changé. Il les ignora, reprenant sa marche. Une chauve-souris se laissa tomber du plafond pour s'écraser sur son dos, le saisissant dans ses griffes. Chrono poussa un feulement irrité, se cabrant sur le dos et jouant des hanches afin d'adopter le bon angle et... il envoya valdinguer le rongeur volant d'un virulent coup de patte.

La chauve-souris se heurta au mur, sa tête rebondit dans un sursaut, et elle s'arrêta de bouger, inerte. Chrono fronça ses sourcils. Il s'approcha prudemment, recourbant sa queue en S derrière lui, aplatissant ses oreilles sur son crâne... Il la savait encore vivante. Il venait de la voir entrouvrir son œil afin de balayer les environs furtivement.

Note à elle-même : chasser avec deux handicapés, c'était une très TRES mauvaise idée...
Cela avait beau faire deux mois, deux longs mois, depuis son accident, la douleur était encore bien trop cuisante. Et elle craignait que cela ne s'arrange pas avant encore de nombreuses semaines...
Elle aurait bien voulu aller retrouver Sigma et Ester (avec un peu de chance, elles auraient pu lui arranger ça) mais son état était tel qu'elle ne se voyait pas se balader toute seule dans le désert pour les retrouver...

Décidément, depuis qu'elle avait croisé Warbound, plus rien n'allait... Comme si cela ne suffisait pas qu'elle doive s'expliquer de toutes ses aventures avec les gens de l'oasis, il se trouvait en plus que toute Inaria s'était invitée chez eux. Salama n'avait rien de particulier contre eux, mais un peu plus d'intimité aurait été appréciable après tant de temps passé seule ou en communauté très réduite.
La métisse soupira : elle allait devenir comme Sunshine si elle ne se remuait pas un peu !
Si extraordinaire que cela paraisse, elle se trouvait actuellement dans une grotte profonde et noire. Oui, noire ! Tout ce qu'elle aimait... Mais en mode "grognasse comme Sun", c'était bien là qu'elle avait jeté son dévolu pour une sieste au calme, au frais, et qui lui ferait oublier ses tracas.
Autant dire qu'elle n'avait pas fait la fière pour y pénétrer, mais le tunnel qui semblait si long dans son enfance apparut finalement très court avant de déboucher dans la salle où scintillait un mince faisceau de lumière : juste ce qu'il lui fallait pour ne pas péter un câble claustrophobique.

Mais donc, il était maintenant de se bouger les fesses. Et même si repasser par l'étape "tunnel noir" ne l'enchantait pas, au moins allait-elle vers la sortie.
Raidie par la les tiraillements dans ses côtes, elle se traîna vers l'ouverture de la grotte en faisant tout pour penser à autre chose que la noirceur qui l'entourait. Chose rendue bientôt plus aisée par l'apparition du trou de lumière qui annonçait la sortie.
Mais un choc au sol la fit sursauter, et c'est de bien peu qu'elle s'empêcha de pousser un "bwaehhaeha !" en réaction.
Analysant rapidement la situation, elle remarqua enfin la présence de Chrono et d'une chauve-souris mort-vivante (et bientôt morte si elle en croyait le visage du jeune mâle).
Frustrée et d'assez mauvaise humeur (comme c'était le cas depuis qu'un rarara de cerf lui avait défoncé la cage thoracique), elle se précipita vers la chauve-souris que guettait son ami, envoya un violent coup de patte en travers du petit corps caoutchouteux qui prit un court envol (accompagné d'un "squeek") vers le visage du petit loup avant de rebondir, inerte, vers la femelle dorée qui s'en empara d'une bouchée et l'avala tout rond. Ce qui ne manqua pas de la faire crachoter quelques secondes pour éviter de mourir étouffée, ce qui en retour agaça ses côtes encore fragiles qui la firent aussitôt se repentir de son acte barbare en lui envoyant une violente décharge de douleur en travers des flancs.
Salama se recroquevilla avec une grimace, sa fourrure se hérissant comme si elle avait gouté quelque chose d'horriblement acide ou dégoutant.

Chrono trémoussa très légèrement sa croupe et ses épaules, avant de défléchir ses pattes. Au lieu de fondre sur sa proie, il caracola sur place lorsque la proie en question le heurta en plein dans le troisième œil. Chrono vit des étoiles un moment, avant de baisser les yeux pour être témoin d'une Salama s'emparer de son butin et de l'avaler d'un seul coup.

