Mauvais souvenirs.

Depuis leur invasion réussie de l'Oasis, Calamité vaquait çà et là, ne sachant pas exactement que faire. Elle longeait les murs, comme une ombre, redressant les épaules et son port altier pour la forme, mais sans plus ressentir cette royauté qui lui coulait autrefois dans les veines. Salie par tous ses actes, elle tressaillait dès qu'elle surprenait un mot des prisonniers, plaquait ses oreilles sur sa nuque lorsqu'elle passait près d'eux, rongée par les remords. Elle s'isolait plus qu'avant, prétextant des rondes ou des expéditions de chasse pour fuir la misère du camp, se réfugiant par moment dans les pattes de Shrew ou de son frère. Néanmoins, son honneur lui empêchait de montrer sa faiblesse, d'avouer sa culpabilité. Surtout pas devant les Blackblood. Elle gardait donc une expression résolument fermée, neutre, déambulant à l'Oasis en faisant mine de les surveiller. Profitant d'un accès constant au point d'eau, ce à quoi elle n'avait pas eu droit depuis longtemps, elle alla se rafraîchir à l'étang, lapant avec lenteur le liquide chaud et boueux. En relevant la tête, elle aperçut une silhouette couleur sable, bien familière, qui était prostrée au bord de l'eau. Avisant l'air qui était sur le visage de Coldsnap, elle détourna les yeux, cherchant à réparer son erreur mais sachant la faute bien trop lourde pour être oubliée.

Bien qu'elle eut détourné le regard, elle vit du coin de l'oeil la renarde lui montré les crocs, puis lui tourner le dos sans plus de façon. Calamité méritait certes cette attitude, et elle en avait parfaitement conscience, mais se faire ainsi rejeter ralluma une quelconque étincelle en elle. C'était peut-être plus facile de confronter les autres que se confronter soit-même. Quoiqu'il en soit, elle redressa les épaules et regarda franchement la renarde, bien que celle-ci fusse toujours de dos. Et c'est en l'observant pour la première fois depuis qu'elles s'étaient revues, sans l'action de la bataille autour, que Cal réalisa que Coldsnap lui rappelait étrangement quelqu'un. Sans savoir qui exactement, elle continua de la fixer avec les yeux plissés, jusqu'à ce l'individu en question lui revienne en tête. Elle écarquilla les yeux à la réalisation, complètement surprise. Mais, cela pouvait se tenir. Après tout, ils ne savaient pas de qui venait le petit loupiot qu'ils avaient trouvé. Ce pourrait-il que.. ? Sans plus tergiverser, elle se leva et avala la distance qui la séparait de la renarde. Campée devant celle-ci, l'air plus indifférente qu'elle ne l'était en réalité, elle lui dit :
- J'ai juste une question à te poser.

- Je me moque de tes questions.
S'attendant déjà à cette réaction, Calamité demeura de marbre, bien que cette agressivité (justifiée) la blessait. Comme pour s'éloigner d'elle, la renarde se leva et se retourna à nouveau, lui montrant galamment sa croupe. Sauf que la curiosité était aussi un de ses traits de caractère, avec la rancune, et elle finit par se revirer vers elle, le regard complètement noir mais déjà plus ouverte à elle.
- Pose-la quand même, tu dormiras peut-être moins bête ce soir.
La jeune femelle resta de marbre face à l'insulte, la laissant facilement filer. Elle donna un léger coup de tête dans le vide, comme pour l’apostropher, et lui demanda sans plus de façon :
- Le gamin, Raven, spécifia-t-elle inutilement, puisque Coldsnap devait sûrement ignorer son nom, c'est le tien ?

- .. Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
Son visage, auparavant agressif, était devenu inexpressif. Calamité releva un sourcil, dubitative.
- Mes enfants à moi sont mor-- en fait, je n'ai jamais eût d'enfants.
Un rictus forcé apparut sur les babines de l'Alteron.
- C'est ça. Tu te contredis toi-même.
Elle prit une légère pause, niant de la tête.
- Le gamin est clairement de toi. Et d'un Blackblood, selon ses couleurs.

Un grondement s'était élevé de la gorge de la renarde dès qu'elle avait insisté. Calamité la regada avec une certaine surprise, ne comprenant pas.
- Il est vivant... Il est vivant !
- ... ?
Elle voulut s'interposer, mais la renarde fit un volte-face brusque, le visage déformé par la haine.
- Ce n'est pas mon fils. Ce n'est pas mon fils, tu entends ?! Cette chose n'est pas de moi, ni de personne d'autre ici ! Il ne devrait pas exister, c'est... Une erreur, un parasite, TOUT sauf mon fils !!
Le souffle coupé par cette explosion, la jeune louve ne put rien dire.
- ... Fait en ce que tu veux. Mais je ne veux plus jamais en entendre parler. Plus jamais le voir, t'entend ?
Son aura dégageait toujours autant de colère, et pourtant, tous ses traits s'étaient subitement détendu. Mais ses paroles restaient toujours aussi acide, et c'est avec la même hargne qu'elle lui jeta en partant :
- Toi et ton satané clan vous gâchez la vie des gens que j'aime et toi tu viens en remettre une dose en me parlant de... Cette chose.
- Pas si vite ! Ragea Cal à son tour.
Elle s'élança devant la renarde, lui coupant la retraite. Les traits plissés, elle la confronta :
- Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi tu l'as abandonné ? Pourquoi il y avait deux autres loupiots morts à côté de lui ?

