Canicule

Canicule
An 4 ; Eté ; priorité à Fei

Les insectes bourdonnent. Les loups ronflent. Il fait chaud. Bien que le crépuscule menace de faire ployer la chaleur et les nuances du ciel à tout moment, il fait chaud ! Maverick crache une énième fois. Ses membres le font moins souffrir qu’il y a quelques mois, mais, par pareil temps, il ne peut pas profité de sa soudaine montée de mobilité. Et cela l’énerve énormément. Même engourdi, il n’en reste pas moins râleur. Sa fourrure dégouline de sueur. Ses yeux sont brumeux et il savoure les maigres courants d’air s’engouffrant dans la crevasse de la muraille comme il le peut : c’est à dire, pas beaucoup. Sa langue pend hors de sa gueule, de la salive gouttant peu à peu au sol. Les grillons commencent à s’animer, mais il n’en n’a cure. Tout ce qu’il espère, pour une fois, c’est que la nuit arrivera avec rapidité… Si ça continue comme ça, il va vraiment crever !
— Chaleur à la con.
Il se retourne sur le dos, tentant de rafraichir son dos bouillant, décomplexé comme jamais. Un ronflement résonne, plus loin, tandis qu'il agite ses pattes tel un crabe retourné, impatient que la température invivable s'estompe, faisant un courant d'air avec les moyens du bord. Il devait avoir l'air particulièrement ridicule... Mais tous les moyens sont bon pour épargner à son corps cette torture qui s'appelle l'été.

En plein été, l’oasis et le désert étaient sans aucun les pires lieux où aller pour avoir de la fraîcheur. L’absence de l’atmosphère dans le désert ne permettait même pas une quelconque régulation de la chaleur de l’air, l’air est lourd, très lourd. Il n’y a pas d’air, on ne respire pas, on cuit tel un œuf sur une poêle chauffée a blanc. Fei n’était clairement pas avantagée d’être en plein soleil à une tel époque. Son albinisme était très dangereux avec un soleil pareil … Le point positif c’est que sa fourrure blanche immaculée renvoyait énormément les rayons du soleil, elle avait beaucoup moins chaud que n’importe quel Blackblood à la fourrure foncée ou brune.
Alors qu’elle longeait les parois et les cavités diverses de la muraille afin d’être au maximum à l’ombre, la blanche passait devant quelques loups, tous allongés, affalés, ne bougeant quasiment pas, comme morts. Tués virtuellement par la chaleur étouffante sans doute, certains dormaient, d’autres attendaient que sa passe … Au loin, un jeune louveteau était couché par terre, et remuaient inlassablement les pattes, comme une tortue retournée sur le dos qui chercherait à se remettre sur le ventre. Maverick semblait s’adonner à un drôle d’exercice ! Fei se rapprocha, souriante :

- Qu’est ce que ‘u ‘ais ?

Fei n’aimait pas parler d’habitude, mais avec Maverick elle avait bien plus de facilité à surmonter sa timidité de son handicap : la surdité, et la difficulté à parler correctement. Elle fixait le louveteau à l’envers, elle rit un peu car elle se demandait vraiment ce qu’il était en train de faire à battre des pattes comme ça

- ‘U ’entraîne à na’er ?
Tu t’entraîne à nager ?

Évidemment elle se doutait bien qu’il n’était pas en plein exercice de nage simulée, mais elle voulait mettre un peu d’humour dans leurs vies, à eux deux, handicapés et souvent mis à l’écart de la meute à cause de leurs différences.

Fei s’assit également, sur la pierre chaude malgré le fait qu’elle soit à l’ombre. Elle se demandait si finalement ce n’était pas mieux de rester debout, la surface en contact avec le chaud serait moins grande … Fei s’ébroua, comme pour chasser la chaleur qui restait dans son poil, ça marche une seconde mais pas plus malheureusement.

- Pitié … Fei pa’les pas ‘e na’er … J’e’ayais d’aéré l’end’oit. J’suppose ‘e c’était di’er’issant a défaut d’être effi’ace.

Les paroles de Maverick n’était pas simple à la base pour elle, mais à force il prenait la peine de naturellement articuler face à Fei. Ainsi elle saisit la plupart de ses mots, et son idée principale. Fei laissa échapper un rire doux

- Di’er’issant, ‘a oui !

Elle soupira elle aussi, c’est vrai qu’il faisait extrêmement chaud, trouver un rafraîchissement quelconque était bien difficile. Fei avait l’avantage naturel d’être blanche et de ne pas être autant affectée par la chaleur –tout en restant à l’ombre bien sûr- que ses congénères. Mais de l’autre côté, il était quasiment exclu de rester au soleil pour elle.

- Mais plus ‘u bouge’a, plus ‘u au’a chaud …
Mais plus tu bougeras, plus tu auras chaud

La chasseuse réfléchit quelques instants. Que pouvaient-ils faire pour trouver ne serait-ce qu’une once de fraîcheur ? Les grottes à l’abri avec la source d’eau n’étaient pas très proches, l’ombre soulageait à peine, pas de point d’eau proche non plus … Mais Fei eu une idée

- Il y a un plant de f’uits ‘ans une c’evasse plus loin, au pied ‘e la mu’aille. Ils sont t’ès chuteux !
Il y a un plant de fruits dans une crevasse plus loin, au pied de la muraille, ils sont très juteux !

