Pantin

(Hiver, An 5)

Malgré les saisons, elle n’arrivait toujours pas à s’y faire. La rancœur ne faisait que la ronger davantage, creusant un trou de plus en plus profond dans sa chair. Même son frère n’était plus ce qui l’était. Cela la mettait en rogne davantage, de plus en plus et de jours en jours. Elle ne niait pas qu’elle dépende de cette nouvelle famille, mais se bornait à ne pas l’admettre. Elle avait déjà fui quelques fois, pour ensuite revenir bredouiller, le ventre creux. Les notions de la vie telle que la chasse n’étaient pas des choses innées, mais des choses que l’on pouvait seulement acquérir et malheureusement, Shû n’aurait d’autres choix que de se tourner vers Calamité et Guns pour apprendre. Toutefois, cette simple idée lui laissait un goût amer dans la bouche en plus de repenser aux conversations, plus précisément à la conversation qu’elle avait eue avec Cal une saison plus tôt. La seule chose qui revenait se rajouter à son calvaire cette fois était le retour du loup violet parmi eux. Shû se tortilla contre la cime d’un arbre pour se recroqueviller davantage sur elle-même. Elle grimaça, ronchonna quelques mots dans l’espoir de faire disparaître l’ombre qui planait déjà au-dessus d’elle.

Si les branches des arbres de la forêt noire s’entremêlaient au point de bloquer les rayons du soleil, il devait se sentit soulagé d'enfin sentir la proximité du ciel, du vent et de l'air. Son escapade sur les terres d'Oerba n'avait pas réussi à le détendre, comme il lavait espéré. Certes il avait pu se jouer de Mistyshine, mais son amusement fut de courte durée, vite englouti par l’oppression qu'il avait ressenti lorsque tout deux furent coincés dans la grotte sous-marine.

Il s'était rendu compte de l'état de sa santé. Il s'était rendu compte de ses faiblesses. Il connaissait les facteurs et les variables qui l’influençaient. Et se savoir aussi faible, aussi volatile commençait à l'inquiéter. Certes tout deux durent se serrer les coudes, sur un terrain d'entente, afin de se sortir de leur situation, il se rappelait des premiers jours où chacun avait cédé à la folie. Sa folie était la " Violence ". Celle de Mistyshine était " l'Abandon ". Chacun cherchait à réprimer qui ils étaient. Mistyshine son profond désarroi d'avoir été abandonnée par tous ses proches, et lui, l'hostilité qui faisait de lui qui il était.

Il était revenu, sans expliquer à Calamité ce qui s'était passé, s'assurant simplement de lui faire comprendre que tout allait bien et qu'il allait l'aider avec les deux jeunes. Surtout l'un d'eux.

Shû était la plus récalcitrante des deux. Elle n'obéissait pas à Cal et ne la respectait pas. Elle n'était pas réceptive aux bonnes intentions de Calamité. Shin, de son côté, semblait suivre à la lettre ce qu'on lui disait. Il semblait se complaire dans cette nouvelle vie auprès d'elle et de lui. Il avait même eu le privilège de suivre Calamité lorsqu'elle chassait afin d'apprendre à ses côtés, chose qui n'était pas autorisée à Shû tant qu'elle ne leur accorderait pas de respect. Au fond de lui, cette histoire de respect ne lui faisait ni chaud ni froid. Comme elle semblait tenir à coeur à Calamité, il devait pourtant trouver une solution.

Loin du genre à tergiverser, Gunthaer décida de s'attaquer à la souche du problème, profitant de l'absence de leur "matriarche" pour confronter directement la jeune louve. Il s'était coulé vers elle, s'avançant dans les ombres, avant de l'interpeller.
- Shû. sur un ton sobre, clair, concordant avec l'air passif dans son regard.

L’ombre ne cessait de s’agrandir pour finalement venir littéralement l’engloutir. Shû sentait déjà cette présence, celle qu’elle répugnait par-dessus tout. Elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une menace et ne daigna même pas se retourner lorsque les pas avaient cessés machinalement d’émettre le moindre son dans sa direction. Elle savait déjà à quoi s’attendre, ou le savait-elle réellement? Elle fronça les sourcils et continua de fixer l’écorce devant elle tentant de se convaincre que Guns finirait par partir tout bonnement. Mais jamais au grand jamais aurait-elle eue autant tort.

- Shû.

Le ton ne se voulait pas agressif voir menaçant, mais la jeune louve bordeaux ne lui autorisa qu’un bref regard belliqueux surmonter d’une grimace dédaigneuse.

- Qu’est-ce que tu me veux ? fit-elle en le regardant de haut en bas, sans pour autant se dégager de sa position actuelle, c’est-à-dire que seulement ses yeux étaient visibles pour Gunthaer.

Sans bouger, sans se déplacer, sans tressaillir, Shu lui jeta un regard en biais, où y suintait tout son mépris.
- Qu’est-ce que tu me veux ? elle maugréa en plissant ses yeux, ses pattes et ses longues mèches orangées cachant le reste de son visage. Gunthaer ne s'approcha pas, se contentant de lever le menton, la toisant de haut. Il lui répondit d'une question, faisant preuve d'un mélange de calme et de fermeté.
- Est-ce que tu comprends ta position, Shû ? Sa respiration était lente et sereine. On aurait dit que rien n'aurait pu troubler sa paix. Pourtant, au fond de ses yeux semblait briller une lueur sauvage, frétillante, énergique, semblant prête à exploser à tout moment avec la même instabilité qu'un flacon de nitroglycérine.

À son grand désarroi, il était encore là. Toutefois, il ne fit pas un pas de plus et resta bien droit, tout près d’elle. Il avait levé le menton et la toisait de haut, un peu comme elle se plaisait à le faire. Les deux semblèrent se juger du regard avant que Guns ne tranche avec une question d’un ton calme, mais dérangeant.

