Comme si c'était hier

Un an complet. Voilà le temps qui s'était écoulé depuis qu'elle était venue pour la dernière fois dans cette jungle. Un an et demi, voilà le temps qui la séparait de ceux qu'elle avait connu. Et la jungle restait la même. Les mêmes arbres si hauts, si sombres, mais tellement plus riches que ceux de la Forêt noire. Un paysage qui n'avait eu cesse d'hanter son esprit, à chaque étape de sa vie, lors de ses nombreux exils. Et à chaque voyage, elle finissait pas revenir au bercail.
La jeune femelle marqua un temps d'arrêt dès que les rameaux des premiers arbres l'avalèrent. Une saison qu'ils étaient en marche, errant dans la première moitié sans destination, puis lancés sur sa trajectoire dans la seconde partie.

Et ils étaient arrivés.
Son coeur s'enfla, d'une joie qu'elle n'avait pas imaginé, d'un sentiment qu'elle n'aurait pas cru être capable d'éprouver.
Basculant la tête vers l'arrière, Calamité poussa un long hurlement, manifestation qui ne lui était peu commune, mais porté par le désir de retrouver les siens.

Élancé à vive allure par le hurlement, Blade avait laissé toutes ses préoccupations derrière lui, s'était immédiatement rué au cœur de la jungle, les sens affutés. C'était exactement la voix de sa fille qu'il venait d'entendre, aucun doute la dessus. Il en était certain, sceptique certes, mais certain. Les retours ne se faisaient pas rares, ces derniers temps, mais aucun des autres, de Gunthaer, de Désastre ou d'Alice ne l'avait précipité autant que celui-la. Il l'avait espéré, appréhendé, redouté même. Oui, il redoutait l'instant ou il se retrouverait enfin face à sa fille, ou elle lui raconterait tout, lui expliquerait pourquoi elle l'avait laissé dans l'ignorance de sa fuite, laissant d’innombrables possibilités quand à la suite des événements. Blade ne pouvait pas la rejeter, mais, difficile pour lui que de pardonner son comportement, aussi justifiable qu'il puisse être.

Comme il franchissait d'un bond la rivière qui se plongeait jusqu'à la canopée, son flair lui apprit qu'il n'était plus très loin de la retrouver. Non loin de lui, en se rétablissant sur ses pattes, il l'a vit. Calamité. Malgré son bon souvenir d'elle, sa fille lui semblait changée. Peut être était-ce la conséquence de ne l'avoir vu pendant toute une année ? Elle lui paraissait plus musclée, plus mature. Ses yeux métalliques se levèrent sur elle, et alors, il s'en approcha, s'arrêta devant, droit, réfléchit à sa discussion avec Gunthaer. D’abord, il devait la laisser s'expliquer. C'était la seule façon de traiter la situation.

- Calamité, murmura t-il en exécutant encore un pas en avant, laissant sa patte en suspend dans le vide, ou étais tu... tout ce temps ? Que s'est t-il passé ?

Sa version des faits allait t-elle être la même que celle du messager violet ? Selon lui, sa fille était partie sur ordres de Rapier, élever trois louveteaux en bordure d'Oerba. Ses oreilles tiquèrent. Ou étaient t-il d'ailleurs, ces trois louveteaux ?

