Outlaws

Hiver, An 6.
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L’épouvante teintait encore son regard et ses traits. Saisie, elle était comme une liane étouffant un cœur. Elle s’immobilisa brusquement, sentant l’inquiétude s’emparer de sa silhouette. Les flocons virevoltaient en dansant avec le vent, puis venaient se poser doucement sur le sol. Soudain, des pas, suivis d’une voix trop familière, se présentèrent à elle :

— Sissi! souffla Colden, sa tonalité étant légèrement voilée par la distance et par l’hiver rigoureux. L’interpellée se vit traverser instantanément par un frisson ; elle était prise au dépourvu.

Un, deux, trois, quatre. Sa raideur s’adoucit ; son pelage perdit de la sensation qui l’hérissait. Elle espérait que sa détresse ne se discerne pas ; elle la camoufla rapidement au fond de son être, en inspirant, en puisant l’air qui valsait près de sa truffe. Alors, les pas la rejoignirent, s’arrêtant à ses côtés. Colden poursuivit, légèrement troublé :

— Qu'est-ce que tu fais ? Sissi évita habilement son regard, en l’ancrant au sol. Elle contempla longuement le voile blanc, les mots ne lui venant pas, les pensées ne s’éclaircissant pas.

Que faisait-elle ? Obstinément, elle observa la neige qui se déposait. Oui, qu’est-ce que tu fais ? Elle s’était dirigée vers la taïga du Grand Nord en étant guidée par les émotions. Pourquoi, d’ailleurs, s’était-elle abandonnée aux sentiments ? Sissi se rabroua alors, heurtée par ses propres émotions. Lentement, en échappant toujours à l’attention de Colden, elle fit un pas.

— Tu crois qu’ils vont trouver le chemin pour rentrer, Colden ? souffla-t-elle, malaisée. Elle parvenait cependant à retenir le flot de sentiments qui coulait en elle, en gardant un air sérieux et réfléchi.

— Je n'sais pas ? fit-il. Colden semblait légèrement démuni ; les explications lui manquaient, à lui aussi. L’incertitude teintait sa voix. La croisée timber wolf demeura prisonnière du silence. Il lui était également impossible de répondre à la question qu’elle avait posée. Ainsi, elle admira le mutisme dans lequel tous deux se trouvaient. Qu'est-ce que tu veux faire ? s’enquit enfin le loupiot, en retenant le sérieux sur ses traits.

Le regard de Sissi s’évada vers l’horizon, puis à nouveau au sol. Les mots s’agglutinèrent dans sa gorge, alors que ses pensées se heurtèrent entre elles. Elle semblait vouloir éviter de transférer ses idées en paroles ; cela signifierait avouer son mal. Enfin, elle osa relever ses prunelles vers Colden, saisissant son courage, mais sa tentative s’évanouit presqu’aussitôt. Ses yeux revinrent s’ancrer sur le voile de l’hiver. Bientôt, une silhouette bondit près d’eux. Sissi tangua légèrement, surprise. Elle chancela en se relevant, puis, en considérant le nouvel arrivé.

— Allez vous suivre votre cœur? l’interrogea le loup qui arborait un regard doux et tolérant. La gueule de Sissi s’entrouvrit, mais ce fût le silence qui en sortit. La citoyenne observa l’individu un instant, ébahie, interdite, puis Colden. Elle s’écrasa subitement sur elle-même, ses paupières lui voilant la vision : les pensées, trop nombreuses, abondaient dans son esprit.

Sissi se fit immobile un moment, tentant de reprendre le contrôle de sa respiration et de sa conscience. De profondes inspirations se mêlaient à ses expirations. Un, deux, trois. La jeune louve se redressa lentement, en basculant à quelques reprises.

— Je... enfin... commença-t-elle, hésitante. J-je... elle bredouilla, son regard fuyant constamment. Les paroles s’ameutaient encore, bloquant l’air, la rendant muette. Ses oreilles s’embusquèrent sur sa nuque, tandis que ses traits se fendirent en une expression de désespoir et de frayeur. J-je... vais les aider, leur avoua-t-elle. Aussitôt, elle se vit submergée par l’émotion, les sentiments la noyant, alors qu’elle cherchait avidement à récupérer son souffle. Elle combattit ses larmes.

— On va les aider, intercéda Colden, d’un ton décisif, prêt à ajouter des actions à ses paroles. Son énergie se fit débordante, contagieuse, et téméraire.

