Un fantôme bien vivant (Hetzer)

Kerran grimaça une fois encore, se demandant pour la énième fois comment il avait pu arriver dans cet endroit peut engageant. Le cimetière. Il en avait seulement entendu parle mais comprit facilement qu’il s’y trouvait et que les racontars semblaient en parti juste. A part lui, tout semblait mort ici, des arbres jusqu’au sol. Un frisson lui parcouru le corps alors que les rumeurs d’esprits errant en ce lieu lui revenait en mémoire. Un craquement sinistre retentit au-dessus de lui, le croisé eut à peine le temps de bondir pour éviter de finir assommé, au sol se trouvait désormais une branche d’arbre plus que morte. Le cœur battant la chamade, il continua son chemin, tentant de reprendre son courage à deux pattes. Il lui sembla pourtant bientôt apercevoir une silhouette noyé dans l’espèce de brume ambiante. Cette fois, sa fourrure s’hérissa tout le long de son dos, en proies à une peur croissante. Un souffle d’air lui apporta pourtant une odeur bien réelle, celle d’un mâle un peu plus âgé que lui. Un peu rassuré de ce fait, il décida de signaler sa présence à l’inconnu.
-Y’a quelqu’un ?

-Ouais! Je suis là, attends...
Nouveau soupir de soulagement, l’inconnu était visiblement bel et bien un vivant. Se réprimandant intérieurement de ce moment de faiblesse et de stupidité, il put enfin voir son interlocuteur. L’analysant mentalement il put en déduire quelques détails importants : premièrement il s’agissait d’un Direwolf, certainement pas un croisé vu sa carrure. Deuxièmement, à la vue de la dite carrure et de sa cicatrice au visage, Kerran n’eut aucun mal à déduire que l’inconnu était très fort en combat. En conclusion, mieux valait être sur ses gardes et ne pas l’énervé.
-Je ne m'attendais pas à trouver quelqu'un de vivant ici...
-Moi de même …
Il ne put s’empêcher de sourire à cette remarque : l’autre ne semblait guère plus rassuré en cet endroit. Il nota la méfiance de l’autre, se pourrait-il qu’il soit poursuivi ? Si c’était le cas le croisé risqué surement tout autant de problèmes. Il préférait cependant abordé cela sous un autre angle, question de prudence. -Vous êtes entré sur ce territoire depuis longtemps ? Je dois avouez que depuis que j’y aie mis les pattes le chemin me semble de plus en plus incertain, j’essayais de me rendre dans les plaines, c’est de là que vous venez ?

Malheureusement, l’inconnu était tout aussi paumé que lui, il semblait même épuisé. Kerran réfléchi un peu pour trouver une solution à ce problème qui pourrait vite s’avéré plus que sérieux, l’autre semblait harassé et fatigué, n’étant jamais venu ici-il, ’y avait plus qu’une solution. Il grimaça devant l’impatiente de l’autre, un nouveau problème à gérer. Il inspira un bon coup pour ne pas se laisser gagner à son tour par la panique.
-Je ne connais pas plus que toi cet endroit que toi, de plus je suis un simple solitaire, la meilleure solution envisageable serait que je fasse demi-tour et que tu me suives. Mais je te préviens ; le voyage sera un peu long et il nous faudra traverser un territoire désertique avant d’arriver en des lieux plus cléments.
Observant ses propres empreintes de pattes nettement visibles dans le sol stérile, Kerran suivi machinalement des yeux le petit sentier qu’elles formaient.