- Est-ce que tu comprends ta position, Shû ?

Shû eut un rictus et détourna brièvement le regard avant de finalement darder ses prunelles écarlates dans celles de Guns. Elle put y percevoir une certaine agitation, mais c’était loin de l’effrayer, du moins, pas tout à fait.

-Moi je connais ma position, c’est vous autres qui ne la connaissez pas apparemment. fit-elle cette fois en levant le menton laissant retomber ses mèches rousses contre ses joues. Et puis, tu es une de ses personnes en ce monde qui ne peut se permettre de faire la morale. dit-elle avant de plisser le museau et retourner dans une position confortable. Maintenant dégage. lâcha-t-elle finalement sèchement.

- Moi je connais ma position, c’est vous autres qui ne la connaissez pas apparemment, rétorqua Shû en levant sa tête, faisant rebondir sa cascade de cheveux de chaque côté de son visage, l'encadrant. Et puis, poursuivit-elle, tu es une de ces personnes en ce monde qui ne peut se permettre de faire la morale. Elle plissa le museau et se lova confortablement sur le sol, jugeant leur "conversation" terminée.
- Maintenant dégage, elle grommela, s'attendant à ce qu'il obtempère. Sans pouffer devant sa répartie, les traits de Gunthaer semblaient prendre une teinte plus sombre.
- La vision que tu as de moi m'importe peu. Je suis tout de même curieux d'entendre ton raisonnement.
L'ombre d'un sourire leva ses babines.
- Alors éclaire-moi: comment te vois-tu, Shû ?...

Sans succès. Le loup violet resta là, sans bouger d’un poil. Shû déjà la frustration montée en elle, faisant grincer silencieusement ses dents dans son propre cocon.

- La vision que tu as de moi m'importe peu. Je suis tout de même curieux d'entendre ton raisonnement.

Elle ne leva pas le moindre signe d’attention à son écart et encore moins de coopération.

- Alors éclaire-moi: comment te vois-tu, Shû ?...

Plissant le museau, hérissant son échine, la petite louve bordeaux se retourna de nouveau en faisant volte-face à Gunthaer. Elle put cette fois distinguer le sourire qui s’esquissa sur ses lèvres. Elle n’eut que légèrement sensation d’un frisson, bien que son instinct lui indiquait la fuite ou encore d’obéir. Shû ne voulait cependant pas écouter cet instinct.

- Je ne te dois rien. Tu n’as pas à savoir ce genre de chose… (Elle ferma les yeux ravalant une certaine haine avant de les rouvrir. Puis, elle se mit sur ses pattes, dardant ses yeux écarlates dans ceux de Guns) ça ne te regarde même pas d’abord ! cracha-t-elle amère. Tes faux airs, j’en ai que faire !! dit-il en se rapprochant quelque peu du loup violet. La seule chose que vous devriez vous rentrez tous les deux dans le crâne, c’est que vous êtes tous les deux des imbéciles qui ont détruit la vie et la liberté d’une loupiotte qui n’en avait et n’en a que faire de vos idéaux idiots!! conclut-elle sans relâcher le regard de Gunthaer.

- Je ne te dois rien. Tu n’as pas à savoir ce genre de choses… Un refus, qui sembla pourtant faire plisser les yeux du mâle avec un certain ravissement. Shû se dressa enfin sur quatre pattes, osant lui faire face. Elle le fusilla de son regard de feu. Lui, se contentait de la regarder, faisant preuve du même calme, malgré l'agitation visible chez la plus jeune. Ça ne te regarde même pas d’abord ! Tes faux airs, j’en ai que faire !! Elle s'approcha d'un pas. Il la laissa faire. La seule chose que vous devriez vous rentrer tous les deux dans le crâne, c’est que vous êtes tous les deux des imbéciles qui ont détruit la vie et la liberté d’une loupiote qui n’en avait et n’en a que faire de vos idéaux idiots!! elle explosa, toujours sans le quitter du regard. Gunthaer leva ses yeux vers le ciel, comme s'il songeait, avant de les rebaisser.
- ... Well, that's a nice sentiment, il dit avant de hocher la tête sur un air entendu. Il rouvrit les yeux.
- Jouons cartes sur table, alors.
Ses traits semblèrent se durcir.
- Ce qui se trouve devant moi n'est qu'une poupée de chair. Une poupée de chair qui pour une raison que j'ignore semble importer aux yeux de Milady. Une poupée de chair qui se contente de s'évertuer sans jamais mettre de poids dans ses menaces. Incapable de faire la moindre action. Incapable de prendre la moindre initiative.
Il leva un sourire, concédant.
- Tu as raison de me traiter d'imbécile. Cependant...
Son air devient glacial.
- Sache que Calamité est la seule qui puisse te protéger de moi. Il prit un air conciliant, qui détonna avec ses mots. Calamité n'est pas là, en ce moment. Elle est partie chasser avec Shin. Ils reviendront dans un quadrant, il lança avec bonne humeur. Il reprit un air sobre.
- Est-ce que tu comprends ta situation, Shû ? ...

Il ne s’était contenté que de lever les yeux au ciel face à Shû qui bouillait littéralement sur place. Arquant ses pattes, elle resserra ses griffes contre la terre sèche à ses pieds. Elle le détestait, le méprisait, tous ses airs qu’il se donnait, qu’il prenait. Guns finit par remettre ses prunelles sur son interlocutrice qui lui relança un regard ardent.

- ... Well, that's a nice sentiment

Le voilà qui se mettait à parler dans cette langue si étrangère, mais légèrement connue de Shû puisque jadis elle l’avait déjà entendu parler de la sorte. Cette situation ne faisait que resserrer la pression qu’elle mettait contre ses crocs, sa queue se dressant parallèlement au sol.

- Jouons cartes sur table, alors.

