Platitude relevée

Escaladant l'altitude avec nonchalance, la parque oeuvre à l’un de ses passes temps favoris : le pistage. Informé par Blanche que des voleurs de nourriture sévissait dans les parages, la procureure n’avait pas tardé à se diriger vers le lieu dit, n’ayant aucune mission de laquelle s’acquitter et bien décidé à profiter de ce modeste mystère pour satisfaire sa soif de divertissement. L'ascension, en outre, faisait travaillé ses muscles, la maintenant en forme entre les séjours prolongés à la tanière commune si typiques de l’hiver. Toujours être au top de sa santé. Règle numéro un des parques. Ce n’était pas avec des obèses ou des paresseux que l’espionnage tirait son prestige et sa dangerosité. Sur cette pensée, elle a un rire strident, se perdant dans les volutes d’oxygène soulevé non loin. Avec la nomination de Toshiro au poste de second (qui semblait un peu lui monté à la tête) et les déboires de la princesse et fille de Julius, elle allait sans doute être la seule parque fiable et compétente du coin. Humant une mélodie, joyeuse, elle parvient doucement mais surement sur la majeure partie des hauteurs : le plateau. C’est avec une certaine surprise qu’elle y décèle rapidement une présence. Une voix portée par les bourrasques, et une odeur familière. Si familière... Un sourire dément et jubilatoire planant sur ses babines, Terezi marche discrètement en direction de Layk, usant son art du camouflage pour le prendre à revers. Elle se place non loin de lui, dissimulé par la couche de brouillard momentanée soulevé par la fureur des éléments, furtive et efficace.
— BOOOOOOOOUUUUWOUUUH ! TU N’AS PAS HONTE DE PÉNÉTRER ICI, IMPUDENT !!!

La parque exulte d’avoir ainsi surpris le jeune, et savoure sa victoire en silence, ses oreilles ne ratant rien des réactions de sa victime, s’agitant tel des éventails.
- Toujours aussi joyeuse procureure !
— Bonjour bonjour, y’a d’la joie ~
Entonne t-elle, légère. S’il y a bien une chose que Terezi ne comprend pas trop et auquel elle n’adhère pas du tout, c’est de se morfondre. Les peines ne sont qu’un pique de glace que l’on remue dans la plaie à force de trop les ruminer. En outre, le même principe peut être appliqué à la bonne humeur. Quitte à choisir, elle mise sur le rire. Oh, une rime !
- Est-ce la neige qui vous a soufflé ma venue ici ? Ou étiez-vous sur une piste plus importante ?
— Peut être, peut être… Échappe la procureure, sans éclairer plus la lanterne de Layk. Les devinettes, c’est encore un jeu qu’elle adore, autant ne pas gâcher son plaisir.
- Cela fait un petit moment que les flocons ne vous ont pas mené à moi. Ou alors l’inverse. Bref.
Terezi échappe un mince sourire en coin.
- En tout cas ma mémoire vous a bien conditionné, malgré mon jeune page à l’époque.
— Oooh, p’tit Layk, comment veux tu que ton cerveau-con m’oublie !? C’est I-M-P-O-S-S-I-B-L-E ! Te voilà coincé avec mon éclatant souvenir pour le reste de tes jours !
Elle n’échappe pas de rire, mais c’est tout comme, lui décochant une expression tordue d’une hilarité intérieure. Mimique qui s’évanouie presque aussi vite qu’elle est apparu, tandis que la truffe de la louve se cale contre le sol plat, cherchant à y déceler des odeurs suspectes à la manière d’un chimiste qui extrait des solutions. Le vent qui balaye le plateau n’est pas très pratique pour sa tache présente, autant aller à la source. Tout en s’escrimant pour trouver une piste, la femelle relance tout de même la conversation, l’amenant dans une direction évoquée par le louvard et qui l’intéresse de près…
— Alors, comme ça on s’intéresse aux flocons maintenant ?