Éventuellement, elle perçut un bruit. Cal dressa ses oreilles vers l'avant, son coeur s'emplissant d'une certaine appréhension. Elle ne pouvait point identifier le nouvel arrivant, pas avec la distance et la riche tapisserie odorante de la jungle. Mais, bientôt, même ces contraintes ne purent lui cacher la trace olfactive de celui qui avait été son héro et son confident. Ce n'était pas Astre, avec qui elle avait une relation fusionnelle, mais le lien qui l'unissait à son père brillait avec la même force. La silhouette tricolore apparue. Son pelage se détachait avec mal des ténèbres de la jungle, mais elle n'avait aucun mal à l'identifier. Son corps  lui était pareillement différent, car il s'était épaissit. La jeunesse de son père, lorsqu'il les avait eu, n'avait jamais été un élément qui lui était venu à l'esprit. Pourtant, de nombreux changements - physiques comme psychologiques - avaient eu lieu chez lui, alors qu'il mûrissait. Mais voilà des détails auxquels elle ne portait pas attention. Et s'il était vrai que le mâle semblait plus fort, rayonnant, de par son couronnement, il restait le même flamboyant personnage qu'il avait toujours été pour elle.
- Calamité..
Un murmure, désillusionné, même si elle ne se rendait pas compte de tous les sentiments pointant sous cette hésitation.
- Ou étais tu... tout ce temps ? Que s'est t-il passé ?
Elle avait longuement éprouvé de la honte, bien que refoulée; elle pourrait en éprouver encore longtemps. Parce qu'elle la méritait. Et sa conduite était, sous plusieurs angles, inexcusables. Mais en voyant son père, en entendant sa voix, rien de tout cela n'avait d'importance.
- P'pa !
L'écho d'un ton enfantin, même si elle aussi avait mûrit. Mais la joie de retrouver un parent ne pouvait être ternie par la vieillesse. Oubliant ses protégés, qui devaient probablement traîner à l'arrière, elle s'élança vers lui. Peut-être n'y avait-il jamais vraiment eu de débordements émotionnels entre eux, car leur rôle les retenait. Mais Calamité était tout sauf frigide, et rechercher le contact d'autrui lui venait naturellement. Elle leva donc son avant-main pour l'entourer de ses pattes, enfouissant son museau contre lui, profitant du fait qu'ils aient à présent une taille presque égale.

- P'pa !

S'écria t-elle avant de s’élancer, prompte, l'encercler entre ses pattes. Blade la laissa faire, d’abord surpris, puis accola ensuite sa nuque contre celle de sa fille - protecteur. Ce simple contact le prit de saisissement, et tout en lui faisant réaliser combien elle lui avait manqué, il lui rappela ses propres erreurs. Le fait de n'avoir pas été un père exemplaire, ainsi que d'avoir laissé passivement ses enfants exposés à la cruauté de leur mère. Si Calamité avait commis l'erreur de l'abandonner, il l'avait commise aussi, par le passé, avec elle, aussi bien qu’avec ses frères. Elle était son enfant, et comme tous les enfants, elle commettait des fautes. Elle en avait le droit, pas lui.

Il avait eu tort de penser qu'elle l'avait délaissé par égoïsme, tort d'avoir vu sa fuite sous cet angle, d'avoir voulu la réprimander alors qu'elle, en premier lieu, n'avait pensé qu'aux joies des retrouvailles. Son esprit s'était terni, embrumé de choses futiles, alors que le principal était de la revoir vivante et en bonne santé. Calamité l'avait compris, elle. Il repoussa donc sa royauté aussi bien que sa rancune sur le coté, murmurant posément.

- Tu m'as manquée...

Pendant, un instant, son père ne réagit pas, mais Calamité s'en foutait. Cette retenue ne lui était pas étrangère, et elle était bien capable d'être affectueuse pour eux deux. Néanmoins, après la première surprise (et peut-être, la première 'déception' de la voir revenir après sa fuite), Blade cala sa tête contre son encolure, l'enserrant à son tour. Ils restèrent ainsi un bon moment et Calamité inspira à fond son odeur musquée, devenant plus sentimentale qu'elle n'aurait cru le devenir. Reprendre contact avec la réalité ne pouvait manquer de lui permettre d'être au diapason avec ses émotions.
- Tu m'as manquée...  Murmura son père.
Elle ferma les yeux, souriant. Sa voix lui faisait l'effet d'un baume, comme lorsqu'il lui enseignait quelconque technique, plus jeune, et qu'elle écoutait ses paroles toujours si sages - enfin, qui l'étaient à son esprit.
- Tu m'as beaucoup manqué aussi..
Quelques secondes s'écoulèrent à nouveau, puis, elle se décolla. Ni lui ni elle n'étaient du genre à s'épancher pendant des heures. Elle n'allait pas laisser l'émotion la rendre méga fragile non plus. Reculant de quelques pas, elle détailla avec plus d'attention son paternel, souriant de toutes dents.
- Mais il paraît que t'as pas perdu de temps ! Lança-t-elle avec enthousiasme. C'est vrai, que tu es le Roi ?