Chrono n'eut pas le temps d'en glisser une: Salama se mit à s'étouffer sur sa bouchée ronde, puis à crachoter d'une voix rauque, qui, aux yeux de l'aspirant guérisseur, ne semblait pas concilier avec ses précédentes blessures. Après son spectacle, Salama avala son butin sans en tirer triomphe – elle grimaça – et sa fourrure se hérissa. Chrono leva un demi-sourire compatissant, pivotant ses oreilles de chaque côté de sa tête, voûtant un peu le cou.

— Je... te donne des points pour la créativité, au moins, lui fit Chrono dans l'espoir de détendre un peu la tension dans l'atmosphère.

Sentant probablement qu'une approche plus révoltée se concilierait mal avec l'humeur de sa comparse, Chrono tenta un trait d'humour :
- Je... te donne des points pour la créativité, au moins
Salama répondit par un grognement-geignement alors qu'elle se courbait au sol, restant son front contre la roche, la respiration saccadée, avant de se laisser choir (prudemment tout de même) complètement.
Elle s'immobilisa couchée sur son côté encore intact, les pattes étendues et raides.
- Hhnng Chronooo... Pourquoi c'est SIII LOOONG ?! Urg... Deux lunes et je me traîne encore comme une vieille handicapée... Chouigna-t-elle, exaspérée.
Elle se traînait, souffrait, se plaignait... Soudain les raisons de la ronchonsité des vieux lui paraissaient totalement légitimes...
Mais tout de même, ce sentiment d'être coincée dans son propre corps commençait à sérieusement lui peser... Elle qui avait pris goût à sa liberté des dernières saisons, elle se voyait privée de plaisirs simples comme la chasse par l'ironie du sort qui avait décidé que ce serait une bonne idée qu'elle fasse un petit stage de vol plané avec Maître aux Grandes Cornes...
Elle aurait pu s'en sortir bien pire, certes... Par exemple : ne pas s'en sortir du tout...
Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'était plus prête de jouer les audacieuses avec quoi que ce soit de plus gros qu'elle et équipé de longues extrémités pointues et dures comme la roche !

Salama aplatit son front au sol, avant de peu à peu se laisser tomber.
— Hhnng Chronooo... elle fit en étirant ses pattes, raides. Pourquoi c'est SIII LOOONG ?! Urg... Deux lunes et je me traîne encore comme une vieille handicapée... Chrono s'avança de quelques pas au trot, trempant le bout de ses pattes dans la toute petite flaque d'eau à l'entrée.
— Considères-toi chanceuse, Sal. Ça va bientôt faire un an pour moi, et je sais à peine comment manœuvrer avec ce truc, lui lui dit en repliant sa patte marquée et en posant son séant au sol. Il voûta son dos et étira ses pattes, jusqu'à ce qu'il se couche sur le ventre.
— Au moins, tes tissus respirent encore. Il lorgna des yeux vers la peau noircie de sa patte, plissant ses yeux. Ça signifie que tu vas guérir normalement. Moi... Peut-être qu'ils étaient un cas perdu. Peut-être que faire revivre des tissus était réellement impossible. Il secoua sa tête. Ran et moi on aura peut-être pas la chance d'avoir une guérison normale. C'était mieux ça que d'abandonner tout espoir.

- Considères-toi chanceuse, Sal. Ça va bientôt faire un an pour moi, et je sais à peine comment manœuvrer avec ce truc.
La protestation qu'elle préparait quant à son sensible "considère-toi chanceuse..." mourut dans l'oeuf aussitôt qu'il lui rappela son propre état.
Elle soupira, à la fois coupable et agacée qu'il soit parvenu à ramener son problème au sien. Une moue boudeuse déforma son visage qu'elle dirigea muettement vers le plafond.
- Au moins, tes tissus respirent encore. Ça signifie que tu vas guérir normalement. Moi... Ran et moi on aura peut-être pas la chance d'avoir une guérison normale.
Dans une réaction d'outrage violent, Salama se redressa subitement avant de se replier sur elle-même sur une inspiration sifflante et exclamation :
- AAARRH *beep* DE LUNE !
Quand sa crise fut passée, elle rampa jusqu'à Chrono, lui assénant un coup de tête violent mais amical avant de s'affaler à moitié sur lui.
- Dis pas ça ! Tant que y a d'la vie, y a d'l'espoir, comme on dit ! Maugréa-t-elle, faute d'avoir de meilleur argument à une réflexion somme toute légitime...
Elle plongea son museau dans la fourrure de son ami, continuant d'une voix étouffée :
- Mais j'me sens pas moi-même ces derniers temps...
C'était l'hiver, alors on se demande bien pourquoi...

