Un monde à part.

Automne An 5 ~ Le terrain de dressage ~


Cela faisait maintenant plusieurs semaines qu'il avait quitté la douce froideur du Grand Nord. D'aucuns le nommeraient "fugitif", Cabor, lui, préférait se penser "voyageur". Même s'il était vrai qu'il serait difficile pour lui de retourner chez lui sans conséquences... désagréables.
Parti sans véritable objectif, autre que de fuir le souvenir de son accident et d'aller à la rencontre de l'aventure (et des aventures, si vous voyez ce que je veux dire...), il avait arpenté les terres complètement au hasard, descendant au travers de la forêt Inaria en se fiant aux marquages pour ne pas dépasser leurs frontières, arrivant dans un verger. Puis la terre était devenue trop sèche, trop aride, trop chaude pour qu'il puisse le supporter après avoir vécu toute sa vie dans les neiges presque éternelles du Grand Nord. Il était alors remonté par l'autre côté de la forêt, avait contourné tant bien que mal les territoires toujours trop chaud, choisissant de voyager à travers les montagnes aux atmosphères plus fraîches en hauteur.
Finalement, il était arrivé dans une gigantesque plaine. Rien de bien intéressant n'avait attiré son attention jusqu'à ce qu'il découvre le petit campement humain.

Curieux, intrigué par ses bêtes marchant sur deux pattes dont il n'avait entendu parlés que dans les histoires du Nord, il s'aventura à proximité, étudiant les structures ressemblant à de petites grottes, humant les odeurs fumés et étranges qui se dégageaient de nuages montant du sol, parcourant des yeux tout un univers qui lui était inconnu.

Lorsque l'odeur de Cabor lui arriva aux narines, ses grandes oreilles s’abaissèrent le long de sa nuque, et ses deux yeux se plissèrent avait dédain. Blue eut tout juste le temps de saisir sa pipe du bout de ses crocs et de quitter son promontoire - un peu à l'orée du camp, comme il n'aimait pas les sons trop bruyants - d'un bond avant de se mettre au petit trot, suivant l'odeur et la successions de sons étrangers lui parvenir aux oreilles. Il fit le tour du camp en décrivant un large cercle autour, la queue parallèle au sol, signe qu'il devait protéger ce territoire. Lorsqu'enfin ses yeux embrumés discernèrent la silhouette de Cabor, Blue s'arrêta de trottiner pour fléchir des pattes, s'approchant, accroupi, de la source de tout son malaise. Comme ce-dernier semblait avoir la tête ailleurs, Blue s'arc-bouta au sol et retroussa ses babines, lâchant un grondement entre ses crocs.
- RRrrrrgghhhhlw...

Fasciné, c'était presque un euphémisme à en voir la tête que tirait le bringé en avalant du regard cet étrange monde parallèle. Tout était nouveau : les objets, les odeurs... la chose bleue qui lui grognait présentement dessus depuis sa position au sol...
Cabor baissa son regard disparate sur l'animal qui grondait entre ses crocs. La surprise lui fit redresser ses oreilles pelucheuses.
- OooOoh ! Un mini loup ! Lâcha-t-il avec amusement.
S'inquiétant peu de la menace présentée par l'individu compte tenu de sa taille - et puis après tout, que pourrait bien lui faire un mini loup ? - le croisé s'approcha rapidement, la queue en panache à sa suite, faisant le tour de sa découverte pour l'observer sous toutes ses coutures. C'était après tout la première fois qu'il rencontrait un vrai chien. Certains de ses camarades du Grand Nord en possédait du sang, probablement car les Deux Pattes aimaient apparemment à se déplacer sur des structures en bois tirées par les chiens.
Cabor ne comprenait juste parce ce qui les poussait à le faire.
- Hey l'ami, c'est ton territoire ? Demanda-t-il pour engager la conversation (et s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un faux chien, un imposteur qui ne serait pas réellement rattaché aux Deux Pattes).