- Tu m'as beaucoup manqué aussi..

Il ferma les yeux, puis, sentant Calamité quitter son étreinte, les rouvrit sur son visage souriant. La voir ainsi heureuse lui donna un véritable sentiment de bienséance.

- Mais il paraît que t'as pas perdu de temps ! S’exclama t-elle. C'est vrai, que tu es le Roi ?
Blade pencha la tête, arborant un sourire fier.

- Absolument petite princesse.

Il ne s'étonnait pas de voir sa fille déjà informée des récents événements, et, se doutant que son ascension avait du être un élément décisif à son retour, revint soudainement à la réalité. Un voile d’inquiétude sembla passer dans ses prunelles grises, alors que la question de savoir ce que Rapier lui avait véritablement demandé revenait lui perturber l'esprit.

Blade abaissa légèrement son port, mais gardant toutefois le même air altier. Une fierté se dégageait de lui, et après l'exil au désert et sa destitution, ce sentiment faisait plaisir à voir.
- Absolument petite princesse, lui affirma-t-il.
- Félicitation ! S'exclama-t-elle à nouveau, un sourire aux lèvres.
L'annonce, ou plutôt, la confirmation de son ascension ajouta définitivement à son enthousiasme.
- Donc, je vais être une princesse de lien direct..
La femelle ajouta cela d'une voix plus tempérée, mais ayant toujours une pointe d'amusement dans son ton. Elle s'était toujours considérée comme une princesse de plein droit - à l'opposé, par exemple, de Claymore et Scythe. Néanmoins, savoir son père, son modèle, Roi, c'était une étape de plus qu'avoir sa grand-mère à la logique incertaine diriger violemment ses sujets.
- Alors, est-ce que tu as une Reine ? Le taquina-t-elle avec bonhomie (avait-il récupéré son harem ?), avant d'enchaîner avec un empressement soudain : Est-ce que Astre va bien ?

- Félicitation !

A nouveau, la voix enjouée de sa fille le tira hors de ses pensées ombrageuses. Un sourire apparu au coin de ses lèvres : pour avoir su terrasser la terrible Reine, il s'était déjà vu formulé cette politesse bon nombre de fois, mais jamais aucune ne lui avait procuré autant de joie et de fierté que celles de Calamité; car il s'agissait cette fois de félicitations sincères, et que, dans son regard comme dans sa voix, émanaient toute une admiration qu'elle était, il le savait, la seule à véritablement lui vouer.

- Donc, je vais être une princesse de lien direct..

Sembla t-elle méditer. Blade pencha la tête avec formalité. Bien qu'il ait toujours considéré ses enfants comme des princes et princesses, son propre statut d’héritier avait autrefois rendu le sujet discutable. Désormais cependant, il était Roi, et plus personne ne pouvait contester le titre de sa descendance.

- Alors, est-ce que tu as une Reine ?

Demanda t-elle soudain, modifiant quelque peu le cours de la conversation. Blade détourna le regard, étonné par la question. Il n'avait point de Reine - ni de harem d'ailleurs - hormis sa compagne Poison, mais il doutait que cette nouvelle ravisse Calamité...

- Est-ce que Astre va bien ? S'empressa t-elle d’ajouter.

Le regard de Blade s'assombrit alors que ses troubles revenaient l'assaillir comme des murmures dans la nuit. Je me réjouis de la revoir, mais il faut tirer tout cela au clair ! Il faut qu'elle sache à quels risques son frère s'est exposé pour la retrouver... Il se rassembla, tacha de trouver ses mots et, sans plus aucuns sourire sur le visage, finit par répondre.

