Cactus

* Miss Oasis *

Elle l'avait laissé entrer en premier, prenant une certaine distance, le laissant faire, mais sachant qu'il ne comptait certainement pas les réveiller - elle le connaissait après tout - SunShine ne pouvait s'empêcher de resonger à la discussion qu'elle avait eu avec Chrysanthos, il y a quelques nuits, et déjà, sa bouche devenait pâteuse à devoir leur expliquer qu'il ne reverraient plus leur père, que c'était terminé, et que elle même, n'avait rien pu faire. La louve secoua la tête, les yeux gorgés de larmes pour une nouvelle fois avant de reporter ses iris sur la scène, scène qu'elle verrait pour la dernière fois, tous réunis dans leur tanière.

- J'ai chassé un cerf avec Ciaran, aujourd'hui.

- Ah oui?...

Fit simplement Sun, tentant de plus belle de retrouver son air habituel.

Mammifère

- Ah oui?...
- Ouais... y'était grand et gros. Et fort. Et il a balancé Cer dans la rivière. J'étais furieux, j'voulais lui régler son compte. On l'a chassé à deux. Elle a été capable de lui faire perdre l'équilibre juste en le poussant.
Il pouffa, tout bas.
- J'avais peur qu'il se relève alors je l'ai étranglé. C'était pas la plus belle chasse, mais c'était la seule chasse que j'ai fait avec elle.
Chess referma ses paupières, se relevant, se défaisant du nid familial, comme s'il n'avait jamais été, se reculant de quelques pas. Il replia ses pattes contre son poitrail, l'entourant, s'étreignant en serrant ses côtes de ses griffes, signe de son impuissance. Il hoqueta. Chrono battit l'air de sa patte sans perdre son air béat.
- J'peux pas en faire plus...! Chess maugréa, se reculant, faisant volte-face, enfouissant sa tête dans le poitrail de la louve.

* Miss Oasis *

- Ouais... y'était grand et gros. Et fort. Et il a balancé Cer dans la rivière. J'étais furieux, j'voulais lui régler son compte. On l'a chassé à deux. Elle a été capable de lui faire perdre l'équilibre juste en le poussant.

SunShine leva un mince sourire, bien que l'idée de voir sa fille chargée par un cerf ne l'amusait que peu, seulement à les imaginer chasser ensembles, Ran qui était elle même, à première vue, passionnée que de plantes.

- J'avais peur qu'il se relève alors je l'ai étranglé. C'était pas la plus belle chasse, mais c'était la seule chasse que j'ai fait avec elle.

Toujours assoupis, Ciaran s'était inconsciemment blottit contre la fourrure qui venait de s'ajouter à leur étreinte, et lorsque Chess se défit de cette dernière, la louvarde ne fit qu'enfouir de nouveau sa tête contre Chrono. SunShine de son côté, les avait observé, voguant dans ses songes, un peu soulagée. Lorsque Chess se colla à elle, la louve glissa une patte dans les mèches du mâle, lui témoignant son support fermant ses yeux.

- J'peux pas en faire plus...!

Mammifère

Une dernière étreinte, chaude, dans laquelle il ressentait tout leur vécu, tout leur bagage. Incapable d'étouffer ses sanglots bruyants, même en enfonçant son front dans la fourrure de la femelle, il laissa libre court à son émotion. Il n'avait plus le droit de s'autoriser à la refouler, cette fois. Alors au lieu de se borner à ignorer ce qu'il pensait, il clôt les yeux, sur un souffle court, titubant vers ses plus anciens souvenirs.

D'abord, il se rappelait d'Alleon lorsqu'elle était encore plus courte sur pattes que lui. Il se rappelait de ses grands yeux qui la regardait, comme s'il était venu d'ailleurs, un Ailleurs même encore plus loin que le désert. L'image du Lotus, ce symbole qui les avait lié lui vint à l'esprit, lui rappelant dans la coudée Honeydust, Slater ultimement Greyback. Ce-dernier lui resta au travers de la gorge: en se rappelant la scène, il lui sembla que la plaie cicatrisée dans son dos se mit à chauffer, que son poil se hérissa, que l'impact contre la pierre cisaillée lui était encore frais et que le glapissement qui s'était extirpé de sa gueule se réverbéra encore dans ses oreilles. ... Lui vint le sentiment d'être nauséeux, faible, le désir de vouloir faire pousser ses griffes pour compenser à sa stature ridicule lui vint à l'esprit, lui qui avait des pattes larges de loup arctique, Puis, les souvenirs déferlèrent lorsqu'il se souvint de son désir de mourir aux mains de quelqu'un d'autre. Il se vit furtivement arpenter différentes terres en cherchant à s'attirer le courroux de quiconque il croisait sur son chemin, dans l'espoir que ce-dernier l'aurait tué. Lui qui était si faible n'avait pu espérer mieux. Pourtant personne n'osa jamais. Peut-être était-ce pour cela qu'il était revenu à Inaria. Il savait que Greyback ne se serait pas privé. Il savait qu'il n'aurait pas hésité à en finir. Mais à son retour, Greyback n'était plus.