Lorsque Salama se dressa d'un seul coup, Chrono défléchit ses pattes.
— Mais
— AAARRH *beep* DE LUNE !
— pense à ta blessure, enfin ! Il se préparait à se lever qu'elle le déséquilibra d'un coup de tête virulent et le força à s'asseoir d'abord, se coucher ensuite.
— Dis pas ça ! Elle se permit de tomber sur lui, lui arrachant une protestation. Tant que y a d'la vie, y a d'l'espoir, comme on dit ! 
— C'est pas le moment de faire de l'esprit ! Rétorqua Chrono en arrondissant son dos, légèrement incommodé par la proximité de la femelle sur lui. Il s'apprêtait à en rajouter qu'elle s’emmitoufla dans sa fourrure, le laissant bouche-bée. Il se rappela du moment où ils avaient été aussi proches. Dans la grotte, certes – il s'empressa de chasser ce mauvais souvenir – mais plus important était en dessous de l'arche de pierre, pendant leur premier orage. Chrono sentit le feu dans ses yeux s'éteindre, et il se força à tolérer leur contact.
— Mais j'me sens pas moi-même ces derniers temps...
— ... ...
Chrono leva la tête, les oreilles dans le cran.
— Je déteste l'hiver. Il ferma ses paupières. J'ai l'impression que si je dors trop, un autre proche va disparaître. Il les entrouvrit. Moi aussi, j'me sens pas moi-même ces derniers temps...

- Je déteste l'hiver. J'ai l'impression que si je dors trop, un autre proche va disparaître. Moi aussi, j'me sens pas moi-même ces derniers temps...
Un court silence s'installa, durant lequel Salama profita inconsciemment du répit qu'elle venait de gagner : un contact aussi long avec Chrono c'était rare ! Mais elle avait l'esprit trop ailleurs pour en prendre tout à fait conscience.
- T'as qu'à dormir maintenant. Je suis là, je veille. Et j'ai déjà dormi. Fit-elle en lui tapotant gentiment une oreille avec sa patte. Elle arrêta rapidement, la laissant retomber mollement sur l'encolure de Chrono.
- Mwouais. J'aime pas l'hiver non plus. Trop hormonal. Et y a trop de monde... Grande Lune qu'il y a trop de monde...
Elle était pretty sure d'avoir interrompu au moins deux fois, peut-être trois, les ébats de quelques amoureux d'Inaria. La pensée lui fit prendre un regard vide : vraiment trop de monde...

— T'as qu'à dormir maintenant. Je suis là, je veille. Et j'ai déjà dormi.
Les oreilles de Chrono tiquèrent, surtout lorsqu'elle se mit à les tapoter.
— Tchiip! Lâche! Il fit en levant une babine, remuant l'une de ses pattes dans le vide. Elle finit par lâcha l'affaire en laissant retomber mollement sa patte dans son encolure. Chrono poussa un soupir, faisant vibrer les mèches de ses deux franges. Depuis quand il était un accotoir ?
— Mwouais. J'aime pas l'hiver non plus.
Les oreilles de Chrono se redressèrent d'un coup. Il était heureux de savoir qu'il n'était pas seul à penser comme ça.
— Trop hormonal. Et y a trop de monde... Grande Lune qu'il y a trop de monde... 
— C'est pas juste l'hiver, ça. Si j'ai bien compris, Inaria a des problèmes avec sa forêt. Chrono ne voyait pas vraiment ce qu'il y avait de mal avec les hormones (?) et le nombre de loups dans la meute. Il haussa les épaules.
— Je pense que je suis immunisé à la malédiction chaude de l'hiver. Comme maman.