- Après que tu sois partie, ton frère s'est lancé à ta recherche. Il à erré à travers les terres sans te trouver, puis il est revenu à Alteron. Il va bien, mais son visage est marqué d'une profonde cicatrice dont il sera affublé à vie. Calamité... Soupira t-il. Je veux savoir ce qui c'est passé, en détail... Il faut que tu m'expliques. Son regard se releva sur elle, d'un air presque épuisé : celui d'un père inquiet.

Blade détourna d'abord le regard, mais elle ne le remarqua pas. Sa première question ne fut pas répondue, mais elle n'y voulait pas vraiment de réponse; savoir l'état de son frère l'importait plus que savoir quelle nouvelle louve s'était entiché de son paternel. Néanmoins, Blade tarda quelque peu à lui répondre. Elle finit par plisser légèrement ses sourcils, intriguée, sans être inquiète. Après tout, l'idée que son frère puisse mal aller lui était complètement étrangère. Et puis, elle n'avait quasiment aucune sensibilité aux émotions des autres, mais, n'empêche, elle remarqua le changement qui s'effectua chez Blade; après tout, il s'agissait de son père. Et, une fois toute sa joie d'être revenue passée, elle n'avait pas trop le choix de se montrer un peu plus consciente d'autrui. Il s'était refroidi, assombri. Plus aucun sourire n'était présent sur son visage.

- Après que tu sois partie, ton frère s'est lancé à ta recherche, lui annonça-t-il sans détour. Il à erré à travers les terres sans te trouver, puis il est revenu à Alteron.
Pour un temps, elle fut soulagée. Il était parti- mais il était revenu. Il allait bien.
- Il va bien, mais son visage est marqué d'une profonde cicatrice dont il sera affublé à vie.
Ses oreilles plongèrent aussitôt contre son crâne. Désastre avait fait exactement ce qu'elle avait craint qu'il fasse.
- Mais je lui avais dis de rester.. Murmura-t-elle, la culpabilité se taillant un chemin en elle. Elle détourna le regard de son père.
- Calamité... Je veux savoir ce qui c'est passé, en détail...
- ...
- Il faut que tu m'expliques.

Elle voulait fuir.
Elle avait passé une année complète à fuir.
À prétendre.
À vivre paisiblement son quotidien. À rayer de son esprit les moments sombres.
Confronter la réalité, se montrer responsable de ses tords, avait été quelque chose qui lui venait si naturellement lorsqu'elle était jeune. Elle n'aurait jamais envisagé de mentir, à l'époque, encore moins pour se tirer d'affaire, encore moi envers son père.
Et pourtant, c'était là la première réaction qui lui semblait possible, la seule envisageable.

... Mais elle n'avait fait que fuir.
Et fuir ne l'avait mené nulle part, sinon, qu'ici, à sa case départ.
Fuir ne pouvait plus être envisageable.

Elle inspira, lentement. Détendant les traits de son visage. Elle était adulte, désormais. Et devrait agir comme tel. N'était-ce pas pourquoi Guns était parti.. ?

- Je pouvais pas rester, P'pa. Je ne voulais pas rester. Pas pour massacrer des innocents, sur un coup de-- de folie. Pas pour attaquer ceux que j'ai appris à connaître.. ou celle que j'aime--ais, aimais. On a tué les leurs, par vengeance. J'ai failli tué son compagnon par colère. La guerre.. me changeait, et je pouvais pas tolérer c'que ça me faisait devenir.

Son regard se remit sur le visage de son père et s'y planta, avec franchise, et la vulnérabilité qui venait avec.

- J'ai jamais voulu vous abandonner. Vous inquiétez. Que Astre se blesse. Mais je pouvais plus rester. Et, quand la Reine m'a donné une mission, et que tout s'est mis à exploser dans le combat.. J'ai fuis. Pour sauver mes gamins. Pour me sauver moi-même.