Elle haussa un sourcil, puis esquissa un sourire en coin, peu enchanté, mais prête à relever le défi. Ce qu’il pouvait lui faire perdre son temps.

- Ce qui se trouve devant moi n'est qu'une poupée de chair. Une poupée de chair qui pour une raison que j'ignore semble importer aux yeux de Milady. Une poupée de chair qui se contente de s'évertuer sans jamais mettre de poids dans ses menaces. Incapable de faire la moindre action. Incapable de prendre la moindre initiative.

Face à ces mots, il leva un sourire tandis que la Blackblood se raidit, dévoilant les crocs et émettant un grondement sinistre au plus profond de sa gorge. Comment pouvait-il se permettre de dire de telles choses ?! Il ne la connaissait pas. Il ne savait pas de quoi elle était capable. Toutefois, Shû omettait qu’elle aussi ne le connaissait pas véritablement.

- Tu as raison de me traiter d'imbécile. Cependant...

Son air ne fit pas reculer Shû, mais une voix intérieure ne cessait de lui répéter de prendre la fuite. Ce qu’elle pouvait également détester cette voix !

- Sache que Calamité est la seule qui puisse te protéger de moi. Calamité n'est pas là, en ce moment. Elle est partie chasser avec Shin. Ils reviendront dans un quadrant. - Est-ce que tu comprends ta situation, Shû ? ...

Sa dernière pique avait été lancée avec bonne humeur, mais saisit Shû d’une certaine hilarité alors qu’elle fit un pas dans sa direction, resserrant la distance entre eux deux. Pourtant, en son for intérieur, elle ne faisait que trembler.

-Je t’interdis de m’insulter de la sorte… fit-elle en grondant pour ensuite secouer sa tête. Tu ne me connais pas, tu ne sais définitivement pas à qui tu as affaire. Des menaces en l’air, hein ? conclut-elle avant de lever un sourire et de bondir vers le loup violet.

Qu’est-ce qui lui prenait ? Oh, jamais auparavant elle ne s’était risqué à se battre contre ses tortionnaires, mais peut-être était-ce là sa porte de sortie. Peut-être qu’ainsi elle pourrait enfin prendre la fuite comme elle l’entendait.

Les crocs dévoilés, elle mit à grimacer, échappant un rire nerveux se mêlant à sa hargne. Gunthaer, lui, n'esquissa plus de sourire, se contentant de fixer sur elle le même air calme. Shu s'avança de nouveau d'un pas, resserrant la distance entre eux deux. Gunthaer ne broncha pas.

- Je t’interdis de m’insulter de la sorte… grogna-t-elle entre ses crocs dévoilés, avant de secouer sa tête. Tu ne me connais pas, tu ne sais définitivement pas à qui tu as affaire. Des menaces en l’air, hein ? Son instabilité la rendait prévisible. Gunthaer dut s'arrêter de penser un instant et réfléchir. Devait-il se laisser faire un instant, la laisser se défouler, ou la couper dans son élan? Il s'agissait du tison d'une flamme. Mieux valait l'étouffer aussitôt. Il se braqua au sol, prêt à anticiper l'attaque de la louve, sans toutefois lever sa queue au dessus de sa croupe. Il l'analysa. Plus que quelques foulées. Il défléchit soudain les pattes, cherchant à profiter du momentum de la louve pour la déséquilibrer et l'emmener au sol avec lui. Contrairement à elle, cependant, il ne grognait pas.

L’attaque de Shû était facile à anticiper, elle-même se trahissait en s’avérant si prévisible. Bondissant face au loup violet, celui-ci se permit de réfléchir avant d’esquiver l’attaque de gestes bien placés. Néanmoins, Guns resta, en apparence, des plus pacifiques, sans témoigner une quelconque hostilité ou agressivité dans sa gestuel. En plein dans son élan, Shû se fit brutalement couper dans son attaque alors qu’il lui fit perdre patte pour finalement l’entraîner dans ce même élan au sol avec lui. Ils ne roulèrent même pas une fois, ce qui ne laissa pas l’occasion à Shû de chercher une porte de sortie. Elle se retrouva dos contre le sol, face à son tortionnaire. D’un trait, elle fit claquer sa mâchoire tout près de son visage avant de vainement tenter d’attraper un de ses pattes et de se libérer. Jamais il ne lui enlèverait le pouvoir de se débattre, de combattre et de lutter contre lui. Elle n’avait plus envie de l’entendre déblatérer des inepties, elle voulait qu’on la laisse tranquille, qu’on la laisse en paix avec sa haine. La jeune louve bordeaux appuya lourdement ses antérieurs contre le poitrail du mâle Alteron et tenta de se hisser hors de sa portée.

- Ne t’ai-je pas dit de dégager!? gronda-t-elle furieuse. Tu approuves que tu es un imbécile alors dégage sur le côté et…. LAISSE-MOI TRANQUILLE ! conclut-elle en pesant sur chacun de ses trois derniers mots pour finalement continuer à se débattre tel un veau prisonnier dans le cordage d’un lasso.

Et c’est bien ce qu’elle était. Une proie à la merci.

Il parvint à la maîtriser, la surplombant au dessus, inclinant sa tête vers le bas afin de lui offrir toute son attention. Si Shû continuait de se débattre, elle ne semblait pas incommoder Gun: au contraire, il semblait aisément balancer son équilibre dans ses pattes malgré l'instabilité de la louve en dessous, comme s'il était habitué à ce genre de situation. Comme si le fait de la voir se démener de la sorte l'indifférait complètement.