Le retour au calme et l’air résigner de l’inconnu, arracha un petit sourire de sympathie à Kerran : lui aussi était passé par là après tout. La gêne dudit Hetzer était palpable, ses propos indiquèrent au croisé que son interlocuteur avait quitté sa meute depuis peu, mais certainement pas de son plein grés. Etait-ce en rapport avec sa cicatrice ? Tout en marchant à ses côtés, il répondit.
-Effectivement, je me nomme Kerran, je suis solitaire né de parents solitaires. Je suis aussi guérisseur ambulant, en gros il m’arrive parfois de me poser dans un petit groupe de solitaires ayant besoin de mes services. Mais en ce qui concerne les grandes meutes j’évite, surtout en ce moment, beaucoup sont en guerre donc ils sont très méfiants.
Mieux valait mettre les choses au clair, que ce soit pour l’un ou pour l’autre, son camarade de route temporaire étant solitaire depuis peu et semblant quelque peu perdu au propre comme au figuré. Il lui était souvent arrivé des mésaventures en s’approchant de l’une de ces grandes meutes, mieux valait donc de les éviter à moins de vouloir s’y intégrer bien évidement. Pour le moment ce n’était pas le cas pour Kerran, bien qu’il s’y intéresse vraiment, peut-être pour plus tard.

La remarque d’Hetzer l’amusa, oui, ce n’était pas banal. Qu’aurais-t-il donc pensé s’ils c’étaient rencontrer du vivant de Nora ? Une louve déformé par un handicap plutôt impressionnant et un louvart amnésique, sacré tableau qu’ils devaient donner ! Son camarade de route semblait chercher une meute.
-Cela dépend de ce que tu attends d'une meute, l’endroit où l’on se rend est proche de la meute d’Inaria, ils étaient en guerre contre un clan de tigre à dent de sabre, il me semble qu’ils en ont fini avec ces félins. Je pense cependant que quelqu’un de ta carrure serait accepté sans trop de difficultés. Il y a une autre meute à l’opposé, je te la déconseille, la plupart sont brutaux et t’attaquerais sans réfléchir. Je n’ai guère approché cette meute-ci mais les rumeurs sont suffisantes. Certains parlent aussi d’une meute de loups géants vivant dans le désert…
Il écouta la réparti de son camarade d’un air distrait, il est vrai que cela pouvait être tentant.
-J’avoue y avoir songé, cependant entrer dans une telle meute signifie souvent y rester, je ne pense pas être capable de me poser pour le moment. De plus je pense qu’un nouveau venu serait très surveillé : que penseraient-ils d’un type comme moi qui passe son temps à se balader n’importe où ?
Surtout qu’il était un croisé, il ressemblait autant à un loup d’Inaria qu’à un Alteron, aussi voulait-il être sure avant de s’intégrer à une meute pour ne pas perdre sa chance d’y entrer s’il en avait vraiment besoin.

Kerran ria de bon cœur, heureux d’avoir trouvé un camarade de route ayant le sens de l’humour, ce genre de chose lui manquait énormément lors de ses voyages en solitaire ! En tout cas il restait malgré tout rationnel, second aspect apprécié par le croisé : au moins il n’aurait pas à le rappeler à l’ordre à tout bout de champs pour être sûr d’arriver à bon port en entier.
-Tu as parfaitement raison : mieux vaut se faire sa propre idée sur les choses, après tout on n’est pas forcé d’apprécier ou non les mêmes choses que les autres.
Hetzer semblait complètement le suivre à présent, il en conclu que cela devait être dû à la fatigue et son œil en moins. A dire vrai, Kerran aussi avait du mal à y voir dans la brume ambiante, heureusement que ses traces étaient bien visibles. Son camarade releva le lien entre le désert et leur précédente discussion, prouvant que malgré la fatigue il réfléchissait.
-Effectivement, ce serait une partie de leur territoire, j’ai déjà traversé ce désert et n’ai jamais vraiment croisé quelqu’un. Je suppose qu’ils doivent se regrouper la plupart du temps autre part où ils sont plus abrités.
Il n’avait jamais encore vu l’un de ses loups géants malgré ses nombreux voyages, il en venait même à se demander s’ils existaient vraiment. Les rumeurs étaient souvent complètement fausse, il avait surement fallut à un de voir un loup plus grand que la moyenne pour lancer ce genre de racontar, mais le nombre de témoignage et d’indices le poussait tout de même à la prudence.