Le silence qui suivit lui sembla durer une éternité. Cela faisait des mois qu'il patientait, et maintenant que l'heure des révélations avait sonné, il avait l'impression d'être incapable d'attendre une seconde de plus. Il voulait en être libéré, une bonne fois pour toute, de cette maudite explication, ainsi que de tous les tourments à laquelle elle se rattachait.  Son regard métallique se riva sur sa fille, presque oppressant.

- Je pouvais pas rester, P'pa. Déclara t-elle finalement. Je ne voulais pas rester. Pas pour massacrer des innocents, sur un coup de-- de folie. Pas pour attaquer ceux que j'ai appris à connaître.. ou celle que j'aime--ais, aimais. On a tué les leurs, par vengeance. J'ai failli tué son compagnon par colère. La guerre.. me changeait, et je pouvais pas tolérer c'que ça me faisait devenir.

Blade la dévisagea sans d'avantage de colère que de compréhension. Lui qui pensait connaitre Calamité réalisait soudain le contraire : jamais il ne l'aurait soupçonné empreinte d'autant de sensibilité, et, trop axé sur sa chance de reconquérir la confiance de sa mère durant la guerre, était complètement passé à coté. Pas un seul instant il n'avait songé aux sentiments de sa fille, nullement préoccupé de savoir comment elle percevait cette guerre.

- J'ai jamais voulu vous abandonner. Vous inquiétez. Que Astre se blesse. Mais je pouvais plus rester. Et, quand la Reine m'a donné une mission, et que tout s'est mis à exploser dans le combat.. J'ai fuis. Pour sauver mes gamins. Pour me sauver moi-même.

Il resserra les crocs avec une animosité qui se dirigea directement sur Rapier, elle, qui sans même l'en informer, avait chargé d'une telle mission, d'un tel fardeau sa fille.

- Je sais que tu n'as pas voulu tout ça... Répondit t-il en relevant le regard sur elle. Rapier n'aurait jamais du te demander d'accomplir une telle mission, mais... Tu aurais au moins pu me donner de tes nouvelles. Il sentit ses muscles se crisper. As tu seulement idée de l’inquiétude que je me faisais à ton sujet ...? Crois-tu que je t'aurais reniée si tu étais revenue... ? Il la dardait de ses prunelles grises. Crois-tu que j'aurais fait ça ?

Blade serra les crocs, et les sourcils de sa fille eurent un frémissement. Allait-il se mettre en colère contre elle ? Lui dire qu'elle était stupide d'avoir écouté son coeur ? Allait-il la chasser de la meute ? Elle ne croyait pas qu'il fusse capable d'éprouver de la fureur à son égard, du moins, pas assez pour la condamner à l'exil. Pas après la joie qu'il avait dû ressentir en la revoyant. Toutefois.. Elle ne pouvait empêcher les doutes d'avoir emprise sur son esprit, surtout après s'être montrée si vulnérable. Pleine de sensibilité.. Enfin. D'une sensibilité qu'on avait toujours cherché à tuer, à la Jungle. Et peut-être que son père, malgré toutes ses qualités, ne pourrait passer outre la trahison des valeurs de la Royauté. Elle inspira, lentement, attendant à présent qu'il prenne la parole.. et laisse tomber son jugement.
- Je sais que tu n'as pas voulu tout ça...
Une pointe de compréhension. Il n'avait pas fini, le pire pouvait être à venir, mais, au moins, il comprenait cela.
- Rapier n'aurait jamais du te demander d'accomplir une telle mission, mais...(ses oreilles pivotèrent légèrement vers l'arrière; croyait-il qu'elle était partie sur ordre de la Reine ? .. c'était plutôt le contraire. Elle n'avait fait que profiter de l'occasion) Tu aurais au moins pu me donner de tes nouvelles.
La crispation vint à nouveau, et Calamité soutint son regard, bien qu'elle pouvait y lire toute la douleur que son abandon avait causé. Oui, elle aurait pu. Et ne l'avait pas fait. Parce que, sur le point d'exploser, elle n'avait pas pu réfléchir logiquement. Elle n'avait rien pu assumer, outre que sa fuite.
- As tu seulement idée de l’inquiétude que je me faisais à ton sujet ...? Crois-tu que je t'aurais reniée si tu étais revenue... ?
La jeune louve détourna brièvement le regard, un faible sourire aux lèvres.
- Toi, non.. Voulut-elle le rassurer. Mais la Reine, oui. Trahir, c'est mourir, ici.
Et, avec les si nombreuses exécutions, surtout celles précédents la guerre, il ne pouvait point dire le contraire. Elle ne désirait nullement perdre la vie.
- J'avais peur de revenir. D'avoir ta réaction et ta colère. Ou de trouver la meute encore en train de massacrer des innocents. Une fois partie.. je savais plus à quoi m'attendre, en revenant. Alors je suis restée là-bas..