En tant que chasseuse, Fei repérait aussi les fruits et baie en cas de manque de viande. Les plantes du désert sont rares, mais très résistantes et donc très durables. Elle avait repérée ce plant il y a quelques années, il n’y avait aucun doute qu’il y serait encore. Il produisait des sortes de grosses baies, peu nombreuses, plutôt acidulées, mais très riches en eau. Ca pourrait être une bonne idée pour se rafraîchir la gorge et se soulager un peu de la chaleur.

- Di’er’issant, ‘a oui !
Il remue sa tête, mi gêné mi amusé. L’albinos est une des rares personnes sur lesquels il ne grogne pas trop et ne garde pas rancœur, bien que se montrer en spectacle ne soit pas dans ses habitudes.
— Ha. Ravi qu’ça t’aie plut.
Il examine le mouvement des lèvres de Fei, et plisse les yeux. La communication n’est pas toujours facile entre eux, bien qu’il se soit adapté à l’étrange manière de la femelle de hachurer ses mots. Aussi il ne prend pas de risques de mal interpréter les dires de l’handicapé et préfère s’assurer que les sons émis par cette dernière correspondent bien à un mouvement distinct de ses mâchoires.
- Mais plus ‘u bouge’a, plus ‘u au’a chaud …
Il incline ses oreilles, et prend à son tour la paroles, prenant soin de rendre chaque syllabe bien visible sur ses babines. En observateur, il a déjà remarqué que bien que les jeunes de son âge s’échauffent vite. Reicher et sa mère, Bloodspill, lui avait servis de cobayes bien malgré eux pour vérifier sa théorie…
— Mouais. Encore un bel avantage que ma taille me confère. Moins t’as de masse, plus t’as chaud vite !
Il grogne, agacé.
- Il y a un plant de f’uits ‘ans une c’evasse plus loin, au pied ‘e la mu’aille. Ils sont t’ès chuteux !
Son irritation se troque pour de l’interrogation. Il n’a jamais put aller bien loin à cause de ses membres défaillants, et préfère de loin rester tranquille dans des crevasses ombragées que d’aller rôtir au soleil… Mais la perspective de découvrir le monde ne s’éclipse jamais vraiment de ses pensées. Il remue quelque peu la queue, un rayon d’espoir et de joie prenant place dans ses pupilles grisâtres.
— Montre moi ça, yeux roses !

Fei se doutait bien que Maverick n’avait pas vraiment envie de marcher, déjà de un, il faisait extrêmement chaud, il est clair qu’on préfère rester coucher à ne rien faire, et de deux, elle savait que Maverick avait les articulations douloureuses … Mais elle ne lui aurait pas proposer cela si c’était trop loin. Fort heureusement, ce n’était qu’a peine à quelques courtes minutes de marche.

- Mont’ moi ça yeux roses !

Fei lui sourit, elle trouvait amusant les surnoms que le jeune lui donnait, ils étaient toujours originaux et sympathiques.

- Ca ne sera pas loin, p’omis !

Elle ouvrit la marche, puisque c’était elle qui connaissait l’emplacement bien caché du fameux arbuste. Elle prit garde autant pour elle que pour Maverick, de ne longer que les parois qui étaient le plus à l’ombre possible. Fei prenait garde à bien vérifié si Maverick la suivait.

- C’est chuste derrière ‘e tou’nant

La crevasse dans la paroi était bien au fond, à l’ombre, on apercevait une forme brancheuse à l’intérieur. Fei s’approcha en trottinant, heureusement pour elle, elle n’était pas aussi affectée par la chaleur grâce à son poil blanc.

- Ici

Elle montra du bout de sa truffe rose la crevasse, elle laissa à Maverick le privilège de passer en premier.

- Sers toi !

On distinguait les baies légèrement violacées, un brin rouge, elles étaient très riches en eau, même si le goût était légèrement amer, il n’y avait rien de plus hydratant en cette chaleur.

- Ca ne sera pas loin, p’omis !
Maverick se contente d’incliner une de ses oreilles et d’emboiter le pas de l’albinos, ne la perdant pas de vue, mais marchant à sa propre cadence. Il plisse les fentes de ses yeux, réduisant sa vision à deux traits pales. Il adresse une grimace au soleil, bien à l’abri dans l’ombre de la pseudo falaise.
— Saleté d’astre.
- C’est chuste derrière ‘e tou’nant. Ici.
Ses oreilles tintent et il accélère, faisant presque un mini sprint pour rattraper sa confidente, la langue pendante. Son impatience ronge ses dernières brides de réticence, et il ne se fait pas prier pour entrer dans le hall à ciel ouvert.
- Sers toi !
Il cligne des yeux quelques instants, s’habituant à la clarté du ciel sans nuage, puis pose son dévolu sur les baies, en arrachant une dans un éclaboussement de jus et de nectar. Il s’humecte la langue et avale la chair fruité avec empressement, le gout amer lui restant toujours sur le bout de la langue.
— Un peu fort. Dit-il en se retournant vers Fei, tout en lui cueillant une baie à son attention. Il se met en position et la fait rouler à ses pattes, la calant dans un petit creux pour que celle ci ne prenne pas la poussière… Et s’en retourne à sa dégustation, trop assoiffé pour ignorer son besoin plus longtemps.