Northern beauty [Prio' Sissi]

Automne de l'An 7

Les lumières envoûtantes peinturaient le ciel, noyé dans les profondeurs du crépuscule.

Sissi avait aussitôt interrompu son trot, perchant son regard sur les traits colorés. Ils ne lui étaient pas inconnus ; bien des fois ils avaient envahi l’infini, nageant entre la lune et les étoiles. Néanmoins, jamais la citoyenne n’avait pu poser une identité sur ces étranges danseurs célestes.

Absorbée, perdue dans les couleurs, elle fit un pas, puis deux, tentant de se rapprocher. Si elle avançait, les flammes ne semblaient pourtant pas se rapprocher. C’est ainsi qu’elle trébucha sur une silhouette qui lui avait été voilée jusqu’ici. Son museau vint brusquement s’écraser dans la fourrure de la silhouette. Alors sonnée, ses paupières clignèrent à répétition, jusqu’à ce que ses esprits lui reviennent.

— Ohhhh je, je. J-je... elle bafouilla précipitamment. Désolée ! fit-elle. Hâtivement, elle pris des pas de recul, s’empêtrant entre ses pattes. Puis, elle releva la truffe, observant fixement l’inconnu. Elle y reconnu les traits de son ami. Oh, euh, Colden ? C’est toi, Colden ?

— Hey, Sissi! répondit aussitôt Colden, confirmant par le fait même que c’était... Bien lui. (Parce qu’un extra-terrestre aurait très bien pu lui dérober son identité.) Un sourire ravi déforma les traits de la citoyenne, qui fit un pas de plus, cette fois-ci résolu et assuré, pour se poser au même niveau que le jeune mâle.

En l’espace d’un instant de silence, elle se mit à le fixer avec attention et émerveillement, mais se rappela bien vite qu’il n’était pas poli de dévisager les autres. Son expression se métamorphosa brusquement et elle dévia le regard, soucieuse.

— Tu es venu observer le spectacle toi aussi ? fit alors l’autre, en jetant poétiquement le museau vers le ciel. Sissi imita son geste, découvrant à nouveau l’étendue colorée.

La croisée sembla se noyer dans son esprit, perdant le cours de ses pensées à quelques reprises, puis rattrapant ses idées premières. Elle avait eu maintes fois l’occasion d’assister à la danse des lumières. Néanmoins, elle n’en connaissait toujours pas le nom, ou le but. Sa figure se fit déconfite.

— Ah? Euh, oui, elle avoua en un rire timide. Toi? souffla-t-elle, curieuse. Tu crois que c’est quoi? elle demanda, en lui offrant un rapide regard du coin de l’œil. Puis, ses prunelles vinrent à nouveau rejoindre l’infinité colorée.

Légèrement dépité par la question, Colden se perdit à son tour sous l’emprise de la réflexion, échappant quelques grimaces. Pour une rare exception, Sissi n’affichait pas un sourire libre de tout poids, mais plutôt une mine soucieuse, bien perturbée par l’absence de vraie réponse.

— Euhm. Eh bien… commença le fils du César, hasardant une hypothèse. Des lumières qui dansent, j'imagine ? Sissi lui jeta un regard froissé, bien consciente de l’évidence qu’il venait de... découvrir. Toi, t’en pense quoi ?

— Oui mais pourquoi ? enchaîna-t-elle vivement en évitant habilement la question de Colden. Ça sert à quoi ? fit-elle, préoccupée. Les couleurs lui rappelaient celles qu’elle voyait dans son esprit, lorsqu’elle fuyait les frayeurs de la réalité. La citoyenne se tourna vers son ami, avide d’explications.

Colden semblait se démener pour trouver une quelconque explication. Sa gueule s’entrouvrait, laissant de courts soupirs s’échapper, mais aucun mot concret n’en sortait. Une grimace défit l’air de Sissi, qui n’était visiblement pas satisfaite du silence de son vis-à-vis.

— Faire voyager des âmes ? hasarda enfin le fils de Thunderhead, fronçant les sourcils. L’espace d’un instant, la citoyenne fut prise au dépourvu, son expression passant du mécontentement à la consternation. Des âmes ? Bien rapidement, Colden enchaîna : C’est toi la plus vieille de nous deux, pourquoi c’est moi qui doit répondre à ces questions super poussées ? lança-il, légèrement contrarié. La croisée lui glissa un regard dérouté, devenant à son tour muette.

