À l'heure des adieux...

Début Printemps An 5 ~Le coeur de l'oasis~
Refonte et officialisation du Fake P À l'heure du départ...


Déjà le printemps. Déjà un an, ou presque, de sa vie s'était écoulée et alors que l'âge adulte commençait doucement à se profiler à l'horizon, Salama sentait déjà le poids de probablement plus d'expérience que beaucoup de jeunes de son âge.
Si elle devait faire un point sur ses onze, presque douze mois écoulés sur cette terre, il lui fallait reconnaître que son entrée dans la vie avait été plus que tumultueux, et ce sans discontinuer jusqu'à aujourd'hui.
Pourtant, elle, son esprit, avait survécu à toutes les épreuves qui avaient ravagé son existence, et même celle de sa meute. Elle avait toujours fini par accepter et reprendre son chemin, laissant sur le chemin derrière elle des êtres plus ou moins aimés ou dans lesquels elle avait fondé plus ou moins d'espoirs.
Mais ça... ÇA... Devait-elle dire qu'elle avait été prise par surprise ? Sans doute était-ce faux, puisque tout le monde l'avait senti, insidieusement, arriver. Pourtant le choc avait, et demeurait, grand et un peu... "irréalisable". Elle s'était probablement leurrée, illusionnée d'elle-même pour oublier, pour ne pas penser que la fatalité rattraperait bien vite un énième individu qu'elle portait de son coeur.
Sans compter le retour, relativement inattendu, de son père venu apporter la nouvelle de leur découverte, leur "succès". Retour qui l'avait également atteinte, affolée peut-être un peu, craignant sans doute qu'il ne soit revenu la chercher et l'arracher à tout ce qu'elle connaissait, à tout ceux qu'elle connaissait.
Il n'en était rien, mais son esprit était désormais chamboulé par tous les côtés, et alors que le printemps et les naissances approchantes laissaient deviner son départ prochain, elle réalisait qu'elle n'avait plus eu de nouvelles de ses amis depuis pratiquement l'annonce de...

Clignant des yeux, Salama rencontra le reflet de ses yeux jaune pâle dans l'eau calme de l'oasis. Depuis combien de temps rêvassait-elle ? Elle jeta un regard vers le ciel. Fin d'après-midi, le soleil perçant au travers des feuillages rougeâtres lui fit plisser les yeux et elle baissa la tête pour inspecter ses alentours, ne repérant aucun signe de vie.
Sa réalisation de plus tôt, combinée à la crainte de ne pas avoir le temps de dire au-revoir alors que le départ de ses semblables approchaient et que Chrono et Ciaran semblaient avoir disparu de sa vie depuis quelques semaines, la rendit déterminée à se reprendre en pattes et à renouer le lien avec ses amis, avant qu'il ne soit trop tard pour le faire.
Remontée par ses propres encouragements, elle se mit à la recherche de fourrures crème...

S'ils s'en étaient doutés, s'ils avaient été élevés de sorte à lui devenir vite indépendant, la perte de leur père avait été un choc si brusque que chacun s'était muré dans un silence intérieur, cherchant, fouillant, se débattant à la recherche de réponses à leurs questions. Pourquoi si vite ? Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui s'était passé ? Que vivait leur père ? Que lui était-il passé par la tête ? À peine une semaine plus tard, ils avaient vu la dépouille et l'avait enterrée. Ses oreilles normalement droites et hautes, comme deux satellites attentifs demeurait sans arrêt plaquées, et son sourire enthousiaste semblait terni par l'amertume, voire même le mépris.

Il repensait à Ciaran, ce qu'il avaient tenté de faire, leur échec, et leur résultat. Le résultat de leur tentative aurait presque pu être risible. Si on lui posa quelques questions sur la provenance de ces cicatrices bizarres à ses pattes, Chrono se contentait d'éviter le sujet ou de dire qu'il s'était blessé pendant l'une de ses innombrables folles aventures. Ça avait réussi. On le croyait. On le plaignait, mais on le croyait, et ça lui suffisait.

Las, il regardait, sans sourciller, les mèches de son poil d'hiver se détacher de celui d'été, tournoyant, s'envolant comme des nuages de coton. Le sentiment de solitude qui le remplit lui fit pousser un soupir: bientôt, tous les jeunes loups de sa génération quitteraient l'Oasis en délaissant les trois montons noirs à leur peine. Il ne pouvait pas se mentir: il savait que les bipèdes ne les accepterait jamais à l'entraînement. Pas qu'il s'en préoccupait, puisque ses pensées étaient concentrées ailleurs. C'est d'ailleurs à cet instant qu'il s'était levé, après avoir capté l'odeur de Salama. Chrono serra les dents. Mieux valait s'éloigner et éviter le conflit pour l'instant, s'était-il dit, se décidant à s'éloigner afin de passer inaperçu.

