On finit tous par grandir

Elle se retrouvait à nouveau aux flancs du volcan, à croire que l'endroit l'attirait inconsciemment. Dans sa jeunesse, elle ne s'y était que rarement rendue, d'une part parce qu'elle n'était pas assez endurante, d'autre part parce que l'endroit était trop isolé. N'empêche, la vue était phénoménale, d'en haut, surtout lorsque les arbres se clairsemaient puis disparaissaient, ne laissant que la poussière rocheuse au sol. De là haut, au voyait la jungle s'étendre avec immensité, mais les jours où il n'y avait pas de brumes, on pouvait aussi distinguer la lisière des autres territoires. Enfant, elle n'aimait pas tant monter si haut. La vue lui faisait peur, car elle ne comprenait pas, ne voulait pas réaliser à quel point l'univers était vaste. À présent, elle avait mûri, voyagé. La hauteur et le vide ne lui faisaient plus aussi peur, même si le couvert des arbres restait son élément favori.

La brunette cheminait donc rapidement, sans être totalement pressée, mais sans traîner de la patte. Une genre de séance d'entraînement quotidienne, si on le voulait. Après tout, vivre en meute signifiait être moins active qu'avant. Elle chassait encore, mais ce n'était plus à elle que revenait la responsabilité de nourrir toute sa famille sur un territoire pauvre en gibier : ici, ils avaient des chasseurs, et elle n'en faisait pas partie. Elle les aidait, prenait soin des siens (entraînait Shin, qui était comme toujours à la bourre.. !), faisait des rondes, renouait avec ses camarades.. Mais rien de très exigeant. Et puis, elle restait une princesse. Elle avait beau être volontaire, souvent de bonne humeur à aider, puisque c'était apparemment ce que son père attendait d'elle, quiconque essayant de la forcer à une tache déplaisante réapprenait sa place bien rapidement. Que Page soit son titre ne changeait rien à son sang.

Calamité continuait donc de se permettre ses libertés d'autrefois, même si cela n'était peut-être pas la meilleure des stratégies. Son plan actuel incluait donc de se rendre à la course jusqu'au sommet du volcan. Elle profiterait de la réduction de l'oxygène pour améliorer son cardio. Au moins, l'heure lui avait permis de ne point croiser d'individus dans sa course. Quoique, à présent, l'air frais lui brûlait la gorge. La fraîcheur avait beau être moins forte qu'au nord, les nuits de la jungle restaient froides, humides. Au moins, la rosée (ou la pluie ?) récupérée de la végétation sur son passage pouvait calmer la température de son corps, qui avait tout de même certaine difficulté à s'acclimater à la chaleur du sud.

Concentrée sur sa course, et ses pensées, Calamité fila non loin de la violette sans l'apercevoir.

Elle coursait, augmentant son rythme cardiaque, pompant son sang de son coeur jusqu'à ses membres à chaque enjambée. Sa course était irrégulière, entre la vitesse de croisière et les soubresauts d'énergie qui la parcouraient. Elle accéléra, à nouveau, contrant l'inclinaison marquée du sol par une vigueur plus ardente. C'était alors qu'elle se concentrait sur sa foulée qu'on vint soudainement interrompre sa course.

- Halte là.

Elle sursauta, comme si la louve forte et responsable en elle avait pris congé, s'étant faîte surprendre comme une débutante. Pourtant, ses sens, plus aiguisés par sa vie en solitaire, auraient dû l'avertir. Elle se laissait déjà aller, comme à l'époque où elle était jeune Princesse et que rien ne pouvait l'atteindre. La louve expira bruyamment et secoua son encolure, se remettant les idées en place. Son regard tomba alors sur l'individu qui l'avait coupé dans sa course, mais qui ne l'avait pas attaquée. Son visage mima alors la surprise et ses lèvres, entrouvertes, échappèrent une exclamation. Si, pendant un court instant, elle avait été confondue (la femelle était aussi violette que Gunthaer, mais beaucoup plus petite), son identité lui revint aussitôt. Robin, la louvarde pourpre qu'elle avait rencontré par hasard-- mais dont la rencontre avait été marquante. La louvarde qui n'en était plus vraiment une, à présent, même si elle demeurait plus petite que son aînée. Était-elle déjà une adulte ? Calamité l'avait toujours considérée comme telle, ou du moins, comme une égale (puisqu'elle se considérait elle-même enfant, à l'époque), et ainsi son corps rattrapait enfin son âge. Elle avait grandit en beauté, et surtout, en force.