- Ne t’ai-je pas dit de dégager!? Il ne dit rien. Tu approuves que tu es un imbécile alors dégage sur le côté et…. LAISSE-MOI TRANQUILLE ! elle vociféra en continuant d'essayer de le mordiller.
- Tu ne sais pas te battre, tu ne sais pas chasser, tu ne sais pas te situer, tu ne sais pas pister. La seule chose que tu sais faire, c'est te mettre en colère.
Il baissa les yeux sur elle.
- Bloodspill est morte. Au courant des saisons, certains blackbloods ont abandonné votre Oasis, et personne n'est venu à votre recherche. Pourtant, ce n'était pas les traces qui manquaient: Lady Calamité était si maladroite qu'elle n'a pas réussi à dissimuler complètement les preuves.
Il haussa ses sourcils.
- Ça fait presque un an. Personne n'est venu. Pourquoi ?

Sa mâchoire ne cessait de claquer, mais de claquer dans le vide puisqu’elle ne parvint à toucher aucun morceau de chair. Gunthaer semblait se jouer d’elle. C’était tout comme s’il dansait, évitant ses petites attaques avec une aise qui ne cessait de faire grandir sa frustration. Bientôt, son corps témoignait des signes de fatigue face à tant d’émotions colériques, mais également face à tant de manœuvres vaines pour tenter de se libérer. Et puis, la position inconfortable dans laquelle elle était lui demandait suffisamment d’effort pour obtenir un bon souffle.

- Tu ne sais pas te battre, tu ne sais pas chasser, tu ne sais pas te situer, tu ne sais pas pister. La seule chose que tu sais faire, c'est te mettre en colère.

Shû avait fini par abandonner sa tête contre le sol, reprenant un tant soit peu de force. Elle avait détourné le regard, mais en sentant celui de Guns glisser sur elle, elle darda de nouveau ses yeux enflammés vers lui. Encore une fois, il se permettait de l’insulter, de lui dire des vérités tranchantes, mais que Shû refuserait d’admettre. Elle n’était pas comme ça. Elle saurait se débrouiller. Elle n’avait pas besoin d’eux, comme elle n’avait besoin de personne!

- Bloodspill est morte. Au courant des saisons, certains blackbloods ont abandonné votre Oasis, et personne n'est venu à votre recherche. Pourtant, ce n'était pas les traces qui manquaient: Lady Calamité était si maladroite qu'elle n'a pas réussi à dissimuler complètement les preuves.

Un instant, elle avait écarquillée les yeux face à la vérité que lui imposait Gunthaer. Bloodspill, sa mère, morte ? Shû sentit sa mâchoire trembler, ses dents claquées entre elles, avant que finalement elle ne fronce de nouveau les sourcils, plissant les yeux, pour fixer Guns d’un regard méprisant.

- Ça fait presque un an. Personne n'est venu. Pourquoi ?

Elle eut un rictus, amusée.

-Pourquoi? (Elle tenta de relever sa tête, s’appuyant sur ses coudes pour redresser un peu son corps) Parce que… tu mens !! déclara-t-elle en serrant les dents. Tu t’avances sur un terrain glissant alors que tu n’as… (Elle le toisa de haut en bas) Tu n’as aucunes preuves pour prouver ce que tu avances ! Je ne suis pas naïve !! conclut-elle sec.

Il avait tort. Espérait-il réellement qu’elle le croit ? Il n’avait aucune preuves pour appuyer ce qu’il disais, il n’y connaissait rien !

Elle était amusée, sans se rendre compte de la situation.
- Pourquoi? Parce que… tu mens !! C'était à s'y attendre. Gunthaer poussa un soupir alors que Shû chercha à se relever. Il abaissa une oreille: visiblement, Shu avait hérité du naïf idéalisme de Calamité. Tu t’avances sur un terrain glissant alors que tu n’as… Tu n’as aucune preuves pour prouver ce que tu avances ! Je ne suis pas naïve !!
- Very well.
Il se décala, la libérant.
- Pars donc à l'Oasis. Va voir, va te présenter, cherche ceux qui pourraient t'accorder de l'attention. Je peux te garantir que les seuls à t'avoir porté de l'intérêt ont chu pendant la dernière bataille.
Et sur ces mots, Gunthaer s'assied avec désinvolture.
- Je n'aurai qu'à dire à Milady que tu es morte. Il haussa les épaules. Si je lui dis que tu t'es enfuie, elle finira par s'inquiéter et vouloir aller à ta recherche.
Les yeux grand ouverts, où n'y reflétait aucune sensation. Il lui lança le menton d'un bref mouvement.
- Tu es libre.

- Very well.

Ses oreilles tiquèrent. Il laissait tomber? Il abandonnait la lutte? Shû sentit un regain d’énergie l’envahir à cette simple pensée quand soudain, elle se réalisa. Il la libéra de son emprise et aussitôt elle se précipita sur ses quatre pattes s’ébrouant par la même occasion. Elle le regarda par-dessus son épaule, méfiante.

- Pars donc à l'Oasis. Va voir, va te présenter, cherche ceux qui pourraient t'accorder de l'attention. Je peux te garantir que les seuls à t'avoir porté de l'intérêt ont chu pendant la dernière bataille.

Elle fronça les sourcils. Il la laissait partir? Il voulait qu’elle fuie? À quelle genre de manège s’adonnait-t-il donc. Il s’était assied visiblement peu intéressé à la suite des choses. Shû eut un rictus et se retourna pour lui faire face à nouveau.

- Je n'aurai qu'à dire à Milady que tu es morte. Si je lui dis que tu t'es enfuie, elle finira par s'inquiéter et vouloir aller à ta recherche.

Elle en avait que faire de ce que Calamité pouvait bien penser. Il pouvait bien lui raconter tout ce qu’il voulait, elle s’en contre fichait. Finalement, il fit un geste du menton pour comme lui désigner l’étendu qui se dressait devant elle.

- Tu es libre.