Il ne lui fallut guère de temps pour trouver Chrono sur son chemin. Un Chrono avachi, replié sur lui-même et bien loin de l'aura qu'elle lui connaissait.
À la vue de son apparente dépression, elle-même baissa les oreilles. Si les dernières semaines lui paraissaient floutées par le tourment de sa propre mélancolie, elle s'en voulut malgré tout de ne pas avoir gardé la tête froide, dans le seul but de donner un appui à ses amis... Mais bon gré, mal gré, elle avait été tout aussi touchée par la perte de son parrain.
Plus loin, Chrono se leva. Il ne fallut qu'un léger courant d'air dans sa courte pelisse pour que Salama comprenne qu'il l'avait repéré et par conséquent, s'en allait.
D'abord estomaquée par cette attitude d'évitement à laquelle elle ne s'était pas attendue, la louvarde se sentit s'enflammer. Elle l'avait cherché pour lui parler, renouer le fil d'une amitié qui semblait s'être figée dans le temps depuis la mort de Chess, et lui, LUI, choisissait de fuir !
Passant de l'immobilité à l'action, Salama s'élança vers le jeune mâle, les oreilles plaquées, cette fois par l'outrage.
Compte tenu de l'allure misérable à laquelle se traînait son ami (elle l'aurait volontiers comparé à une vieille tortue terrestre si elle en avait déjà vues), elle le rattrapa aisément, le plaquant littéralement au sol.
Okay, c'était pas spécialement prémédité, mais maintenant qu'elle avait, toujours littéralement, le dessus, elle comptait bien en profiter.
- Moi aussi ça me fait plaisir de te voir, Chrono... Pépia-t-elle sarcastiquement.
Le silence retombant, son visage reprit une expression de sérieux, ses sourcils s'alignant sur une ligne soucieuse alors qu'elle examinait cet ami dont elle n'imaginait que trop bien l'ampleur de la peine.

L.une de ses oreilles se dressa soudain en entendant quelque chose se précipiter sur lui. Il n'eut guère le temps de se défendre que Salama le renversa au sol, le surplombant de sa taille. Le souffle momentanément coupé, Chrono leva d'yeux hagards vers le haut, confrontant le regard presque accusateur de celle qui était son amie.
- Moi aussi ça me fait plaisir de te voir, Chrono... insinua l'autre dans un sarcasme. La poussière autour de lui retomba et il put reprendre ses esprits, plissant les yeux, ce qui creusa son museau de rides.
- C'est pas le moment, Sal, il grommela, ses babines frémissantes trahissant la lassitude qu'il essayait de feindre.

Le museau du louvard se plissa sur une grimace désagréable, ce qui ne suggéra rien de bon à la dorée. Grande habituée des humeurs parfois (souvent) exécrables du jeune loup (à son égard au moins), elle ne se sentait pas la patience d'y faire face aujourd'hui.
- C'est pas le moment, Sal.
Elle sourcilla, peu impressionnée par l'argument dévastateur qu'il venait de lui présenter.
- Ah ? Et ce sera quand "le moment", alors ? Contrecarra-t-elle, un peu sèche.
Découragée par le tour que prenait les choses, elle s'écarta un peu pour le laisser souffler et soupira.
- Quelques semaines qu'on s'est à peine croisés, et maintenant tu veux m'éviter... Constata-t-elle pour elle-même.
Elle hésita, laissant divaguer son regard, pour finalement le reporter vers le louvard crème, malaisée.
- ... Tu m'en veux ? Finit-elle par demander, les oreilles pointées vers l'arrière.

- Ah ? Et ce sera quand "le moment", alors ? lui renvoya sèchement la femelle.
- ...
Il ne répondit rien, se contentant de la darder des yeux, son souffle vibrant parfois par inspirations irrégulières. Elle poussa un soupir et le libéra de son emprise. Chrono s'empressa de s'asseoir, non sans donner un coup d'épaule à la femelle qui s'écartait entre-temps.
- Quelques semaines qu'on s'est à peine croisés, et maintenant tu veux m'éviter... Chrono avait détourné la tête, se renfrognant.
- ... Tu m'en veux ?
- Non ! il lâcha avec force. La voix baignant d'innocence de Salama lui avait serré le coeur. Réalisant qu'elle aurait pu mal le prendre, Chrono poussa un soupir à son tour, la regardant par-dessus son épaule. S'il avait eu l'air frustré plus tôt, cette fois, il semblait livide. Livide, épuisé ou vieilli, au choix.
- Non... T'as rien à y voir là-dedans, okay ?... Que dalle.

