Au lever du jour [Prio' Riptide]

Un cris strident avait longuement raisonné à ses oreilles. Farah s'était retrouvée dehors, prisonnière d'une brume opaque ou elle était incapable de courir. Les ombres l'avaient encerclée, noires et monstrueuses. Elle les avait senties se rapprocher, puis, le décor avait changé. Il y avait eu d'autres hurlements, mais ils étaient cette fois plus éloignés. Un grand arbre s'était alors dressé devant elle, comme s'il avait toujours été la, et lorsqu'elle s'en était approchée, Farah avait remarqué qu'un filet de sang s'échappait de son écorce. Des mouches s'étaient mise à bourdonner autour de lui. Ses yeux s'étaient écarquillés, puis elle avait sentit le sol se craqueler sous ses pattes, et elle était tombée.

La jeune louve se réveilla d'un bond, les pupilles dilatées et le corps en sueur. Son souffle était irrégulier et bruyant, comme si elle revenait d'une course effrénée. Encore un cauchemars... Murmura-t-elle en posant sa tête entre ses pattes. Elle attendit quelques minutes, mais ne parvenant pas à se rendormir, elle se leva lentement et se dirigea vers la sortie de la caverne. Dehors, une douce lumière jaune éclairait l'Oasis. Ce devait le matin, tôt le matin.

Si tôt la matin Farah ne s'attendait pas à trouver l'un de ses camarades de meute éveillé, et pourtant, un bruit de pas trottinant attira son attention vers la sortie de l'Oasis, d’où revenait apparemment Riptide. Celui-ci la rejoint des qu'il la vit, et ne lui laissa pas même le temps de le saluer.

- Heyyyy ! Petite Farah, quelque chose ne va pas ? Allez, normalement faut faire la grasse matinée le matin ! Fit il en relevant sa queue, souriant.

Elle sourit à son tour, heureuse de le voir, surtout maintenant. Contrairement à certains Blackbloods qui le trouvaient agaçant, Farah adorait sa compagnie. Il débordait d'une joie de vivre inépuisable et réconfortante.

- Bonjour Riptide ! Je me suis réveillée à cause d'un cauchemars... Fit elle d'une petite voix. J'en fait beaucoup depuis que les loups noirs nous ont attaqués.

Le sourire de Riptide s'était peu à peu effacé de son visage, puis sa queue s'était arrêtée de battre. Farah l'avait alors regardé, silencieuse, s'assoir tristement devant elle, puis elle s'était mise à fixer ses pattes du regard, honteuse d'avoir fait ressurgir le deuil de Fairstep à l’esprit du mâle blond.

- Ah ma pauvre petite…
Fit ce dernier en se rapprochant d'elle, toujours assis, puis en posant sa patte sur son épaule. Farah ne répondit rien, mais elle osa tout de même lever un petit regard vers lui, légèrement réconfortée par son geste amical.

- Tu sais, les cauchemars ce n’est pas bien méchant.
Chuchota t-il en approchant son visage d'elle, sa patte contre sa gueule, comme s'il s’apprêtait à lui dévoiler un grand secret. Les oreilles de Farah se tournèrent dans la direction de Riptide, prêtes à écouter de quoi il s'agissait.

- Et puis… Je les mange. Ajouta t-il en faisant un soudain geste de recul. Farah esquissa un sourire, amusée et touchée qu'il essaye de la réconforter.
- Il te suffit de me raconter de quoi il s’agit !

- J’espère que ça fonctionnera... Murmura t-elle, toujours souriante, avant d'entamer son récit :

- C'est pratiquement toujours le même... Ça commence par un cris, très long et douloureux... Puis je me retrouve dehors comme si je revivais la bataille, sauf que je me vois de haut. Après, c'est un peu difficile à expliquer... Je ressens des présences, je vois des ombres et puis, il y'a un grand arbre devant moi. Stoppant momentanément son récit, Farah désigna l'un des nombreux arbres aux fleurs rouges de l'Oasis. Il ressemble un peu à ceux-la, sauf que du sang coule de son écorce... Ensuite je revois les... Elle s'arrêta de parler, frissonnant en repensant à la tête découpée - celle qu'elle avait découvert avec son ami Elias. Sa voix se brisa et elle baissa à nouveau les yeux jusqu’à ses pattes. Les mouches. Quelques semaines près la bataille, Elias et moi, on a trouvé une tête décapitée dans les hautes herbes. Je crois que c'est surtout à cause de ça que j'ai tous ces cauchemars.

Les yeux toujours à terre, Farah redressa légèrement la tête lorsque la voix de Riptide s'adressa de nouveau à elle.

- Je suis désolé que tu aies eu à vivre un tel cauchemar dans la réalité tout comme dans tes rêves.
Elle hocha doucement la tête. Ça n'était pas à lui d'être désolé, ça n'était pas de sa faute. Lui aussi avait vécu cette bataille, et contrairement à elle, il avait perdu un membre de sa famille.

Maintenant ! Laisse-moi faire mon travail !
S’exclama le mâle blond d'un ton plus énergique, s'affairant à lui donner plusieurs coups de langue sur la joue, faisant rire la jeune femelle aux éclats.

- Voilà, le cauchemar est mangé. Ajouta t-il une fois qu'il eut terminé. Avant de pouvoir lui répondre, Farah du d’abord apaiser ses rires. C'était peut être idiot de sa part, mais elle se sentait mieux. Beaucoup mieux. La queue battante, elle colla sa tête contre le poitrail de Riptide et ferma les yeux en souriant.

- Merci beaucoup.
Puis elle se redressa et pencha la tête, toujours souriante.

- Je pense que je vais réussir à dormir maintenant !

- Oh ! Y’a intérêt hein ! Mais au cas où, il me reste bien de la place dans mon estomac, fit il en désignant son ventre de la patte, pour manger plein plein de ces cauchemars !

Ne pouvant s’empêcher de sourire en présence du mâle blond, Farah continua de le faire avec autant de plaisir que de soulagement. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas éprouvé une telle sensation de joie, et pourtant Riptide était parvenu à la consoler en usant simplement de ses paroles et de son sourire rayonnant.
Malheureusement, l'air guilleret du mâle blond sembla s’évaporer subitement dans la nuit, et il eu beau pencher la tête pour s'en cacher, Farah s'en aperçu. Que se passait t-il ? Elle pensa un instant avoir fait une bêtise, mais le visage du loup blond se redressa avec un sourire tout comme celui qu'il arborait il y a de ça quelques minutes, ou presque. Cette fois, Farah ne le lui rendit pas immédiatement. Elle se contenta de l'observer durant quelques petites secondes, juste le temps de comprendre ce qui se passait : Elle était loin d'être la seule à souffrir de cette bataille, Riptide devait lui aussi être bouleversé par la perte de sa mère, et s'était autrement plus grave et douloureux que de simples cauchemars. Les cauchemars ne sont pas réels, eux, ils ne peuvent pas tuer, ils ne peuvent pas arracher un membre d'une famille, comme ce que ses loups noirs avaient faits à bien des Blackbloods. La petite louve pencha doucement la tête, décidée à réconforter son ainé comme il venait de le faire pour elle.

- Votre mère était une louve formidable, sa voix était douce et régulière. Elle regarda les étoiles puis murmura, je suis sure qu'elle est extrêmement fière de vous.