Au nom du silence

Au Nom du Silence.

Début de l'Automne | An 6
RP libre | Max. 3 participants

Seule, elle l'était toujours. Et cet état n'en était que plus accentué par un manque à ses côté : le bruit, sa voix. Soupirant en silence pour l'énième fois de la journée, la jeune chienne regarda les alentours, confortablement lovée dans un coin de l'enclos, n'osant bouger que pour aller manger le minimum vital et dormir au chaud contre sa mère.
Des journées bien mornes en perspective donc. Et ce n'était  que le début d'une vie discrète et silencieuse, tout comme elle. Bien difficile d'aller vers les autres sans qu'aucun mot ne sorte de ses babines pour dire bonjour, au-revoir, ou même à quel point elle était heureuse d'avoir de la compagnie. Et bien sûr, les chiots de son âge, eux, préféraient passer leur chemin devant cette chienne bizarre qui ne pipait pas un mot en leur présence.

« Huf... »

Soupira-t-elle encore une fois. Posant sa tête sur ses pattes, elle regardait la pluie tomber, à l'abri. Elle était loin d'avoir encore maîtrisé son handicap, mais plus elle avançait, et plus elle semblait reculer, en elle-même, s'enfonçant dans sa solitude...
Si seulement quelqu'un se décidait à lui porter une attention...

Whisper leva les yeux devant l’aboiement du grand chien. Elle l'a déjà beaucoup croisé au camp, il veillait sur ses frères et sœurs, d'un œil attentif, mais discret en même temps. Son allure massive qui aurait du faire peur aux autres, ça ne la dérangeait pas plus que ça, ça la rassurait même.

La jeune chienne se releva, histoire d'être un peu plus présentable face à Boulder. Elle le regarda, droit dans les yeux. C'était d'ailleurs une des seuls façon qu'elle avait de saluer, en faisait doucement bouger sa queue qu'un côté puis d'un autre de ses flancs. Elle ouvrit aussi la gueule, mimant un jappement qui resterait silencieux.
Apparemment, il semblait interrogatif quand à son état, assez... pitoyable. Elle s'était isolée depuis plusieurs jours, et n'avait même pas fait attention à son pelage. Ses teintes étaient encore vive, héritage de son père Hunter, mais il semblait y avoir plus de boue que de poils par endroit.

« Huf... »

Soupira-t-elle encore une fois.
Mais que voulait donc le chien ? Venir parler à une muette, et surtout, réussit à la comprendre, c'était loin d'être amusant pour un chien normal. Alors pourquoi ?
Attentive à cette attention, la jeune chienne pencha la tête, interrogative à son tour quand à l'intention du grand chien.

« Fais quoi ? »

La petit chienne le regarda, pensive. Que faire alors qu'une la pluie tombait et qu'elle n'avait pas le droit (ou du moins, ne s'en donnait pas le droit) de sortir des enclos ? Et surtout, que faire alors que sa frimousse était éternellement silencieuse ? Mhhhh, dur dur...

La chienne se mit soudain à s'agiter, d'abord en sautant sur place et faisant claquer sa mâchoire en signe de contentement. Elle tenait toujours son regard planté sur le grand chien, espérant qu'il comprendrait vite, à sa manière d'agir, ce qui lui tenait particulièrement à cœur à ce moment là. Elle s'aplatit au sol d'un seul coup, son popotin rebondi s'agitant au dessus d'elle, et surtout, la queue touffue battant avec joie contre ses flancs. Son regard était interrogatif et excité à la fois, voulait-il participer à ce petit jeu avec elle ?

« ... »

Articula silencieusement sa gueule alors qu'elle claquait encore une fois des mâchoires, montrant son empressement, une étincelle de joie brillant de mille-feux dans ses yeux

« Rwof ! »

Aboya le gros chien, s'approchant d'elle tellement que ses poils vinrent titiller son petit museau, lui arrachant un éternuement soudain. Secouant sa tête pour s'en remettre plus rapidement, elle sautilla à droite, puis à gauche, puis encore à droite, telle un kangourou qui aurait mangé un ressort. Elle avait un peu le tournis à force, mais elle était tellement contente d'avoir un ami avec lequel jouer qu'elle serait capable de tenir encore de longues heures.
La jeune chienne, obnubilée par les oreilles tombantes du chien maintenant si proche, se dit qu'il serait plutôt intéressant pour elle de jouer avec. S'applatissant une nouvelle fois au sol, elle tortilla son petit derrière avant de prendre son envol. Elle sauta en avant, claquant des mâchoires et espérant pouvoir les mordiller un peu. Oui, tellement tombantes, avec ces poils, ça serait tellement drôle de jouer avec !

Alors qu'elle mordillait joyeusement la grande oreille tombante de son ainé, il se décida soudain à se débarrasser de son nouveau petit parasite, en se levant d'abord, puis, en secouant sa tête, tout en grondant régulièrement pour montrer sa détermination, et aussi sûrement pour montrer que la petite chienne n'était pas la bienvenue en tant que nouvelle boucle d'oreille. Suspendue quelques instants dans les airs, maintenant la pression de sa frêle mâchoire sur l’appendice auditif du chien, elle finit par lâcher sa prise et retomber lourdement sur le sol, se retrouvant les quatre pattes en l'air dans un petit jappement étouffé par son mutisme.

« ...IIiiiiii ! »

Ne se décidant pas tout de suite à se relever, Whisper regarda l'immense chien piétiner pour retrouver son équilibre. Elle l'avait souvent vu jouer avec ses frères et sœurs, et même avec ses "cousins". Il était à la fois distant, mais toujours là quand il fallait, et la chienne appréciait du coup d'autant plus sa présence à ses côtés.
Ses yeux pétillèrent à nouveau. Elle était si heureuse à ce moment là. Elle en avait même oublié la pluie qui humidifiait le sol boueux et leurs pelages. D'ailleurs, en se relevant, elle ne se préoccupa même pas que son joli poil rouge fut tâché de terre. Elle voulait juste que cette rencontre et ce partage dure une éternité...

Le sol boueux joua aussi un mauvais tour au grand chien, qui, perdant l'équilibre et ses appuis pourtant solides, glissa et se retrouva à terre, son museau à quelques pattes à peine de la petite chienne, qui ne put s'empêcher de remuer la queue et esquisser un immense sourire à l'encontre de Boulder.
La chienne était contente d'avoir retrouvé la joie qui faisait sa signature. Et elle savait désormais que la pluie n'y était pour rien. Elle s'était juste laissée aller dans son mutisme, et même sans une discussion acharné que pouvait avoir ses frères et sœurs, elle pouvait elle aussi s'amuser et se faire comprendre par les autres. Et elle tenait à remercier Boulder pour lui avoir révélé cela.

« Aaaawwwww... »

Piailla-t-elle en posant une patte sur le museau du grand chien. Elle pencha alors la tête, les yeux pétillants de bonheur, plongeant son doux regard droit dans celui de Boulder. Reconnaissante du temps qu'il avait donné pour elle. Et sans un mot encore une fois, elle cligna des yeux et partit, non sans donner un affectueux coup de museau à Boulder.

[ FIN ]