Chess ne pouvait pas réparer ce pan de sa vie. Il ne pouvait pas lui avouer ce qu'il ressentait pour lui. Il ne pouvait pas accepter qu'il l'idolâtrait comme une figure paternelle. Et en repensant à cette figure, une image coïncida avec celle de l'alpha à la fourrure grise. Son miroir - celui de Chess - à la chevelure cramoisie, aux yeux bleus et à la fourrure crème se glissa dans ses souvenirs, avec ses rires, ses mots dans une langue qu'il ne connaissait pas et ses pleurs. Il revoyait ce vieux loup pleurer, un sourire aux lèvres, sifflant sur une voix brisée des formules de réconfort. Il le revoyait faire des pitreries. Un nouvel éclair d'images le foudroya: Chess vit sa propre image en train de faire des pitreries se superposer à celles de Kaisberg. Il se voyait égayer le moral de ses amis avec son cynisme à double-tranchant dont il était le seul à comprendre.

L'image de Kaisberg se mit à caracoler dans un mélange de couleurs et de lumières, et elle sembla se fondre et s'effiler dans la forme d'un loup aux longues pattes, à la longue chevelure cramoisie et aux yeux bleus acier. Elle tourna sa tête, son corps irradiant de chaleur. C'était Sun. Elle avançait, lentement, rôdant dans le kaléidoscope de souvenirs qu'il ne pouvait cesser de voir, lui tendant la patte, l'épaulant, lui témoignant sa présence. Si parfois, ses souvenirs s'embrumaient de larmes, l'ange lumineux qui le suivait semblait toujours net. Ainsi, cette image de Sun clopina vers une section où il voyait leur traversée du Désert, elle enjamba quelques souvenirs de leur nouvelle vie à l'Oasis, elle côtoya la compagne dans ses souvenirs qui reposait avec leur enfants lorsqu'ils n'étaient que louveteaux, et elle se coucha à ses côtés, symbolisant leur vie en commun. L'image éphémère d'une louve à la fourrure miel effleura celle de Sun avant de se désagréger en poussière de lumière. De cette poussière, Chess vit successivement les essences de Vixen, Whitewind, Greyback, Elli, Icicle et celles Frostbite s'y former; il vit les reflets de ses propres enfants, ceux de son genre d'oncle JD, en se voyant avec lui au sommet de l'arche de roc, regarder les étoiles sans mot dire. Une sorte de vent sembla balayer ses songes et il se vit emmitouflé avec ses propres enfants. L'image s'affadit. C'était un souvenir récent d'à peine quelques minutes.

Il avait l'impression de toujours penser aux mêmes histoires. Il avait l'impression qu'il n'avait jamais rien à dire de spécial. Qu'il s'évertuait sur le même chemin de vie tandis que d'autres de son âge, dans la fleur de leur jeunesse, exporaient les différents chemins qui s'offraient à eux. Il se sentait faible en se comparant à leurs idéaux. Que les siens n'avaient jamais été vraiment formés. Que son avis ne comptait pas, puisqu'il s'agissait de " son " avis, et qu'il n'était profesionnel - et érudit - que dans sa profession, c'est à dire l'herborisme et l'anatomie. Il ne tremblait plus.

Cette impression de faiblesse disparuent. Ces souvenirs, c'était sa vie. Ce qu'il était. Ce qui l'avait forgé. Et malgré ses innombrables échecs, il ne ressentait pas d'amertume. Il ne ressentait pas de colère. Il ne sentait pas de dégoût. Il acceptait son tracé. Il n'avait pas à avoir honte de qui il était. Certes il n'avait plus de loup que son espèce, et son ossature ( quoique les excroissances dans ses antérieurs auraient pu lever bien des soupçons chez les archéologues quelques milliers d'années plus tard ) il se sentait enfin capable d'assumer ses choix. De s'assumer lui-même. D'être en osmose avec qui il était, et de cesser de refouler sa propre essence.

