Bulletproof heart.

Dinosaure

Un coeur blindé dans une apparence monochrome, denuée de couleur, de toute joie et gaieté. Une apparence de clown brisé, qui aurait perdu tous accessoires, toute envie de faire rire. Apparence qui reflette sublimement le caractère de Sa Majesté. Sans couleur. Noir ou blanc, jamais gris. Bon ou mauvais, cela dépend des jours. Et la seule dose colorée différant du noir ou du blanc du pelage de la Reine était ses yeux, ses yeux couleur sang. Ombre, lumière, et sang. Triade harmonieuse aux éclats morbides, trios finement assemblé pour un être désarccordé. Rapier avait tout perdu. Tous rêves, tous espoirs, même son passé lui faisait aujourd'hui défaut. Rien. Elle n'avait rien eut de ce qu'elle désirait, et telle une enfant trop gâtée, avait fait un caprice. Et ce caprice était aujourd'hui devenu la meute la plus puissante du continent. Fière, imbibée par sa réussite grandissante, Rapier pavanait dans la jungle, sa jungle. Maîtresse des lieux, sûre d'elle et en confiance, un sourire mielleux et fourbe sur les babines, la Reine Alteron se baladait donc sur ses terres. Ayant pour une fois réussie à fausser compagnie à Scimitar et Blade, et toute cette suite de loups qui ne voulaient que s'attirer ses rares faveurs, Sa Majesté profitait de ce moment d'accalmie dans la tempête qu'était son quotidien. Jusqu'à ce qu'une fougère ne vienne ne lui fouetter la truffe.
Comment un végétal pouvait oser toucher son illustre personne ? Cherchant des yeux la branche coupable de cette infamie, la Reine Alteron plissa les yeux, un rictus contrarié sur les babines ; si même une simple fougère osait aujourd'hui lui fouetter le museau... Abandonnant par pure flemmardise de dénicher la coupable, elle poussa un soupir hautain, finissant par se détourner et de reprendre sa marche. La grande louve monochrome, sautant par dessus les fourrés, finit par capter un léger craquement autour d'elle. Ses oreilles se placèrent en avant, alors que sa queue se redressait en une attitude dominante et que sa machoire s'entrouvrait, laissant apparaître ses crocs aiguisés.

- Qui est le couard qui ose se dissimuler à mon regard ?!

Grenouille

Au coeur même de la jungle, il ne fallait pas chercher l’ombre bien loin : elle était partout, la lumière n’existait plus qu’en de rares éclaircis, et lorsqu’on levait les yeux, il n’y avait qu’un épais feuillage, et aucune trace de ciel. D’aucun croirait qu’en ces conditions, il y fait toujours frais et confortable, mais ce n’était pas le cas : à vrai dire, il y faisait presque toujours chaud et humide. Même en hiver. Certes la chaleur n’était pas aussi insupportable qu’en plein soleil, mais la jungle agissait comme un piège sur l’humidité qu’elle enserrait à l’intérieur de ses branches et qu’elle accumulait impitoyablement, rendant moite jusqu’à l’air qu’on y respirait.

Haletant sous le poids de l’air hivernal, si lourd qu’il en était presque palpable, le jeune prince était allongé de tout son long sur un lit de fougères et de mousse. Sur le flanc et étendu de tout son long, il n’avait pas bougé depuis un long moment, maintenant. L’humidité l’assommait et piétinait sa motivation, mais le sommeil ne l’emportait plus sur l’ennuie : depuis un long moment déjà, Blade avait l’œil rivé sur le ciel qui apparaissait sous la forme d’un minuscule point gris, très loin au dessus de lui. Silencieux, immobile, il cherchait une occupation, et c’est à tout hasard qu’il trouva de quelle manière il pouvait s’occuper l’esprit.

Son oreille s’agita d’elle-même alors que quelques craquement discrets commençaient à se faire entendre, non loin. Lentement, en faisant preuve d’une prudence excessive et inutile, le louvard roula sur le ventre et étira le cou, oreilles tendues vers la provenance des quelques bruits. Il demeura immobile de longues minutes à fouiller son environnement du regard, mais la végétation était trop dense pour lui permettre de voir aussi loin qu’il l’aurait voulu. Son museau finement développé eut toutefois tôt fait de capter l’odeur agréablement connue de Rapier.
Toujours lentement, avec l’air paresseux propre à l’adolescence, Blade se dressa sur ses quatre pattes et s’étira en s’écrasant du poitrail, la croupe pointée les ciel. Il s’abandonna à un long bâillement, avant de finalement se mettre en marche, sa queue battant distraitement l’air de gauche à droite. Le ventre à ras le sol, le prince se mit en tête de poursuivre prudemment sa mère en tentant de ne pas se faire repérer. Encore jeune, il n’avait pas tout à fait abandonné l’instinct joueur de l’enfance, et la moindre occasion de tester ses apprentissages était bienvenue.
Il se prêta à ce jeu jusqu’à ce que, par inadvertance, l’une de ses pattes se pose sur une branche frêle qui se brisa sous son poids. Presque aussitôt, l’avertissement de Rapier claqua comme une liane sur laquelle on tire trop fort. Le louvard se redressa, sa queue cessant de battre joyeusement l’air pour retomber le long de ses pattes. Il s’élança et, en quelques bonds, traversa troncs, feuillage et buissons pour se diriger droit vers la Reine d’Alteron. Il s’arrêta toutefois dès qu’elle fut à portée de vue et baissa la tête, les oreilles étendues le long de sa nuque dans un geste qui évoquait davantage le respect que la soumission.

