Brume [Prio Guns]

L'annonce de son retour avait été comme une douche froide, pour lui. Il entendait son nom partout. Calamité par ci, Princesse Calamité par là... Il s'était senti défaillir. Jamais elle n'avait porté aussi bien son nom. La savoir à nouveau proche de lui le faisait se sentir opprimé. Pourtant, il n'y avait pas raison de l'être. Certes il l'avait quitté à la forêt noire pour s'amuser partout afin de se détacher de ses obligations - artificielles - envers elle, la revoir à la jungle, alors qu'il avait cherché, souhaité, prié de s'éloigner était loin de l'indifférer. Est-ce que cela signifiait qu'il ne pouvait plus s'amuser comme il le voulait?

Non. Il n'avait plus d'obligations, ni envers elle, ni envers les trois autres. Même si le destin se moquait de lui, il ne se laisserait pas abattre. Après tout, ce n'était pas la première fois que ça arrivait. Sa vie n'avait été qu'une succession d'échecs. Elle continuerait à l'être. Et s'il ne pouvait ressentir de honte ou de culpabilité, ressentir la germination de l'hostilité qu'il cherchait à étouffer le faisait suffoquer. Il mesura ses options. Soit il continuait d'entretenir le secret et finirait par y succomber complètement, soit il jouait cartes sur table.

Et comme le destin le voulut, sa truffe capta l'odeur du Roi de la Jungle qu'il occupait de son espace. Il dressa sa tête et ses oreilles, scruta les brumes à la recherche de l'autre mâle. Il baissa les yeux distraitement et entraperçut sa silhouette marcher au travers de la vase du marais. Il trottina sr la berge afin de se rendre à son niveau, sans toutefois s'empêtrer dans les eaux à ses côtés.
— What a pity... Vous ne semblez pas de meilleure humeur, malgré la nouvelle.
Et comme il se dévoilait enfin, il ferma ses yeux sur un sourire d'insouciance, sans baisser sa queue en panache sur sa croupe.

— En quoi mon humeur te concerne t-elle ? Garde tes remarques pour toi.
— Yeesh, fit le loup violet en relevant une patte, reculant la tête. On s'est levé de la mauvaise patte ? Il rigola tout bas, comme dans l'espoir de détendre les tensions du Roi, mais lui-même savait ses tentatives vaines. Aussi perdit-il les traits de son sourire.
— Ton humour me concerne lorsque j'ai l'intention de te parler. Il poussa un soupir en haussant haut ses sourcils, désabusé. C'est éreintant de s'adresser à quelqu'un d'aveuglé par la colère... Ils deviennent faciles à entourlouper, mais pour ce qui est d'être écouté...

— Je ne suis pas en colère, mais fatigué de ton attitude. Tu n'as aucun respect de la hiérarchie. Gunthaer ne lui porta pas plus d'attention. Il n'allait pas le démentir. Il ne respectait pas la hiérarchie: c'était un fait.
— Si tu veux que je sois de bonne humeur, commence par corriger ça, lui dit le roi en le dardant dans les yeux. Mais sa menace n'eut aucun effet sur son interlocuteur. Ce-dernier s'était contenté d'entrouvrir les lèvres.
— Blade... Il eut un sourire mitigé. Je ne peux pas même si j'essayais.

Vous êtes, à mes yeux, tout aussi insignifiant que tout les autres individus qui tarissent le sol de vos terres. La pesanteur de ses mots ne le fit même pas sourciller. Il rouvrit ses yeux et perdit ses traits d'insouciante, pour devenir sérieux à son tour.

— C'est un fait, je ne peux rien y changer. Il pencha sa tête sur le côté.
— Je n'ai de respect pour rien. Et sur un sourire. pas même pour ma chère peau. Enfin, votre mère en sait plus sur moi que vous, à ce qu'il parait.
Il enchaîna:
— ...Tout comme j'en sais plus que vous sur Calamité.

Et c'est précisément là où je voulais en venir.

C'est une... forme de respect, non, de ne pas vous faire tourner en rond en prenant le chemin le plus direct ?

Comme à son habitude, Blade l'avait fusillé du regard, lui avait montré ses crocs, manifestant son énervement. Son avertissement lui avait été clair comme de l'eau de source: le Roi n'aurait pas hésité à lui sauter dessus s'il s'était encore joué de son esprit.