J'ai tout surmonté
La tête baissée

C'est pourquoi il se détacha de Sunshine, rouvrant ses paupières, lui offrant un dernier regard. Ses yeux rougis par les précédentes larmes semblaient toujours vibrants de vie. Ses iris étaient clairs et il y reflétait une sorte de résolution. Sa bouche s'ouvrit sur une langue pâteuse, sur un souffle silencieux, sur des paroles muettes, murmurées. Il clôt les yeux, poussant un soupir, tournant trois fois sa langue en redressant ses oreilles - ces cornes frisottées sur sa tête -, et parut se reprendre en main:
- O.k., finissons-en. il parvint à lui dire, donnant un petit coup de jointure dans l'épaule de la femelle, à laquelle il était toujours agrippé. Lentement, il ramena ses pattes vers lui et se détacha d'elle, s'arrachant de sa chaleur pour regagner le froid saisonnier de cette nuit d'hiver qui parvenait à s'immiscer dans leur grotte/terrier/infrasctructure décadente ( et rupestre! ) familiale.

Et si j'redescend la côte
ce sera

La tête haute.

Il tourna sa tête, le menton levé, le regard poignant se saisissant de celui de Sunshine. La lune découpait ses traits.
- ...
Il se radoucit. Il détourna la tête, levant un sourire indicible avant de recentrer son attention sur la femelle. Il demeura immobile.
- ...Si tu veux te lâcher, c'est maintenant, Liakàda.

* Miss Oasis *

Chess se pressa contre elle, perdit son visage dans la fourrure de son poitrail. SunShine serra les dents, esquissa une grimace, continuant de lisser les mèches de son compagnon, comme pour le convaincre que tout irait bien... comme pour se convaincre que tout irait bien, un vain espoir de se consoler alors que leur chemin commun touchait à sa fin. À cette idée, la louve fut prise d'un soubresaut qui fit trembler chacun de ses os, alors que bientôt la gorge nouée et sanglotant, elle vint cacher son visage contre le mâle, pinçant avec ce qui lui restait de douceur la peau et la fourrure du petit loup polaire, le mordillant, comme pour se tempérer. En réalité, SunShine ne savait comment réagir, que faire, simplement perdue sur le coup de l'émotion, dont laquelle, elle n'avait pratiquement jamais fait face.

Sun' ferma les yeux, renonçant à retenir ses larmes de nouveau, cherchant simplement à se fondre dans la fourrure de Chess, cherchant à terre ses propres tremblements, à oublier qu'il s'agissait bien de leur dernière étreinte, qu'elle devrait poursuivre sans lui dorénavant, se résigner au fait que Chess en avait finit, et que rien qu'elle ne pourrait dire ou faire ne pourrait y changer quoi que ce soit. De ressasser tout ce qu'ils avaient vécu ensemble lui serra le cœur, et se dire que c'était terminé d'autant plus. La louve crispa sa patte sur le dos du guérisseur alors que ses yeux s'embuèrent de plus belle.

Qui aurait cru qu'une rencontre si banale entre un louveteau et un pauvre oméga venu d'ailleurs aurait pu les mener là, à devenir un couple soudé, déchiré, mais comblé de trois rejetons intelligent et en santé. La messagère tenta tant bien que mal de se souvenir de leur première rencontre, qui se voyait maintenant plus que floue dans sa mémoire, n'était-elle pas qu'un pauvre louveteau à cette époque? Tout ce qui l'avait marqué, c'était que ce loup étrange lui avait dis qu'elle ressemblait à une fleur, qu'elle lui avait offert une fleur de nénuphar, et avant tout, il lui était littéralement tombé dessus.

Puis, vint lorsqu'elle l'avait revu, lors de sa première hiver, bataillant avec ce qui lui servait de pattes, de ses muscles défaillant et de l'aide qu'il lui avait procuré. À la promesse qui lui avait fait faire...