Shû écarquilla légèrement les yeux quelques instants avant de regarder devant elle. La liberté. Puis de remettre subitement ses prunelles écarlates sur Gunthaer. Elle plissa les yeux et redressa hautement la queue et la tête. Il n’était décidément qu’un imbécile. S’il croyait qu’elle tomberait dans son piège. Il avait clairement fait mention de ses intentions de la tuer puisque Calamité était là et maintenant il la laissait partir pour dire exactement ce qu’il entendait à Cal? Shû connaissait le sort qui l’attendait si elle fuyait désormais.

-Tu me crois stupide? Fit-elle en haussant un sourcil. Pourquoi tu me laisserais subitement fuir alors que voilà pas deux minutes tu me menaçais de mort ? déclara-t-elle sèchement en faisant claquer sa queue. T’es vraiment lâche d’attendre que j’ai le dos tourné pour me sauter dessus…. Va au diable. conclut-elle en le regardant de haut.

De toute façon, elle savait pertinemment que la fuite ne lui servait en rien pour l’avoir déjà expérimenté. Calamité était tout de suite revenue la retrouver, sans mal et sans peine même puisque Shû ne connaissait pas l’étendue du territoire autour d’elle.

- Tu me crois stupide?
- Je te sais naïve c'est différent, corrigea Gunthaer en rigolant tout bas, léger.
- Pourquoi tu me laisserais subitement fuir alors que voilà pas deux minutes tu me menaçais de mort ? T’es vraiment lâche d’attendre que j’ai le dos tourné pour me sauter dessus…. Va au diable.
- C'est bien ce que je disais, Shû. Tu n'as aucune initiative. Tu ne mets aucun poids dans tes menaces.
Il leva à son tour un sourire, comme pour l'imiter. Son sourire, toutefois, n'était ni moqueur, ni sarcastique. Simplement apaisé.
- Ahhh... Tu es encore plus prévisible que l'est Shin. Je t'explique.
Il secoua doucement la tête.
- Calamité est la seule chose m'empêchant de te tailler en pièces. Je n'ai aucune raison de la trahir. Donc, je n'ai aucune raison de te tuer. Dans le même élan, je n'ai aucune raison de te garder ici, puisque tu désires toi-même t'enfuir. À quoi bon garder un élément nuisible ? Alors va. Fuis. Entreprend donc de faire ce que tu veux, pour une fois.
Il leva la tête vers les branches de la forêt noire.
- Qu'est-ce que tu attends. Tu as la frousse ?
Il leva la tête, sur un sourire condescendant.
- Non... je sais à quoi tu penses. "Et si cet imbécile avait raison ?", "Et s'il n'y avait vraiment personne qui avait décidé de se lancer à notre recherche ?", "Et si je ne trouvais pas le chemin menant à l'Oasis ?"

Certaines piques passèrent comme du vent dans l’oreille de Shû qui n’était qu’aveugler par le sentiment de la colère. Toutefois, alors qu’elle s’épuisait physiquement et psychologiquement, lui, avait encore des stocks en réserve.

- C'est bien ce que je disais, Shû. Tu n'as aucune initiative. Tu ne mets aucun poids dans tes menaces.

Face à son sourire, elle plissa vigoureusement le museau, dévoilant ses canines. Ses oreilles se plaquèrent contre sa nuque. Ce n’était pas qu’elle n’avait aucune initiative, elle pouvait se permettre de tout faire, comme toujours seulement on ne lui en laissant pas la chance. Bien que Gunthaer vienne de lui ouvrir les portes de la liberté, pour une fois, elle avait écouté la voix de la raison qui sonnait dans sa tête. Ne pas fuir. Elle ne pourrait survivre seule dans cet immense étendu. Elle ne connaissait pas la chasse, pas la région et elle s’entêtait à croire qu’elle finirait par se débrouiller toute seule. Pourquoi ne partait-elle pas donc? Elle ne craignait pas de mourir, si cela pouvait l’éloigner de ce territoire maudit, de cette forêt maudite. Puis, dans un autre recoin de son esprit, elle repensait à Shin avant de le repousser au plus profond de ses pensées. Celles-ci ne cessaient de se bousculer. On la tenait en ficelles.

- Ahhh... Tu es encore plus prévisible que l'est Shin. Je t'explique.

Son échine s’hérissa. Elle n’avait pas envie d’entendre ses explications, mais elle a encore envie de lui prouver qu’elle avait tort, qu’il pensait simplement en mal d’elle.

- Calamité est la seule chose m'empêchant de te tailler en pièces. Je n'ai aucune raison de la trahir. Donc, je n'ai aucune raison de te tuer. Dans le même élan, je n'ai aucune raison de te garder ici, puisque tu désires toi-même t'enfuir. À quoi bon garder un élément nuisible ? Alors va. Fuis. Entreprend donc de faire ce que tu veux, pour une fois.

Shû ferma brutalement les paupières, fronçant davantage ses sourcils. Ce qu’il pouvait dire non-sens. Il ne cessait de se contredire, de raconter n’importe quoi. Lui-même ne savait visiblement pas ce qu’il voulait. La jeune louve bordeaux ne se détendit pas pour autant alors que lui avait levé les yeux vers les branches des arbres noirs.

- Qu'est-ce que tu attends. Tu as la frousse ?

- Peur!? s’offusqua-t-elle immédiatement avant qu’il ne poursuivit.

- Non... je sais à quoi tu penses. "Et si cet imbécile avait raison ?", "Et s'il n'y avait vraiment personne qui avait décidé de se lancer à notre recherche ?", "Et si je ne trouvais pas le chemin menant à l'Oasis ?"

- Ah ! Tu te mets la patte dans l’œil si tu crois qu’un jour je te donnerais raison, qu’un jour je donnerais raison à deux parasites sachant que l’une a simplement agit égoïstement ! s’écria-t-elle en faisant un pas de plus vers lui. Si je suis si nuisible, pourquoi m’avoir gardée si c’est simplement dans votre intérêt personnel. (Elle eut un rictus malsain) Non, je me demande en fait comment tu peux en venir à créer autant d’histoire sans soutenir ce que tu entends, sans te battre pour ce que tu dis alors que tu me le reproches sans cesse. conclut-elle en le dévisageant.