- Non ! L'interjection fusa avec une rare violence, surprenant Salama qui en resta bouche bée, avant de sentir le soulagement se couler de manière réconfortante dans ses veines. Elle se détendit un peu, réalisant par la même qu'elle était tendue.
Par-dessus son épaule, il poursuivit :
- Non... T'as rien à y voir là-dedans, okay ?... Que dalle.
Sa détermination à l'exclure de toute responsabilité était vraiment adorable. Mais emo. Mais mignon. Emognon. [(c) Jedi]
Elle hocha la tête avec une lenteur appliquée, soulignant qu'elle avait bien compris et le croyait.
Mais le problème persistait : il l'évitait, ne voulait pas lui parler, et elle voulait savoir pourquoi.
La louvarde mordorée vint alors se postée aux côtés de son ami qui lui avait tourné le dos un peu plus tôt, forçant un contact, certes, mais avec les meilleures intentions du monde.
- Alors... Pourquoi tu ne veux pas me voir... ? ... Et me parler, maintenant... Puisque t'as plus le choix de me voir... Hehe... Son rire était peu franc et mourut rapidement sur ses lèvres qui s'ouvrirent une dernière fois avant de se refermer sans avoir émis de nouveau son.

Le fait d'être assis lui suffisait, pour le moment. Il avait adopté une position antalgique pour porter tout le poids sur son antérieur gauche, afin de libérer la pression exercée sur le droit. En sentant Salama s'asseoir à ses côtés ( au moins, elle ne le maintenait pas au sol ), il ne put s'empêcher de pousser un bref grommellement, peu amène.
- Alors... de commencer Salama, qui ne se doutait pas que son malaise commençait à peser le mâle. Pourquoi tu ne veux pas me voir... ? ... Et me parler, maintenant... Puisque t'as plus le choix de me voir... Hehe...
- C'est pas toi, okay? C'est tout le monde. Il pinça sa langue entre ses crocs. C'est personne. Et, en se levant sur quatre pattes - il s'assura de se lever de sorte à ce que tout lui semble aisé - en levant une afin de la mettre au repos, il poussa d'un geste étonnamment doux la femelle d'un autre mouvement d'épaule.
- Je veux voir personne. Ou plutôt, la personne qu'il voulait voir n'était plus.

- C'est pas toi, okay? C'est tout le monde. C'est personne.
Il se releva, la bousculant de nouveau d'un léger coup d'épaule.
- Je veux voir personne.
Elle suivit le mouvement et se retourna souplement, la fourrure de sa nuque se hérissant quelque peu.
- Ça tombe bien. Ce n'est plus qu'une question de jours et tu ne me verras plus du tout. Quel soulagement que d'avoir une personne en moins à voir, pas vrai ? Lâcha-t-elle, rendue amère par un tel accueil.
Crocs serrés, ce fut à son tour de détourner la tête pour cacher sa déception.
- J'étais venue dire au-revoir. Ajouta-t-elle doucement après un moment.
Avant qu'il ne soit trop tard.
Avant de ne plus pouvoir.
Par peur de ne pas en avoir le temps.
Ces suites qu'elle aurait pu incorporer à ces dernières paroles lui rappelèrent qu'elle, comme lui, n'avaient pas eu ce luxe concernant le petit guérisseur polaire.
Que Chrono, en rejetant sa présence, refuse par conséquent ses adieux, c'était pour elle un second déni.
N'aurait-elle donc que le droit de tracer sa route sans un regard en arrière pour personne, alors ?

- Ça tombe bien. Ce n'est plus qu'une question de jours et tu ne me verras plus du tout. Quel soulagement que d'avoir une personne en moins à voir, pas vrai ?
Au moment où il tourna sa tête, Salama détourna la sienne. Chrono la regarda, les yeux ronds, étirant sa membrane muqueuse vers l'arrière dans une grimace décontenancée.
- J'étais venue dire au-revoir.
- ...
Il abaissa la tête, serrant ses crocs, réalisant que tout trois n'étaient pas les seuls à souffrir de la même perte.
- Gnnn... j'veux pas que tu partes toi aussi, il lâcha, à mi-voix, sa voix s'éreintant.