Toutes ces pensées filèrent dans son esprit en l'espace de quelques secondes, expérience beaucoup plus rapide à lire qu'à écrire. Les deux femelles, muettes de stupéfaction, se détaillaient toutes deux. Robin, la première - et la plus spontanée -, brisa le silence de sa réaction toujours aussi vive qu'autrefois.

- CALLIE !

Elle s'écria et, reproduisant leur première rencontre, se jeta contre elle. Mais cette fois, il n'y avait ni agressivité, ni doute, ni tentative de lui prouver quelque chose. Juste l'éclat d'une louve au coeur ouvert, qui répondait à ses émotions. Calamité fut entraînée dans sa chute, prise au dépourvu et ne protestant certainement pas. Elle usa de ses muscles, eux aussi plus développés depuis leur séparation, pour serrer la jeune femelle contre elle. Elle ignorait si Robin avait eu l'intention de l'accueillir d'une bourrade se terminant en combat amical, comme cela avait semblé être son habitude, mais leur embrassade avait plus d'importance qu'une opposition. Et, bien que Calamité n'avait rien d'une louve émotive, et que leur rencontre l'avait moins bouleversé que Robin, un lien puissant s'était tissé entre les deux femelles. Et elle honorait ce genre de liens, en tirant un réconfort marqué, un genre de besoin vital, même. Le contact d'un être chéri lui était important.

Positionnée au-dessus d'elle, Robin répéta son nom, ou du moins, son surnom, y mettant une passion que Calamité n'aurait pas cru trouvé dans sa voix. Elle n'avait donc pas changé que physiquement, mais mentalement aussi, ouvrant peut-être un peu plus son esprit, voire son coeur. Enfin, c'était l'impression qu'elle dégageait.. Même si elle s'esquiva rapidement, un peu à la surprise de son aînée, qui se rappelait avoir fait la rencontre d'une louvarde beaucoup plus excessive dans ses démonstrations que cela. Mais Robin se remit sur ses pattes et resta à une certaine distance, alors que la brunette restait au sol, appréciant le contact de la terre fraîche contre son pelage. Elle finit tout de même par se remettre sur pied, appréciant peu de devoir arquer le cou pour parler à son interlocutrice.
- Toujours aussi grande, commenta cette dernière. Jsuis déçue, jcroyais qu'en grandissant jte dépasserai mais ya rien à faire !
La plus grande s'esclaffa, s'amusant fortement de cette petite jalousie/déception. Elle ravala toutefois son rire lorsqu'elle reçu une bourrade à l'épaule, ne s'étant pas attendu à trouver la violette aussi forte. Son regard orangé se mit à pétiller, comme elle songeait déjà aux entraînements qu'elles pourraient avoir côte à côte, maintenant qu'elle était revenue. Elle espérait que Robin eut suivit ses conseils et aie demandé à sa mère de l'entraîner, et il lui tardait d'en voir les résultats !
- Comment cela se fait-il que tu traînes dans les parages ?
La question la surprit, car près d'une demi-saison s'était écoulée depuis son retour. Mais il était bien vrai qu'elle n'avait pas eu le temps de reparler à tout le monde...
- T'es pas au courant ? J'suis revenue !
Elle s'exclama avec un grand sourire, heureuse de pouvoir annoncer à Robin que, cette fois, elle ne partait pas. Et, bien heureuse de réaliser, à nouveau, qu'elle était bel et bien de retour dans sa jungle.
- La Reine a disparu donc.. J'peux revenir voir mon frère et mon père, lui expliqua-t-elle.