— Que veux-tu dire exactement ? Sa méfiance était apparente. Gunthaer ne cilla pas. Il maintint le regard, quoiqu'en détournant légèrement la tête.
— Ha hah, please, il fit, écartant ses mèches d'une patte. Si la nouvelle ne vous a pas plu, ça signifie que votre tracas vient d'ailleurs.

D'abord, vous avez appris que Calamité était vivante. Puis, elle est revenue. Néanmoins, vous ne montrez toujours pas la trace d'être de bonne humeur. Il leva le menton.
— Ahh, il détourna les yeux. mais ce qui s'est passé avant son retour, c'est une autre histoire... Une lueur scintilla dans ses yeux. N'est-ce pas ? ♥ Il poussa un soupir.

— Sans même vous en rendre compte, vous avez déjà les informations nécessaires pour répondre à vos propres interrogations.

— Tu te trompes ! s'interposa aussitôt Blade, en s'avançant d'un pas. Je ne suis pas tracassé par le retour de ma fille. Il sembla reculer la tête. Certes j'aimerais savoir ce qui s'est passé mais, cela ne m’empêche pas d'être heureux ! Cesse d'insinuer le contraire... Son ton s'envenima: Tu ne peux pas comprendre. Au lieu de susciter une réaction immédiate, les paroles de Blade laissèrent son page songeur. Il avait levé le museau, comme pensif. D'une patte, il jouait avec sa mèche, soucieux. Enfin, il s'en retourna vers le Roi.
— C'est pas faux.

Ses paupières se fermèrent à demi.
— J'ai suivi Calamité pour cette même raison. Parce-que je ne peux pas comprendre, justement. Sa tête penchée s'était redressée.
— J'ai passé plus d'une année à l'écouter, à la soutenir, à la voir s'épanouir... Tu sais comment elle est devenue mère, Blade ? Elle est venue à Alteron.
Il fronça les sourcils.
— Et ce n'était pas sa première escapade là-bas.

Si le roi semblait complètement sous le choc, Gunthaer, lui, semblait furieux. Sans son sourire habituel, il avait durcis ses traits et porté un regard lourd de reproches sur Blade, se tenant toujours dans la vase du marais. Sa queue derrière n'avait pas bougé et son museau ne s'était pas retroussé, mais même sans montrer les crocs, son amertume était palpable.
— J’espère que tu ne me mens pas Gunthaer, parvint à articuler Blade après un moment. En relevant les yeux, il se frappa à l'intransigeance de son subalterne. Ce-dernier plissa ses paupières, lui faisant comprendre qu'il ne plaisantait pas, cette fois.

— Raconte moi ça... Dis moi comment, et pourquoi, ma fille est t-elle revenue entre temps. Je veux que tu m'expliques tout ce que tu sais, dans les moindres détails. Gunthaer laissa rouler un grondement dans sa gorge. De courte durée, mais présent tout de même.
— Je te l'ai dit. Tu es déjà en possession de l'information capable de répondre à ta question. Tu choisis seulement de l'ignorer. Tu la juges impertinente. sentant sa fourrure se hérisser, il se reprit en main, sans baisser les yeux, ou montrer un quelconque signe de soumission. Son ton s'envenima:
— Et après, c'est moi qu'on traite de mauvais père. Baisse les yeux, plutôt, il cracha, ses traits se plissant de dédain. " En bas " étant la surface du marais, où se reflétait l'image trouble du roi devant lui. Ses tensions semblèrent peu à peu s'amenuiser. Il sembla se reprendre en main, sans toutefois perdre son sérieux.
— Think, il tonna, figeant son regard dans celui de Blade, sans ciller. Let me jog your memory: que s'est-il passé à Alteron pendant l'absence de ta fille ? Quelque chose d'important.

Le Roi sourcilla: la situation lui semblait soudain bien plus complexe qu'il ne l'avait pensée. Il se tut et s'égara dans ses souvenirs. D'abord fut les souvenirs récents: son couronnement. Mais son couronnement n'était visiblement pas l’événement dont il faisait allusion. Blade allait devoir faire mieux que ça s'il souhaitait comprendre le fond de l'histoire. C'est ce qu'il fit. Ses yeux furetaient nerveusement de gauche à droite, comme s'il lisait les informations de son esprit. Il s’efforçait de remonter le courant des saisons.