- Gnnn... j'veux pas que tu partes toi aussi.
Cela la fit se retourner un instant, baissant les yeux avant de risquer croiser le regard de Chrono.
- Je suis désolée... Je n'ai pas le choix... Elle s'interrompit. C'était faux, on avait toujours le choix. Mais quelque chose l'empêchait de le reconnaître. Une intuition inébranlable... Et le souvenir d'un rêve récurrent qui la poussait à y aller. Elle essaya de se rattraper d'une autre manière : C'est la tradition...
Piètre excuse, mais c'était à la hauteur de ce que Chrono lui avait présenté de son côté.
Culpabilisant de nouveau, elle releva les yeux et s'approcha tout doucement du louvard pour presser légèrement sa tête contre sa nuque.
- Et je ne pars pas pour si longtemps... pas trop... Tenta-t-elle d'adoucir. Mais à court d'arguments, elle opta soudain pour une approche plus abrupte et moins sensible : Et puis si tu ne veux voir personne, qu'est-ce-que ça peut te faire que je parte...

- Je suis désolée... Je n'ai pas le choix...
Non, c'était faux. Elle avait le choix. Mais elle préférait les abandonner derrière. Elle pourrait occuper son esprit avec l'entraînement en les laissant eux dans leur misère. Pour Chrono, ce départ était un prétexte pour fuir.
- C'est la tradition...
- J'aime pas les traditions, il bougonna, partagé entre sa peine et le désir de paraître inébranlable. Salama se rapprocha de lui à nouveau, effectuant un nouveau contact afin de lui faire comprendre sa proximité. Leur proximité. C'était un geste qui se voulait réconfortant.
-Et je ne pars pas pour si longtemps... pas trop... Elle sembla regagner son superbe. Et puis si tu ne veux voir personne, qu'est-ce-que ça peut te faire que je parte...
Chrono retroussa le museau, se sentant légèrement déséquilibré quant à la pression - même ténue - qu'elle exerçait sur sa nuque.
- Si ça me fait rien, t'as qu'à partir alors ! Et puis— Il chercha à se décaler, seulement pour se mettre à tituber en pas-de-chassé avant de tomber mi-assis, mi debout, l'air penaud.
— merde... non... Il se mit à trembler, cherchant à racler le sol de ses griffes, cherchant à se hisser sur ses quatre pattes. non, merde, c'est pas le moment... il gémit tout bas, levant la croupe, s'affolant de plus en plus.

- Si ça me fait rien, t'as qu'à partir alors !
S'échauffant au même rythme, elle s'écarta brusquement, déséquilibrant d'autant plus Chrono.
- C'est exactement ce que je vais faire alors ! Rétorqua-t-elle d'une voix forte, lui coupant la parole.
Mais sa menace fut de courte durée alors que son ami vacillait sur place, faisant quelques pas de côté avant de s'écrouler sur son postérieur.
Salama interrompit sa démarche de départ furieux, posant des yeux ronds d'incompréhension sur le "manège" de son camarade.
- Merde... non... Il sembla s'affoler, griffant le sol, faisant porter le regard de la louvarde dorée sur la peau à vif de son poignet droit. Non, merde, c'est pas le moment...
En d'autres circonstances, le voir ainsi trémousser son derrière pour se mettre debout l'aurait fait rire.
En l'occurrence, eh bien... Elle paniqua légèrement.
- Qu'est-ce-que t'as ?! Qu'est-ce-qui t'arrive ?! S'énerva-t-elle, refroidie à la perspective farfelue d'une maladie rare, violente et dégoutante qui le ferait mourir, lui arrachant encore un être aimé... CHRONO, RÉPOND-MOI, QU'EST-CE-QUI SE PASSE ?! ET C'EST QUOI, ÇA ?
Elle pointa frénétiquement les cicatrices bizarres.

- Qu'est-ce-que t'as ?! s'affola à son tour Salama. Qu'est-ce-qui t'arrives ?! Chrono hoqueta devant un élan si précipité. Incapable de se remettre sur quatre pattes, il se résigna à s'asseoir. Il allait ouvrir la bouche pour lui demander de la manière la plus calme si elle pouvait la fermer s'il te plaît qu'elle l'interrompit, presque hystérique.
- CHRONO, RÉPOND-MOI, QU'EST-CE-QUI SE PASSE ?! ET C'EST QUOI, ÇA ?
Chrono haussa le ton.
- C'est rien ! Il darda sur elle deux yeux furibonds avait de baisser les yeux. Juste un effet secondaire, ça va. Y a pas de mal. Y a pire que ça. Il chercha vite à changer de sujet.
- Et puis t'étais pas sensée mettre les voiles !? Son ton sonna faux, alors que des larmes s'étaient mises à perler sur le coin de ses yeux. Il secoua la tête avec force. Non. Non. Pas pleurer. Pas maintenant. Si quelqu'un devait pleurer, c'était elle, pas lui.