- C'est pas juste l'hiver, ça. Si j'ai bien compris, Inaria a des problèmes avec sa forêt.
- Yeah... That...
A bien y réfléchir, ça expliquait sans doute la raison pour laquelle les plaines étaient si marécageuses quand elle les avait retrouvés une saison plus tôt...
N'empêche... Elle avait hâte soit d'être suffisamment remise pour se carapater hors de l'oasis, soit qu'Inaria reprenne le large.
- Je pense que je suis immunisé à la malédiction chaude de l'hiver. Comme maman.
- La malédic-... ppPPPFFFRTT ! S'étouffa-t-elle, roulant sur le côté (ce qui lui arracha un "yelp !" intermittent).
Malgré la douleur, Salama fut incapable de contenir son fou rire. Lequel fut d'autant plus renouvelé lorsqu'elle pensa à Sunshine.
- Hahahaaaaha ! "Comme maman"... ! Répéta-t-elle, se bidonnant toujours, des larmes de douleur aux yeux.
"Comme maman"... qui a eu deux portées consécutives... Salama n'eut pas le coeur de briser l'esprit si naïf de son camarade... Pas tout de suite...

— La malédic-... ppPPPFFFRTT ! Elle se roula sur le côté et descendit de son dos, heurtant le sol de plein fouet. Chrono lança sa tête dans sa direction, les oreilels droites comme des piquets.
— Attention ! Il fronça les sourcils. Cesse de remuer comme ça ! Tu vas empirer ta blessure, Sal !
— Hahahaaaaha ! Fut la réponse de la louve entre deux esclaffées. "Comme maman"... !  Chrono qui ne comprenait pas l'origine de son hilarité se leva accroupi sur ses quatre pattes, fouettant l'air d'un geste nerveux de la queue.
— ...
Peut-être que c'était les plantes anti-douleurs de plus tôt qui l'avait rendue cinglée. Ou alors c'était les émanations de champignons du fond de la grotte où ils avaient joués lorsqu'ils étaient enfants. On alors, c'était après être tombée qu'elle avait brisée sa tête, et son filtre de logique. Chrono pivota les oreilles vers l'arrière. Peut-être qu'il se trompait. Alors il se risqua.
— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
Il sentait qu'il allait vite le regretter.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a de si drôle ?
Le rire de Salama se mua en un ricanement plus malicieux jusqu'à s'interrompre brutalement alors qu'elle tournait des yeux étonnés et des oreilles bien hautes vers son ami.
Il était sérieux ? Il ne disait pas ça avec énervement comme agacé de son hilarité : il posait vraiment la question.
Bouche bée, Salama le fixa, indécise. Ses traits se transformèrent en une expression suspicieuse, yeux plissés et lèvres pincées.
- Tu ne veux pas vraiment savoir.
Ce n'était ni une question, ni un sous-entendu : elle énonçait un fait. C'était vrai parce que : ou bien il allait regretter d'avoir demander quand (si) elle lui expliquerait, ou alors il avait posé la question mais l'aurait déjà bien ravalée s'il l'avait pu.
La métisse envisagea cependant de lui révéler tout ce qu'elle savait, mais elle doutait que l'esprit de Chrono survive à un tel traumatisme... Le casser encore plus aurait été dommage.
Ou sinon elle pouvait l'envoyer à Sunshine, mais là encore, elle doutait que cela serve à grand chose... Sinon à ce que Sunshine ne lui brise d'autres côtes plus tard...

— Tu ne veux pas vraiment savoir.
Chrono fouetta l'air d'un nouveau mouvement de sa queue.
— Oi, si je veux savoir ou non, ça regarde que moi.
Il fronça les sourcils.
— N'essaie pas de mettre des mots dans ma bouche. Si tu veux pas me répondre, dis-le moi au lieu de me faire croire que ça m'intéresse pas.

- Oi, si je veux savoir ou non, ça regarde que moi. N'essaie pas de mettre des mots dans ma bouche. Si tu veux pas me répondre, dis-le moi au lieu de me faire croire que ça m'intéresse pas.
Il amena une patte à son menton, songeuse... et fortement amusée. C'était quand même incroyable qu'il ne se doute de rien à son âge... C'était probablement le seul jeune adulte à des milliers de kilomètres à la ronde qui n'avait aucune idée de ce dont elle parlait !
- Okay. Si t'insistes. Lâcha-t-elle finalement avec un sourire entendu.
Elle se rapprocha de nouveau du jeune homme, plaçant sa gueule près de son oreille pour lui expliquer ce qu'elle avait voulu dire plus... en détails...
N'oubliant pas de mentionner les cours d'éducation sexuelle que Chess lui avait donnés il y a plus d'un an, elle finit avec un sourire jusqu'aux oreilles de chat qui a mangé le canari :
- Et dooonc, c'est pour ça que j'ai trouvé ton "comme maman" très TRES drôle...
Salama leva alors une patte, feignant de s'intéresser à la propreté de ses griffes, son sourire toujours étiré lui faisant presque mal aux joues.