— Que... ? s’ébouriffa Sissi, se lançant au même moment à la recherche d’une réplique digne de ce nom.

— Vas-y, impressionne moi Miss J’analyse-les-étoiles-super-profondément! jeta son interlocuteur sur un ton de défi. La provocation eut tôt fait de délier la langue de l’orpheline, qui troqua son expression hébétée pour une fierté mal contenue.

— You mean you don’t know ? clama Sissi, échappant un rire étouffé. Colden, fils du Roi, terreur de la montagne, ne sait plus quoi proposer ? Un sourire se fendit alors sur le museau de la citoyenne, qui évita le renvoi de l'autre en s'armant du même défi. On aura tout vu, laissa-elle pianoter entre ses crocs.

Il ne fallut à Sissi que quelques paroles bien choisies pour froisser Colden qui demeura muet un instant. Tout signe de moquerie s’était évaporé de son museau, et le brun arborait maintenant la surprise mêlée à l’inconfort. Il était rare de le voir ainsi pris au dépourvu, et la citoyenne fût elle aussi saisie par le malaise de l’atmosphère qui vint se poser sur son échine.

Enfin, le jeune mâle sembla rapatrier ses moyens, sans toutefois oser lever un regard vers Sissi, qui elle, pourtant, l’observait attentivement. Il lança sa truffe vers l’infini du ciel après y avoir réfléchi, et entrouvrit la gueule.

— Mon père… commença-t-il, doucement. Thunderhead, nous disait, plus jeunes, que c’était la voie qu’empruntaient les âmes pour devenir des étoiles, fit alors Colden, tandis que l’air de Sissi se transforma sous l’effarement. Aussitôt, elle jeta le regard vers les aurores dansantes, une oreille tendue vers le jeune mâle qui poursuivait : Que c’était la dernière chose qu’on pouvait voir de ceux qui étaient passés de l’autre côté. Les yeux de l’orpheline pétillèrent ensuite sous le ravissement, reflétant les voiles colorés. Certains de mes frères et soeurs sont passés par là, termina Colden.

Sissi semblait avoir perdu la voix et le défi qui l’animait plus tôt. Elle examinait les rideaux, ignorant même que l’attention de Colden s’était posée sur elle. C’est son rire précipité qui l’éveilla, alors qu’elle pivota vers lui.

— Mais c’est que des histoires pour gamins ça! Ridicule hehe, blagua-t-il.

Pourtant, Sissi semblait plus que satisfaite. Ses traits se firent sérieux, et ses yeux vitreux, comme si on venait d’apprendre à un enfant que le Père Noël n’existait pas. Elle glaça, silencieuse, avant de se raviser et d’espérer que Colden n’avait pas observé son absence.

— Tu as sûrement raison, souffla-t-elle, un faible sourire en coin. Alors, vivement, elle se releva, frôlant l’autre d’une patte. C’est toi le chat! lui jeta-t-elle, évitant la situation qui semblait lui devenir lourde. Elle décolla ensuite en se perdant dans une course.

— Oh-ho ho! Tu veux jouer à ça hein! lui jeta Colden, arborant un énorme sourire espiègle. De loin, Sissi lui rendit un sourire aussi charmant, laissant entr’apercevoir ses crocs. Hey hey! Pas si vite, c’est pas du jeu! fit-il alors, quittant enfin son immobilité.

Les prunelles de la citoyenne ne le quittèrent pas même l’espace d’un instant. Elle décolla lorsqu’elle le jugea assez près pour le narguer.

— J’t’aurai à la loyal cette fois, fais attention à toi! l’appela-t-il en riant. Sissi se perdit également dans un rire, légèrement moqueur, profitant de la situation étant donné qu’elle avait l’avantage.

— Tu ne te surestimerais pas un peu, Cold? s’enquit-elle en rigolant. Ta tête va enfler! s’écria l’orpheline qui tentait de le semer derrière les quelques dunes de neige qu’elle pouvait rejoindre. Elle disparu au même moment derrière un petit amoncellement, se faisant silencieuse et discrète.

Sissi s’attela à tendre ses fines oreilles, espérant pouvoir s’élancer dans une course dès que le brun serait assez près. Cependant, le vent et l’amoncellement semblèrent empêcher son ouïe d’atteindre ses facultés maximales. Elle s’immobilisa, sa silhouette se faisant alerte. Alors qu’elle capta l’ombre d’un pas, l’obscurité fondit brusquement sur elle, tombant du ciel.