- OooOoh ! Un mini loup ! lâcha l'étranger avec entrain. Ce soudain changement d'atmosphère décontenança le chien bleu, qui redressa sa tête, la penchant d'un côté, sa pipe vers le bas.
- Hrrlw ?
Au lieu de s'éloigner et de respecter son avertissement, l'étranger s'approcha rapidement, et se mit à caracoler en tournant autour de lui, la queue en panache. La queue de Blue, dressée au dessus de sa croupe, redevint parallèle au sol, et ses deux oreilles s'abaissèrent, comme s'il était dépassé par les évènements. Lui-même devait s'avouer curieux devant une telle fourrure: les longues touffes s'entrechoquaient ensemble dans une succession de frictions étouffées, un bruit étrange que ses deux oreilles proéminentes n'avaient jamais capté. Mis à part les terres de Sydney, peu de chien arboraient une fourrure aussi épaisse. Même sa propre nuque ne comportait pas autant de volume ! L'autre décida de s'adresser nouvellement à lui.
- Hey l'ami, c'est ton territoire ?
- Wroo, sembla réponse Blue en gardant un air sterne au visage. Il tourna soudain la tête, abaissant ses lourdes oreilles, retroussant brièvement ses babines. Puis, il s'éloigna dans un trot allongé, jugeant l'étranger " inoffensif ".

- Wroo. Fit le chien.
Cabor resta muet un moment, contemplant cette réponse inattendue.
Pendant que le bringé réfléchissait à cette singulière rencontre, son nouvel ami - tout ce qui n'essaie pas de le bouffer ou qu'il n'essaie pas de bouffer est un ami - s'éloigna au trop.
Finalement, Cabor hocha pensivement du chef en concluant que le chien bleu avait répondu affirmativement à sa question et avait décidé de lui faire visiter. Aussi lui emboîta-t-il le pas, le rattrapant rapidement grâce à ses pattes plus longues.
- Alors, c'est comment la vie avec les Deux Pattes ? Ooh et je me suis toujours demandé pourquoi vous acceptiez de traîner leurs trucs en bois dans la neige. C'est amusant ? Enchaîna-t-il avec bonne humeur, remuant doucement la queue, le flanc pratiquement collé à celui du canidé plus petit.

Blue s'engageait de bon train, rarement de bonne humeur, qu'il entendit les pas de l'autre s'approcher de nouveau. Étant donné la longueur de ses pattes, l'étranger le rattrapa sans problèmes, décidant de s'incruster dans sa balade. Les deux oreilles du chien s'abaissèrent et son air se crispa dans la résignation d'accepter que ce pot-de-colle n'était pas près de le lâcher...
- Alors, c'est comment la vie avec les Deux Pattes ? lui demanda l'autre, invasif. Ooh et je me suis toujours demandé pourquoi vous acceptiez de traîner leurs trucs en bois dans la neige. En le regardant, un sourire idiot scotché aux lèvres: C'est amusant ?
- Wroof ! Wrrhhlff... aboya Blue en redressant un peu la tête, sans toutefois regarder ce qui lui servait... " d'interlocuteur ". Il redressa ses deux oreilles, soudain à l'affût.

- Wroof ! Wrrhhlff... Aboya de nouveau le chien.
Cabor se demanda soudain si tous ces... "cousins" asservis par les Deux-Pattes communiquaient de façon si primitive. Mais il n'en fit pas cas, et la situation l'amusait plus qu'autre chose. Et tant qu'il ne se lasserait pas ou qu'il ne se ferait pas chassé, il avait l'intention de rentrer dans le jeu du mini-loup bleu.
- Non ? Je suis sincèrement désolé, je n'ai pas tout saisi. Pourriez-vous articuler un peu mieux ? Demanda-t-il en réponse aux aboiements du chien.

Comme soudain irrité par quelque chose, il claqua ses crocs sur sa pipe, relâchant un court " rrghhlf " entre ses crocs. Après avoir jeté un regard par-dessus son épaule, il s'en retourna vers l'étranger qui semblait visiblement apprécier s'entendre parler.
- Non ? Je suis sincèrement désolé, je n'ai pas tout saisi. À croire qu'il s'attendait réellement à une discussion avec lui. Pourriez-vous articuler un peu mieux ?
Blue s'arrêta de marcher pour s'arc-bouter au sol.
- Woof ! réitéra-t-il avec force.

