Du sang sur les pattes.

Printemps An 5 ~ Les terres arides, campement Alteron ~


Désastre avait arrêté de compter les jours il y a bien longtemps, lorsque le chiffre était devenu trop long à retenir. Tout ce qu'il savait, c'était que sa patience allait enfin être récompensée par la seule récompense qui lui importait : être auprès de sa soeur.
Il accéléra l'allure, son "fardeau" abandonné à son oisiveté plus loin.
Une rare pensée traversa l'esprit de Désastre et il ralentit de nouveau, les oreilles se courbant vers l'arrière : Malheur était mort... Il l'avait découvert en revenant de la guerre. Les guérisseurs disaient que c'était à cause de sa maladie. Désastre, lui, ne savait même pas que son frère était malade. Petit et plus fragile, certes, mais malade ? Il n'en avait rien su.
Sa mort l'avait laissé de marbre en apparence. Dans le fond cependant, Astre se sentait tout aussi responsable que pour la disparition d'Horreur : le sentiment qu'il aurait pu faire quelque chose s'il avait agit différemment. Sa réflexion ne le menait pas beaucoup plus loin qu'à cette certitude.
Il se demanda comment Calamité allait le prendre. Est-ce-qu'elle lui en voudrait ? Il n'osait pas y penser... Et leur père ? Que dirait-il en apprenant que son, désormais unique, fils avait une nouvelle fois une responsabilité dans la mort de son frère ?
Astre hésita soudain, une vague de panique le prenant aux tripes bien que son visage reste lisse et indéchiffrable. Seules ses oreilles portées très en arrière trahissaient quelque peu ses sentiments.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas couru ainsi. Librement, furieusement, n'écoutant que son corps qui demandait à se défouler. La retenue lui avait échappé, elle ne possédait plus du tout ce sang-froid qu'on espérait tant lui inculqué. N'avaient-ils pas compris que c'était ainsi qu'elle était, énergique, dynamique, ouverte ? Pourquoi cherchait-on tant à en faire un esprit droit, insensible, qui se fait commander sans poser de questions ? Elle n'en était pas capable ; des questions, elle ne pouvait manquer de s'en poser. Et autant elle avait toujours obéit aveuglément au pouvoir en place, à sa grand-mère, autant elle ne pouvait s'empêcher de commencer à douter. Vieillir apportait son lot de nouvelles réflexions, son lot de choix et responsabilité. Contrairement aux autres, si bien endoctrinés, elle ne pouvait plus se fier à ce qu'on lui ordonnait sans prendre la peine d'y réfléchir un instant. Et peut-être parce qu'elle prenait ce temps mort pour y réfléchir, peut-être pouvait-elle à présent juger de la situation par elle-même. En voir les mauvais côtés, les contrebalancer avec les bons, et peut-être voir s'il n'y avait pas meilleure solution envisageable. Peut-être était-ce pour ça qu'elle avait si facilement trouver une excuse pour retourner à la Désert, plutôt que d'aller se battre au front comme on aurait attendu d'elle. Son argument, soit qu'elle devait veiller à préparer adéquatement la seconde phase de l'attaque, avait été reçu avec un certain grommellement, mais avait été accepté.

Elle avait alors fuit. Pris du temps en solitaire, puisque ni Astre ni Guns ne pouvaient l'accompagner, ponctué de quelques rencontres. De la revue de Belmont. Belmont.. Seul élément qui lui restait positif, dans cet étrange monde où elle devait grandir. Même retrouver son père ne lui avait apporté qu'un réconfort fugace. Où était donc partie leur complicité d'antan ? Elle l'ignorait, et pourtant un éloignement certain s'était établi entre eux. Autant de la faute de Blade, qui demeurait distant, que par la sienne, elle qui ne cherchait plus sa compagnie. Peut-être que le poids qui pesait sur ses épaules n'était pas étranger à ce manque flagrant de motivation envers les autres. Peut-être y avait-il autre chose. Elle ne le savait pas, ne le comprenait pas. En avait peut-être même un peu peur, elle qui n'avait jamais pris le temps de s'arrêter pour penser, autrefois. Elle doutait que ce fusse un bon choix que de se laisser aller à cette oisiveté contemplative, pourtant ne faisait rien pour le changer. Hormis, pour la première fois, fuguer du campement. Courir, à en perdre halène. Brûler son corps, fatiguer ses muscles. Essayer d'oublier, fuir.