- LA FERME !!
Lui cria-t-elle, sans se soucier de ceux qui les entourait. Calamité accusa le coup en grinçant des dents, surveillant les alentours pour s'assurer que d'autres ne soient pas alertés par le grabuge.
- Ils étaient des erreurs. DES ERREURS T'ENTENDS ?! Lui cracha Cold au visage. Ils n'auraient jamais dû naître et j'aurais mieux fait de m'en débarrasser moi-même que de les lâchés dans le désert. Le reste ne te regardes pas, compris ? C'est ma vie, et maintenant t'as la sienne dans ton satané clan. C'est une vermine. Vous êtes tous des vermines.
Le déluge d'insultes lui fit plaquer les oreilles contre son crâne. Elle était dépitée de voir la petite renarde cracher son venin ainsi, et encore attristée de savoir qu'elle avait raison de le faire (du moins, en partie).
- Cold..
Voulut-elle tenter, mais l'interpellée sembla se mouver.
- Maintenant laisse moi passer.
Elle ne bougea pas, et ne dit rien non plus. Son expression parlait d'elle-même, affichant tristesse et remords, mais Calamité réalisa que la renarde était probablement trop hargneuse pour s'en apercevoir. Ne trouvant plus rien qui vaille la peine d'être dit, qui puisse la retenir, la timberwolf s'écarta lentement de son chemin, pour la laisser passer. Abaissant la tête et la queue, elle murmura :
- Je suis tellement désolée.

Sans plus lui accorder un regard, la renarde la dépassa, comme trop noble pour passer une minute de plus avec cette ancienne amie qui s'était parjurée. La haine semblait s'être transformée en dédain, en un mépris qu'elle ne pouvait supporter.
- Tu fais bien.
Lui jeta Coldsnap au visage, en la dépassant. Instinctivement, un grognement s'éleva de la gorge de la Princesse. Elle se retourna pour suivre la procession de l'autre, le corps subitement tendu. Les crocs à demi-dévoilés, elle attaque à son tour :
- Dit celle qui a laissé ses enfants à la mort.

À nouveau, la renarde s'arrêta. Calamité se crispa, un grondement encore dans le fond de sa gorge, s'attendant à une riposte. Mais le petit être demeura immobile, jusqu'à ce qu'un léger tremblement le parcourt. Les sourcils froncés, Cal tendit les oreilles. Elle entendu un sanglot.
- Ils m'ont pourrit la vie, commença la beige d'une voix forte, mais brisée, ont été la cause de tout mes malheurs. Même quand ils n'étaient pas là, ils ont été la pire douleur que l'on m'ait infligée. Alors oui, je les ais abandonnés, laissés à la mort. Mais au moins, j'aurais put vivre normalement.
Elle se mit alors à ricaner, d'un ton qui fit dresser le poils sur la nuque de l'Alteron, en plus de lui faire retrousser les babines un peu plus.
- Mais à priori, j'aurais beau les chasser de ma vie, ils reviendront quoi qu'il arrive. C'était un acte égoïste, c'est vrai. Mais je ne culpabilise pas et ne pense même plus à ces erreurs.
- Et c'est parce que tu ne culpabilise pas que tu pleures maintenant, bien sûr.
Elle la tança, ironique. Mais aucun sourire, même sardonique, ne venait adoucir ses traits. Son regard était fixe, ombrageux, et sa mâchoire serrée. Comme pour revenir sur d'anciennes paroles, se déresponsabiliser de sa conduite, elle fit alors :
- Si la vie nous punis pour chacune de nos actions, eh bien, nous ne serons pas les seuls à souffrir.
Son regard se plissa, comme si en regardant la renarde, elle y voyait la représentation des Sangs Noirs, y retrouvant les animaux autrefois décris par sa grand-mère. Et, ce qu'elle n'aurait jamais cru possible autrefois, elle reproduit l'amertume de cette dernière :
- N'oublie pas que vous avez attirer votre propre malheur.
L'accusation lancée, se fut à son tour de s'éloigner de son ancienne amie. Mais, comme pour adoucir ses paroles, bien qu'elle gardait un ton neutre voire agressif, Calamité s'arrêta au bout de quelques pas pour lancé, toujours dos à Coldsnap :
- Le petit grandira avec nous. Et j'espère pour lui qu'il n'aura jamais à connaître ses origines.

Elle lui tournait toujours le dos, immobile. Les mots avaient empoisonné l'air, les emprisonnant dans un silence amer. La timberwolf pointait ses oreilles vers l'avant, les forçant à ne point s'abaisser sur son crâne, et attendant, le coeur résonnant lourdement dans sa poitrine.
Mais,
Rien.

Le silence demeura.
Et la renarde s'en fut.

Stationnaire, Calamité la regarda s'éloigner. Un battement, deux battements. Elle ne se retournait toujours pas. À sa colère s'ajouta la déception, la honte revenant de plus belle. Chaos d'émotions, la haine l'emporta, et la femelle dévoila ses crocs avant de lancer un bref jappement, dernier son qu'elle adresserait à la renarde. Puis, d'un mouvement brusque, elle fit volte-face et s'écarta de cette damnée scène, s'éloignant pour aller quérir Gunthaer, qu'il puisse la distraire.