Le chien s'arrêta alors de marcher, se retournant vers lui en se crispant au sol.
- Woof !
- Oh quelle verve, mon ami ! Répliqua Cabor sur le même ton, les moustaches frémissantes d'amusement.
Une idée lui vont subitement et sa queue se redressa pour battre joyeusement alors qu'il baissait son avant-main vers le sol.
Il se racla d'abord la gorge :
- Ghrm har heerm.
Puis il prit une profonde inspiration, braqua son son oeil marron et bleu sur le chien et...
- GRWRWOOF !

- Oh quelle verve, mon ami ! répliqua l'autre toujours paré de son large sourire. Blue se releva, expiant de l'air de sa gueule entrouverte, un peu circonspect quant à la réaction de l'étranger aux yeux atypiques. L'autre s'accroupit en frétillant sa queue, émettant toute sortes de bruits que ses oreilles ne réussirent par à analyser:
- Ghrm har heerm.
Blyue approcha sa tête, la penchant d'un côté, un peu curieux de voir ce que l'autre avait en tête. L'étranger gonfla son diaphragme et, après avoir croisé son regard dans une complicité partagée, relâcha un puissant GRWRWOOF ! en plein dans les oreilles du chien bleu. Ce-dernier tressauta, reculant prestement sa tête et son cou, les yeux écarquillés, comme paralysé par les décibels qui venaient de l'assommer.
- ... !!!
Il secoua sa tête et s'ébroua le corps. Puis, la tête basse, la langue pendante, il lui prit quelques secondes pour reprendre une respiration plus calme. Lorsqu'il releva la tête, il braqua son regard dans celui de Cabor, retroussant le museau.
- RRRggghowf !!! répliqua-t-il, les oreilles basses cette fois, ce qui lui évita une nouvelle attaque de sons trop forts.

Cabor se redressa avec un grand sourire après avoir mis en oeuvre sa lumineuse idée.
Le chien avait sursauté et semblait un peu... secoué. Lorsqu'il eut repris ses esprits, il s'ébroua avant de fusiller son cousin plus gros du regard, lui attirant un innocent sourire de la part du bringé.
- RRRggghowf !!! Gronda le bleu, babines retroussées.
Cabor baissa un peu les oreilles, faussement penaud.
- Faut pas s'énerver, l'ami. C'était juste une blague ! Wrowf. S'esclaffa-t-il. Et je suppose que ton nom doit être "Wrouf" ?

- Faut pas s'énerver, l'ami. C'était juste une blague ! Wrowf.
- Frrrghwl, râla l'autre en se redressant, visiblement mécontent.
- Et je suppose que ton nom doit être "Wrouf" ? Un nom ? Blue n'en savait rien. On l'appelait " Woof " ou " Woofie " ou " Blue " ou " Yahto ". Il haussa les épaules pour manifester son ignorance, ajoutant un "Rowf" plus calme.

- Rowf. Répondit le bleu sur un ton blasé, accompagné d'un haussement d'épaules révélateur.
Cabor cligna des yeux, sourcillant.
- Comment ça tu n'en as pas ? Réagit-il, surpris. Tu as forcément un nom... Voyons... Tu penses que j'arriverai à le deviner ?
Le bringé étudia le chien du regard, cherchant un indice pour tenter d'arracher son nom à cet être qui ne communiquait que par sons gutturaux.
Son oeil non couvert se posa sur la pipe. "Tu tiens... un truc entre tes crocs." Il le toisa de haut en bas. "Tu es petit." Ses moustaches frémirent. "Et bleu." Un schtroumph ?
- Un rapport avec ton physique ?