Mais bientôt, ce n'était plus d'immenses foulées qu'elle galopait, c'était un trot rapproché. Éventuellement, son corps céda au pas et ses pattes commencèrent à rafler de plus près le sol, faisant monter un nuage de poussière. Lourde, sa tête dodelina sur ses épaules ; dans un effort soudain, elle l'étira, faisant rouler ses épaules, réajustant la moindre partie de son corps. Remettant tout à sa place, après la débandade. Le feu qui coulait dans ses veines était venu à s'épuiser, elle pouvait réapprendre à respirer normalement. Des minutes passèrent, le temps d'inspirer de longues goulées d'air. Finalement, elle put relever le regard, le préciser plutôt que de le laisser errer sur le sol. Elle put alors prendre conscience de ce qui se jouait autour d'elle, soit le soleil éclatant, la terre brûlante, les alentours désertiques. Sans un mot, elle modifia son cap et retourna vers la Grande Muraille, vers les siens. L'esprit peut-être pas apaisé, mais moins sur le point d'exploser. Encore un peu dans sa bulle, il lui fallut un moment avant de se rendre compte d'une présence nouvelle. Puis, soudainement, l'instinct lui fit redresser la tête : et devant son regard, voilà la silhouette caractéristique, agréablement difforme de son frère. Rassurante.

- Astre !

Calamité ne réfléchit plus ; elle fonça. Tête baissée, elle couru à nouveau, oubliant la fatigue de ses muscles pour simplement réduire le plus rapidement possible la distance entre elle et Désastre. Elle ne prit même pas la peine de freiner, se contentant de se jeter contre son frère, le bousculant dans cette étreinte fraternelle qui lui avait ô combien manquée.

En plein dilemme, Astre, d'ordinaire attentif lorsqu'il s'agissait de son environnement et du danger, se fit surprendre.
Le martèlement étouffé mais immanquable d'un galop effréné lui fit tourner la tête dans tous les sens, alarmé par le son beaucoup trop proche pour qu'il ne s'en soit pas rendu compte plus tôt. Il avisa rapidement une silhouette à la robe se confondant presque avec le nuage de poussière qu'elle soulevait.
Il lui fallut quelques secondes pour réaliser de qui il s'agissait, quelque secondes durant lesquelles il se prépara au combat, bandant ses muscles développés par la guerre et la marche forcée.
Le temps qu'il comprenne qui était son pseudo "agresseur" et juste après l'appel de son surnom, sa soeur l'avait plaqué au sol au même moment où il détendait tout son corps, les envoyant rouler dans le sable sur quelques pas.
Désastre se laissa aller sur le dos : malgré les apparences, il était éternellement un soumis de coeur, surtout face à sa soeur. Avant tout, face à sa soeur.
Aussitôt son moignon de queue se mit à battre le sol sableux, vigoureusement et joyeusement. Ses yeux grenat perdirent leur froideur calculé et se remplirent de joie et d'amour fraternel.
Il se mit alors à donner des coups de nez affectueux un peu partout, sur les parcelles de corps qu'il pouvait atteindre dans sa position.
- Cal ! Jappa-t-il, presque comme le louveteau qu'il avait été. CalCalCalCalCal !