Elle lui annonça la nouvelle et, aussitôt, Robin se jeta à nouveau contre elle. Calamité échappa un rire, fort heureuse de la retrouver et égayée par son enthousiasme. Cette fois, lorsque Robin s'écarta, elle demeura au sol.. Un peu une précaution pour la prochaine fois qu'un "je te saute dessus!!" arriverait, et aussi parce qu'elle finissait bien par s'y plaire, à force d'être au sol.
- Oh. C'était donc à la Reine à qui tu avais des comptes à rendre, intervint la violette.
Sa comparse hocha lentement de la tête.. Un voile passa tout de même dans son regard. Elle aurait bien aimer que l'histoire se joue autrement. Qu'ils n'aillent pas au Désert pour y faire la guerre, que la Reine n'eut été assoiffée de sang, qu'elle n'eut pas ainsi disparue.. Ses paupières papillonnèrent et elle inspira. Son monde était de retour, mieux que jamais, très probablement. Son caractère aussi. Le passé resterait du passé. Maintenant, elle pouvait aller de l'avant.
- Tu as de la famille qui était restée à Alteron ? Poursuivit Robin.
La même moue revint sur le visage de la brune. Elle avait oublié (ce qui lui arrivait fréquemment) qu'elle n'avait point confié sa véritable identité à son amie, auquel cas celle-ci ne savait pas plus quelle était sa famille. Et, apparemment, le retour de la Princesse n'était pas venue jusqu'aux oreilles de sa comparse, qui continuait de la questionner.
- Ehhh.. Comment t'dire.. mm.
Elle leva les yeux au ciel, hésitant plus qu'il ne lui était coutume, même si elle n'était pas honteuse d'avouer ses origines. Surtout pas. Mais un petit malaise persistait, à se découvrir comme "Princesse" à celle qui ne l'avait connue que comme "Callie", simple louve de passage. Et.. cette simplicité lui avait fait du bien, quelque part. Et une partie d'elle craignait que Robin ne prenne la nouvelle d'une mauvaise façon (surtout qu'elle ne savait pas ses vues sur le nouveau roi), impulsive comme elle savait parfois l'être. Mais.. C'était Robin. Une louve bien importante, une protégée. Elle se redressa donc un peu et s'annonça avec un sourire réapparu sur son visage :
- J'suis Cal. Calamité. La.. fille de Blade.

Robin recula sa tête, par réflexe, et écarquilla les yeux. Le silence se fit, et Calamité eut une moue. Elle n'était pas forcément inquiète de la réaction de la mauve (enfin, si, un peu), et elle assumait bien sa condition.. Mais, maintenant qu'elle commençait à considérer Robin comme une égale, plus que comme une protégée, cette absence de réponse pouvait quand même signifier beaucoup. Au moins, Robin paru s'en rendre compte, et même si ses premières paroles n'étaient pas des plus loquaces, sa voix brisait le silence devenu inconfortable. Et Calamité fut fixée : pas d'explosion de rage, ou de larmes, ou d'accusation de trahison. Elle n'aurait pas cru, après les joies de leurs retrouvailles, mais savait-on jamais.

Sans rien lui répondre, la brunette lui laissa tout le temps pour assimiler l'information. Lorsque Robin mentionna qu'il était un peu incohérent que sa grand-mère veuille lui faire la peau, Cal eut une grimace, étant bien du même avis. Cela dit, ce n'avait été qu'une crainte, car elle n'avait jamais su (et ne saurait probablement jamais) ce qui se serait passé, advenant un retour à Alteron sous le règne de Rapier. Peut-être cette dernière aurait-elle pardonné sa petite-fille.. ou non. À présent, il n'y avait plus moyen de le savoir, et c'était tant mieux ainsi. Robin abandonna la question par elle-même, étant tout aussi dépassée, et reprit :

- Après tout, ce qui compte c'est que tu sois bien désormais... Non ?

- Ouais, lâcha Cal en hochant de la tête. J'suis bien, j'crois..