Et lorsque le sabre avait pénétré dans Inaria, qu'il l'avait blessée, si Keith avait été le premier à se jeter dans la mêlée, Chess les avaient rapidement rejoint, s'était même occupé de ses plaies par la suite. SunShine serra les dents, elle détestait cette partie de l'histoire, elle qui s'évertuait à clamer qu'elle n'avait pas besoin de protection, tout ses dires étaient tombés à plat suite à cette triste rencontre, rencontre qui l'avait marquée à vie, et que la messagère n'aurait aucun choix de porter encore et encore. Du moins, SunShine se consolait à penser que la suite des évènements les avaient rapprochés, et peut-être était-ce de là que tout était né? Que sans ces cicatrices qui cisaillaient son dos, ils ne seraient peut-être plus là où ils sont aujourd'hui? Plusieurs se posaient la question à savoir comment ils avaient finit ensembles après tout. C'était grâce à Brook entre autre, cette fouine qui se mêlait des histoire des autres. Elle lui en devait une à bien y repenser...

SunShine radoucit sa poigne, relâcha ses mâchoires, tentant de s'y faire, s'y résigner au mieux. Elle ne pouvait pas le laisser souffrir plus longtemps encore. Elle n'en avait pas le droit. Et d'en faire une scène, n'avait rien pour aider son pauvre compagnon, cependant, le prendre légèrement était tout bonnement impossible. C'était de Chess, son Chess dont on parlait. Celui qu'elle avait appris à aimer, celui qui avait voulu d'elle, ils avaient même bâtit leur propre famille, leur chez-eux tout comme ils avaient trouvé leur place parmi les habitant de l'oasis, tout ce qu'ils n'avaient jamais eu à Inaria.

Au fond. SunShine se sentait coupable de craquer ainsi, maintenant. N'était-il pas celui qui était sur le point de passer la marche? Pourquoi s'apitoyait-elle ainsi? Al' pouvait vivre, elle. Mais de le voir ainsi, si mal en point, si faible, lui brisait le cœur, tout comme l'idée de le perdre. Elle fut secouée de nouveau sanglots. Puis, lorgnant subtilement vers son ventre, la femelle ne pu que se dire qu'elle aurait à s'en remettre rapidement, si elle le pourrait était une autre histoire.

- O.k., finissons-en.

Sun' se sentit nauséeuse lorsque secrètement, elle espéré pouvoir en finir aussi rapidement que lui, de son côté, ça n'était que le commencement. Il s'arracha à elle, et aussitôt, SunShine se mit à trembler, comme si l'idée de perdre contacte avec Chess la paniquait. Un peu comme s'il se volatiliserait aussitôt. SunShine détourna la tête, honteuse malgré tout, serrant les crocs alors que les larmes continuèrent de couler.

- ...Si tu veux te lâcher, c'est maintenant, Liakàda.

- J'sais pas...

Fit d'abord la louve, sans trop réfléchir, puis ouvrant de nouveau ses paupières. Si Chess avait semblé s'être résigné, et que ses yeux semblaient pétiller de nouveau, les siens étaient au contraire ternis, dénudés de leur flamme habituelle. Si lui relevait la tête, elle abaissait la sienne. Puis se ressaisissant, les yeux sur le sol.

- J'voudrais te remercier en fait... Timidement, Al' releva les yeux. Te remercier pour tout ce qu'on a vécu. Tout ce qu'on a fais comme conneries. Pour m'avoir, sauvé?

Elle pouffa faiblement en tentant d'essuyer ses joues.

- J'sais pas ce que je serais devenue sinon. Si je serais devenue quelque chose, aussi. De nouveau, SunShine cilla vers le sol, pour glisser de plus belle ses iris aciers sur Chess.

- Et que j'ai jamais été aussi heureuse qu'avec toi! Elle fut secouée de sanglots alors qu'elle se ressaisit. Et... Que tu va me manquer... Et que Σ 'αγαπώ...

Conclut-elle sur un demi sourire, à l'aspect franc, fallait-il croire que c'était bien ce qu'elle retenait de mieux en éloigné. Mais cet air se terni de nouveau. Elle lui aurait tout dit, elle ne lui aurait rien dis. Mais l'idée d'avoir des regrets plus tard la rongeait.

- J'sais pas si je le réalise vraiment...

Continua la messagère, sur un sourire faux, alors que les commissures de ses lèvres tremblèrent comme jamais.. Ce sourire se crispa.

- J'suis pas aussi forte que je le voudrais...

D'autant plus qu'elle aurait à expliquer, tout ça à ses enfants... SunShine songea à Chrysanthos, l'air si préoccupé, si adulte qu'il avait pris lorsqu'ils avaient passés une nuit à "parler" sous les étoiles... Et elle n'avait rien pu faire. Puis lassement, elle porta sans réellement s'en rendre compte, une patte à son ventre, comme pour calmer les spasmes que sa précédente panique avait semblé causer. Lui rappelant brièvement dans ce qu'elle s'était mis les pattes. Entre ses nuits déjà agitée par d'étranges visiteurs, ses trois petits qui auront certainement besoin d'appuis eux aussi, ainsi que sa portée toujours à venir, qui seront les derniers vestiges de son compagnon, mais aussi une source d'inquiétude, et de beaucoup d'attention. Au risque de devoir négliger ses protègés dont elle tenait tant.