La joie primitive de Désastre s'amplifia lorsque sa soeur éclata de rire. Sa queue frémit plus vite, ses coups de museau affectueux redoublèrent.
- Ahhh, Astre ! On dirait presque que t'as grandi, depuis la dernière fois !
Le fils de Blade s'interrompit alors, redressant un peu la tête, les oreilles en avant, ses yeux brillants de la fierté naïve que provoquait en lui ce simple constat.
- Tu reste quand même plus petit que moi, j'ai pas à m'inquiéter.
Astre se contenta de sourire, la queue remuant toujours. Il n'avait jamais été inquiété par ses quelques centimètres de différence avec sa soeur : il s'en fichait éperdument. À la limite, il en était même content puisque cela semblait faire plaisir à Calamité. Et ce qui faisait plaisir à Cal lui faisait plaisir aussi, c'était ainsi.
- Oui ! Répondit-il le plus simplement du monde.
- Comment tu vas ?
Cette simple question lui valut pour réaction première de vouloir dire "très bien, surtout maintenant !", mais alors qu'il ouvrait joyeusement la gueule, une ombre se faufila dans son regard, alors qu'il se rappelait des nouvelles qu'il rapportait.
Le changement fut immédiat, le loup noir se ferma comme une huitre, de même que sa gueule qui se referma dans un claquement sec involontaire. Désastre baissa des yeux neutres, mais l'attitude était parlante. Il ne savait comment lui annoncer la mort de Malheur.

Désastre sentit le coeur de sa soeur accélérer contre sa peau, juste avant qu'elle ne se sépare de lui pour le regarder d'un peu plus loin avec une expression qui fit coucher les oreilles au mâle sombre. Ses pupilles se dilatèrent à l'idée qu'elle puisse avoir peur de lui et il recula d'un pas, par réflexe.
- .. Qu'est-ce qui est arrivé ?
Le jeune loup ouvrit la gueule pour répondre mais il ne sut quoi dire et resta ainsi la bouche béante, ses yeux papillonnant tout autour.
Astre déglutit nerveusement, baissant les yeux et grattant le sable d'une immense patte griffue.
- Malheur...est...mort...Marmonna-t-il indistinctement. Il releva son regard grenat vers Calamité, la couleur assombrie par l'inquiétude.

Ayant détourné les yeux, Astre ne put pas observer l'incrédulité et l'effroi qui se peignirent sur le visage de sa soeur, il n'entendit que sa voix, son unique question qui lui fit retourner les yeux vers elle.
-.. Comment ?
Comme souvent, le jeune mâle comprit la question de travers et son regard se remit à papillonner.
- Malheur... est mort... ? Reprit-il d'une petite voix mais plus distinct en croyant que Calamité n'avait pas entendu la première fois. L'annonce parut cette fois comme une question, lui-même hésitant sur la façon de gérer cette horrible nouvelle.
De plus en plus honteux, il baissa la tête.
- Je... hum... Essaya-t-il, mais les mots lui manquaient encore plus que d'habitude pour ces tristes retrouvailles...

- C'est pas grave, je demanderai à quelqu'un.
Malgré lui, Astre laissa échapper un petit gémissement, les oreilles toujours aussi basses, pensant qu'elle lui en voulait, à la manière de ses messagers de mauvais augures qui étaient les premiers à êtres punis sans pour autant être responsables...
Le fils de Blade fut hautement réconforté lorsque Calamité vint se coller à lui et il battit doucement la queue, bien qu'un peu tristement aux vues des circonstances.
- Qu'est-ce qu'on va faire.. ?
Ses oreilles remuèrent dans tous les sens : il n'en savait rien, d'ailleurs il n'avait jamais été celui qui menait, qui dirigeait, toujours celui qui exécutait, et cela lui convenait. Du moins, il le pensait.
- Je ne sais pas... Finit-il par dire, histoire de répondre quelque chose. Mais ses oreilles tordues se plaquèrent de nouveau sur son crâne, désolé de ne pas être plus capable de soutenir sa soeur.

— Salop’rie d’caillasse.
Shank grommelle, flanqué de fantassins, première ligne de l’escorte avançant en direction du campement avancé du Désert. Il a voulu y venir. Pour voir le soit disant fils prodige qui a si lamentablement échoué à comblé sa mère. Pour voir les bêtes ignobles dont Rapier lui parle sans cesse, et pour réduire leur nombre. Pour assister à de nouvelles hostilités. Pour diriger. Car c’est là qu’est sa place. Le prince n’est pas de ceux qui commandent de l’arrière… Il veut voir ses opposants face à face, trembler devant sa force et succomber à celle ci. Car c’est l’ordre naturel des choses… Il est fort. Et la dernière conquête de sa meute l’a laissé sur sa faim. Il veut se mesurer à des adversaires réels, pas une bande d’allumés au sel marin. Il repense ainsi à Dagger, un sourire crispé entre ses dents serrées prenant place. Ha ! Il lui montrerait à cette brindille… Il leur montrerait tous…