-Ils ne sont surement qu'une invention! S'ils étaient si forts, ils n'auraient pas choisi le désert comme territoire...
Kerran hocha la tête à la conclusion de son camarade, il était beaucoup moins sure de ce fait que lui, peut-être que ces loups géants n’avaient pas le choix. En revanche l’état général actuel d’Hetzer l’inquiétait, il craignait que celui-ci ne parvienne pas à suivre, il n’en dit cependant rien. Préférant savoir de suite si c’était seulement de la fatigue il se tourna vers lui, l’obligeant à s’arrêter.
-Je préférerais examiner tes pattes, ce n’est peut-être que de la fatigue mais je préféré en être certain, il n’y a pas forcément besoin de tomber pour se blesser. Certaines blessures peuvent passer totalement inaperçu.
Mieux valait savoir maintenant s’il était vraiment blessé, attendre risquerait de provoquer des complications fort fâcheuse. Sans vraiment attendre l’accord de son camarade de route, il commença l’examen de ses pattes, vérifiant des muscles jusqu’aux griffes. Il constata avec soulagement qu’il n’y avait rien de grave.
-C’est bien de la fatigue, en revanche prévient-moi si tes coussinets commencent à te faire mal. Nous ferons une pause une fois arrivé à la limite de ce territoire et du désert, la traversé sera plus simple ainsi, d’ici là n’hésite pas à me prévenir si quelque chose ne va pas. Même si nous ne devrions plus trop tarder d’arriver à cette frontière …
Kerran réfléchi un moment, il était vrai qu’il avait marché un bon moment avant de rencontrer Hetzer, mais c’était de ne pas savoir où il allait qui lui avait en fin de compte prit autant de temps ; en conséquent de retour devrait être environ moitié moins long. En résumé, ils pourraient tous deux prendre un repos bien mérité sous peu.

Kerran répondit par un petit sourire amical à son camarade, pour lui, s’occuper des autres était normal. Cela s’approchait même plus d’un sentiment de devoir, dicté par la perte de sa famille : il voulait éviter aux autres ce qu’il avait lui-même vécu. L’empressement d’arriver à la frontière était de plus en plus fort pour les deux loups épuisé, un changement de bonne augure se fit de plus en plus visible.
-Cela ne devrait plus tarder, la brume est moins dense et le sol de plus en plus sablonneux.
Il resta un peu pensif suite aux paroles d’Hetzer, il ne se serait jamais attendu à ce que quelqu’un lui soit reconnaissant, c’était pour lui une chose nouvelle.
-Ta présence est déjà un vrai cadeau pour moi, si tu savais comme je peux me sentir seul durant mes voyages. Le temps où je voyageais avec ma sœur me manque, même si elle n’était pas bavarde sa simple compagnie me suffisait. La beauté d’un voyage tiens bien souvent à peu de chose, surtout aux plus simples.
Le croisé sourit, depuis sa naissance il avait appris à se contenté de peu, surtout à profiter de l’instant présent. Surtout que le temps est comme le vent : insaisissable et impossible à arrêter. Au loin, la brune prenait une étrange teinte dorée, reflétant d’une manière peu commune la clarté de l’étendu de sable qu’elle cachait à leur yeux fatigués.

Kerran souri devant l’optimisme de son camarade, c’était réconfortant de voyager avec quelqu’un qui savait voir le bon côté des choses.

-Tu as raison, ce n’est qu’un nouveau départ et une nouvelle chance de réaliser ses souhaits.

Ils étaient enfin arriver à la limite des deux territoires, sonnant le moment d’un repos amplement mérité. Bien que Kerran n’ait pas sommeil, il n’était pas contre le fait de pouvoir laisser ses pattes récupérer de cette longue marche. Il acquiesça.

-Je veillerais sur les alentours, prends tout le repos dont tu as besoin.

Il repéra une espèce de roche qui pouvait faire un excellent poste d’observation, aussi bondit- il dessus avant de s’assoir, à l’affut du moindre truc suspect.