- Comment ça tu n'en as pas ? Les oreilles de Blue se redressèrent en constatant que l'autre avait réussi à le comprendre. Elle se pivotèrent aussi vers l'arrière, mais ça, c'était une autre histoire. Tu as forcément un nom... poursuivit l'autre, songeur. Voyons... Tu penses que j'arriverai à le deviner ? comme son précédent mouvement semblait avoir été une réponse, il haussa de nouveau les épaules. ' J'en sais rien, fais ce que tu veux ', semblaient dire son regard désabusé. Il ponctua le tout sur un ronflement. L'étranger semblait se complaire dans le jeu, aussi voulut-il vraiment découvrir le patronyme de son.. " guide ".
- Tu tiens... un truc entre tes crocs.
Blue recula la tête. baissant les yeux pour regarder sa pipe. C'était Anaco qui lui avait offert, mais il ne pouvait pas vraiment le lui expliquer. Anaco l'avait chassé de son tipi de toute manière. L'autre, le toisant de haut en bas:
- Tu es petit, releva-t-il. Blue ne dit rien: en effet, Cabor était plus grand que lui. Il n'y avait rien d'autre à ajouter.
- Et bleu.
- Woof !
- Un rapport avec ton physique ?
- Hrrhwl... Wroof !

- Et bleu.
- Woof !
- Un rapport avec ton physique ?
- Hrrhwl... Wroof !
Cabor s'illumina, ses moustaches s'étirant vers le haut alors qu'il souriait.
- Aaaah ! Donc ton nom à un rapport avec le bleu ! Fit-il victorieux.
Il réfléchit un instant, et ses oreilles se détendirent progressivement. Il releva un regard navré sur le chien.
- Non... Je ne vois pas quel nom pourrait se rapporter au bleu de ton pelage... Il soupira. Pourtant les fourrures bleues ne manquent pas là d'où je viens !
Il réfléchit encore, passant en revue les noms de ses camarades - anciens camarades - au poil bleuté. Rien de concluant ne lui revint néanmoins.

- Aaaah ! Donc ton nom à un rapport avec le bleu !
C'est que cet étranger n'était pas aussi bête qu'il en avait l'air ! Malheureusement l'éclair de génie de Cabor fut de courte durée - comme en témoignait ses oreilles, qui s'abaissaient peu à peu au sommet de sa tête.
- Non... Je ne vois pas quel nom pourrait se rapporter au bleu de ton pelage... l'étranger soupira, la mine déconfite. Pourtant les fourrures bleues ne manquent pas là d'où je viens ! Comme ni l'un ni l'autre ne bougeaient, Blue s'assied au sol, répondant au désarroi de son " comparse " par un long bâillement. Après avoir refermé sa gueule, il secoua sa tête, par habitude.

Le chien ne répondit rien, n'aidant donc pas Cabor à trouver son nom. Il s'assit simplement, baillant aux corneilles.
- Te voilà bien moins loquace. Remarqua le bringé. Je devrais peut-être juste t'appeler Mini-loup ?
La pensée l'amusa et il sourit de nouveau. Après tout, si l'autre ne voulait - ne pouvait - pas lui donner son nom, il faudrait bien qu'il trouve quelque chose.
D'aucuns diraient que c'est sans importance puisqu'il était probable qu'il ne reverrait jamais le bleu - à moins de repasser par ici mais qui sait où le vent le mènerait ? - et qu'il était donc futile de chercher absolument à connaître son identité mais Bodo aimait les rencontres, les cataloguant dans son esprit, se créant un annuaire d'individus qu'il se plaisait à penser qu'il serait capable de reconnaître si les circonstances lui étaient données.
- Au fait, je me nomme Cabor. Nota-t-il en s'asseyant à côté du chien. Mais tu peux m'appeler Bodo... Enfin, "Brouwf", j'imagine.