- Il est certain qu’il doit être difficile de vous oublier ! La vie sans une telle énergie dans les parages, c’est vraiment triste.
— N’est-il pas ? Lâche t-elle, enorgueillie par le compliment, même léger, de Layk. Son énergie, comme il le disait si bien, n’était pas souvent apprécie, alors autant en profiter. Et puis, ça faisait plaisir au louvard ; son ton et inflexion montraient un grand contentement.
- Ohqueoui ! J’essaye d’apprendre à mieux connaître la neige, mais elle n’est pas aussi docile qu’on pourrait le croire …
— Une belle bestiole hein ? Et des résultats, ou la neige ne t’as rien confié ? Réplique t-elle, malicieuse.
Une science difficile que celle de l’étude de la poudreuse. Mais l’une des plus parlante au monde.
- Sans vos précieux conseils, comprenez, il m’est plus difficile d’avancer ! Après tout c’est vous la procureure de la neige !
Terezi reprend son examen, sa truffe raclant presque contre le sol tant les odeurs sont infimes, acquiesçant légèrement, le travaillant à l'usure.
— Hum, hum.
Pas étonnant que des chapardeurs trouve un refuge ici. Le vent balaye en permanence le sol, et la surface est si lisse et réflexive qu’elle retient difficilement les flagrances. Tournant en rond, mais patiente, la parque finit par capter quelque chose. Infime… Grattant doucement la plaque semi glacée, elle y trouve un résidu, coincé dans la glace. Ube touffe de poils… La prenant soigneusement entre ses griffes, elle l’examine au plus près de sa truffe. Un sourire ravi prend place sur sa figure, tandis qu’elle reporte son attention sur le petit fils de Julius.
— Tu disais ?

- La neige ne me fait peut-être pas encore confiance …
— Peut être bien.
Son air est neutre, nullement réprobateur. S’il elle a put progresser dans ce domaine, c’est grâce à son amie Blanche, après, grâce à son handicap et enfin, grâce à son intellect. L’étude de la poudre froide tombe pile entre la technique et la déduction. Une des choses les plus dur à atteindre : l’équilibre entre sens et logique. Elle passe alors le sol au peigne fin et ayant trouvé ce qu'elle cherchait, revient à la conversation.
— Tu disais ?
- Que la neige est un précieux allié, mais que je me sens encore trop novice pour pouvoir la décoder …
Elle sent le louvard se rapprocher, et lui tend sa découverte, coincée entre ses doigts, l’invitant à examiner lui même l’indice. Il est toujours bon de donner des initiatives.
— La neige cache jalousement ses secrets Layk. C’est normal. C’est elle le maitre ici.
La parque s’assoit, sérieuse. Un maitre impitoyable dont il faut connaitre les stratégies pour éviter son courroux. Insiste t-elle, ne minimisant pas le danger de celle ci.
- Plus tard je voudrais pouvoir être utile. Pensez-vous qu’une fois mes bases bien acquises je pourrais être quelqu’un dans la meute ?
— Si tu persévères, et que les caprices de ceux qui dirigent ne s’y opposent pas, oui. Et de toute façon, le travail finit toujours par payer.
Et sur cette déclaration, elle lâche la touffe de poils, n’en n’ayant plus aucune utilité, un sourire espiègle revenant sur son visage.
— Une petite chasse ça te dis ?

- Jsuis partant !
La parque sourit de plus belle à cette réponse. Petit sons, battement de cœur ou silence étirés sont musique à ses oreilles. Terezi peut percevoir ces variations avec une profondeur accrue, ses oreilles et son sens du toucher extraverti l’aidant à saisir l’humeur et les réactions du louvard. L’air mouvant autour d’elle comme un voile, les vibrations sans fin s’effectuant autour d’elle sont perçues tantôt comme une caresse infime tantôt comme un coup de vent sec. Et l’enthousiasme de Layk est semblable à ce genre de sensation, une décharge d’énergie pure.