- Ah ! Tu te mets la patte dans l’œil si tu crois qu’un jour je te donnerais raison, qu’un jour je donnerais raison à deux parasites sachant que l’une a simplement agit égoïstement !
- Et c'est reparti...
- Si je suis si nuisible, pourquoi m’avoir gardée si c’est simplement dans votre intérêt personnel. Non, je me demande en fait comment tu peux en venir à créer autant d’histoire sans soutenir ce que tu entends, sans te battre pour ce que tu dis alors que tu me le reproches sans cesse.
- Tu es toute seule, Shû. Ton père est parti sans aller à te recherche, ta mère est morte, abattue par deux loups d'Alteron, la même Alteron qui a réussit à vous envahir, vous qui pourtant étiez les "fiers élites". S'ils ont misérablement échoué, ils ont pourtant réussi à sauver deux petits de cet enfer.
Il secoua sa tête.
- Calamité est la seule à te tendre la patte, à t'offrir le salut que tu souhaites. Elle veut te nourrir et t'apprendre ce qu'elle sait, et toi, tu t'entêtes de la refuser. Elle, qui désire pourtant ton bonheur ?
Il porta une patte dans ses mèches courtes, les entremêlant.
- Tu parles souvent de moi sans me connaître. L'avis que tu as de moi m'importe peu. Il se redressa. Votre existence est sans intérêt à mes yeux, tout dépendant de l'avis de Milady. Si Calamité te désire en vie, alors je ferai tout pour te protéger. Si elle ne t'accorde plus d'intérêt, je ne t'accorderai plus d'intérêt. Je n'ai aucun parti pris.
Il fronça les sourcils.
- Or, elle t'accorde de l'intérêt. Elle t'accorde de l'importance. À toi, une poupée de chair sans intérêt, abandonnée par les siens auprès de son bon à rien de frère. Si tu ne veux pas rester, pars. Si tu es prête à considérer Calamité comme une alliée, reste, et accordes lui le respect qu'elle mérite.

Les paroles s’enchaînèrent et les pensées se chevauchèrent. Tout doucement l’idée qu’on l’avait abandonnée à ses kidnappeurs faisait son chemin dans son esprit.

- Tu es toute seule, Shû. Ton père est parti sans aller à te recherche, ta mère est morte, abattue par deux loups d'Alteron, la même Alteron qui a réussit à vous envahir, vous qui pourtant étiez les "fiers élites". S'ils ont misérablement échoué, ils ont pourtant réussi à sauver deux petits de cet enfer.

Alteron. C’était vrai. C’était Alteron. Ils étaient de cette meute. Sa mère ne pouvait cependant pas être morte c’était impossible ! Elle n’avait pas vue la scène de ses yeux, comment lui pouvait-il le savoir ? Shû s’en mordit la langue, abaissant quelque peu ses sourcils. Pourquoi soudainement se mettait-elle à douter ?

- Calamité est la seule à te tendre la patte, à t'offrir le salut que tu souhaites. Elle veut te nourrir et t'apprendre ce qu'elle sait, et toi, tu t'entêtes de la refuser. Elle, qui désire pourtant ton bonheur ?

Son bonheur ? Mais son bonheur n’était pas ici. Il était à l’Oasis. Toutefois, il était vrai que Bonechill ne s’était jamais pointé. Il n’aurait pas eu de la difficulté à la retrouve elle et son frère ou même à écraser ses moustiques, pourquoi diable n’était-il pas venu ? Shû ferma les paupières lourdement avant de mettre sa queue parallèle au sol.

- Tu parles souvent de moi sans me connaître. L'avis que tu as de moi m'importe peu. Votre existence est sans intérêt à mes yeux, tout dépendant de l'avis de Milady. Si Calamité te désire en vie, alors je ferai tout pour te protéger. Si elle ne t'accorde plus d'intérêt, je ne t'accorderai plus d'intérêt. Je n'ai aucun parti pris.

Pourquoi avait-il raison ? Shû ne cessait de dire qu’ils ne la connaissent pas, mais il l’avait vu grandir, avait vu comment elle était. La seule chose qu’il ignorait de son enfance, c’est sa naissance ainsi que les quelques saisons qu’elle avait passée à l’Oasis. Elle, que connaissait-elle de Calamité ou de Gunthaer ? La petite louve bordeaux posa ses prunelles écarlates, les sourcils froncés, sur Guns. Elle avait bien raison de le craindre. Elle ne le connaissait pas du tout. À son tour, le loup violet fronça les sourcils, faisant ourler les oreilles de Shû vers l’arrière.

- Or, elle t'accorde de l'intérêt. Elle t'accorde de l'importance. À toi, une poupée de chair sans intérêt, abandonnée par les siens auprès de son bon à rien de frère. Si tu ne veux pas rester, pars. Si tu es prête à considérer Calamité comme une alliée, reste, et accordes lui le respect qu'elle mérite.

- Ce n’est pas vrai… fit-elle dans un ton bien moins soutenu. Ce n’est pas vrai ! Je n’ai pas été a-abandonnée… dit-elle en baissant la tête et en fermant durement les paupières. Alteron ne peut pas avoir eu raison de ma mère. Bloodspill était imbattable !! gronda-t-elle en plongeant son regard sur Guns. Comment peux-tu le savoir ? C’est toi qui l’as tué !? questionna-t-elle en faisant un pas de recul pour le regarder de haut en bas.