- Toi, non.. Répondit t-elle d'une voix douce. Mais la Reine, oui. Trahir, c'est mourir, ici.

Il fronça les sourcils. Tout ceci lui paraissait incohérent... Si c'était Rapier qui l'avait sommée de partir, pourquoi aurait t-elle considéré le retour de son émissaire comme une trahison ?

- J'avais peur de revenir. D'avoir ta réaction et ta colère. Ou de trouver la meute encore en train de massacrer des innocents. Une fois partie.. je savais plus à quoi m'attendre, en revenant. Alors je suis restée là-bas..

- Je vois... Fit t-il en détournant le regard sur le coté. Cet afflux d'explications se confondait dans son esprit, mais il n'eut pas le temps de tirer tout cela au clair. Un cris le fit brusquement se retourner vers l'arrière, d’où émergeait un louveteau d'entre les buissons.

- MAMAAAAANNN!!  


Maman... ? Il fixa l'approche de la petite, ses yeux écarquillés de surprise comme s'il eut s'agit d'un fantôme. La nouvelle était d'autant plus inattendue et brutale qu'elle était vérifiable, car, marquée des couleurs de la famille royale, elle n'avait rien de commun avec un Blackblood que Cal' aurait pu capturer durant on périple. Ses yeux étaient blancs -aveugles ? - et elle possédait une longue chevelure noire qui lui descendait pratiquement jusqu'au épaules.

Son regard se détacha de la petite pour se porter vers sa fille, qu'il dévisagea avec incrédulité.

- Tu es mère... ?
Articula t-il lentement.

La mine de son paternel était plissée de partout. Il ne comprenait pas tout, et elle pouvait bien le voir. Sans entreprendre de tout lui expliquer, cela dit... Elle ignorait aussi que Gunthaer avait été plus rapide qu'elle à revenir à la jungle, et qu'il avait apaisé les craintes de Blade sur son sort et la "légitimité" de son départ. Assurément, entre ce que le violet lui avait conté et ce qui était réellement arrivé.. Il y avait bon nombre de divergences, et c'était justement cela qui taraudait actuellement son père. Son regard orangé s'abaissa momentanément sur le sol, comme elle songea à la façon dont ils allaient se dépêtrer de la situation ; mais elle le ramena sur son père, encore une fois franchement, car elle ne voulait point afficher de faiblesse. Voilà ce qu'elle était devenue, et ce que son père allait devoir réapprendre à aimer.

Cependant, avant que Blade ne pu lui poser une nouvelle question, un bruit de course effréné arrivait vers eux. Calamité tendit les oreilles et crispa ses muscles, bien qu'elle remarqua que ce bruit venait du chemin qu'elle avait elle-même emprunté et qu'il portait une effluve familière. Comme de fait, ce fut sa petite dernière qui trancha la végétation.. Visiblement paniquée.
- MAMAAAAANNN!!
- Plume !
La surprise fit rapidement place à l'inquiétude, et la jeune louve s'élança vers elle pour la freiner dans sa course. Dans ce milieu où l'air pullulait d'odeurs inconnus, elle préféra tendre la patte pour ramener sa petite contre elle pour tenter de la calmer.
- Tu es mère... ?
Blade avait lancé l'interrogation derrière elle mais, l'attention concentrée ailleurs, la femelle n'y prit pas garde.
- Où son Shin et Shû ? Demanda-t-elle, la voix tendue.