L'automne, l'été, le printemps, l'hiver dernier, ... ses yeux pétillèrent soudain d'un éclat lucide. Il avait vogué dans ses souvenirs assez loin pour frapper l'iceberg. Et c'est au moment de l'entrechoc qu'il eut le déclic.

Et le déclic lui fut si brusque, si violent, que son teint devint livide. Ses paupières se révulsèrent d'effroi et de dédain. Son souffle se coupa. Les informations se déchaînèrent dans son esprit. Une petite voix relia bout à bout deux informations. La chose lui paraissait insensée, pourtant, toutes les pièces s'imbriquaient, les unes avec les autres.

— Cu... hésita Blade, Cue, est... Le père de Plume ? hoqueta-il en levant ses yeux écarquillés vers le loup pourpre, qui se contenta de le toiser du haut de son promontoire. Mais jamais Cal n'aurait... il s'étrangla. Mais Cal n'avait pas. Et à cette réflexion, Blade serra ses crocs ensemble, ses pupilles se rapetissèrent, et sa crête dorsale se leva. Gun tourna la tête, regardant ailleurs. La colère de l'autre ne le toucha pas. Ni sa rage. Ni sa hargne. Ni sa détresse, non plus. Deux images venaient de défiler sous ses yeux : celle de son ventre ouvert, et celle où il éventrait Cue.

— L'enfoiré ! vociféra le roi, cédant à son courroux. Gunthaer n'ajouta rien.
— Il l'a...! Ses paupières se fermèrent. La rivière trouble de ses souvenirs semblait enfin devenir limpide. Les informations affluaient sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit. Impuissant, il secoua sa tête, cherchant à nouveau de se rassembler.

— Gunthaer. Il fit alors. Celui-ci leva ses oreilles.
— C'est toi qui l'as tué... N'est-ce pas ? Un rictus sarcastique leva ses lèvres.
— Finally figured it out, huh. Il le perdit bien vite, relevant sa tête, l'air sérieux.
— Le réduire au silence, c'était la partie facile. Ses crocs se serrèrent.

— L'état de Calamité, en revanche... ses pupilles frétillèrent sur le côté. Il revivait la scène. Il en avait la berlue. Mais il tint bon. La situation ne le touchait plus autant qu'avant. Il réussissait, peu à peu, à couper les lien artificiel qu'il avait noué avec la princesse. Son état de choc n'était pas originaire d'un sentiment de peur, mais d'hostilité pure. Il le savait : il avait le même réflexe idiot de vouloir épauler la princesse ; le même réflexe idiot de vouloir son bonheur ; le même réflexe idiot de vouloir oblitérer toute souche de son malheur.
— ...Despite your orders, reprit Gunthaer, le regard ailleurs, my memory's a bit fuzzy on the details. Ses pupilles se dilatèrent.

— All I remember was the blood...
There was blood,

dripping from her forehead.
Plic... plic... plic... La scène lui était encore vive. Un frisson le parcourra. Il poursuivit malgré tout:

—I felt shorthanded... I couldn't seek help in Alteron. Comment aurait réagi la meute si elle avait vu sa princesse le front ensanglanté, revenir après des saisons d'absence, alors qu'elle avait très bien fait savoir à son entourage qu'elle ne voulait plus faire partie de la jungle ? Gunthaer avait simplement respecté son voeu.
— So I chose the most reasonnable option we had: I took her to my employer. Peu lui importait de révéler l'existence de son autre " alpha ". There, one of his aides managed to tend her wounds. l'assistante en question l'avait " réparée ". Calamité avait du ingérer nombre de plantes, notamment de la salvia, qui avaient affecté sa capacité à raisonner ainsi que sa mémoire. En effet, après leur retour à la forêt noire, elle ne sembla pas prendre conscience qu'elle était pleine avant le dernier moment, ni ne sembla se poser des questions sur l'origine de ses propres petits.
— Back at the forest, it was as if she forgot the whole thing.