- C'est rien ! Répondit Chrono à un volume suffisant pour faire taire sa comparse et la ramener au calme... enfin à peu près. Juste un effet secondaire, ça va. Y a pas de mal. Y a pire que ça.
Pétrifiée, Salama ressassa les mots dans sa tête, ne comprenant rien de ce qu'il racontait.
- Effet... secondaire... ? Répéta-t-elle vaguement.
- Et puis t'étais pas censée mettre les voiles !? Lui reprocha-t-il brusquement.
La louvarde gonfla les joues, fronçant les sourcils.
- Ça, c'était AVANT que tu te manges le sol en parlant "d'effet secondaire" ! Rétorqua-t-elle aussitôt.
Elle ne put que tressauter légèrement sur place en rencontrant le regard s'embuant de larmes du jeune mâle. Elle se sentit pâlir, elle n'était pas venue pour attiser la douleur de sa blessure mais bien pour "retrouver" un ami dont elle n'avait plus eu de nouvelles depuis quelques temps, avant d'elle-même partir pour bien plus longtemps.
- Chro... Commença-t-elle d'une voix plus apaisante. Tu sais que tu peux me parler... ?
Elle ne savait pas elle-même s'il s'agissait d'une affirmation ou d'une interrogation...

- Ça, c'était AVANT que tu te manges le sol en parlant "d'effet secondaire" ! rouspéta Salama en guise de réponse. Chrono recula sa tête, serrant ses crocs ensemble. Déjà fragilisé par le reste, il ploya, abaissant ses oreilles, affaissant ses épaules, lâchant un faible juron.
- Merde, c'est bon, j'suis juste tombé...
- Chro... encore ce ton qui baignait dans l'innocence. Il ne savait pas pourquoi mais il l'entendait carillonner dans ses oreilles. Comme un reproche. Comme quelque chose qui l'empêchait de penser clairement. Tu sais que tu peux me parler... ?
Chrono sourcilla, non pas sur un air sévère, mais par dépit. C-c'est juste une erreur de calcul, c'est pas important! ça va se régler... ça... ça... Il cherchait ses mots. Ça se répare. du moins, il l'espérait. Il chercha à se convaincre en plantant deux yeux pétillants - de déterminations et de larmes séchées - sur la femelle.
- Ça s'répare, j'te jure...

Lorsqu'il commença à parler, les oreilles de la louvarde se redressèrent avec espoir. L'espoir qu'il arrête d'être aussi énigmatique et lui parle vraiment, franchement. Elle déchanta bien vite devant la teneur fade et hésitante de ses mots.
- C-c'est juste une erreur de calcul, c'est pas important! ça va se régler... ça... ça... Ça se répare. Il planta ses prunelles bleues dans les siens, visiblement déterminé. Ça s'répare, j'te jure...
Elle ne répondit rien, se laissant un moment pour réfléchir, détournant même les yeux pour se concentrer sans distraction.
Tout était si confus, Chrono tenait des propos qu'elle ne comprenait pas. Il s'était passé quelque chose, c'était une évidence. Évident également que cela avait dû se passer entre la disparition de Chess et maintenant, pendant sa propre période de deuil-trouble-méditation. Mais le plus important, à savoir le contenu de l'évènement, restait mystérieux.
- Qu'est-ce qui se répare... ? Demanda-t-elle enfin, de guerre lasse. Je comprends rien, Chrono ! Qu'est-ce-qui t'arrive, qu'est-ce-qui s'est passé ? C'est quoi ce truc à ta patte ? Enchaîna-t-elle pêle-mêle, traduisant ainsi son sentiment de confusion et d'incompréhension. Et tant pis pour lui qui aurait à faire le tri dans ses questions : il n'avait qu'à être plus clair et cohérent dès le début...