- Ce n’est que moi, mère.

Et de ces mots, il éclipsa toutes les accusations de couardise, car il était son fils, et s’il la respectait, ce n’était pas parce que, comme tout le reste de la meute, il la craignait, mais parce qu’elle était sa mère, et parce que, en tant que telle, elle l’excluait obligatoirement de toutes ces insultes. N’est-ce pas?

This time baby I’ll be, bulleeeetprooooooof ♪

Dinosaure

Et bientôt, une ombre se dessina entre les branches sinueuses des arbres. Et une odeur qu’elle connaissait parfaitement, quoi de plus normal vu qu’il s’agissait de la sienne, imprégna bientôt ses narines. Son fils. Blade sortit alors des buissons, avec classe et grâce, comme sa mère lui avait appris. Un sourire presque tendre étira les babines de la Reine. Elle s’approcha lentement de son fils, lui faisant doucement redresser la tête.

- Tes compétences de pisteur sont encore à améliorer, mon Chéri.

Elle le couvait du regard. Semblait le protéger pour ses seuls mots. Et tout l’amour qu’elle pouvait lui porter –si on pouvait appeler cela de l’amour- semblait luire dans le regard de sang de la Reine. Blade était son fils. Sa fierté. Son seul héritier digne de son nom. Le seul qui ne devrait jamais la trahir. Le jeune Alteron était le seul privilégié de la meute. Quoi de plus normal, lorsqu’on est le fils chéri de sa mère. Et au contact de son tout petit, Rapier se montrait d’une étonnante tendresse. Un sourire amusé étira les lèvres de sa Majesté.

- Tu tombes bien mon Fils, je voulais justement m’entretenir avec toi.

Une lueur mauvaise s’alluma dans son regard. Oh gawd, que préparait-elle… ? O___O

- Ton entrainement touche bientôt à sa fin. Et au printemps, tu seras réellement digne d’être nommé Prince. Une année à te préparer à affronter ton Destin. … Voyons voir ce dont tu es capable maintenant.

Elle avait débité la dernière phrase à une telle vitesse, que son coup de patte parti quasiment en même temps, visant les pattes de son très cher fils. Il était temps de voir ce qu’il valait réellement.

Grenouille

Loin de chercher à se justifier, Blade accepta humblement le reproche d’un hochement de tête appréciateur, adoptant une moue désolée – d’une désolation fausse – qu’il ne conserva que quelques secondes, le temps de laisser comprendre que décevoir sa mère était bien la dernière chose dont il avait envie.

- Je m’exercerai autant qu’il le faudra!

Jugeant sa réaction satisfaisante, il laissa ses traits se détendre et attendit que sa mère oriente elle-même la conversation, ce qu’elle fit sans se presser, mais sans se faire attendre non plus, parfaite dans son timing comme dans tout ce que cette figure d’admiration entreprenait. Une lumière mauvaise alluma le regard sang de la louve. En la percevant, Blade se laissa aller à remuer lentement la queue.

De tous les habitants de la jungle, il devait bien être le seul à éprouver non pas de la peur, mais bien du plaisir devant les regards emplis de malice de la reine. Il comprenait qu’elle préparait quelque chose, mais cela ne lui faisait pas peur. L’acier de ses yeux s’emplit d’une grande avidité, ses muscles se tendirent, sa gueule s’entrouvrit alors qu’il attendait impatiemment le signal de départ, car peu importe ce que Rapier préparait, il savait qu’il lui faudrait faire ses preuves .. et il n’attendait que cela!

-… Voyons voir ce dont tu es capable maintenant.

La patte noire et blanche fusa en direction des siennes, si rapidement que le jeune loup, dans un violent sursaut, bondit des quatre pattes pour éviter le croche-pied, plein de joie, mais aussi prisonnier de sa propre tension. Il atterrit à l’endroit même d’où il avait décollé plus tôt, et esquissa aussitôt un écart brutal vers la gauche. La feinte lui permit de se rassembler sur ses pattes arrières, et au moment même où tout adversaire ordinaire se serait détourné pour suivre le mouvement de son écart, Blade bondit vers la droite et fusa ainsi contre le flanc de sa mère. Il s’aplatit au sol et bondit de nouveau, tentant de renverser la louve en la heurtant au ventre, de son épaule.