It didn't matter to me, though. Besides, it was better that way: seeing her back to her carefree self was relief enough.

Une arme qui pourrait aussi, à la moindre occasion, se retourner contre lui. Il fallait savoir l'arme avant de l'utiliser. Car si on appuyait sur la détente s'en s'attendre à la suite, le choc de tir pouvait déboîter l'épaule. Car Gun n'était pas une arme de petit calibre. Et il lui arrivait souvent de tirer quelques balles perdues... Mais Blade savait à quoi s'attendre, désormais.

— Je veux que tu rejoignes ma Brigade Royale.
Les yeux du spectre étincelèrent. Il semblait attentif.
— Jusqu’à ce que tu trouves un endroit plus "divertissant."
L'ombre d'un sourire transparut sur ses lèvres. Blade, lui, soutint son regard.
— Alors. Qu'en dis tu ?
Gun leva le menton, fixant le roi de haut.
— Hmph. Doesn't change me from my usual job.
Il détourna la tête, feignant un air désintéressé, comme s'il observait plutôt aux environs. L'une de ses oreilles se pivota vers Blade.
— So, what are my rules. Bien qu'il ne le regardait pas, il semblait attentif. Plus attentif encore que lorsqu'il le regardait dans les yeux. Gunthaer enchaîna:

— Know that the less I have, the more I remember them.

So far I've got two:

1. Don't kill unless you have a reason.
2. Don't engage without consent.

The latter can be about anything : I'll leave the meaning behind to your imagination ~

— Bien, concéda Blade. Je veillerais à respecter tes conditions. Mais n'oublies pas que j'ai ai également.
Gunthaer haussa un sourcil.
— You're misunderstanding. I said MY rules. You don't have to follow anything.
— J’attends de toi que tu sois efficace et obéissant, tu n'es plus le messager tardif, désormais...
— Hah, I never was. We used that as an excuse to leave the territory. Il inclina sa tête vers le bas, la retournant vers le Roi, rivant ses pupilles dans les siennes.
— I say again: what are my rules ?

If you don't establish clearer rules in the beginning, you might have bad surprises later. Il leva les yeux au ciel. Come on, it's the ABCs of mercenaries. Surely even you know the basics, hm ? Les règles qu'il avait déjà lui était suffisamment contraignantes pour être contrôlé par son employeur. Cependant, comme aucune règle ne le lui dictait, rien ne l'empêchait de se retourner contre lui à la seconde où il trouvait une raison. C'était ce genre de précautions qu'il aurait à penser.

Blade était son client, et il n'était que chose juste de décortiquer le contrat avec lui avant d'y apposer sa signature. Si Gunthaer penchait vers le chaos et l'ambiguïté, il avait toutefois le souci du détail lorsqu'il était en affaires.

— Tu as entièrement raison. Ah, enfin! Du progrès. Blade poursuivit.
— Voici donc de quoi agrandir ta liste :
- Ne t'attaque jamais à moi. Ne jamais s'attaquer à lui.
- Ne me trahis pas. Ne jamais le... trahir ? Gun pencha sa tête. Drôle de règle. Elle posait problème.

Blade eut un mouvement de l'oreille avant de tourner à nouveau ses yeux dans ceux du spectre. replongeant son regard sur l'autre.
— Entendu ?
— I'm going to speak in a language you understand.
Il ferma sa gueule et se racla la gorge.
— Je ne m'attaquerai jamais à toi. il dit, la voix lente.

—Cependant, il ajouta en levant le menton, je ne peux pas te promettre de ne jamais te trahir : c'est une règle pouvant interférer avec l'une que j'ai déjà. " Ne tue jamais sans raison ". Mais dans l'hypothétique scénario où il avait raison de tuer quelqu'un, et qu'en tuant il trahissait Blade... C'était une règle impossible.

— De plus, il poursuivit, sans perdre le lent débit de ses mots, le concept de "trahir" est vaste ; en supposant qu'elle englobe tout - ne donner allégeance qu'à Alteron, ne respecter que tes règles, tourner le dos à mon employeur et à mes autres clients - la règle devient trop contraignante. Il inclina le chef, probablement le seul geste de respect qu'il avait déjà esquissé à Alteron.

— Choisis:

À Alteron ? Ou à toi ?