C’est sur cette pensée que ses yeux s’accommodent à la vue de deux silhouettes sur la ligne d’horizon, masse informe et sombre en plein contre jour, et il s’arrête lentement, méfiant.
— Ils sont des nôtres ceux là ? Demande t-il dans une sorte d’aboiement impatient.
— Oui, prince. Si je ne m’abuse, ce sont les enfants de votre frère, Blade.
— Demi frère. Réplique t-il, ne masquant pas son dégout.

Le soldat ne réplique pas, se contentant d’acquiescer d’un signe de tête alors que la petite troupe reprend la marche jusqu’à leur niveau, dans un silence lourd de sens. L’animosité de Shank à l’égard du premier né et ancien favori de la reine n’est désormais plus un secret… Et il ne le resterait sans doute pas longtemps à ses rejetons dont il se rapprochait à un rythme régulier.

Ses oreilles captent alors des paroles, venant vraisemblablement de la femelle si inattentive à sa personne qu’il a rencontrée longtemps auparavant…
- Pourquoi on va envahir les Blackblood, pourquoi tout le monde semble trouver ça parfaitement moral, et que bientôt on aura un nouveau massacre sur les bras. Je n'ai plus envie d'être ici, pas pour ça.
Il déplace son regard au niveau de Désastre, ne perdant pas une miette des dires de Calamité. Ce Désastre... Ses yeux se plissent. C'est un neveu qu’il avait crut intéressant, mais qui ne lui avait plus adressé la parole depuis leur dernière entrevue. Shank n’avait guère comprit ce revirement, et avait désormais placé le male dans le même panier que sa sœur jusqu’à ce qu’il puisse s’entretenir avec lui… Peut être étais ce l’occasion, vu les quelques paroles qu’il a put capter… Il respire bruyamment, frappant ses pattes contre le sable, annonçant ainsi sa présence.
— Si tu n’as pas envie d’accomplir ton devoir, rien ne te retiens.
Son ton est autoritaire ; le sous entendu est palpable, témoin d'une éducation stricte : fuis donc, si cela te sied, lâche. Fuis et révèle ta vraie nature...

Toujours scotchée à lui, Désastre écouta les états d'âme de sa soeur avec la même patience adorante qu'il lui témoignait depuis toujours.
- Tu sais, parfois, parfois je me demande pourquoi on est encore ici. Pourquoi j'y suis encore. Il y a déjà eu trop de morts à cause de ce Désert, et une multitude d'autres et à prévoir. Et pourquoi ? Je comprends même pas pourquoi. Pourquoi on doit rester ici à les surveiller en prévision d'une attaque, pourquoi on a envahi les Oerbas, pourquoi on ne peut tout simplement pas rester chez nous et y vivre. Pourquoi on va envahir les Blackblood, pourquoi tout le monde semble trouver ça parfaitement moral, et que bientôt on aura un nouveau massacre sur les bras.
Astre suivit tant bien que mal la tortueuse réflexion de la jeune louve. Mais lui-même avait du mal à comprendre, lui qui ne s'était jamais posé de questions : par inconscience dans son enfance, par obéissance aveugle depuis la mort d'Horreur.
Contrairement à sa soeur, il avait même connu sa première guerre il y a seulement quelques mois. Il avait fait sa première victime à cette occasion, bien que par maladresse plus que par réelle intention.
Il n'était pas plus contre l'idée de sa soeur que contre l'idéologie d'expansion de Rapier. Il était juste là, comme un petit pion, un soldat bien éduqué et aux ordres.
- Je n'ai plus envie d'être ici, pas pour ça.
Désastre ne sut que répondre, comme d'habitude. Le mal-être de sa soeur s'élevait sur des bases qu'il ne comprenait pas, trop stratégiques et trop politique pour lui.
En levant les yeux, Astre aperçut des silhouettes poussiéreuses qui s'approchaient. Instinctivement, il se hérissa, prêt à défendre sa soeur contre un danger potentiel.
Le loup le plus sombre lui rappela vaguement quelque chose, mais son manque d'intérêt pour le jeune prince depuis leur premier entretient lui avait fait oublié son apparence et son nom et il ne le reconnut donc pas.
— Si tu n’as pas envie d’accomplir ton devoir, rien ne te retiens.
Cal' se dégagea en partie de son frère pour toiser les nouveaux arrivants.
- Ne parle pas de ce qui dépasse ta compréhension, petit imbécile, siffla-t-elle.
Le mâle aux yeux rouges appuya ses propos d'un grondement sourd et bas. La tension montant en flèche lui ébouriffa le poil et il fixa le louvard qui avait pris la parole avec un mélange de méfiance et de curiosité.