— Okay. Si t'insistes.
Chrono ronfla des narines, enorgueilli d'être enfin écouté. Aussi ne se méfia-t-il pas lorsque son amie s'approche de lui pour lui dire... dans l'oreille? ce qui l'avait bien fait rire. Ainsi débuta son explication. Son explication en détails des procédés anatomiques qui faisaient germer un enfant. Le lien entre la malédiction chaude ( les "chaleurs" ) et le comportement bizarre des adultes. L'origine de toutes les insinuations douteuses des autres loups pendant cette saison lui devenait soudain apparente.

— ... ... Et dooonc, reprit Salama, c'est pour ça que j'ai trouvé ton "comme maman" très TRÈS drôle... dit-elle en se détournant de lui afin de prêter attention à ses griffes, un immense sourire trahissant le flegme de sa posture. Alors Chrono cligna des yeux. Et en clignant des yeux, il reprit contact avec la réalité. Il ressentit le sol sous ses pattes et appuya ces-dernières dessus. Lentement, il sembla dodeliner la tête, avant de la tourner vers la louve, dans un craquement du cou, l'air comme figé dans l'épouvante.

— Bbbrrrr... Il se leva faiblement sur ses quatre, se mettant à marcher en traînant les pieds.
— J'ai besoin d'une douche...

Elle guetta la réaction, à retardement, de son ami, lequel semblait loin, très loin. Elle savait bien qu'elle allait le casser si elle lui expliquait ! Nonobstant, son sourire resta à sa place et elle haussa nonchalamment les épaules : c'était sa faute, c'est lui qui avait demandé !
- Bbbrrrr... J'ai besoin d'une douche...
Un gloussement étouffé échappa de la gueule de sa comparse qui le regarda se traîner, comme s'il avait vu un fantôme, dans une direction quelconque, certainement à la recherche de quoi prendre cette fameuse douche...
Mais trop amusée pour ne pas profiter de cette situation particulièrement savoureuse, elle se redressa et tendit le cou dans sa direction pour lui crier :
- Ah mais si tu veux faire "comme maman" et papa, tu sais où me trouver ! ♥
Et elle lui adressa un clin d'oeil coquin, tout en sentant ses côtes se soulever (et la faire souffrir, naturellement...) dans un fou rire silencieux.

Alors qu'il s'éloignait, Salama porta le coup de grâce:
— Ah mais si tu veux faire "comme maman" et papa, tu sais où me trouver ! ♥
Les images de tout ce que lui avait décrit Salama lui donna un haut le coeur. Il se sentit tituber vers l'avant, repliant l'une de ses pattes à la gueule, tentant de s'empêcher de régurgiter. Chrono pivota ses oreilles vers l'arrière, tout en tournant sa tête afin fusiller la jeune louve du regard.
— Arrête !
il fronça les sourcils, plus peiné que furieux.
— Arrête... Il referma ses paupières le temps d'un soupir, avant de les rouvrir. Je sais que tu plaisantes, mais arrête. Je ne veux pas avoir cette vision de moi.

Chrono sembla tituber encore un peu plus après ce coup de grâce, trouvant tout juste la force de se retourner pour la fusiller du regard. Salama ne fit rien d'autre que sourire bien largement en réponse.
- Arrête ! Arrête... Je sais que tu plaisantes, mais arrête. Je ne veux pas avoir cette vision de moi.
Dubitative, la métisse se releva pour rejoindre son ami interrompu dans son trajet jusqu'à sa "douche.
- Hey... Fit-elle plus doucement. J'sais que c'est dur à avaler d'un coup, Chro. Mais sans déc', qu'est-ce-qu'il y a de mal à ça ? C'est la vie !
Bon, elle aussi avait été légèrement choquée lorsque Chess lui avait expliqué. Et elle était bien plus jeune que Chrono, pourtant. Mais enfin ! Hauts les coeurs ! Si tout le monde s'arrêtait au stade du dégoût prononcé, ça fait depuis belle lurette qu'il n'y aurait plus aucune vie sur terre. Même pas de plantes, nope.
Car vous saviez que les fleurs ont des ovaires ? I kid you not ! Mais ceci était une parenthèse inutile visant juste à étaler les connaissances en bio de la narratrice et à combler un max du blanc de la fenêtre d'écriture parce que c'est stressant quand toute la fenêtre n'est pas remplie...