SunShine aurait voulu se jeter de nouveau contre lui, cependant, elle se retint, se fit violence pour garder la distance que Chess avait créé entre eux, ça avait suffit à la tenir droite - ou à peu près - les crocs serrés, cachant ses yeux sous un rideau de cheveux, n'ayant pas abandonné l'idée de camoufler son moment de faiblesse.

Mammifère

- J'sais pas... J'voudrais te remercier en fait...
Chess sentit sa gorge se nouer. Timidement, Sunshine leva ses yeux, détachant son regard du sol où elle se consolait plutôt.
- Te remercier pour tout ce qu'on a vécu. Tout ce qu'on a fait comme conneries. Pour m'avoir, sauvé?
- ... Sun... celle-ci de pouffer, une patte sur les yeux, cherchant à essuyer les larmes qui s'y étaient agglutinées. Chess abaissa ses oreilles - et sa tête -, cherchant à garder un sourire qui, malgré lui, s'affaissait.
- J'sais pas ce que je serais devenue sinon. Si je serais devenue quelque chose, aussi. elle fuit le regard, puis, s'agrippa au sien.
- Et que j'ai jamais été aussi heureuse qu'avec toi! Et... Que tu va me manquer... Et que Σ 'αγαπώ...
L'élan de sa passion fit déglutir le mâle qui ne la quittait pas des yeux, sur un sourire impuissant. Ses lèvres se mirent à trembloter: il dut se les pincer avec ses crocs afin d'arrêter le mouvement.
- En fait dans une phrase c'est "σ' αγαπώ"... mais euh... ouais...
- J'sais pas si je le réalise vraiment... ce fut à Chess d'incliner la tête vers le bas, cette fois. Lui non plus ne semblait pas le réaliser. Il savait que son idée était précipitée. Il savait qu'elle n'était pas réfléchie. Mais le sentiment de pouvoir tout arrêter ce qui le dévorait de l'intérieur s'était induit dans son esprit depuis plusieurs lunes déjà. C'était devenu une idée, une réalité à laquelle il pensait sans culpabilité. Il lui en avait même déjà parlé.

- J'suis pas aussi forte que je le voudrais...
- T'es super forte.
Ches fronça les sourcils, redressant sa tête.
- T-t-'es capable de survivre à un coup de patte d'un tigre aux dents de sabre, t'es capable d'avaler des expectorant sans t’étouffer dans ton excédent de mucus, t'es capable de pourchasser un lac qui s'enfuit même si c'est vain, et t'as été capable de convaincre l'imbécile le plus têtu de la terre, plus petit spécimen masculin au monde, qu'il avait de la valeur.
Il secoua sa tête, retroussant le museau.
- Ma vie avait aucun sens avant de te connaître.
Il serra les crocs, recherchant de nouveau son calme.
- Donnes-en un à ma mort, aussi.
Il releva la tête, sur un sourire fade, aux yeux creusés par les cernes de la fatigue. Il redressa ses deux cornes faiblement.
- T'es une lionne, Sun. Vis, hein ?
En détournant la tête, il détourna sa vision de la tanière familiale, de ses enfants, de sa compagne. Il leva une patte, replia ses doigts et s'éloigna, déjà. Il ne pouvait s'empêcher de rire, tout bas. Un rire qui se réverbéra dans la tanière. Non pas un rire hystérique comme il avait l'habitude de faire en signe de dérision, simplement un rire heureux, soulagé, rasséréné.

"Vis", il répéta en lui-même.

En sortant de la tanière, le vent glacial de l'extérieur lui arracha un hoquet de surprise, dont il se remit d'une grimace amusée. Un dernier regard vers l'arrière, un grand sourire, et il s'en fut, partant au trot, endolorissant son esprit et ses possibles regrets derrière la douleur qui l'écrasait. Une douleur omniprésente qui se glissait dans tous ses moments, qui veillait lorsqu'il veillait, qui l'interrompait dans ses discours, qui l'étouffait dans ses rires. Cette vieille douleur qui l'empêchait de manger ce qu'il voulait sans le forcer à vomir ses tripes: assez. Chess tourna sa tête, voyant déjà le ciel se teinter de pourpre. Enfin l'aube. Un dernier repas l'attendait. Un succulent morceau de cerf, un qu'il pourrait enfin goûter.

