Entrée en territoire inconnu

Suivant ainsi la panthère, ils se trouvèrent tout trois dans une cavité qui, bien que de taille suffisante, n’était pas si facile à traverser. Une fois de plus, Lonely s’essouffla, peu habituer à tant d’effort sa capacité musculaire aussi bien que pulmonaire n’étaient pas bien grandes.

Cela en valait pourtant bel et bien la peine, comme elle put le découvrir, le paysage qui s’offrait à ses yeux était proprement magnifique. Malgré sa fatigue, sa queue s’actionna d’elle-même, prenant à son ainsi un battement rapide et enjoué.

« L'endroit en vaut le détour je crois bien. » Dit-elle en se tourna vers eux.

-Waouh ! fit-elle impressionnée.

-Tout est dit ! S’amusa-t-il.

Il avait vu de nombreux territoires mais celui-ci ne ressemblait à aucun autre de par sa tranquillité et sa végétation. Il n’aurait jamais cru que les montagnes brunes puissent accueillir un tel paradis, la vie devait y être bien douce.

-Tentons un appel, proposa-t-il. De là où nous somme des hurlements devraient s’entendre de loin, avec un peu de chance on aura une réponse.

Prenant une grande inspiration, Kerran poussa un long hurlement, le modulant de façon à ce qui soit amical. Tentant de faire de même Lonely ne put sortir qu’un tout petit hurlement rappelant ceux d’un louveteau, boudeuse elle s’assit, tendant l’oreille pour percevoir une éventuelle réponse.

« Estime toi heureuse, je ne peux même pas faire ce que tu fais ! »

Lonely hocha la tête, il est vrai qu’elle n’avait jamais entendu parler de félin hurler comme un loup, comment diable faisait les panthères lorsqu’elles voulaient se retrouver ? Cela devait être bien problématique.

Kerran se tut, tous trois se regardèrent, une lueur d’espoir brillant dans leurs regards. Pourtant, proche de leur position, une réponse retentie. Claire, elle semblait aussi pacifique que l’était les trois camarades de route, une bonne chose en somme.

« Ils ne sont pas loin. »

Ils hochèrent la tête, les yeux fixés en direction de la voie, le cœur battant d’espoir. White’ semblait toute aussi fébrile qu’eux. Il ne fallut pas longtemps à celui qui leur avait répondu pour arriver, sa silhouette se profila à l’horizon, accompagnée d’une autre.

Représentants du rêve des trois voyageurs, un loup clair et un tigre à dent de sabre s’approchaient d’eux, côte à côte, comme deux membres d’une même meute. Ensemble. Kerran et Lonely se regardèrent avant de se tourner vers la panthère, souriant, son rêve allait enfin devenir réalité.

« Oh, tiens donc ! » Cette voix … Les oreilles de Keran se dressèrent sur sa tête avant de se tourner vers l’autre mâle. « Ravi de vous retrouver, compagnon ! »

-Monsieur Howahkan ? S’exclama-t-il joyeusement. Alors vous aussi … Quelle joie de croiser à nouveau votre chemin !

Les oreilles de Lonely se dressèrent à leur tour sur sa tête, son oncle lui avait parlé du loup clair, celui grâce à qui il avait retrouvé la force de partir à sa recherche. Celui grâce à qui leurs vies avaient pris un sens.

Elle donna un petit coup de langue amical à Whitefeather, pour lui redonner courage, elle semblait complètement perdue, comme hésitant sur la réalité des faits. S’approchant joyeusement de l’arctique et du sabre, Kerran entreprit de faire les présentations.

-Je vous présente ma nièce, Lonely, dit-il en la désignant. Ainsi que dame Whitefeather, camarade de route et je l’espère de meute, dit-il en adressant à cette dernière un sourire encourageant.

Les yeux pétillants de joie tant tout cela lui semblait merveilleux, il se tourna vers le sabre.

-Et je suis Kerran, ravi de faire votre connaissance.

Leurs cœurs battaient tellement dans leurs poitrines qu’ils crurent un moment qu’ils allaient s’en échapper, les rêve devenait enfin réalité.

« Enchanté, mesdames ! Tel que votre comparse l'a mentionné, je suis Howahkan, et voici mon compagnon Shujaa. »

Ce fut Howahkan qui leur présenta le grand félin, ce dernier hocha légèrement la tête, comme dans un salut. Etait-il muet ? C’était une hypothèse comme une autre, Kerran savait bien que ce genre de mutisme trouvait racine dans d’innombrables choses. White’ semblait reprendre courage et se sentir mieux.