- Te voilà bien moins loquace.
- Hrrf.
- Je devrais peut-être juste t'appeler Mini-loup ?
Pas de réponse. Blue se contenta de se gratter l'oreille d'une patte postérieure, un peu ennuyé par ce manque d'action. Au moins, l'autre avait cessé de japper comme un demeuré, donc il pouvait reposer ses longues oreilles sur sa nuque sans crainte de se faire asséner une nouvelle claque de décibels. À cette pensée, il lâcha un court grommellement, lorgnant d'yeux yeux vers l'arrière, comme s'il maudissait la fréquence de ses oreilles.
- Au fait, je me nomme Cabor, reprit l'autre, en s'asseyant à ses côtés.
- ... Hrrwl ?
- Mais tu peux m'appeler Bodo... Enfin, "Brouwf", j'imagine.
- Horf !
Il sourcilla.
- Horf. reprenant, plus fort: HORF. Impatient: Rrghhhrrrhllw... Un peu plus calme: Wroof. En étirant ses syllabes: Hhhh...roof! La queue de Blue s’agitait nerveusement derrière lui. Il abaissa sa tête, retroussant légèrement le museau. Eh non, il était incapable de dire " Brouwf ". Se résignant à accepter la fatalité, il ronfla des narines, l'air taciturne, se tournant vers Bodo.
- Horf, il reprit, sur un air entendu.

- Horf !
Cabor tourna la tête vers le bleu avec curiosité, et celui-ci se mit à aboyer plusieurs fois la même onomatopée à plusieurs reprises, semblant ensuite s'énerver, tenter autre chose, puis finalement reprendre son "horf" avec une note de finalité.
Le bringé resta silencieux, avant de brusquement éclater de rire.
- D'accord. "Horf" ça marche aussi ! Approuva-t-il en remuant la queue.
- Dis moi, Mini-loup... enfin "Woof". Tous les chiens d'ici s'expriment comme toi ? Demanda-t-il, nonchalant, portant même une patte à sa crinière de fourrure pour se gratter. Pas encore habitué aux diverses bestioles et pollens qui se présentaient loin des neiges du Nord, il était souvent chatouillé depuis son départ.

Le "silence" plut aux oreilles du bleu qui se surprit à fermer les yeux, acceptant ce moment paisible. Il sursauta lorsque l'autre éclata d'un barrissement - ou d'un rire - tout en battant l'air de sa queue.
- D'accord. "Horf" ça marche aussi ! Les babines de Blue se fendirent sur ce qui semblait être un sourire, la gueule mi-ouverte, langue pendante. Il leva la tête, lâchant un puissant " Arroooo ! " approbatif. L'autre relança la conversation, se calquant au flegme de son comparse aux yeux jaunes.
- Dis moi, Mini-loup... enfin "Woof". se corrigea Cabor, faute de trouver un autre patronyme approprié. Tous les chiens d'ici s'expriment comme toi ?
Blue tourna sa tête vers le loup, abaissant étroitement les oreilles, cherchant à communiquer sa pensée. Il fit mine de secouer la tête de droite à gauche. Normalement, ça voulait dire ' non '.

Woof abaissa les oreilles et secoua, un peu maladroitement, la tête de gauche à droite.
- Ah ? Fit Cabor en réponse. Tu es donc le seul à parler comme ça, Woof ? C'est bien étrange.
Il parcourut le paysage du regard, notant les diverses structures mises en place pour il ne savait quelles raisons.
- J'ai bien envie d'aller voir tes Deux-Pattes de plus près. Je me demande ce qu'ils vont dire... Pensa-t-il tout haut avant de se relever, la queue en panache remuant légèrement.
Il commença à se rapprocher de la partie du camp qui semblait la plus dense, se demandant s'il allait croiser d'autres chiens. Les histoires du Nord sur le sujet laissaient penser qu'il valait mieux ne jamais avoir trop affaire avec les Deux-Pattes et leurs mini-loups de compagnie. Mais si le bleu était un bon exemple, il n'y avait probablement pas de raison de s'inquiéter plus que ça.
Par mesure de sécurité, Cabor huma tout de même l'air en avançant lentement. Il se figea en reconnaissant une odeur plus musquée et sauvage que les autres étrangères qu'il avait découvertes à son arrivée. L'odeur des loups, et pas la sienne, était diffuse dans l'air.
Il se retourna avec surprise vers le chien bleu.
- Il y a d'autres loups ici ?