- Ne parle pas de ce qui dépasse ta compréhension, petit imbécile.
Un mince grognement s’échappe de ses babines tandis que ses yeux s’assombrissent, à moitié caché par le plissage de ses paupières et de ses larges sourcils. Ce qui le dépasse, ce qui le dépasse… Toujours la même rengaine ! Et qu’essayais t-elle de faire au juste ? Il l’avait bien entendue, à déblatérer des paroles qui auraient put passer pour de la trahison ! Il couche ses oreilles sur son crane, et fais résonner sa voix, faisant un semblant d’effort pour ne pas aboyer comme un vulgaire charretier.
— Répètes donc si tu l’oses… répètes donc tes paroles, et ose me dire que ce n’est pas une impasse à nos lois ! La reine a ordonné cette mission pour qu’enfin nos ennemis soient anéantis, et toi, tu viens me dire que je ne comprends pas l’infamie qui est sous mes yeux !?
— Prince…

Shank lance un regard meurtrier à celui qui l’a interpellé, et celui ci baisse la tête. De peur sans doute, mais dans la tête de Shank, plutôt par respect… Les deux concepts ayant été généreusement mélangés dans son cerveau juvénile, et ce sous la tutelle de sa déesse vivante. L’autre loup prend alors la parole, se voulant être un médiateur des deux partis, et le prince noir écoute ses propos d’une oreille volontairement distraite.
— Peut être devriez vous… la laissez s’expliquer. Je suis sure que tout ceci n’est qu’un quiproquo…
— Humphf, et pourquoi donc !? Grogna t-il. Pour qu’on me dise que je suis trop imbécile pour comprendre une deuxième fois !? Il lance un regard digne d’un meurtrier à Calamité à cette phrase, serrant les crocs sous ses babines, retenant la machine bien huilée par simple conscience du loup violet qui l’accompagne. Les deux loups lui servant d’escorte rabattirent leurs oreilles, mais ne s’éloignèrent pas, redoutant sans doute une quelconque bavure de sa part. Il s’ébroue, et échappe un dernier grondement grave, fixant la fille de Blade avec ardeur, un mouvement infime de sa tête l’invitant à prendre l’initiative : soit à répondre, ou à simplement ficher le camp si elle n’avait rien d’autre à faire que de remuer du vent pour dire des sottises.

[ Out pour Cal ? =O Enfin, si vous voulez le continuer, on continue, mais à voir comment Phem est débordée.. xD ]