Elle fixait la végétation dense, tentant d'y discerner ses aînés, ou alors quelque chose qui eut fait peur à Plume. Peut-être n'était-ce qu'une blague des louvards.. Advenant que non, elle savait se défendre, et son père aussi. N'empêche, après Zéphyr.. Sans en prendre conscience, elle serra un peu plus la loupiotte contre elle, commençant même à s'inquiéter pour les deux Blackbloods. Peut-être n'avait-il pas été prudent de les laisser à l'arrière...

- C'EST ENCORE DANS MES CHEVEUX?!

S'écria la petite une fois que Calamité l'eut plaquée contre son corps. Il comprit vaguement ce qui l'avait effrayée en apercevant une araignée se glisser silencieusement derrière un arbre. Ses yeux se redirigèrent alors sur sa fille, dont il ressentit l'angoisse soudaine. Éludant sa question - dont la réponse était à présent plus qu'évidente - celle-ci demanda.

- Où son Shin et Shû ?

- Hen? Répondit la petite. Ils sont plus loin derrière.

- Ils ne voulaient plus me porter... Donc j'ai pris de l'avance.

Supposant qu'il devait s'agir des deux Blackbloods, Blade guetta les alentours du regard. La queue collée contre ses flancs, basse, il se mit finalement à parler.

- Pourquoi les as-tu laissés en arrière ? Demanda t-il à l'intention de sa fille. Est-ce qu'ils sauront retrouver leur chemin seuls ?

Sa jeune beugla une dernière fois quelque chose de plus ou moins compréhensible, et Calamité regarda sa chevelure pour vérifier. Mais, comme elle n'y vit rien, elle finit par lui ébouriffer la tête avant de la questionner sur ses frangins. Et puis, elle n'oublia pas de respirer entre temps, se calmant peu à peu.
- Hen? ... Ils sont plus loin derrière. Ils ne voulaient plus me porter... Donc j'ai pris de l'avance.
- Pff, je vois.
La mère roula des yeux, son inquiétude définitivement partie. La venue de Plume n'était donc dû qu'à une broutille entre la gamine et ses aînés. Pas de quoi s'alarmer, donc. Elle finit donc par se tourner vers Blade, réalisant - un peu après coup - qu'elle avait oublié sa question, et qu'il devait se sentir légèrement perdu dans tout cela. Le "surprise je suis maman". Ses oreilles s'agitèrent sur sa tête, comme elle regardait sa posture.
- Pourquoi les as-tu laissés en arrière ? Finit-il par questionner. Est-ce qu'ils sauront retrouver leur chemin seuls ?
- Pour te voir en premier, fit-elle en haussant des épaules, ajoutant toutefois un petit sourire.
Elle ajouta ensuite, tout aussi simplement :
- Ils se débrouilleront. Shû trouvera ma trace.
Ce n'était pas comme s'ils allaient s'enfuir, de toute façon. Ramenant son attention sur sa fille, elle la poussa du museau et, avec un rire (quelque peu forcé, mais bon, il fallait bien détendre l'atmosphère), elle la présenta à son père :
- Plume, v'là ton grand-père ! Il s'appelle Blade, et c'est un Roi.

- Pour te voir en premier, répondit Calamité. Ils se débrouilleront. Shû trouvera ma trace.

Blade fouetta l'air de la queue, peu convaincu.

- Plume, v'là ton grand-père !Lâcha t-elle soudain en repoussant la gamine vers lui. Il l'observa. Il s'appelle Blade, et c'est un Roi.

- Blade... Répéta Plume. En plongeant son regard dans les yeux pales de sa petite fille, Blade comprit que son image ne lui apparaissait pas. Elle était aveugle. Et lui, lui, presque aussi déconcerté que si il l'était soudainement devenu... L’appellation de grand père le troublait énormément, lui semblait inappropriée, bien qu'il se soit vite adapté à celle de Roi.
Et pourtant, Plume possédait un pelage qui interdisait toute négation quand à ses origines, et elle était la. Rien ne pouvait changer ça. Il s'approcha donc d'elle, pour venir effleurer son épaule du bout de la queue, pour qu'elle puisse sentir son odeur, au moins.