« Puis-je vous demander ce qui vous amène dans ce lieu ? »

« Nous sommes venus ici car nous avons eu vent d'une meute plus... tolérante. »

-C’est exact, la rumeur à commencer à courir parmi les solitaires il y a peu, nous sommes donc partit à sa recherche.

-C’est pour nous un rêve qui se réalise : un clan de paix où l’apparence ne compte pas, où tout le monde peut trouver sa place… dit-elle doucement.

Elle baissa la tête, regardant ses pattes, depuis qu’elle était petite elle n’avait connu que le mépris lié à sa différence et la guerre contre Stoneclaw, l’existence d’un tel havre de paix ne pouvait que lui semblait merveilleux.

Kerran ne put qu’offrir un regard compatissant et protecteur à sa nièce en hochant la tête à ses propos, même pour un solitaire ce genre de clan était un rêve, ce statut de non-appartenance à une meute ne les protégeait pas forcément de la colère de clans rivaux.

-Aussi incroyable que sa puisse paraitre … ce clan existe bel et bien maintenant, n’est-ce pas ? Vous … vous en faites tout deux partit… dit-il plein d'éspoir.

Kerran tentait de cacher son anxiété, lui aussi peinait à croire ce qui était pourtant une évidence, l’odeur de leurs interlocuteurs prouvaient qui appartenait à un clan composer de race différentes. Au fond de lui, il avait peu de se réveillé de ce rêve d’une vie meilleure commencé avec la rencontre du loup polaire.

L’expression paisible du plus clair leur laissa bon espoir, ce qu’il confirma vite, à leur plus grand soulagement.
 
« Ce clan existe, oui. Il se bâtit, lentement, au sein des montagnes, sans prédateur ni conflit. Ni racisme », ajouta-t-il en regardant successivement les deux félins. « Il n'est point parfait ou à l'abri des difficultés, mais ici c'est une terre de paix. »
 
Enfin. C’est ce seul mot qui traversa l’esprit des deux loups. Ce qu’ils attendaient depuis si longtemps était enfin à portée de patte, un endroit où ils pourraient trouver leur place, s’épanouir avec d’autres et construire quelque chose ensemble.
 
« Nous vous montrons le chemin ? »
 
Un sentiment de paix les envahit complétement, les laissant croire à l’évidence qu’ils avaient eu tant de mal à accepter. Les yeux brillants de joie et un sourire finissant d’éclairer leurs visages, ils hochèrent la tête, encore trop ému pour parler.
 
« Nous sommes impatients. » Elle fit un petit clin d'oeil à Lonely, déjà complice, « Me semble-t-il. »
 
Lonely fut la première à s’avancer, venant directement aux cotés de White’ ainsi que de l’étrange duo les ayant si gentiment accueilli. Les rejoignant à son tour, Kerran était plongé dans un vieux souvenir, celui d’une des rares fois où sa sœur lui avait fait part de ses pensées.

Nora avait elle aussi un rêve, aujourd’hui, Kerran le réalisait même s’il elle n’était plus là de manière matérielle. Car il en était certain, l’esprit de la louve n’avait jamais cessé de l’accompagner, le veillant comme autrefois, attendant que son rêve se réalise.

Lonely ne put que constater la nouvelle « absence » de son oncle, c’était étrange, elle ne lui en avait cependant jamais demandé la raison. Et puis, elle savait bien que ce n’était que passager, elle sentait bien en elle que ce n’était pas sans rapport  avec sa mère. Le loup roux avait toujours cette expression en parlant d’elle.
 
-Aussi impatients que des tout petits, plaisanta-t-elle de bon cœur.

Kerran laissa échapper un rire amusé, il ne pouvait nier cet état. Il ne put que constater l’étrange petit groupe qu’ils formaient à présents tous les cinq, aussi  bizarre que cela aurait pu lui paraitre par le passé, il n’y voyait aucune anormalité, tout lui semblait naturel.
 

Avançant tranquillement aux côtés de leurs nouveaux camarades, ils observaient les paysages s’offrant à leurs yeux grands ouverts, comme pour ne pas perdre une miette de ce qui les entouraient, ou simple peur irrationnelle de voir tout cela disparaitre en un clignement d’yeux.

Howahkan entreprit de leur présenter l’endroit : « Nous avons élu domicile au flanc d'une montagne, juste au-dessus de l'embouchure du fjord. » Sa patte désigna le lieu en question. « Au sud se trouve une vaste forêt de conifères, et entre les deux se trouvent une roselière. L'endroit est assez fertile et peuplé, comme vous le constaterez bientôt. »
 
Tout cela leur parut merveilleux, jamais ils n’en auraient espéré autant, un vague « Mais ? » traversa tout de même l’esprit de Kerran, ça lui paraissait trop beau. Solitaire pessimiste en ce qui concerne la vie de meute, il se posait quelques questions sur celle-ci.
 
