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{An 4, Hiver ; Priorité à Heavybreath}



La nuit encercle le ciel. La lune brille de toute sa pâleur hypnotisante. Le vent souffle à n’en plus finir, compagnon intime de l’hiver. Les arbres dégarnies frissonnent au rythme de la brise. La neige, déjà gracieusement tombé sur le sol pour le rafraichir de sa blanche présence, porte les traces d’un prédateur bien connu de ces bois : lupus canis arctos terezis. Ou plus communément : la louve arctique Terezi. En bonne parque et détentrice d’informations à son compte, elle se rend dans l’un de ses avant poste de nouvelles juteuses, attendant son correspondant au coin de la végétation aux ombres menaçantes. Le temps passe, portant les minces flocons vers le sol, encore et encore. Mais rien ne vient.
— Raah, c’est pas son genre de poser un lapin !
Déclare l’espionne au pelage bleuté, partagé par ce coup du destin, mais tout de même désireuse d’aller vérifier si son contact n’est pas dans les parages. Une bien mauvaise idée, sans doute, car à peine esquisse t-elle un pas de plus vers les terres d’Inaria qu’une odeur étrangère parvient à ses narines. Instantanément, elle se fige, aussi immobile qu’une statue de glace. Heureusement qu’elle prend le soin de régulièrement passé sa fourrure dans la poudreuse pour effacer toute trace de flagrance pouvant la dénoncé, car, à en juger par ce qu’elle renifle, celui ou celle qui arrive dans sa direction est un autochtone, et par conséquent, ennemi décrété de la meute du Grand Nord. Sans doute un sentinelle ou un chasseur. Se tassant sur elle même, Terezi mise sur la carte de l'égarement. Qui en voudrait à une pauvre aveugle solitaire de trépasser de quelques mètres un territoire étranger parmi les habitants pacifiques de ces bois ?
— Qui est là ? Lance t-elle d’une voix faussement fébrile, toutefois soucieuse de l’identité de l’autre canidé.

La proie a mordu à l’hameçon. Terezi sourit intérieurement. Maintenant, il convient de la tenir sur le bout de la ligne… Un rire nerveux et presque authentique sors de sa gorge.
— Haha… Vous avez bien raison ! Toujours demandé l’identité de l’autre avant de déclarer la sienne.
Elle remue la queue, son souci étant à moitié feint, se concentrant sur les intonations pour localiser l’inconnue. Celle ci ne bouge pas énormément, aussi, n’a t-elle que le son produit par sa voix pour espérer trouver sa direction, chose rendue plus difficile par la brise constante… Autant utilisé cela à son avantage. Ainsi, la louve se met à tourner la tête dans plusieurs directions, son dos se tassant un peu plus sur lui même, laissant entrevoir son handicap à l’autre avant de reprendre, plus inquiète encore, jouant cartes sur table.
— Vous ne feriez pas de mal à une aveugle égarée tout de même ! Un silence... Si?

Terezi n’émit aucun sourire si typique de sa personne, gardant un air résolument neutre et prudent, voir inquiet.
- D'où est-ce que vous venez ?.. Et je vous le répète: Qui êtes-vous ? Dévoilez-vous.
Visiblement, sa charmante gardienne n’était pas très à l’aise avec ses questions… Une novice ou une sensible ? Hum hum…
— Je ne peux pas être plus dévoilé que ça je crois… Elle marque un temps de continuer, marquant l'hésitation. A moins de vous présentez mon ventre peut être ? Enfin, soit, si vous voulez connaitre ma date de naissance, mon pedigree et mes antécédents judiciaires ! Elle s’éclaircit la gorge, et s’assoit aussi dignement qu’un intrus peut se le permettre, portant la patte sur son poitrail, et se tournant dans la mauvaise direction. Meme dans un cas désespéré , autant ajouté du comique et du ridicule, non ?
— Alors, alors… Terezi première du nom, louve polaire, né en fin d’hiver trèèèèèès rigoureux, aveugle et victime d’un accident avec un de ses anciens camarade de meute du grand nord, désormais en exil et solitaire, recherchant son neveu qui réside non loin de ces terres et- Ca vous contentera ? S’arrête t-elle finalement, sur un sourire poli.

La parque capte à nouveau les paroles de son interlocutrice, à l’affut derrière ses airs d’animal piégé, méthodique.
— Hum, hum… Je ne crois pas que vous avez compris ma situation. Je n’ai plus aucun glacier duquel descendre voyez vous. Elle incline légèrement la tête, interrogatrice. Le mot « exil » ne vous parle pas ? Terezi tourne alors sa tête en arrière, un court moment, les oreilles dressées, avant de (enfin) pointer son visage vers l’Inarienne.
— Il faut bien faire fit de ses peurs pour sa survie. Je préfère aussi avoir quelques frayeurs que la gorge ensanglantée et le cœur immobile. Un sourire complice, bien qu’un peu navrée, altère ses traits, rendant son expression sans doute plus douce et moins anxieuse que précédemment.
— Pas vous ?

- Il est évident qu'il vaut mieux rester en vie.. Mais, qu'est-ce qui vous a poussé à quitter votre meute ? .. Sur un coup de tête ? Ou.. vous vouliez changer d'air ?..
— Hm, coup de tête... Disons plutôt, coup de patte ! Remarque t-elle. La parque n’invente pas grand chose, mis à part la supposé clémence de laisser un infidèle aveugle à lui même dans le grand froid. Ce qui n’est pas vraiment de la clémence, mais passons.
- Votre neveu aussi s'est exilé ?
— Oui, mais de son propre gré. Un sourire caustique apparait sur ses traits. L’veinard.
De ce que la parque sait de sa famille, cela pourrait bien être possible. Possible, mais pas vraiment probable. Ca, la garde n’avait pas à le savoir.
— Vous voilà renseigné… Si vous n’y voyiez pas d’inconvénients, une petite escorte ne ferait pas de mal. Il ne s’agirait pas que je m’enfonce un peu plus loin dans votre territoire par erreur, n’est ce pas ?
Déclare t-elle, tâtonnant pour retrouver son chemin avec une de ses pattes, avant de replonger son regard vide vers la silhouette de la vigie, patiente.

(Une incruste serait bien sympa. )


- Il est évident que je ne vais pas me retenir de vous raccompagner vers la sortie.
Une des oreilles de Terezi se plie à cette déclaration. Une garde, à n’en point douter. Enregistrant sa modulation, elle la classe soigneusement dans un petit tiroir de son cerveau, ajoutant la précision désormais confirmée. Ce n’est, qu’avec l’odorat, son moyen d’identifier les gens, après tout. Et puis, toute information à son utilité.
- Passez devant, je vous suis de près.
— Haaa, mais, herm, c’est à dire… Vous voulez qu’une aveugle prenne la tête de notre charmant groupe ? Si vous voulez vous retrouvez dans les arbres, pas de problèmes, mais je doute que ce soit notre destination.
Lance t-elle, alors qu’elle exécute l’ordre donné par la voix si versatile, commençant à se remettre doucement en route, la présence de la louve Inarienne n’étant pas loin. Puis, elle continue, plus ragaillardie.
— Ou alors est ce ma compagnie inutile qui vous plai-
Et fait bien exprès de ne pas remarquer la petite pente vers laquelle elle se dirigeait, glissant sur la neige comme un rocher lancé dans le vide. HAAAAAA ! Et s’étale sur le sol immaculée, non sans percuter une masse au passage. Masse qui semble bien appartenir à ces terres, elle aussi, vu son odeur si mousseuse…