Temps caduques

Toujours aussi insouciante, Lonely profitait de son moment de repos pour gambader à travers le Vallon aux couleurs rougeoyantes de l’automne, activité venant se placer dans le top 10 des trucs qu’elle aimait faire, juste après « taquiner Kerran ». Pour ce genre de choses, elle pouvait être très forte.
 
Par exemple, la  jeune croisée avançait à ras du sol vers le jeune loup qu’elle avait repéré au loin, concentrant toutes son attention à progresser sans bruit à travers la végétation. Seule sa queue frétillait joyeusement en vue de la bonne blague qu’elle voulait faire, blague qui marchait d’ailleurs à tous les coups avec Kerran.
 
Son sourire espiègle s’effaça d’un coup, réalisant où était perché Arelan. S’amuser à le surprendre en l’état actuel des choses était une très mauvaise idée, d’autant qu’il semblait particulièrement tendu. Reprenant une marche normale, elle vint se poster tranquillement auprès du jeune.
 
-Quelque chose ne va pas Arelan ? Demanda-t-elle doucement.
 
Ses prunelles vairon se posèrent avec une légère inquiétude sur le mâle, craignant qu’un quelconque chagrin ne se soit emparé de lui.

-Ça. Ce n'est pas normal, lâcha-t-il, laconique avec un coup de museau vers le ravin avant de la regarder en levant un sourcil.
 
Etonné, Lonely regarda dans la direction indiqué, ne voyant que les arbres aux couleurs rougeoyantes. Après quelques secondes de réflexion, elle comprit, se rappelant de son premier automne et la peur que ce phénomène inconnu lui avait alors donnée.
 
-Ça fait toujours ça à l’automne, fit-elle rassurante. Apparemment c’est comme ça que les arbres hibernent : leurs feuilles changent toutes de couleur et elles tombent, pendant tout l’hiver les arbres sont comme mort et ils se réveil au printemps…
 
L’hibernation, terme étrange qu’elle pensait vraiment être l’explication. A l’époque, c’était un vieux loup l’ayant pris en pitié qui lui avait fait cette explication, cela l’avait terrorisé. S’étant cantonné à cette explication, elle n’avait jamais vraiment cherché plus loin.
 
-Tu saurais pas où est Kerran, par pur hasard ?
 
-Nan, l’est encore partit tout seul, fit-elle boudeuse. Il arrête pas ces temps-ci, il refuse toujours de me dire pourquoi. Il t’en aurait pas parlé à toi ?
 
Elle avait eu beau tenté de savoir, le roux avait toujours réussi à la semer lorsqu’elle avait essayé de le suivre. C’était seulement en fouillant au fond de la tanière et une de ses cachettes qu’elle avait trouvé un semblant de réponse. Mais cela n’était pas vraiment encouragent.

J'aurais aimé, dit-il en secouant la tête. Mais...
 
Elle baissa les oreilles, se posant de plus en plus de question sur l’attitude de Kerran, il faudrait vraiment qu’elle trouve le moyen de tirer ca au clair, qu’il le veuille ou non. Une vague peur de l’hérédité étreignit son cœur avant qu’elle ne se reprenne, cela était définitivement impossible. Une odeur familière lui fit tourner la tête.
 
-Bonjours vous deux. Qu'as-tu donc Arelan, tu sembles perturbé ? Tu n'es pas malade ou moins ?
 
-Oh, bonjour Whitefeather, salua-t-elle joyeusement.
 
-Pas le moins du monde, Whitefeather. Lonely, m'expliquait...quelques principes sur l'automne.
 
Le regard d’Arelan ne lui échappa, ni son sens, elle hocha la tête en approbation. A eux deux ils avaient plus de chance, et plus encore si White’ parvenait à les renseigné.
 
-Nous parlions aussi de Kerran et du fait qu'il se montre assez nébuleux ses derniers temps. Peut-être as-tu eu l'occasion de lui parler ?
 
La petite croisée ne put que répondre l’air dubitatif. Kerran, parler ? Peut-être, mais de lui-même peu de chance. Il avait beau dire, le portrait qu’il lui avait dressé de la défunte Nora était bien proche du sien. Restait à savoir jusqu’à quel point.

« Il s'avère que je ne l'ai pas croisé depuis un petit moment… Cependant, je suis moi-même assez furtive, compte tenu de mes chasses régulières. »
 
Lonely adorait le petit sourire rassurant dont la panthère avait le secret, ça faisait partie des choses inimitables de ce monde, un soupçon de magie dans la dure réalité.
 