— Hey...  J'sais que c'est dur à avaler d'un coup, Chro. Mais sans déc', qu'est-ce-qu'il y a de mal à ça ? C'est la vie !
Chrono se rebiffa aussitôt.
— Je sais déjà ça! Il feula, arrondissant son dos d'une traite, dilatant ses pupilles dans ses yeux. Il chercha à se rattraper. C'est pas la reproduction qui m'a fâché, c'est la vision de moi en train de contribuer à ça qui me dégoûte. Il la repoussa d'une patte, s'assurant que son geste ne soit ni trop brusque, ni trop méchant.
— Je sais que je suis encore trop jeune pour y penser mais, et si mon problème était transmis à mes enfants ? Je ne ferai pas les mêmes erreurs que mon père, il lâcha alors, les oreilles dans le cran, le museau retroussé. Alors non, je ne veux pas faire comme “papa et maman”. Si ça t'intéresses, va t'emboîter avec quelqu'un d'autre. Il grommela. Ne me mêles plus jamais à ça.

- Je sais déjà ça! C'est pas la reproduction qui m'a fâché, c'est la vision de moi en train de contribuer à ça qui me dégoûte. Je sais que je suis encore trop jeune pour y penser mais, et si mon problème était transmis à mes enfants ? Alors non, je ne veux pas faire comme “papa et maman”. Si ça t'intéresses, va t'emboîter avec quelqu'un d'autre. Ne me mêles plus jamais à ça.
La gifle fusa avant qu'il ait eu le temps de reprendre son souffle. Salama le toisa durement, hérissée et queue haute. Effrayante, en colère, et majestic as fuck.

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- Je sais déjà ça! C'est pas la reproduction qui m'a fâché, c'est la vision de moi en train de contribuer à ça qui me dégoûte. Je sais que je suis encore trop jeune pour y penser mais, et si mon problème était transmis à mes enfants ? Alors non, je ne veux pas faire comme “papa et maman”. Si ça t'intéresses, va t'emboîter avec quelqu'un d'autre. Ne me mêles plus jamais à ça.

La métisse sortit de ses pensées dans lesquelles elle venait de se perdre après que Chrono lui ait balancé ses sympathiques encouragements à aller voir ailleurs.
La gifle n'était pas une bonne idée. Il méritait pire. La question restant "quoi ?", Salama en resta de même coite.
Finalement, elle choisit de faire exactement ce qu'il lui avait demandé :
- Okay. Très bien. Je vais donc trouver quelqu'un avec qui "m'emboîter", comme tu l'as si gracieusement exprimé. Elle s'éloigna d'un bon pas, prenant de l'avance, droite et digne. Je nommerai mon premier né d'après toi et lui enseignerai touut ce qu'il y a à savoir ! Histoire qu'il y ait au moins un "Chrono" dans ce bas-monde qui ait des couilles là où il les lui faut !

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- Je sais déjà ça! C'est pas la reproduction qui m'a fâché, c'est la vision de moi en train de contribuer à ça qui me dégoûte. Je sais que je suis encore trop jeune pour y penser mais, et si mon problème était transmis à mes enfants ? Alors non, je ne veux pas faire comme “papa et maman”. Si ça t'intéresses, va t'emboîter avec quelqu'un d'autre. Ne me mêles plus jamais à ça.

Hum... Toujours pas ça, trop grossier... Même si ça avait du punch. Hum...
Quelques secondes venaient de s'écouler depuis qu'il lui avait jeté sa "bombe" à la gueule et Salama le scrutait avec une expression indicible.
Mais l'énervement vint à bout de ses dernières résistances et elle plissa les yeux, se rapprochant franchement du petit mâle, le surplombant de toute sa hauteur (profitant un maximum qu'elle soit toujours au moins plus grande que lui).
- Tu... n'as pas grandi. Du tout. Lâcha-t-elle enfin, sèchement, avant de s'écarter de nouveau avec un air revêche.
Ouais, ça c'était la classe ! So subtil, so deep !
Satisfaite, elle prit de l'avance, doutant cependant que Chrono soit assez illuminée pour se rappeler de ce que cela voulait bien pouvoir dire...