Un sourire était posé à ses lèvres, mais il demeurait hésitant. Elle était plus que contente d'avoir retrouvé son père, sa jungle et sa meute. Mais, ombre au tableau, certains s'esquivaient encore à sa présence. Et elle ne pouvait empêcher les souvenirs de revenir à sa mémoire.. autant d'une époque innocente, et naïve, que d'un temps plus sombre et injuste. La jungle avait toujours été son domaine de coeur, mais avec son esprit désormais mûr, il était temps de voir à quel point elle était réellement faîte pour Alteron. Advenant que le résultat ne soit pas optimal.. Elle secoua brusquement la tête, s'en voulant de tomber dans la négativité. Surtout en compagnie de Robin. La brunette posa donc son regard sur elle, plus fermement, forçant son énergie à lui revenir.

- Et toi ? Tu t'es pas foutue dans la merde, j'espère !

Elle avait encore quelques doutes quant à son retour, qu'elle n'allait pas abandonné avant de s'être réellement rétablie dans la meute.. Mais en ayant Robin pour la pousser, lui titillant l'enthousiasme, Calamité lâcha momentanément prise et se joignit à son rire, puis la questionna sur sa propre situation. Ce qui ne manqua de soulever de courtes protestations, comme quoi Robin n'était pas siii pire. Au moins, elle était en forme, bien joyeuse et en santé - c'était déjà ça de gagner ! Il y avait eu du progrès, depuis leur dernière rencontre. Mais elle était loin de se douter de la raison.
- Justement, je crois que je suis devenue sage -jecrois-, affirma-t-elle. Je suis garde à présent !
Cal haussa des sourcils, agréablement surprise. Évidemment, avec le gabarit de la femelle, c'était à prévoir : elle était cependant surprise qu'elle eut obtenue son rang si tôt. C'était probablement signe qu'elle en avait les compétences.
- Oh ? Bravo ! Félicita-t-elle, sincère.
Bon, qu'elle eut été chasseuse lui aurait un peu plus plût, puisque c'était le domaine de prédilection de la princesse.. mais elle pouvait bien faire avec. De toute façon, garde lui allait bien. Et peut-être qu'elle serait de ceux évitant de trucider le moindre intrus sur leurs terres, chose qui leur manquait parfois.. Mais avec Robin, et les mâles, rien n'était moins sûr. Prise dans ses pensées, où elle commençait doucement à considérer Robin comme une adulte, la brunette manqua mentalement une marche lorsque la violette lâcha :
- Et maman optionnellement.
- Que-wwhat ?
Elle bredouilla, estomaquée. C'était quoi, cette histoire ? Elle n'était pas, genre, gay, et aussi pas encore mûre ?
- Woah, j'en ai manqué un bout. Tu m'expliques ?

- C'est... Compliqué, échappa Robin, loin de son explosivité naturelle.
Il y eut un petit silence, que la brunette ne pressa point, commençant à se douter que la nouvelle n'était pas entièrement positive. Elle lui révéla l'existence d'une amie d'enfance, nommée Esméralda, dont le nom semblait dire quelque chose à Calamité... Peut-être parce qu'elle faisait partie des chasseuses, soit le rang qui l'intéressait tout particulièrement. Mais hormis la familiarité du nom, rien d'autre ne lui vint à l'esprit. Elle écoutait donc sa comparse, commençant à comprendre qu'elle était particulièrement liée à cette Esmé, bien qu'elle ne pouvait savoir à quel point, ni dans quelle mesure cela était relié à la venue des enfants..

Robin sous-entendit alors une information, qui dans d'autres circonstances lui auraient peut-être passé par-dessus la tête.. Mais, de part sa propre situation, elle ne pouvait être que d'autant plus sensible à ce que Robin n'arrivait pas à verbaliser.. et aux conséquences que cela impliquait. Heureusement pour elles deux, Robin ne s'éternisa point sur les circonstances de la naissance et lui parla plutôt d'Alva, la jeune d'Esmé qu'elle avait donc pareillement pris sous son aile. Calamité était encore un peu sous le choc, mais par égard pour sa comparse, elle leva un sourire en réponse à celui de Robin. Si cette dernière vivait bien l'arrivée d'Alva dans sa vie, alors, tant mieux.