- Ah ? Tu es donc le seul à parler comme ça, Woof ? C'est bien étrange. ce à quoi ' Woof ' répondit en haussant simplement ses épaules, comme pour dire qu'il était habitué à ce genre de réactions. Il secoua ensuite sa tête - et sa langue dans le mouvement - dans une longue exhalation gutturale.
- Hhhrrrhw hhrhrlw, fit-il avant de se relever, puis, de s'étirer, comme si l'inaction l'avait ankylosé. Cabor lui fit part de sa curiosité, alors qu'il se levait lui aussi, un peu plus intéressé par les structures - les tipis - et la densité du camp.
- J'ai bien envie d'aller voir tes Deux-Pattes de plus près. Je me demande ce qu'ils vont dire... L'autre s'était mis à trottiner, s'éloignant de l'aire sécuritaire - la plaine - pour s'approcher un peu plus du sol humain. Blue s'était contenté de tourner sa tête, observant le manège du loup curieux, qui s'était mis à humer l'air, par précaution. Quelque chose sembla le déconcerter car il se tourna aussitôt vers Blue.
- Il y a d'autres loups ici ?
- Horf !
Après, restait à interpréter sa réponse...

- Horf ! Lui répondit-il aussitôt, troublant Cabor.
"Horf" ? Ce n'était pas censé être son nom dans la langue gutturale du chien ? Qu'est-ce-que cela pouvait dire ?
Le bringé se creusa la tête en fixant Woof sans ciller.
- Oui, il y a moi, "Horf". Mais je sens d'autres odeurs de loups. Alors je me demande certains de mes congénères vivent avec toi et les Deux-Pattes ou si ce sont des solitaires de passage comme moi. S'expliqua-t-il dans l'espoir que le bleu comprenne mieux et, ainsi, ait une réaction plus... "parlante" pour répondre à la question de Bodo.
Le croisé se retourna vers les structures apparemment en terre et en peaux d'autres animaux, reniflant toujours l'air, se fiant bien plus à son odorat qu'à n'importe quel autre de ses sens. Surtout que sa vue n'était pas des meilleures. Malgré son insistance, il ne put pas plus déterminer si les loups étaient seulement restés quelques temps ici ou s'ils vivaient là.

- Oui, il y a moi, "Horf". Mais je sens d'autres odeurs de loups. Alors je me demande si certains de mes congénères vivent avec toi et les Deux-Pattes ou si ce sont des solitaires de passage comme moi.
- ...
Oh, il y avait des loups différents à chaque année, puisqu'il s'agissait du Clan du Loup, mais Blue ne s'était jamais vraiment posé la question, ni ne jugeait vraiment l'utilité de se la poser. Et alors? Qu'est-ce que ça change que des loups viennent ou non passer une année complète auprès des humains? D'ailleurs, Cabor n'était pas l'un des leurs ? Un " solitaire de passage ", ça voulait dire qu'il ne faisait pas parti des initiés? Normalement, il fallait chasser ceux qui ne faisaient pas parti des initiés. Blue dressa la tête, à l'affût, cherchant dans sa carte sonore si un chien rôdait dans les parages. Bof, si vraiment Cabor était un intrus ici, quelqu'un d'autre allait s'en occuper. Par contre, hors de question de continuer à le suivre jusqu'au milieu du village, c'était beaucoup trop dense, beaucoup trop bruyant. Aussi, en profita-t-il pour abandonner Cabor au petit trot, s'éloignant, comme si la " visite guidée " était terminée.

Son explication sembla éveiller une réflexion intense chez son nouvel ami. Et finalement il s'éloigna en trottant dans la direction opposée.
Un peu déçu, Cabor se reprit tout de même le temps de saluer le chien :
- Eh bien, à la revoyure, Woof ! Lança-t-il après lui. Il le regarda s'éloigner quelques instants, la queue basse, désolé de ne plus avoir de compagnie. Puis il reporta son oeil bicolore sur le campement et s'en rapprocha encore, avançant en diagonale pour en faire le tour tout en s'en approchant progressivement, par mesure de sécurité, d'autant que son guide avait pris la poudre d'escampette.

Fin.