— Parfaaait. Eh bien, commençons, flocon ! Elle prend une pause, et opte finalement pour un départ progressif. Tout d’abord, ne brule pas les étapes. Si la neige repose sur des fondations trop fragiles ou si elle s’entasse trop à un même endroit, elle finit par écrouler la structure qui la retient. Et c’est l’avalanche.

Les analogies. Rien de mieux pour aider une compréhension rapide et efficace.
— Alors, par quoi commence t-on, flocon ? Elle n’attend pas que Layk lui réponde néanmoins. Le rassemblement de données ! Allé, allé, au boulot!

La louve, ponctuant ses paroles d’actes, colle sa truffe au sol, et débute la collecte d’odeurs, bien qu’elle a déjà quelques idées pour elle même. Premier point. Sans doute le plus difficile malgré les apparences. Car, attrapé une odeur dans le balayement constant du plateau par la brise n’est pas aisé. Sans compter que ce n’est pas la chose la plus exaltante au monde… Enfin, pour ceux qui n’avait pas un odorat aussi développé qu’elle bien sur !

Terezi sentit les minces affolement, les sursauts, bien qu'ils ne lui parvenaient avec un certain retard à cause de la bourrasque. L'impatience de la jeunesse, haaaa. Enfin. L'impatience n'était pas le travers exclusif de la jeunesse. Elle en savait quelque chose. Le talent seul ne permettait pas tout. La parque se souvenait avec une nostalgie tendre ses premiers échecs de pistage dut à de la simple envie, du simple manque de contrôle de soit. Elle ne dis rien cependant. Mieux fallait laisser le gamin faire ses premières expériences sans trop d'interventions extérieures.

- Plus vers l'est, me semble-t-il. Il y a eu du passage, et il c'est dirigé vers l'est.
Terezi eut un haussement de sourcils. Elle renifla à son tour l'endroit où Layk avait apparemment arrivé à cette conclusion. Se dirigeant au son de sa voix, l'isolant du balayement continu du vent. Les effluves, résidaient, effectivement en plus grand nombre dans le mince espace que le jeune avait découvert. Elle l'avait déjà passé en revu, aussi, ne perdit pas de temps pour corriger son élève du moment.
— Sud est. Elle entreprend d'expliquer son affirmation. Ne pas laisser Layk sur une simple impression d'échec. Ou tout du moins, essayer. Quand une zone telle que celle ci est "étiré" il y a des chances que le climat y soit pour quelque chose. Le vent peut influencer la perception des odeurs tout comme leur disposition, si son intensité le permet. Logique, mais pas forcément évident quand on pense qu'on a juste à se pencher pour tirer les bonnes conclusions.

- Plusieurs, ils étaient plusieurs. Mais je ne sais pas s'ils sont restés ensembles ou ont fini par se séparer.
— Effectivement. La diversité des "empreintes" olfactives indiquaient la présence de plusieurs individus, chose à ne pas confondre avec l'intensité des odeurs. Mais visiblement, Layk avait déjà compris ce point, à moins que ce ne soit la chance du débutant. Ha, le temps le dirait. Ce genre de questions ne peut, malheureusement, pas être résolu par un premier rassemblement de données. Il y'a peut être d'autres zones où les odeurs ont été "préservés". Qui as dit que le métier de pisteur était reposant, hein? Elle s'éloigne de la zone plate, s'avançant vers les descentes escarpés de la formation rocheuse.

— Eh bien? Je t'attends flocon! Dit-elle, avant de s'élancer, taquine, persuadé que le jeune loup ne se laisserait sans doute pas distancer vu son intérêt. Mais une petite course ne faisait jamais de mal. Cela permettrait sans doute d'évacuer les désirs du jeunot, en autre du questionnement indirect de sa volonté, et de ses ambitions. Courir contre un adulte, cela ne semblait pas gagner d'avance, après tout? Mais justement, c'était dans ce genre de situations que le caractère se révélait...

THE END.