- Eh ben.. Tu m'les présenteras, alors ! Offrit-elle, forcément heureuse (bien que surprise) de ce revirement de situation. J'suis contente que t'aies trouvé si rapidement ta famille.

Elle avait jeté sa phrase simplement, mais celle-ci eut un effet chez Robin. La louvarde ferma les yeux puis vint se lover à nouveau contre elle, montrant une nouvelle fois à quel point elle avait changé depuis la dernière fois. Être capable de montrer ses sentiments sans agressivité, voilà qui était nouveau - et très satisfaisant.
- Je crois que j'en ai croisé une partie, le jour de notre rencontre.
La sincérité de ces paroles la prirent au dépourvu. Elle avait eu des proches, beaucoup, étant quelqu'un de naturellement sociable. Mais il s'agissait de sa famille, ses comparses.. des individus tous différents, mais jamais très exubérant dans leur affection. Elle avait grandi dans leur amour, sous leurs contacts, mais aucun ne s'était montré si ouvert, si vulnérable, à montrer son affection.
Désastre, si, à sa façon, mais il était son frère, son compagnon de jeu qui l'avait toujours placée plus haute que lui-même. Robin était peut-être la seule qui reconnaissait leur lien, et pourtant elle était de celle qui la connaissait le moins. Mais leur vie avait été bouleversée de leur rencontre. Robin, qui n'avait eu de famille, l'avait associée à cette structure sociale ; Calamité avait eu la sienne, un père, des frères, une nourrice. Mais il était vrai que ce lien pouvait s'apparenter à celui de soeurs, ou d'amies intimes, tant il différait des autres.
- Tu me présenteras aussi ta famille alors, reprit la violette.
- Bien sûr.
Elle faillit ajouter que, pour ça, Robin devrait promettre de ne pas sauter à la gorge de Gun. Mais pour une fois, elle eut l'intelligence d'éviter cette bourde, de changer le ton de la conversation. De toute façon, elle n'avait pas croisé une fois le violet depuis son retour, enfin, depuis son départ à lui. Elle l'avait toujours considéré comme proche, mais leur relation avait forcément changé, depuis les dernières saisons. Enfin. Chaque chose en son temps.
- J'te présenterai mon frère, Astre. Il ne parle pas beaucoup, mais il est rempli d'affection.
Elle eut un sourire, prise d'une bouffée d'affection, bien que d'un pincement, puisqu'elle ne l'avait pas plus croisé. Elle poursuivit son énumération, le regard porté vers le haut comme elle réfléchissait à ceux sous sa protection.
- Et Plume, ma fille. Alva et elle s'entendront bien, p'têtre ! Il y a aussi Shin et Shû, qui sont presque adultes.
Elle eut une inspiration, heureuse de cette petite famille, même si sa composition était un peu plus sombre qu'elle ne voulait l'admettre. Ses yeux revinrent vers Robin et un sourire tomba sur ses lèvres.
- Ils font presque le double de ta grandeur !

- Ehben ! T'as toute une tripoté dis moi. Ça fera un joyeux ménage quand ça va se croiser tout ça.
Calamité répondit à son rire de la même expression, bien joyeuse. Sa famille, autant celle d'Alteron que sa micro-meute, comptait énormément pour elle : les présenter à Robin tenait donc de l'impératif. Il est vrai que, lorsqu'elle y songeait un peu plus, l'idée d'un tête à tête entre Robin et Blade, Astre, Shin ou Shû était complètement aberrant. Drôle qu'elle soit profondément liée à chacun d'eux, mais les imaginer ensemble était difficile. Au moins, Plume risquait d'être plus adaptative, bien qu'elle gardait son fort caractère.. Oui, décidément, le tableau serait incongru. Mais, utopiquement, elle voulait essayer, voir tout son beau monde réuni dans la paix et l'amour. Ça valait la peine de tenter le coup. Elle fut interrompue dans son imagination lorsque Robin s'écria de surprise, n'ayant rien comprit à ce qu'elle venait de lui révéler.
- C'pas les miens, t’inquiètes, s'esclaffa la brune. Mon ventre aurait explosé.
Elle eut un rire à l'idée, autant pour l'image que pour la pensée d'être réellement leur génitrice. Après tout, elle tenait autant le rôle de matriarche, mère, soeur, protectrice, amie, auprès de ceux-là : mais être réellement leur mère, c'était un concept beaucoup trop étranger. Et, pour Robin, c'était l'imaginer mettre au monde deux géants.
- Ils viennent d'ailleurs, d'une race plus grande, c'pour ça, lui expliqua-t-elle, sans trop mentionner qu'ils étaient Blackbloods. J'les ai pris en chemin.