De violents propos furent échangés de part et d'autres, les deux accompagnants de l'antagoniste de sa soeur tentant de faire baisser la pression.
Désastre resta impassible, quoique tendu et toujours quelque peu hérissé, guettant la moindre atteinte physique contre sa soeur pour se jeter dans la mêlée. Astre était un loup d'action, pas de paroles, comme il l'avait si souvent prouver. Il n'y avait rien de plus expressif qu'un corps, et le sien en ce moment révélait que la menace portée contre Calamité ne l'enchantait pas du tout, du tout...
Finalement, les deux belligérants cessèrent de s'envoyer des piques rugueuses pour se contenter de se fixer avec une teneur que la fils de Blade sentait enfin à sa portée. Cet échange silencieux, il pouvait le comprendre, pas les propos belliqueux de plus tôt.
Calamité fut la première à briser le contact, comme si elle venait de casser en deux un fil de glace qui l'aurait relié à Shank. Elle se tourna vers lui et il s'apaisa, redressant les oreilles, attentif.
- Je pars chasser. On se revoit ce soir, Astre. Je suis contente que tu sois revenu.
Elle lui effleura le crâne et il lâcha un soupir dénué de stress en la regardant s'éloigner jusqu'à ce qu'elle soit trop loin pour qu'il la discerne encore. Autant dire que le silence resta de plomb pendant plusieurs minutes...
Enfin, il daigna tourner ses yeux grenat vers celui qui avait indisposé sa soeur au point de gâcher leurs retrouvailles.
Est-ce-que Désastre lui en voulait ? Pas vraiment. Est-ce-qu'il était en colère ? Non plus.
L'Alteron aux prunelles rubis n'était pas vraiment porté par ces émotions, dévisageant seulement son jeune camarade avec une curiosité neutre maintenant qu'il ne représentait plus une menace envers sa soeur.

- Inutile. Je n'ai pas de temps à perdre avec toi.
Le prince hoquète presque de surprise à cette réponse, et déjà, les deux loups s’avancent, prévoyant de s’interposer entre les rejetons de membres de la royauté alteronne au cas où la situation dégénérait plus…
- Je pars chasser. On se revoit ce soir, Astre. Je suis contente que tu sois revenue.
Chose qui n’arrivera pas, étant donné que la femelle n’en demande pas plus pour prendre la poudre d’escampette, non sans un regard courroucé de la part de l’héritier, lui même étroitement observé par les deux autres loups. Shank émet un son entre un grognement et un souffle, regardant la femelle s’éloigner avec une certaine satisfaction, bien qu’un peu mitigé sur le fait qu’elle est, oui ou non, démontrée sa soumission ainsi. Malgré tout, la teneur des propos lui reste encore sur la langue… Il fixe l’horizon avec incertitude, cherchant à tirer une conclusion de ce qu’il a entendu… Et décide finalement que lui non plus n’a pas de temps à perdre avec elle, optant pour en parler à sa mère plus tard. Après tout, seul les lâches se dérobent… Se détournant lentement pour rencontrer les yeux rubis du male, il s’éclaircit la gorge et perd quelque peu de sa sévérité, se souvenant que celui ci était resté silencieux pendant tout l’échange. Peut être étais ce un détail bon à noter… ou peut être pas. Il n’était pas stratège ni un bon juge pour évaluer le caractère des autres. Mais le fait que le frère de la concerné ne s’était pas interposé le rassure quelque peu sur les dispositions de celui ci, son cerveau faisant une distinction dans leur attitudes respectives qui le rapproche d’un sujet neutre plutôt qu’hostile. Reste à voir si cette modique intuition est la bonne… D’un ordre sec, il congédie ses laqués (ou surveillants, ça dépend des points de vue) et s’avance vers Désastre, tout sourire, comme si l’incident ne s’était jamais passé.

— Hm, t’as pas l’air en forme toi ! S’non… C’fait un bail… Quoi d’neuf Désastre ?
Son tact n’a toujours pas évolué en tout cas… Mais une note positive parce qu'il a mémorisé le nom du mâle, tout de même. Et... peu importe si l'enquiquineuse l'a plus ou moins dit quelques minutes auparavant.