Son poison faisait déjà effet, érodant les poutres solides qui servaient de pilier à l'audace de la petite. Elle sembla se rebiffer, une nouvelle fois, dans une voix bien moins assurée que plus tôt. Il revit la petite Salama en elle. Les enfants étaient des jouets si fragiles...
- Ce n’est pas vrai… S'ils étaient montés sur des tailles similaires, l'énergie de plus expérimenté semblait l'écrabouiller, au point de la faire ployer. Elle tenta de se ressaisir. Ce n’est pas vrai ! Je n’ai pas été a-abandonnée… En vain. Son courage et sa bravoure - son effronterie et son inconscience- s'amenuisait au fil de ses paroles. Alteron ne peut pas avoir eu raison de ma mère. Elle le foudroya du regard. Bloodspill était imbattable !!
- Et pourtant, elle est morte, de répondre Gunthaer le plus sobrement possible. La louvarde s'enflamma.
- Comment peux-tu le savoir ? C’est toi qui l’as tué !? elle explosa alors, non sans esquisser un pas de recul, comme si elle le voyait sous un autre jour. Gunthaer leva un petit sourire, haussant ses épaules.
- Abattre un guerrier est facile lorsqu'on connait ses faiblesses. Tous les loups sont mortels, après tout. Gunthaer rouvrit ses yeux.
- Ce sera ma seule réponse à ce sujet. Libre à toi de me croire ou non. Les faits sont ce qu'ils sont, même en se bouchant les oreilles ou en fermant les yeux.

Comme si c’était pour donner encore plus de raisons à son recul, Gunthaer esquissa un petit sourire, haussant même les épaules donnant ainsi la moitié de sa réponse à Shû.

- Abattre un guerrier est facile lorsqu'on connait ses faiblesses. Tous les loups sont mortels, après tout.

Elle ne pouvait pas nier ce qu’il avançait, mais il n’en venait pas encore au point. Shû referma alors quelque peu ses paupières et pencha légèrement sa tête sur le côté.

- Ce sera ma seule réponse à ce sujet. Libre à toi de me croire ou non. Les faits sont ce qu'ils sont, même en se bouchant les oreilles ou en fermant les yeux.

Ce n’était pas encore tout à fait un fait. Shû se refusait encore à croire que sa mère était morte. Elle ne pouvait pas l’être, mais d’un autre côté, si elle n’était pas encore venue c’était qu’elle les avait abandonnée elle aussi ? Les idées se bousculèrent dans la tête de Shû qui l’ébroua d’un trait. La petite louve bordeaux plissa cette fois les paupières sans pour autant devenir aussi agressive que tout à l’heure ne faisant que révéler davantage au loup violet que le poison faisait son effet. Néanmoins, il n’avait pas véritablement répondu à sa question.

- Il faut que je te le demande dans quelle langue… Es-ce que c’est toi qui l’as tuée ou pas ? demanda-t-elle en plissant le museau. Avoue-le ! Tu ne fais que tourner autour du pot !

Si elle plissa d'abord les yeux par mépris, elle les plissa aussi en dépit. Sa colère et sa fougue de plus tôt semblaient s'être irrigués dans le miasme corrosif qu'était Gunthaer lui-même. Elle s'osa pourtant une révolte. Une dernière, sans doute.
- Il faut que je te le demande dans quelle langue… Elle maugréa à mi-voix avant de se redresser Est-ce que c’est toi qui l’as tuée ou pas ? Elle plissa le museau. Avoue-le ! En montrant les crocs. Tu ne fais que tourner autour du pot !
Gunthaer gardait ses oreilles droites, son air rendu doux, symbole de son calme et de sa maîtrise de la situation. Si elle semblait peu à peu perdre son contrôle, lui, semblait garder une stabilité presque dérangeante. Il ne bougeait pas. Il s'osa quelques mouvements, désabusé. D'abord un soupir, puis, un mouvement de la tête, où il leva le menton.
- Très bien, je vais jouer à ton jeu. Il reprit un posture plus droite, sans tension, sans le moindre signe de malaise. C'est ses yeux se gorgèrent alors de couleurs, et qu'il leva tout doucement son menton, de manière presque imperceptible, comme s'il la toisait de haut.

Et si je t'avouais que c'était moi qui avait tué Bloodspill, qu'est-ce que tu ferais ?

Il n’avait pas bougé, du moins, il ne s’était permis que quelques mouvements si peu nombreux que Shû n’y prêtait presque pas entièrement attention mis à part ses sourires qu’il appréciait tant lui accorder.

- Très bien, je vais jouer à ton jeu.

Les oreilles droites, le corps solidement ancré dans le sol était bien symbole d’un calme, mais d’un calme dérangeant qui avait de quoi inquiéter la jeune louve. Elle hésita même à reculer d’un pas. C’était bien de ce qu’elle craignait de Gunthaer. Elle ne le connaissait pas. Elle ne savait pas de quoi il était capable. La simple aura qu’il dégageait avait de quoi l’effrayer sans qu’elle ne sache pourquoi et cette fois, c’était plus intense qu’à l’habitude. Néanmoins, elle-même resta solidement ancrée dans le sol comme pour le confronter bien que son esprit lui criait de partir à toutes jambes. Il se mit plus droit, son corps ne témoignait de rien, mais ses prunelles pouvaient dire bien des choses. Shû se sentit pliée sous une certaine pression, mais elle refusa de totalement abandonner.

Et si je t'avouais que c'était moi qui avait tué Bloodspill, qu'est-ce que tu ferais ?

- Je… se coupa-t-elle alors que la scène du combat de tout à l’heure lui revenait à l’esprit, mais elle tenta tout de même de prononcer quelque chose, sans qu’un son ne sorte de sa gueule.