- Qu'est-ce qui se répare... ? Il sembla se tasser sur lui-même. Lui dire? Pouvait-il lui dire? Il entrouvrit sa bouche sur une exhalation aiguë, la refermant aussitôt. Je comprends rien, Chrono ! Qu'est-ce-qui t'arrive, qu'est-ce-qui s'est passé ? C'est quoi ce truc à ta patte ?
- Une erreur ! il répondit alors, du tac au tac, si tant qu'il dut se reprendre pour réaliser ce qu'il venait de dire. C'est une erreur.
Chrono leva timidement les yeux.
- Ce truc à ma patte, c'est une erreur. Il arriva à formuler. Il chercha à démêler les questions de son amie, lui-même confus. Il m'arrive rien, ça va, faut pas t'en faire... Une idée. Vite, une idée! Un éclair sembla traverser ses yeux.
si Si tu t'en fais, tu vas rater ton entraînement ! Tu as besoin d'une concentration parfaite pour réussir, okay? Donc t'en fais pas pour n—moi. T'en fais pas pour moi. Il chercha à se lever sur quatre pattes dans un geste maladroit, sautillant sur le côté cherchant à retrouver son équilibre. La tête basse, la queue entre les cuisses, une patte levée et une grimace au visage, il chercha à la réconforter.
- Tu vois! Y a rien... il avait baissé les yeux, comme s'il vérifiait ses appuis. Il les releva aussitôt. ... de grave!

- Une erreur ! C'est une erreur. Répondit-il aussitôt.
Salama lui jeta un nouveau regard perdu : une erreur ? Mais une erreur de quoi... ?
- Ce truc à ma patte, c'est une erreur. Il m'arrive rien, ça va, faut pas t'en faire... Il sembla chercher une issue à toute vitesse. Si Si tu t'en fais, tu vas rater ton entraînement ! Tu as besoin d'une concentration parfaite pour réussir, okay? Donc t'en fais pas pour n—moi. T'en fais pas pour moi.
Elle allait rétorquer que ses réponses aussi claires que du jus de merde commençaient à lui taper sur les nerfs et ne l'aidaient pas du tout à être rassurée mais elle s'abstint alors que le louvard tentait, péniblement c'était évident, de se relever.
- Tu vois! Y a rien... Une pause alors qu'il regardait lui-même ses pattes, mais il releva brusquement les yeux, comme inquiet qu'elle ne se rende compte de sa propre attention. ... de grave !
Trop tard pour lui, son mensonge n'avait rien de convaincant.
Salama plissa les yeux, sentant peu à peu le sang battre à ses tempes et annoncer une future migraine. Toutes ces histoires nébuleuses commençaient à lui donner le tournis. Et tout ce mystère alors qu'elle partait bientôt l'agitait profondément.
- Tu me prends pour une idiote... ? Lâcha-t-elle après un moment. Tu crois vraiment que je vais gober ça alors que tu ressembles à un vieillard titubant et délirant ?
Elle pinça les lèvres, cherchant un dénouement à cette situation ridicule.
- J'te reconnais plus... Déclara-t-elle finalement, tristement. Était-ce un effet inévitable de la mort de Chess ? Le Chrono qu'elle connaissait avait-il disparu en même temps que son père ? On se parlait avant... Et maintenant... Tu me caches un truc et t'as l'air d'avoir hâte que je m'en aille... Même si tu prétends le contraire...
Elle secoua la tête, inspirant un bon coup pour empêcher l'émotion de la submerger, mais ses efforts ne purent dissimuler ses yeux soudain plus brillants, de larmes.
- Et si tu crois que maintenant je ne vais pas m'inquiéter pendant mon entraînement, tu t'fous la patte dans l'oeil jusqu'au coude ! Attaqua-t-elle pour se donner une contenance. Tss... Comme si ça pouvait être plus important que de savoir que tu n'es pas dans ton état normal...