Désastre observait les expressions du visage de son jeune oncle avec intérêt. La colère qu'il manifestait à l'égard de sa soeur le laissait perplexe. Quel pouvait donc bien être son problème ?
Shank finit par croiser son regard. Saphir rencontrant le rubis. Il sembla perdre de sa férocité, adoptant une expression plus affable envers son camarade, fait que le dit camarade nota sans broncher, sans se poser de questions.
Au bout d'un moment de silence à se toiser sans hostilité, comme s'ils appréciaient chacun l'individu qui leur faisait face, le Prince noir congédia sèchement ses accompagnateurs qui s'éloignèrent silencieusement mais en ne manquant pas de leur lancer des coups d'oeil mitigés (ils se demandaient probablement si les deux gros mâles risquaient de se foutre sur la tronche une fois qu'ils auraient disparu). Désastre les suivit du regard, tout comme pour sa soeur, avant de rapporter son attention sur l'adolescent qui prenait la parole.
— Hm, t’as pas l’air en forme toi ! S’non… C’fait un bail… Quoi d’neuf Désastre ?
Astre ne se soucia pas de l'observation du jeune fils de Rapier, se contentant de réfléchir à la question qu'il lui avait posé. À vrai dire, il ne se rappelait pas vraiment la dernière fois qu'il avait parlé à l'étrange Prince.
- Hum... Ronfla-t-il en réfléchissant. Rien ?
Il haussa ses larges épaules. Rien de neuf en somme. Du moins rien qu'il lui semble utile de préciser.

- Hum... Rien ?
Les yeux du prince s'écarquille un bref instant.
— Rien ! S’exclame t-il, sincèrement étonné. Il revient néanmoins à la charge, grand têtu qui l’était. Tu m’fais marcher hein ? Tente Shank, un peu dubitatif, bien que, bizarrement, enclin à le croire… Surtout devant son visage si… sérieux -ou inexpressif ? Il n’arrive pas vraiment à faire la différence-. Un léger silence s’écoule… Tant de choses se sont déroulées –du moins, de son coté- qu’il n’arrive guère à imaginer un « rien » dans un lapse de temps aussi étiré, et surtout pour un loup qu’il considère avec une certaine curiosité. Il se demande d’ailleurs si Désastre a lui aussi participé à la chasse aux poissons ; ce serait surprenant que ce ne soit pas le cas, vu que, dans l’esprit du prince noir, le male en face de lui appartient aux « forts ». C’est donc sur cette réflexion logique que son sourire reprend place.
— Allez, s’rieusement, l’a pas put rien s’passer d’puis ta démonstration vocale… J’suis sur qu’t’as fait des merveilles et qu’t’es un timide ! Il se rapproche pour lui donner une accolade qui se veut communicative, vieux réflexe de sa jeunesse où le contact physique ne rimait pas forcément avec réprimandes. Un gars comme toi a au moins dut descendre des salop’ries d’loups poissons, nan ? On y venait.

— Rien ! Tu m’fais marcher hein ?
Désastre haussa les épaules, un peu intrigué par une réaction si disproportionnée.
Bwarf... Rien de neuf, et alors... ?
Un nouveau silence rompit le rythme alors que le fils de Blade observait le processus de réflexion se refléter sur le visage de son oncle.
— Allez, s’rieusement, l’a pas put rien s’passer d’puis ta démonstration vocale… J’suis sur qu’t’as fait des merveilles et qu’t’es un timide !
Il lui fallut un moment - durant lequel ses oreilles se tordirent dans une drôle de position - pour qu'il comprenne, et se souvienne, de ce dont parlait le plus jeune loup.
Temps qui fut mis à contribution par un peu plus de palabre de la part de Shank :
Un gars comme toi a au moins dut descendre des salop’ries d’loups poissons, nan ?
Astre redressa un peu les oreilles : ça il comprenait.
Il hocha la tête mais accompagna son geste d'un nouveau haussement d'épaules nonchalant.
- Rien de neuf. Fit-il remarquer, morne, ne sachant trop quoi ajouter à cette déclaration. Devrait-il lui demander à lui si quelque chose s'était passé depuis leur dernière "rencontre"... ? Après un court instant, Désastre conclut que oui.
- Et... toi... ? Ajouta-t-il sur un ton quasiment robotique tant la question ne lui était pas naturelle.
Une oreille se dirigea vers l'arrière, seul témoignage du vague malaise du mâle bleuté.