— J’t’avais bien dit que je t’aurais! fit un rire lointain.

L’orpheline demeura un instant figée, sonnée sous l’impact. Elle déplia faiblement la patte, mais sa figure était toujours fixe. Ayant du mal même à comprendre ce qui venait de se produire, elle releva enfin le museau, jeta un regard interdit vers Colden. Elle n’était pas contrariée, mais plutôt désolée, et restait muette. Elle voulait éviter à tout prix de montrer sa faiblesse et son mal, alors elle se fit silencieuse et immobile.

Les pattes de Colden le menèrent près de l’orpheline, qui elle, hésitait à bouger davantage. Elle était incapable de localiser son mal et préférait laisser passer, soucieuse à l’idée que la culpabilité s’empare du brun.

— Erm.. Ça va Sissi ? fit-il, perplexe. Le regard de la citoyenne divergea pour se réfugier un instant au sol, avant se s’aventurer de retour dans les prunelles de Colden.

— Mhm ? Ah, oui ! lança-t-elle, déconcertée. Ça va ! lui affirma Sissi, malgré son regard distrait qui trahissait ses paroles. Toi ?

Son vis-à-vis ne semblait pas convaincu. Il lui offrit un regard inquisiteur, avant de lancer son museau vers Sissi. Cette dernière l’observa en retour avec un sourire timide. Les idées lui échappaient ; Colden ne semblait pas vouloir laisser passer, contrairement à elle.

— T’en est sûre ? fit Colden, s’asseyant au même moment.

Aussitôt, l’hybride tenta de se relever pour de bon, appuyant inévitablement sur sa patte. Un discrète grimace se glissa sur sa truffe, mais elle se rapprocha ainsi du mâle.

— Mais si ! insista-elle à son tour. Regarde, y’a rien ! ajouta la bleue, lui montrant par la même occasion sa patte, libre de toute plaie ou blessure visible. Elle se pressa pour quitter les lieux, cherchant à abandonner cet épisode dans le passé.

Les lumières dansantes du Nord miroitaient toujours dans le ciel, après les jeux plaisantins des deux amis. La lune trônait timidement, laissant les aurores colorées dominer le spectacle.

Malgré l’évidente hésitation du brun, Sissi se pressa dans le train qu’il lui offrit en paroles.

— Si tu l’dis! lança-t-il, l’orpheline se réjouissant aussitôt. Néanmoins, Colden ne s’en tenu pas là, et enchaîna. J’imagine que la partie de chat et souris est terminée ? Ce qui fais de moi le vainqueur! annonça son interlocuteur, éveillant une grimace sur le museau de la croisée.

— Non, t’as triché! fit-elle, laissant sa fierté s’exprimer. Tu as pris un raccourci, précisa Sissi, pivotant vers l’autre en accueillant un sourire mesquin sous sa truffe. Ce qui fait de moi la véritable reine du jeu!

Elle repris ensuite la route, clopinant de sa patte blessée sans vraiment s’en rendre compte. Elle sentait la douleur mais espérait que ça ne se reflétait pas dans sa stature.

— Depuis quand prendre un raccourci est considéré comme de la triche ? lui fit Colden, arborant un sourire de défi. J’ai simplement fait usage de stratégie, voilà tout! Ne fait pas ta mauvaise perdante, Sissi, termina-t-il, éveillant une grimace chez la bleutée.

— Mais je ne fais pas ma mauvaise perdante, s’attela-t-elle à contrer, tout en poursuivant son chemin. Néanmoins, le brun se plaça aussitôt face à face, l’empêchant ainsi de poursuivre plus loin. Sissi l’observa, médusée.

— Et en plus tu mens.

— Comment ça je me-

— T’espère me faire croire que ça va alors que tu marches comme une estropiée ? lui annonça Colden, pivotant aussitôt le museau vers la patte de Sissi. Peut-être qu’un Apothicaire devrait y jeter un coup d’oeil.

— Je ne marche même pas comme une estropiée! chigna l’orpheline, en faisant la moue. Laisse tomber et rentrons, il se fait tard de toute façon. Elle n’avait pas vraiment l’envie de faire un détour pour aller chez un apothicaire, et elle redoutait encore plus la culpabilité qui rongerait Colden.