Aussitôt, la consternation s’empara des traits et du corps de la croisée timber wolf. Vivement, elle releva les oreilles, le museau, la tête, en arborant un air ébahi. À cet instant, un sourire assuré et généreux se peignit sous la truffe de son ami. L’audace de ce dernier se vit transférée à Sissi qui esquissa un sourire timide. Ensuite, elle hasarda son regard vers le mâle qui semblait porter de nobles intentions. À nouveau, un sourire se dévoila devant ses prunelles, faisant rayonner l’assemblée de hors-la-loi.

— Vous ne serez pas seuls, confirma la silhouette blanche et noire, se montrant bienfaisante, altruiste. Le regard du mâle scintilla, ouvert et expressif.

Des étoiles dansèrent dans les yeux de Sissi, qui troqua son attitude désolée pour des traits pétillants. Elle offrit un regard reconnaissant à ses deux compagnons. Le second venu perdit bien vite son statut d’inconnu vaguement familier, devenant un ami, lui aussi. La silhouette de la citoyenne reprit vie, se voyant revigorée par l’attention et l’énergie des deux autres. Bientôt, des pas de course, lourds, se joignirent à leur discussion. L’individu aux tâches sombres se redressa, suivi de Sissi. Les statures des étrangers clandestins se dressèrent au loin.

— Dans tous les cas, il faut se dépêcher, estima le loup. En un courant se propageant à ses oreilles, la jeune louve se fit droite.

Un regard chaleureux, empressé, virevolta jusqu’à elle, alors que son instigateur bondissait. De façon précipitée, la croisée timber wolf considéra le visage de Colden, en se faisant interdite mais brave et résolue. Elle s’élança alors proptement dans la direction empruntée par son allié.

Des pas s’envolèrent à la suite de Sissi, indiquant que Colden s’était également précipité vers les étrangers du Sud. Le mâle, agissant comme guide, jetait des regards à ses comparses de temps à autre. Le courage de la croisée timber wolf rayonnait un peu plus à chaque attention qu’elle recevait. Cependant, sa bravoure se métamorphosa bien vite en effarement lorsque deux silhouettes se détachèrent de l’assemblée, qui elle, poursuivait sa course à l’horizon. Le conducteur du trio se stoppa enfin près des figures, bientôt suivi de Sissi qui mit, elle aussi, fin à sa cavalcade. Elle contempla la situation, interdite.

— Nous ne sommes pas envoyés par le César pour vous poursuivre, entama le loup du Grand Nord. Ses traits étaient neutres, annulant ainsi toute menace. Ses oreilles semblaient légères, proposant une position ambiguë et désolée. Sissi tenta de l’imiter, sans trop de succès : ses oreilles dansèrent vivement, sans parvenir à se stationner dans une certaine position.

Ensuite, le guide adopta une stature se voulant moins impressionnante ; il incita ses compagnons à faire de même. Les prunelles incertaines de Sissi se posèrent alors sur Colden, en un regard discret. Sa tête s’abaissa légèrement, tandis que ses yeux brillants demeuraient rivés sur les étrangers. La curiosité se mêlait à l’hésitation en elle. Par conséquent, elle préférait laisser le loup poursuivre les négociations ; il semblait diplomate et réfléchi.

— Mes comparses et moi-mêmes sommes venues de notre plein gré pour vous aider, termina-t-il enfin, sur une note ambiguë. Sissi sembla percevoir la tension qui virevoltait dans l’air ; elle tressaillit. Et si les étrangers se montraient hostiles ? Et si la méfiance avait déjà voilé leur vision ? Peut-être n’accepteraient-ils pas l’aide qui leur était offerte. Elle tremblota à nouveau. Néanmoins, elle plongea en une profonde inspiration, en retenant l’air prisonnier aussi longtemps qu’elle le pût.

— Oui... ! acquiesça-t-elle en expirant précipitamment. Elle dévisagea ensuite les deux animaux du Sud, guettant le moindre changement dans leur expression ou leur posture. Elle trépigna légèrement sur place, impatiente, mais surtout, inconfortable dans la tension et le trouble qui s’emparaient de l’ambiance entre les trois loups et les deux canidés peu familiers.

— Nous avons vu ce que les loups veulent dire par ''aide'', lâcha un des étrangers. Il arborait des couleurs s’apparentant aux centres et occupait une stature imposante. Près d’elle, Sissi sentit le mâle inspirer discrètement, sans brusquer l’air, sans effrayer les intrus. Le museau de celle-ci pivota légèrement pour laisser son regard contempler l’arctic wolf.

— Je comprends votre défense, mais les loups ne sont pas tous les mêmes, nous avons tous nos idéaux. Et nous trois pensons que la vie est bien trop précieuse pour être gâchée, annonça brillamment le citoyen, en observant la réaction des deux voyageurs. Sissi était ahurie, presque subjuguée par les paroles qui venaient de se glisser à ses oreilles. Elle demeura un instant immobile, figée dans le temps, puis secoua doucement la tête, se ravisant. Puis, la croisée timber wolf acquiesça vivement.