- Je suis le père de ta maman, expliqua t-il.

Plume était confuse quant à la présentation de son grand-père, et il fallut quelques instants à Calamité avant de comprendre la raison. Ah, oui ; elle ne lui avait jamais vraiment expliqué à quoi ressemblait une famille normale. Un père, une mère. Alors que pour l'adulte, Blade était tout naturellement le grand-père de sa fille, la loupiotte avait beaucoup plus de difficulté à faire ce lien. Tant pis, elle finirait bien par s'y faire.

La brunette tourna alors son regard vers son père, qui, bien qu'il eut reconnu le lien de sang, semblait toujours aussi choqué de la voir mère. Calamité lui offrit un sourire, l'air de dire "Et alors? Ça ne change rien", puis l'encouragea à aller voir la petite.
- Je suis le père de ta maman, lui expliqua-t-il en établissant un premier contact avec elle.
- Et c'est lui le chef de la meute, rajouta-t-elle. Et sa meute est beaucoup, beaucoup plus grosse que la notre. Tu vas adorer !

- Et c'est lui le chef de la meute, crut bon de préciser Calamité. Et sa meute est beaucoup, beaucoup plus grosse que la notre. Tu vas adorer !

Blade abaissa encore une fois son regard sur la petite, guettant une quelconque réaction de sa part, mais n'y trouva que de la perplexité. A l’intérieur de ses prunelles blanches ne se voyait aucune sorte d'indication concernant ce qu'elle pensait de lui, mais il s'en doutait... Un inconnu. Voila ce qu'il était pour elle, et ça n'avait rien d'anormal. Lui avait t-on seulement appris qu'elle avait un grand-père, ou bien ce qu'était une véritable meute ?

- Calamité !

Des fourrés s’écartèrent près d'eux, libérant une odeur toute aussi inconnue que la voix. Il redressa vivement sa nuque vers la grande louve ocre qui venait d'apparaitre. Sans doute l'un des louveteaux qu'avait enlevé sa fille, mais quel que soit la taille que celle-ci ait pu faire étant petite, elle avait bien grandit... Plus haute que lui, la louve le dominait de plusieurs centimètres, et il n'aimait pas ça. Ses yeux gris se plissèrent sur elle, alors qu'elle le fixait d'un air douteux. Il remua sa mémoire. ses traits lui étaient familiers... Oui. Il avait déjà vu cette louve quelque part.

Son père et sa fille firent connaissance, enfin, autant qu'ils le pouvaient considérant que tous deux semblaient bien peu à l'aise à la compagnie de l'autre. Mais Calamité ne s'en faisait point, car ils finiraient bien par s'entendre.. Quand son père se serait fait à son retour (et son état de mère), et quand Plume cesserait de bouder la jungle. Ils avaient chacun gardé le silence pendant quelques instants lorsqu'un être apparu à nouveau, sans grande discrétion compte tenu de sa rapidité. Au même moment où Shû l'appelait, Cal tourna la tête vers elle et l'accueillie d'une rapide inclinaison de la tête.. Puis d'un froncement de sourcils, lorsqu'elle réalisa que Shin n'était pas en compagnie de sa soeur. Une moue aux lèvres, elle se retourna vers son père, qui lui rendait un regard méfiant. Ah, oui.. Pour lui, cette race restait détritus, des ennemis. Elle roula des yeux, ayant passer outre son racisme depuis fort longtemps.
- P'pa, voilà Shû, l'une des Blackbloods, clama-t-elle avec un peu plus d'énergie. Et.. Shin, son frère, qui doit être derrière.
Elle gardait l'une de ses oreilles pivotées vers l'arrière mais son visage vers son père, attendant de lui une attitude ouverte, ou à tout le moins qu'il se remette de sa surprise et sa méfiance.