Elle réussit à rassurer Robin sur la provenance des gamins. La violette annonça son ignorance, ce qui amena un petit rire à la plus vieille, parce qu'au final elle n'était pas vraiment mieux placée pour en parler. La naissance de Plume et Zéphyr était, après tout, disparue dans les méandres de son esprit. En tout cas, elle ne retenterait pas l'expérience de si tôt, pour sûr. Prochaine fois, si elle désirait encore des jeunes (ce qui n'était pas encore prévu), l'une de ses compagnes les porterait. Trop de troubles, autrement.
- Tu es vraiment une personne généreuse, Callie, fit alors Robin, la prenant au dépourvu.
Elle ne s'était jamais vraiment vu ainsi. À vrai dire, elle était surtout égoïste, bien qu'elle évitait pareillement d'y penser. Mais, comme elle faisait l'effort de ne point s'isoler à nouveau dans son propre monde, elle ne pouvait accepter ce compliment, qu'elle rejeta donc en niant de la tête. Désastre, Blade et Shrew ne pouvaient pas lui pardonner si facilement... Au moins, Robin ne lui en tenait pas rancune. Enfin. Elle ne l'avait pas abandonnée, au contraire : elle était revenue dans sa vie. Pour elle, il n'y avait rien de négatif à son retour, mais pour les autres... La question n'était pas aussi simple. Heureusement, Robin lui chassa bien vite les pensées de la tête en venant ébouriffer son crâne, geste de complicité.
- C'vrai que, par contre, t'es pas aussi généreuse capillairement parlant krkrkr !
La suite de ses idées étant tout sauf sérieuse, Calamité s'esclaffa à son tour.
- J'devais bien avoir un défaut quelque part, moqua-t-elle.
Elle balaya sa vanité d'un haussement d'épaule puis lança :
- Alors, tu faisais quoi de bon avant que j'te dérange ?

Lorsqu'elle vit Robin inspirer à fond, Calamité eut un rire, se préparant au pire. Mais non : la violette ne fit que confirmer son état de garde, donc, elle effectuait une patrouille. Ses propos suivants ne firent qu’amplifier les éclats de la brune, qui était à la fois surprise de la voir acharnée à la tâche que de la voir ambitieuse.
- My, t'es responsable ! Quelle drôle d'idée.
En même temps, Robin avait toujours eu un brasier, au fond d'elle. Ce type d'individus, dont elle faisait partie en plus petite mesure, ne se contentait pas d'une vie morne et sans remous. Il devait y avoir de l'action, du challenge, une façon de prouver sa valeur. Assurément, si Robin gardait cette fougue et la balançait de sa nouvelle maturité, elle irait loin. Enfin, aux pensées de Callie, qui n'avait ni eu vent des fils d'Esméralda, ni de la bataille contre Dagger. Leur amitié était des plus pures, solides, matures que Cal avait jamais développé. Et pourtant, les deux femelles continuaient de si peu se connaître.
Mais cela viendrait, avec le temps.
La plus vieille secoua sa tête, répondant finalement à sa comparse avec un sourire :
- J'm'entraînais. Quoique, j'devrais chasser aussi, si j'veux retourner dans les bonnes grâces de mon père. T'veux m'accompagner ?