— Laissez nous partir, vous avez déjà causé assez de tort, argua le second individu du Sud, au pelage orangé. Les oreilles de la citoyenne s’ourlèrent et ses traits se firent penauds, alors qu’elle jeta la truffe vers le sol. Cependant, la sage voix du mâle s’éleva à nouveau, contrant délicatement les mots de l’animal aux couleurs flamboyantes.

— Vos troupes risquent davantage de s'égarer, le Grand Nord est immense et fatal pour ceux qui ne le connaissent pas, fit-il. Sissi adopta alors une silhouette droite, alerte, fixant précipitamment à tour de rôle les participants de l’assemblée. Par ailleurs, sa gueule s’entrouvrit, comme si elle semblait s’apprêter à ajouter quelque chose, mais se referma immédiatement en un soupir désolé. Le temps tourne vite, et si vous n'avez pas les connaissances des environs vous allez tous mourir, continua enfin le citoyen. La jeune louve considéra longuement l’orateur, puis Colden, dont les mots semblaient s’échapper constamment. Il suffit simplement que nous vous montrions le chemin du Sud, laissez nous au moins vous montrer le chemin... termina le citoyen.

Enfin, Sissi hasarda un doux regard vers les inconnus, donnant ainsi suite aux paroles qui venaient d’être prononcées. Posant discrètement une patte sur le côté, puis une autre, elle se faufila furtivement en biais, sans se précipiter, en se rapprochant des canidés du Sud, prête à leur indiquer le chemin.

— Les arbres. Ils... se ressemblent tous, dans le blanc, elle murmura, en posant ses prunelles inquiètes sur les branches ornées de neige. Un frisson s’empara de sa toison, galopant sur son échine. Froi-id, faim... Il a raison, lança-t-elle enfin, son museau glissant vers l’orateur. Laissez-nous. Vous aidez...

(Ishh pardon les filles, franchement Sissi elle sert à rien, elle est pas aussi bon orateur que Layk )

Lorsque ses pattes effectuèrent un écart prudent pour indiquer le chemin, l’étranger aux couleurs grisâtres s’immisça sur sa route, lui barrant ainsi la voie. Sissi se raidit et fit quelques pas vers l’arrière ; également, elle sentit Colden qui se hérissait. Des traits abattus s’infiltrèrent sur son museau et ses yeux ; cependant, elle soutint obstinément le regard du canidé. Son regard occupé, ce sont ses oreilles qui pivotèrent pour intercepter les nouvelles paroles du second individu :

— Montrez nous la voie, lâcha-t-il, incertain. La croisée timber wolf se redressa vivement, rayonnante telle une étoile. Elle concéda un rapide regard à l’animal rougeâtre, enthousiasmée. Un soulagement traversa sa silhouette, déliant la tension qui la maintenait plus tôt ; toutefois, la perplexité vint également se joindre à la tempête d’émotions qui l’habitait.

— Par ici la compagnie! chantonna Colden, bondissant vers l’assemblée qui venait de s’immobiliser à l’horizon. Un timide sourire se profila sous la truffe de la jeune louve, et un scintillement pétilla dans ses prunelles. Le chemin lui étant dévoilé, les canidés et le mâle du Grand Nord s’étant écartés, elle caracola à la suite du loupiot qui trottinait au devant. Les têtes se redressèrent au loin, trahissant l’hésitation et l’inquiétude qui gardait les esprits.

Enfin, les cinq profils rejoignirent l’attroupement de canidés qui semblait prisonnier de l’exténuement et de la fatigue. L’attention de Sissi fût retenue par ces visages épuisés par le froid, la faim, la course et l’angoisse. Un radieux sourire se glissa sur son museau, portant un espoir et tentant de raviver les cœurs. Les yeux de la citoyenne se posèrent sur quelques uns des individus, sans aucune gêne, alors qu’elle tentait de leur communiquer de l’assurance et de la confiance.

L’orateur du petit groupe de loups lui indiqua ensuite qu’elle et Colden mèneraient le convoi. Elle piaffa légèrement, éveillée et agitée. Ses yeux étincelaient ; son être tout entier étincelait. Son regard passionné dansa d’arbre à arbre, de branche à branche. Elle tenta de déceler les plantes qui lui servaient généralement de repères. Ravie, elle s’emballa en s’élançant entre les conifères, filant, oubliant presque qu’elle devait mener un cortège avec Colden.