Évidemment, elle le lui ferait payer, mais comment ? Jamais elle ne pourrait arriver à quoique se soit. Elle ne savait rien. Elle ne connaissait rien. Quoi ? Osait-elle enfin dire qu’ils avaient raison ? Non, ce n’était pas vrai, mais pourtant tout était là. Elle n’y pouvait rien. Elle ne pouvait rien y faire, rien y changer mis à part en acceptant ce qu’on lui avait offert. Shû laissa ses oreilles retombés sur les côtés de son crâne. Le résumé de toute cette conversation, ces actions, lui revinrent en mémoire. Personne n’était venu la chercher. Bonechill l’avait abandonnée et Bloodspill l’avait soit abandonnée, soit elle était morte, mais l’idée de la mort se rapprochait plus de la réalité puisqu’elle ne pouvait concevoir que sa mère l’ait abandonnée aux bras d’Alteron. Que ce soit Gunthaer ou un autre qui l’es tuée, elle ne pouvait rien n’y rien, car elle ne connaissait rien de toute façon. Elle ne connaissait rien de la vie. Elle le savait. Elle n’était pas partie quand Guns lui avait offert, car elle avait peur. Elle avait peur de lui, elle avait peur d’y laisser sa peau. Elle ne savait pas chasser, elle ne savait pas se battre. Si seulement elle leur accordait un tant soit peu de respect, elle pourrait obtenir tout cela. Elle pourrait se sentir moins impuissante et donc, plus puissante face à cette nouvelle vie. Mais après toute la misère qu’elle leur avait fait subir, étaient-ils réellement prêt à lui accorder cette chance ? À lui apprendre les rudiments de la vie ? Elle en voudrait toujours à Calamité de l’avoir enlevé puisqu’elle n’en comprenait pas encore les motifs, mais elle l’avait tout de même, en quelque sorte, sauvée de la guerre d’Alteron. Elle lui avait accordé un certain droit à la vie.

Shû se laissa retomber en position assise, la tête penchée vers ses pattes, les oreilles toujours pendues contre le côté de son crâne. Jamais elle ne résignerait complètement, butée comme elle était, mais on venait de l’empoisonner pour la faire marcher bien droit et cela fonctionnait, tout doucement.

Faisant face à son impuissance, à sa peur, à l'effritement de tout ce qu'elle croyait, ce qui la rattachait au maigre espoir de retrouver son ancienne vie à l'Oasis se cassa comme une balle dans un miroir. Chaque morceau se cisailla en retombant au sol par saccades, dans un écho lointain. Et c'est ainsi que sa détermination se brisa, la réduisant à faire retomber son arrière-train au sol, et abaisser sa tête vers ses pattes, comme si la nouvelle liberté acquiert par la quasi-annihilation de tout ce en quoi elle se rattachait lui était soudain lourd sur les épaules, la forçant à prendre en considération l'infinité de données l'assaillant alors. La nombre de possibilité devait être si grand pour une jeune louve de son âge, qu'imaginer la taille de la chose lui était inconcevable. Comme le son d'une tonalité morne opposée à une mélodie rythmée. Il venait de lui occire tout espoir à son ancienne vie.

Et il n'avait pas l'air de s'en soucier. Après un moment à regarder - contempler - Shû faire reddition par le silence, il se mouva vers elle, tout doucement, avant de s'asseoir à proximité et de, dans un mouvement qu'il commençait peu à peu à comprendre, déposer l'une de ses pattes sur la tête de la petite.

Là, il replaça tout doucement ses mèches éparpillées, comme il avait l'habitude de faire. Un simple mouvement de réconfort, qui ne nécessitait ni paroles, ni théâtre. Il fixait sans comprendre cette créature brisée à ses pattes qui dansait à sa musique, comme toutes les autres. Sa vulnérabilité lui était une source de divertissement. Mais au point de s'en nourrir et de retourner le couteau dans la plaie ? Futile: le but avait été d'expliquer à Shû sa situation. Qu'elle le prenne bien ou mal ne faisait pas partie de son sort à lui.

Comme si sa sévérité de plus tôt s'était complètement envolée, il se mit à fredonner, tout bas, une berceuse sans paroles, qui se voulait d'adoucir leurs moeurs.

Au départ, tout semblait si clair dans son esprit, puis maintenant tout était entièrement chamboulé. Shû ne savait plus réellement si elle devait croire en ce qu’elle se bornait tant à croire ou ben à admettre la triste réalité. Non, c’était bien ça. Elle se donnait elle-même une illusion de ce qui en était. Elle se mentait en elle-même. C’est elle-même qui se nuisait et non pas les deux loups d’Alteron qui lui menait la vie dure. C’était le contraire. Son esprit avait véritablement pris un virage à 360 degré, s’embarquant dans une voie un peu plus prometteuse. Néanmoins, elle se sentait si impuissante. Impuissante face à tout ce qui lui arrivait, littéralement. Elle n’était plus maîtresse de ce qu’elle voulait, mais elle avait appris qu’elle pourrait en avoir plus si elle se pliait à certaines conditions.

Son esprit avait véritablement pris un virage à 360 degrés et elle y était si plongée, qu’elle sursauta lorsque le loup violet vint poser une patte contre sa tête. Elle ne réagit pas. Son corps fit secouer de quelques soubresauts, mais elle ne fit rien ni ne dit rien. Elle l’aurait volontiers repoussé, elle lui aurait lancé son fameux regard enflammé, mais elle resta statique. Quelques mots soufflés, murmurés, lui firent redresser les oreilles pour ensuite les couchés contre sa nuque. Il lui chantait une berceuse, sans paroles. Shû ferma les yeux, sentant des larmes naître au coin de ses yeux, mais certaines fuirent contre ses joues, roulèrent dans sa fourrure bordeaux. Elle ne savait même pas comment qualifier cette peine. Pourquoi en pleurait-elle ? Shû expira bruyamment par la truffe tandis que Gunthaer replaçant ses mèches rousses. Une seule chose était certaine, cette peine ne pouvait que qualifier deux choses. Une libération ou un abandon.




THE END.