Heureusement pour ce cactus, les violentes intempéries du désert ne lui faisait pas peur. Il était habitué à se faire malmener par d'hostiles canicules et par un manque d'eau, de surcroît. Oh, tout horticulteur aurait pu se pencher sur son problème en le traitant aux petits oignions. L'arroser régulièrement en espérant qu'il pousse à des proportions déraisonnables: sachez cependant qu'un cactus est habitué à la négligence, et qu'un confort omniprésent lui empêchera toujours de fleurir.

C'est la bonne saison.
Il est temps pour ce vieux cactus ridé de fleurir enfin.

Ou... de fleu RIRE ?

Ha ha hyah!

Ha ha hyah hyah hyah hyah!
CHYAH HYAH HYAH HYAH HYAH!!
HYAH HYAH HYAH HYAAAAH HYAAAH HYAAAAH HYAAAHH....

* Miss Oasis *

- En fait dans une phrase c'est "σ' αγαπώ"... mais euh... ouais...
- Oh...

Fit-elle simplement, sans plus. Il n'y avait pas d'intérêt, ses yeux s'étaient bientôt de nouveau coulés sur le sol, comme si les mots lui manquaient.

- J'suis pas aussi forte que je le voudrais...
- T'es super forte.

Ses sourcils s'arquèrent, un peu surprise par une réplique aussi rapide. SunShine posa donc son regard embué de larme dans celui de Chess, lui offrant toute son attention.

- T-t-'es capable de survivre à un coup de patte d'un tigre aux dents de sabre, t'es capable d'avaler des expectorant sans t’étouffer dans ton excédent de mucus, t'es capable de pourchasser un lac qui s'enfuit même si c'est vain, et t'as été capable de convaincre l'imbécile le plus têtu de la terre, plus petit spécimen masculin au monde, qu'il avait de la valeur. Ma vie avait aucun sens avant de te connaître.

Elle tenta de lever un timide sourire. Touchée par ses paroles. Et de savoir ainsi, s'il s'agissait bien de la vérité, qu'elle avait pu l'aider autant qu'il l'avait fait pour elle, eu bon de lui arracher quelques nouvelles larmes, non par tristesse cette fois, mais de joie, de soulagement. Combien de fois s'était t-elle inquiétée à ce sujet? Craignant d'être un boulet, ou bien d'être seulement le second choix? Mais bien sur, cela resterait des questions que la louve n'avais jamais osé pauser, et ne poserait jamais. Mais maintenant il s'agissait d'un poids en moins. De nouveau elle tenta de chasser ses larmes, un peu comme si elles lui brulaient les joues.

- Donnes-en un à ma mort, aussi.

La gorge serrée, SunShine s'était contentée d'hocher doucement la tête alors qu'elle fut bientôt secouée de nouveaux sanglots, incapable d'ajouter quoi que ce soit. Et dire qu'il s'agissait surement là, de leur dernier échange? Que bientôt, il ne serait réellement plus là, et que de son côté, elle serait laissée à elle même?

- T'es une lionne, Sun. Vis, hein ?
- Ouais... la messagère s'efforça de tirer un sourire, comme pour le convaincre, et se convaincre que tout irait bien. J'ai pas vraiment le choix. J'tien mes promesses, hein.

Répondit-elle d'une voix qui se voulait douce. Et bientôt, il tourna les talons. C'était l'heure. SunShine serra aussitôt les crocs, anticipant déjà, qu'il s'agissait réellement de leur fin. Les larmes se mirent à couler à flot, alors que ses lèvres tremblèrent sans qu'elle ne puisse donner son avis.

- Je t'aime Chess. ♥

Finit-elle par dire, alors que le guérisseur était sur le pas de partir.

- Et j'te promet que je t'aimerais encore...

Conclu SunShine, pour elle même, fermant les yeux, puis après un bref instant, elle n'avait pu résister à l'envie de sortir, bravant la fraicheur de l'extérieur pour le voir partir, jusqu'à bientôt disparaitre. Il ne lui fallut guère longtemps avant de se laisser tomber au sol, fondant en larmes.

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Mammifère

Cheshire " Chess " Second
(2011/01/09 — 2013/05/08)

» Aventure nocturne sous le signe du cactus