- Tu me prends pour une idiote... ? Loin lui était l'envie. C'était plutôt lui l'idiot de l'Histoire, incapable de broder un mensonge convaincant. Tu crois vraiment que je vais gober ça alors que tu ressembles à un vieillard titubant et délirant ? Chrono perdit son sourire pour se renfrogner en fronçant durement les sourcils.
- Je ne suis pas délirant ! hacha-t-il sans la quitter du regard.
- J'te reconnais plus... Encore cette voix. Chrono abaissa ses oreilles, fuyant le regard, serrant ses crocs. Lui dire ou ne pas lui dire ?
- Gnh...
- On se parlait avant... Et maintenant... Tu me caches un truc et t'as l'air d'avoir hâte que je m'en aille... Même si tu prétends le contraire...
De nouveau, il ne put pas se défendre. Pourquoi? Avant, il lui aurait craché ses quatre vérités à la figure. Pourquoi ne pouvait-il rien désormais? Peut-être était-il encore trop jeune pour comprendre. Ou peut-être cette espèce d'hésitation était un autre effet-secondaire de son crime de plus tôt. Salama tourna sa tête vers lui, des larmes pétillantes dans ses yeux. Il s'en vit tout retourné.
- Et si tu crois que maintenant je ne vais pas m'inquiéter pendant mon entraînement, tu t'fous la patte dans l'oeil jusqu'au coude !
- T-techniquement c'est anatomiquement impossible, il chercha à rétorquer, tout bas.
- Tss... Comme si ça pouvait être plus important que de savoir que tu n'es pas dans ton état normal...
La frustration gagna sur sa compassion.
- Ouais, ben ça semble pas vouloir t'empêcher d'aller à ton entraînement pour la tradition, hein ! Il se mordit la langue. Qu'est-ce qu'il venait de dire? Les oreilles basses, il baissa à son tour les yeux et sa croupe, se rasseyant au sol.
- Ah-- non!... non... c'est pas ce que je voulais dire!...Il tira ses lèvres vers l'extérieur, sur une grimace indécise. D-désolé... Il secoua la tête.
- Écoute, j'ai tenté de... Gnh...il pinça ses lèvres, ravalant ses explications malhabiles.

Après qu'elle eut ignoré la remarque qu'il croyait intelligente, Chrono s'énerva face à l'abus de mots de la louvarde dorée :
- Ouais, ben ça semble pas vouloir t'empêcher d'aller à ton entraînement pour la tradition, hein !
Se figeant aussitôt, Salama lui accorda un regard désarçonné qui se transforma bien vite en culpabilité alors qu'elle détournait les yeux pour ne rien laisser paraître.
Il avait raison, cela ne l'empêchait pas d'y aller... Parce qu'elle sentait qu'il fallait qu'il y aille. Elle déguisait ça pour le respect de la tradition, se mentant à elle-même pour ne pas reconnaître qu'un instinct inconnu et inexplicable lui dictait de s'y rendre.
Le louvard crème tenta de se rattraper maladroitement, se rasseyant en baissant les oreilles et les yeux.
- Ah-- non!... non... c'est pas ce que je voulais dire!...
- Mais tu l'as dit... Souffla-t-elle, presque malgré elle.
- D-désolé... Écoute, j'ai tenté de... Gnh...
Cette fois, elle n'avait rien à répondre. Il l'avait verbalement giflée, et sa culpabilité la poussait à l'accepter, à penser qu'elle l'avait mérité.
Refroidie, elle n'était plus sûre de vouloir entendre d'excuses quant à son attitude. Il était peut-être temps qu'elle le laisse à ses pensées et aille ressasser les siennes de son côté.
Que pouvait-il arriver de pire ? Qu'elle parte sans avoir réglé ce conflit... ? Ah...
- Laisse tomber... Si ça t'arrache à ce point les lèvres de me parler, je ferais sans doute mieux de te laisser à ta dépression. Fit-elle finalement, lasse et peu amène. Quand tu seras décidé à m'expliquer, tu sais où me trouver... Oh ! Attends, c'est vrai : je serais plus là... !
Elle étira un sourire forcé en lui tournant le dos, oreilles plaquées contre le crâne.

- Laisse tomber... Si ça t'arrache à ce point les lèvres de me parler, je ferais sans doute mieux de te laisser à ta dépression. Chrono revoya sa tête vers l'arrière, indigné.
- Ma DÉPRESSION !?
- Quand tu seras décidé à m'expliquer, tu sais où me trouver... Oh ! Attends, c'est vrai : je serais plus là... !
- Hey ! C'est toi qui divague, là ! Tu veux garder tes secrets, okay, mais j'te permet pas de me cracher au visage de vouloir garder les miens aussi ! Il chercha de nouveau à se lever.
- J'ai déjà bien assez honte pour que tu m'en ajoutes une couche de plus, Salama ! Debout, ( quoique légèrement tanguant ) il la darda des yeux, cherchant à percer au travers des siens, même si elle lui faisait dos.
- Et de toute manière, c'est moi qui serai plus là, à ton retour, il lâcha, grave. Ils n'auraient pas le choix de partir, après tout. S'ils partaient, ils pourraient peut-être améliorer leurs connaissances en guérison et pourraient peut-être réparer leur erreur. Ils ne voulaient pas vraiment abandonner leur mère, surtout lorsqu'elle aurait une nouvelle portée à s'occuper, mais ils ne pouvaient pas rester enracinés à l'Oasis plus longtemps. Salama partait? Bien. Il partirait aussi. C'était sa décision - leur décision. Alors pourquoi ressentait-il cette espèce de culpabilité au fond de lui ? Pourquoi sentait-il que sa décision n'était pas décisive ? C'était un autre effet-secondaire, ça aussi ? Il secoua la tête.
- C'est pas ta faute, c'est la mienne, donc t'en fais pas pour moi, okay ?
Il ploya des épaules et de la tête.
- C'est mon combat. L'écho de l'image d'un loup arctique aux oreilles frisottées le traversa comme une bourrasque.