La petite voix de Whitefeather se fit entendre, émettant les doutes parsemant son cœur : « Dites... Votre meute procède-t-elle à une quelconque … Sélection, ou... Je ne voudrais mettre personne mal à l'aise... » Elle redressa la tête, regardant tour à tour le loup et le sabre. « ...Juste rester fidèle à mes convictions. »
 
Il était bien normal de douter, surtout en pareil cas. Lonely, se contenta de jauger la situation, n’osant rien dire.
 

«La meute s'adonne effectivement à un genre de sélection, [...] voir si vous êtes adéquat dans une meute pacifique.»
 
D’abord tendus, le soulagement fini par envahir les deux loups. Certains clans demandaient parfois des choses plutôt ardues voir à la limite du possible. Ils étaient arrivés à trois et voulaient s’y intégrer à trois également. Voir Whitefeather rejeter par ce clan dit tolérant aurait été un coup bien rude. Qui sait comment ils auraient réagi ? A dire vrai ils préféraient ne pas avoir à y penser.


Howahkan mit son ton amusé de côté, reprenant un certain sérieux pour demander plus d’explications à White’.
 
«Quant à vos convictions, il ne vous sera pas demandé de les bafouer. Toutefois, qu'est-ce qui vous fait craindre qu'elles ne puissent aller de paires avec celles du Vallon ?»
 
 
«Je pense que plus on se rapproche d'un but et plus la peur et le doute nous prennent à la gorge.... Ainsi donc j'ai peur que certains ne comprennent mon envie qui est contre ma nature de félin solitaire... Qu'on s'arrête sur les faites connus sans chercher à comprendre davantage. Mais avec le discours que vous tenez, j'ai l'impression d'être plus légère. Le poids du doute est lourd à porter, me semble-t-il...»
 
 
Le regard brillant que leur adressa Whitefeather leur fit chaud au cœur, ils l’appréciaient vraiment, avec le temps, une amitié naitrait surement. Les deux loups ne pouvaient qu’aimer cette perspective fixant le début de leur nouvelle vie, bien loin de la solitude qui les maintenaient prisonniers d’eux même.
 
-Beaucoup se basent sur la seule apparence et quelques préjugés pour juger des autres, oubliant les exceptions en tout genre. Mais tels que vous nous les décrivez, les habitants du Vallon semblent avoir appris à voir avec le cœur avant de voir avec leur yeux, c’est si rare…
 
Kerran ferma les yeux une seconde, laissant sa phrase en suspens, il avait eu affaire plus d’une fois à ce type de jugement et en avait souvent souffert. Lonely n’y avait guère échappé, souvent rejetée  à cause du sang de chien coulant dans ses veines, avant même d’être assez âgé pour posséder sa propre personnalité, elle avait été cataloguée.

Ils continuèrent de marcher, écoutant avec attention les paroles d’Howahkan et Whitefeather. Loin d’être entreprit avec précipitation, cette meute se construisait étape par étape, se construisant de vrais bases permettant une cohabitation.
 
« Eh bien, nous avons tous fuis notre meute ou notre situation pour une raison ou une autre. Nous arrivons ici au même niveau, dans un état de découverte balancé par certains espoirs. Certains ont plus d'expérience ou de caractère que d'autres, mais tous ont le même but : créer un endroit où il fait bon vivre. Bien que la coopération soit de mise, nous sommes encore un peu des étrangers pour tous, alors le besoin d'intimité de chacun reste respecté. »
 
« Oh je vois. »
 
Ils hochèrent la tête, comprenant bien ce que voulait dire le mâle dans cette description, malgré l’envie de vivre ensemble tout le monde avait besoin de temps pour soi et ainsi s’adapter à cette vie qui sortait de l’ordinaire.
 
« Tant et aussi longtemps que vous contribuez à un climat agréable, vous n'avez pas à vous en faire. »
 
« Tant que je vivrai, je ne serai que dans la perspective d'une vie tranquille au milieu de créatures toutes différentes par leur race. Mais que le pacifisme rassemble. »
 
-Nous sommes donc bel et bien arrivés là où l’on espérait, fit-elle dans un sourire joyeux.

Kerran ne put que sourire à son tour, oui, ce lieu de pacifisme et de tolérance était enfin à portée. Se seraient à tous de le construire et de le consolider pour en faire une réalité qui pourra durer.