Salama l'avait regardé un moment avant de plisser ses paupières de dédain et s'avancer vers lui. Chrono ne bougea pas, s'arc-boutant fermement au sol, levant les yeux et le museau afin de soutenir leur regard. Ses oreilles s'étaient cependant aplaties sur sa tête, signe de son incertitude quant à ce qu'il ressentait à l'instant présent.
—Tu... n'as pas grandi, fit Salama, sèche. Du tout. Lorsqu'elle s'écarta, les oreilles du plus petit se redressèrent sur sa tête d'un rebond, alors qu'il fronçait les sourcils, incrédule.
— ... ...Et tu me reproches quoi, au juste ? Il leva sa tête, hautain à son tour, fendant l'air d'un nerveux mouvement de la queue.
— Tu as raison, je n'ai pas grandi. Et tu sais pourquoi !? Il fut saisi d'un tremblement. Voilà longtemps qu'il y songeait. La raison pourquoi il était petit. La raison qui ralentissait sa croissance. Il n'en avait parlé à personne. Pas à JD, ni à Chrysanthos, ni à Adrian, ni même à Ciaran. Avouer cette vérité le pesait. Mais il allait devoir faire avec. Il n'avait plus le droit de se cacher la tête.

— Parce-que je suis malade. Il releva les yeux, tout en serrant ses crocs. Et c'est justement parce-que je suis malade que je t'ai confié tout ça.

Sal, je ne suis pas un idiot. Je sais que s'emboîter, c'est le cours naturel des choses. Mais je refuse de croire que léguer ma maladie à des enfants et les voir souffrir le soit aussi.
Il inspira, cherchant à garder son calme.
— Je ne ferai pas les mêmes erreurs que mon père.

C'est ça que tu me reproches, Sal ? D'avoir appris de mes erreurs ?

- ... ...Et tu me reproches quoi, au juste ?
Elle roula des yeux.
- Et il me demande ce que je lui reproche...
- Tu as raison, je n'ai pas grandi. Et tu sais pourquoi !? Parce-que je suis malade. Et c'est justement parce-que je suis malade que je t'ai confié tout ça. Sal, je ne suis pas un idiot. Je sais que s'emboîter, ... (Salama plaqua une patte contre son visage à la nouvelle utilisation de ce terme si mécanique.) ..., c'est le cours naturel des choses. Mais je refuse de croire que léguer ma maladie à des enfants et les voir souffrir le soit aussi. Je ne ferai pas les mêmes erreurs que mon père. C'est ça que tu me reproches, Sal ? D'avoir appris de mes erreurs ?
Elle revint en arrière, évidemment, d'un pas vif.
- Oooh j't'en prie ! Tu n'es pas SI petit, Chrono ! Réfuta-t-elle. Et accessoirement, ce n'est pas ça que je voulais dire, mais venant de ta part, un tel aveuglement ne m'étonne pas...
Elle sonda le fond de son regard, déçue.
- Tu es tellement buté... Tu as décidé que tu étais malade, alors évidemment, toute autre explication est exclue ! Tu ne t'es pas dit que c'était ptêtre juste à cause de ce truc, elle pointa vers sa patte avant nécrosée, que ta croissance en avait pris un coup ?
Elle baissa les oreilles, écoeurée.
- J'en ai marre de te voir te contenter de te lamenter sur ton sort plutôt que d'essayer de profiter de ce que tu as encore : chercher une solution, oui. Profiter de ton temps libre pour jouer les martyrs ? Sans moi...

— Oooh j't'en prie ! Tu n'es pas SI petit, Chrono ! 
— C'est toi qui vient de dire que je n'ai pas grandi.
— Et accessoirement, ce n'est pas ça que je voulais dire, mais venant de ta part, un tel aveuglement ne m'étonne pas...
— Je n'ai pas à deviner tes pensées, Salama. Si tu ne veux pas m'expliquer clairement ce que tu veux me dire, pourquoi ce serait à moi de devoir tout déchiffrer ?
— Tu es tellement buté... Tu as décidé que tu étais malade, alors évidemment, toute autre explication est exclue ! Tu ne t'es pas dit que c'était ptêtre juste à cause de ce truc, elle pointa sa patte, que ta croissance en avait pris un coup ?
— L'un n'exclut pas l'autre, Salama.
— J'en ai marre de te voir te contenter de te lamenter sur ton sort plutôt que d'essayer de profiter de ce que tu as encore : chercher une solution, oui. Profiter de ton temps libre pour jouer les martyrs ? Sans moi...
Chrono baissa ses oreilles à son tour, mais pour une autre raison. Il plissa ses paupières.
— Ça fait deux lunes qu'on essaie tous de récupérer, Salama. Il dit alors en poussant un soupir, lassé par leur enfantillages. Tu es bien placée pour le savoir. Si tu ne tiens pas en place, rien ne t'empêche de foncer tête baissée au Clan du Loup... Je ne te comprends pas. Avant tu me reprochais de rien te dire, et maintenant que je me confie à toi, tu me reproches de me lamenter ?