- Rien de neuf.
Shank plisse les yeux un court instant, les oreilles baissées, perplexe et légèrement déçu. Puis il souffle, reprenant un air léger. Il n’avait jamais bien compris comment son propre cerveau fonctionnait, alors, celui de Désastre… Au moins, avait-il participé à l'excursion contre les mutants, et allait sans doute combattre à ses cotés dans peu de temps.
— Hm. Si tu l’dis… En tout cas ça va durer longtemps, crois moi ! On va leur montrer à ces sangs noirs ! Lance t-il, audacieux et impatient. C’est alors que Désastre lui pose une question.
- Et... toi... ?
Shank s’interromps dans sa fanfaronnade, surpris, voir un peu estomaqué par cette initiative. Il ne se rappelait pas avoir jamais vu Désastre prendre la parole de lui même quand aucune question ne lui avait été posé… Enfin, il y a un début à tout ! Et le fait, que peut être est ce grâce à lui ne fait qu’étirer son sourire bon enfant.
— Haaa… Bah, les loups poissons d’abord ! C’tait vraiment trop facile d’les battre. Ensuite… y une fille là, Dabeurre ou je sais pas quoi, qui m’as défié ! J’lui est montré qu’on m’défie pas, moi ! Il bombe le torse, ne s’étendant pas sur le fait qu’elle lui a aussi fais des misères. Elle a pas l’air d’avoir r’tenu la leçon d’ailleurs… Il grogne dans sa barbe, se souvenant de l’éclat triomphant et incompréhensible de l’assassine. Et là, bah ma mè-la reine m’a dis que j’pouvais enfin aller au désert pour abattre les Blackblood. Eviter d’être trop familier envers sa mère en public. Leçon retenue. Deuxième leçon, afficher l’objectif de la campagne avec ferveur. Tu t’en rend compte ! On va enfin pouvoir s’venger d’eux ! Comprendre : on va enfin pouvoir venger ma mère. Mais c'était la même chose après tout...

Shank sembla... surpris. Son grand neveu pencha un peu la tête, ne comprenant pas la réaction de son camarade. D'autant moins lorsque le sourire celui-ci s'étira encore d'avantage.
- Haaa… Bah, les loups poissons d’abord ! C’tait vraiment trop facile d’les battre. Ensuite… y une fille là, Dabeurre ou je sais pas quoi, qui m’as défié ! J’lui est montré qu’on m’défie pas, moi ! Énuméra-t-il avec un enthousiasme débordant que Désastre ne rencontrait que rarement chez les autres.
Mais... Babord... ? Qui était donc cette personne ? Il n'en avait jamais entendu parlé... Pourtant il devait bien l'avoir croisé... au moins.
Il laissa rapidement tomber. Peu importait après tout. Shank avait foutu une raclée à une louve qui lui avait manqué de respect, c'est ce qu'il avait compris et il n'en demandait pas plus (pour ce que ça l'intéressait de toute façon...).
- Et là, bah ma mè-la reine m’a dis que j’pouvais enfin aller au désert pour abattre les Blackblood. Tu t’en rend compte ! On va enfin pouvoir s’venger d’eux !
Un mouvement grossier de la tête servit d'acquiescement de la part de Désastre. Cela il ne pouvait qu'être d'accord. Il n'avait que peu faire des autres motivations de la Reine, il y voyait juste l'opportunité de venger son frère et de servir sa meute.


[J'ai peur que ça commence à tourner en rond, on finit bientôt ? '_']

(D'accord avec toi. Je te tend une perche. )


Son homologue l’écoutait attentivement –ou, tout du moins, en avait l’air- ce qui emplit Shank d’une certaine satisfaction alors qu’il continue de parler, encore et toujours.
Le prince sourit au mouvement de tête de son comparse, mais le perd rapidement devant le silence latent qui se renouvèle. Constatant que Désastre ne semble pas plus porter sur le discours qu’autrefois –peut être même moins- il décide donc de changer de sujet. Quelque chose de plus… abordable et bénéfique pour deux males tels qu’eux.
— T’sais… y a pleiiiiiin de bestioles bizarre dans l’coin ! On pourrait s’entrainer d’ssus ! J'suis certain qu't'aime ça aussi! Il lui redonne une accolade, bien que moins violente, la queue mouvante, signe manifeste de son enthousiasme, saisissant contraste avec celui du loup violacé. On va bien s’amuser tous les deux, j’te l’dis !