« Vous vouliez lui dire quelque chose de précis ? Ou sa compagnie vous manque ? »
 
« C'est plus ou moins cela. »
 
-En fait Kerran semble inquiet depuis cet été et s’absente souvent pour faire on-ne-sait-quoi, il refuse de nous en parler, alors on se disait que… avec un peu de chance il en aurait parlé à quelqu’un d’autre… Fit-elle toute penaude.
 
Elle laissa apparaitre une moue boudeuse, qu’il se comporte ainsi l’exaspérait, et dire qu’il osait dire que sa mère était une tête de mule. Nora et Kerran n’étaient pas frères et sœur pour rien…
 
« Uh ? »
 
Elle tourna la tête juste à temps pour voir Arelan prêt à basculer dans le vide. Son poil se hérissa de peur à cette vue, son cerveau et son corps passèrent en pilote automatique.
 
« Wouaaaaaaaaaaaa !!! »
 
Bondissant tout à coup vers le plus jeune, Lonely attrapa la première partie de fourrure a portée de crocs, tirant immédiatement de toutes ses forces pour aider le mâle à se stabiliser afin qu’il ne tombe pas, chose particulièrement difficile vu la taille de l’adolescent.

Lonely avait beau tirer de toutes ses forces, Arelan était déjà bien plus grand et lourd qu’elle, la femelle se sentait désespérément entrainé avec le louvard. Une masse de fourrure claire rentra bien vite en action, leur permettant d’enfin s’éloigner du vide. Mais à quel prix ?

Elle poussa un bref jappement quand Arelan lui tomba dessus, ce n’est quand levant la tête qu’elle comprit. Son sang se figea quand White fut aspiré par le vide, le mâle fut le plus prompt, partant au quart de tour.

Approchant le bord en tremblant, elle ne put que constater la vérité tandis que les larmes lui montaient aux yeux. Un hurlement déchirant s’échappa de sa gorge, avant qu’elle ne s’aperçoive que son amie était en vie. Son cerveau se mit à fonctionner à plein régime.

-Lonely ? J'arrive pas à l'atteindre, t'as une idée toi ?

Ses yeux roulèrent dans leur orbite, cherchant désespérément une solution, laquelle arriva d’elle-même, bien que trop lentement pour la pauvre croisée. Du bord de la falaise, elle hocha la tête.

Il y a de jeunes arbres qui ont été déraciné dans le coin, ils devraient être assez long et solide pour que l’un de nous glisse doucement jusqu’à elle… mais il faudrait une personne de plus pour tenir l’autre extrémité… fit-elle au bord de la crise de nerf.

Rentrant enfin au vallon après une bonne journée de marche, Kerran avait au moins la consolation d’avoir trouvé assez de plantes pour soulager un bon moment ses articulations. Un hurlement désespéré s’éleva soudain, le faisant sursauter. Lonely. Quelque chose n’allait pas.

S’élançant à toute allure vers la source du cri, c’est à peine s’il sentait la douleur brulante de ses muscles tant l’inquiétude était grande. L’adrénaline monta en flèche à mesure qu’il approchait de la falaise.

Rapidement, trois silhouettes bien connues lui furent visible. Il comprit presque instinctivement, s’élançant sur le chemin menant à Arelan, grimpant plus qu’il ne courait. Les claquements de ses os et muscles annonçant déjà les conséquences d’une telle course.

-Lonely a une idée !

Sans même prendre le temps de répondre, le roux suivi l’adolescent, supportant la douleur lancinante de son train arrière qui semblait menacer de le lâcher. De toute façon, il n’aurait certainement pas réussi à articuler un seul mot de manière correcte.

-Je me suis penché au-dessus du vide et j'ai perdu l'équilibre. Lonely a tenté de me remonter mais seule l'intervention de White a permis de nous éviter une chute : elle nous a frappé mais elle est tombée. Elle est évanouie sur une corniche hors de portée. Lonely a une idée pour permettre à l'un d'entre nous de l'atteindre mais ça demande à ce qu'on soit deux en haut.

Ils arrivèrent enfin face à une Lonely complètement paniquée, Kerran devinait sans problème qu’ils étaient tous dans une situation où ils menaçaient de flancher d’une manière ou d’une autre.

-Les troncs ? Lonely fit signe du bout de la truffe, donnant la précieuse information au jeune qui fila aussitôt. Explique-lui ton plan !

-si…si vous tenez un tronc assez fin et résistant je…je devrais réussir à descendre auprès de Whitefeather… après… après… Elle trembla, prête à fondre en larme.

Le croisé appuya sa tête contre celle de la femelle pour la réconforter, lui faisant ensuite signe de le suivre. Ensemble, ils recueillir de manière rapide les plantes qui serait certainement utiles, retournant sur les lieux de l’accident quasi en même temps que l’adolescent.