Tu parles comme si tu savais déjà tout d'avance.

- Ça fait deux lunes qu'on essaie tous de récupérer, Salama. Tu es bien placée pour le savoir. Si tu ne tiens pas en place, rien ne t'empêche de foncer tête baissée au Clan du Loup... Je ne te comprends pas. Avant tu me reprochais de rien te dire, et maintenant que je me confie à toi, tu me reproches de me lamenter ? Tu parles comme si tu savais déjà tout d'avance.
Les oreilles de Salama se redressèrent et son regard se fit plus circonspect alors qu'elle plissait les lèvres. Pas si obtus qu'il en avait l'air, finalement. Mais c'était une pure coïncidence. Cela faisait des lunes qu'elle n'avait plus rien "senti" venir. La lune savait qu'elle aurait pourtant bien aimé savoir d'avance ce qui se passerait si elle allait chasser il y a deux lunes...
- L'inaction me rend folle... Marmonna-t-elle.
Elle inspira un grand coup, grimaçant lorsque cette action fut rétribuée par un éclair de douleur dans ses côtes.
- Cette situation me rend folle ! Ajouta-t-elle plus fort. Puis elle plissa les yeux en regardant de nouveau Chrono : J'ai l'impression d'être la seule à encore y croire, à encore espérer...
Elle se tut, regarda ailleurs quelques instants, puis se retourna vers le jeune mâle.
- Est-ce-que c'est le cas ? Fit-elle, bien plus calme, le regard placide mais lointain.

Au regard qu'elle lui lança, Chrono comprit qu'elle n'avait pas de revers à ce qu'il venait de lui dire. Il ferma ses paupières. Il tenait sa réponse. Il put enfin ressentir sa tension mandibulaire et desserrer ses mâchoires. Il comprenait l'origine de ce tic. Il n'aimait pas se savoir en train de se disputer avec une amie.

— L'inaction me rend folle... marmotta celle-ci, alors que Chrono rouvrait ses yeux. En la voyant se ratatiner de douleur, il s'empressa de lever une patte.
— At --! il la reposa au sol. --tention, il fit avec un peu moins de force, remit de sa torpeur.
— Cette situation me rend folle ! Reprit Salama. Elle croisa son regard, tout en plissant les paupières.
— J'ai l'impression d'être la seule à encore y croire, à encore espérer... Elle se tut, regarda ailleurs quelques instants, puis se retourna vers le jeune mâle.
— Est-ce-que c'est le cas ?
— Sal...
Il s'approcha d'elle, sans poser son arrière-main nécrosé, s'étant habitué à marcher en trois temps.
— Si on est rentrés à l'Oasis, c'est pour se ressourcer avant d'affronter les chiens du Clan du Loup, tu te rappelles?

Notre mission reste la même: trouver un guérisseur qui pourrait nous donner une piste vers un remède qui traiterait notre condition.

Qui sait, on ne sera peut-être même pas obligés de les affronter. Mais au moins, on sera préparés. Il baissa les yeux, vers sa patte avant nécrosée, fermement ancrée au sol.
— Je ne sais pas si on peut réellement faire revivre des tissus morts, mais tant que la possibilité existe, je ne peux pas l'écarter.

Il n'y a pas que moi qui est concerné. Je le fais pour Ran, aussi. Il se sentit faiblir.
— Ran... Elle s'efforce toujours à sourire pour me remonter le moral, mais je suis persuadé qu'elle me hait ... Il secoua sa tête, cherchant à se ressaisir. S'éloigner de moi afin de renouer avec Chrys, maman et JD va lui faire le plus grand bien.