Le petit mâle s'indigna et cherchant à se relever :
- Hey ! C'est toi qui divague, là ! Tu veux garder tes secrets, okay, mais j'te permets pas de me cracher au visage de vouloir garder les miens aussi !
- "Mes" secrets ? Mais de QUOI tu parles ?! S'échauffa-t-elle à son tour. Manquait plus que ça, maintenant c'était elle qui ne parlait pas ?
- J'ai déjà bien assez honte pour que tu m'en ajoutes une couche de plus, Salama !
- Si tu te décidais à m'expliquer, j'aurais pas besoin d'en "rajouter une couche" ! Je suis pas dotée d'un troisième oeil, figure-toi ! [Lol, petite blague... ='D]
- Et de toute manière, c'est moi qui serai plus là, à ton retour. Lâcha-t-il en conclusion, l'air plus que sérieux.
Salama hoqueta de stupeur. Ça elle ne l'avait pas vu venir...
- C'est pas ta faute, c'est la mienne, donc t'en fais pas pour moi, okay ? C'est mon combat.
Des larmes lui montèrent aux yeux, en quantité suffisante pour déborder.
- Tu... Tu... ! Tu n'est qu'un petit crétin ! Cracha-t-elle, faute d'avoir autre chose à dire.
S'il croyait qu'il était le seul à être perdu et à souffrir, il se trompait. Mais surtout, qu'il suggère qu'elle le faisait culpabiliser, alors que lui-même ne faisait que ça depuis le début... Faut pas pousser mémé dans les orties, non plus !

- Tu... Tu... ! Tu n'es qu'un petit crétin !
Chrono écarquilla ses yeux avant de défléchit ses pattes d'un seul coup.
- LA FERME! Il la tacla de plein fouet, malgré une force peu significative dans l'un de ses antérieurs. Qu'à cela ne tienne. Il claqua ses crocs dans la jonction de l'omoplate de Salama, s'y agrippant pour s'en servir comme contre-poids. JE SUIS PAS PETIT ! il s'écria en ourlant ses oreilles vers l'arrière. Et de là, il propulsa toute sa force dans ses pattes postérieurs jusque dans le haut de son corps, comme un ressort, cherchant à faucher l'équilibre de la femelle. Peu accoutumé à utiliser la force de son corps ainsi, l'effort du geste lui arracha une cri. GNNnrrhaaaa!!! S'il parvint à réussir à soumettre Salama sur le dos, lui, dut tituber sur trois pattes le temps de retrouver son équilibre, pantelant.
- Hfff.... Hfff.... Hraff... Huufff...

C'était de la pure provocation, poussée par l'indignation et le désespoir, elle le savait, mais la violente réaction (probablement plus violente que toutes les précédentes) la prit au dépourvu.
- LA FERME ! Il tenta d'abord de la plaquer comme elle l'avait fait plus tôt, mais son manque d'élan allié à sa petite taille ne la firent que trébucher. Il n'abandonna pas, bien au contraire, plantant alors ses crocs dans le haut de son épaule, arrachant à Salama un cri aigu.
- JE SUIS PAS PETIT ! Cette fois, il se servit de son appui pour la propulser au sol, sur le dos, dans un choc qui résonna dans tous ses os.
Sonnée, la louvarde gémit en clignant des yeux. Il ne lui fallut que quelques secondes pour reprendre ses esprits et se relever rapidement, bousculant Chrono qui titubait au-dessus d'elle, pantelant.
La douleur dans son dos et ses épaules lui firent plier les oreilles vers l'arrière et la fourrure de sa nuque se hérissa de colère.
- C'est bon, j'ai compris. Je me casse... Gronda-t-elle en s'éloignant d'un pas rageur. ADIEU, donc ! Puisqu'un simple "au revoir" ne semble pas assez définitif pour toi.