Croissant de Lune

Croissant de Lune
{An 4, Automne ; Priorité à Warbound}



Il fait nuit sur les terres des Blackblood. Pas un son ne vient troubler le calme du désert. Sauf celui d’un pas mesuré, discret, se répercutant sur le fin tapis sablé de l’endroit, créant des dunes minuscules là où son poids a incliné le sol meuble. Dans cet écosystème en changement physique permanent et pourtant imperceptible, Banehowl marche en direction des limites du territoire, vers l’horizon infini, là où sont partis ses filles, voilà de ça deux saisons. Loin des yeux, loin du cœur dit on… Cet adage n’aurait pas put être plus faux pour le vieux voyageur. L’absence de Belmont et Pepper ne cesse de croitre dans son esprit, formant un creux de plus en plus profond, une inquiétude croissante, et un besoin de les revoir de plus en plus pressant. Le camp des hommes ne lui inspire plus confiance depuis quelques années… Pressentiment ou simple peur sauvage, il ne saurait dire… Mais l’angoisse est bien là : ses sentiments de crainte qu’il essayait autrefois de mettre à distance étaient à présent libérés, déchainés même. Peut être une phobie de les voir s’éloigner de lui comme le firent ses autres filles ? C’est pourquoi, dernièrement, il s’aventure chaque nuit un peu plus loin, sans jamais trépassé les frontières des exilés. Peut être un jour… Mais pour l’instant, le loup bordeaux se contente d’errer sur une frontière presque invisible, presque comme un animal en cage, espérant pour apercevoir une silhouette familière le plus tôt possible, la lune seule témoignant de sa présence…

- Hé ! J'peux savoir ce que tu fais ici ?
Le regard toujours rivé sur l’horizon, Banehowl est tiré de sa contemplation par un trot endiablé et une voix railleuse. Il incline une oreille, reniflant l’air. C’était un camarade de meute, pas de crainte à avoir. Il se retourne doucement, ses yeux se plissant sous l’effet de la concentration, lorgnant la silhouette imposante de l’autre male.
— Bien le bonsoir…
La lumière de l’astre nocturne est faible, presque blafarde, mais suffisamment forte pour qu’il reconnaisse la stature de son interlocuteur, et les tatouages qui orne ses joues. Un sourire amusé prend le pas sur son étonnement, chassant momentanément ses peurs pour répondre à la question de son comparse. Drôle de manière d’engager une conversation que de demander des comptes n’est ce pas ?
— Il y a t-il un mal à se dégourdir les pattes, Warbound ?

Banehowl lui renvoi un mince sourire. Il est vrai que le peu de clarté n’arrange pas l’étude du paysage et de ses voyageurs. La seule raison pour laquelle il a put reconnaître le Beta était son don d’observation.
- Tu devrais pas roupiller avec les Nourrices ?
Ses yeux glisse sur l’horizon à la réponse de Warbound.
— Souhaiterais tu que je le fasse ? Répond t-il du tac au tac, une pointe de taquinerie dans sa voix. J’ai assez de temps pour dormir en perspective… Pas besoin d’en rajouter.

— … ?
Banehowl sourcille, rendu perplexe par la réponse du beta. Il l’écoute donc continuer, son regard se faisant plus sérieux et dur à la mesure que Warbound lâche ses mots.
— Je ne parlais pas de mon rang, bien que cela puisse joué sur mes heures de repos vu que je dois sortir en même temps que les proies…
Il fixe le loup brun avec gravité, avant de hausser les épaules, amusé par la tournure de la situation, et l’ironie. Inutile de se vexer, surtout avec un pareil interlocuteur que Warbound. Inutile effectivement.
— Je parlais de mon âge.
Un fin sourire taquin se place sur sa figure, accentuant ses propos.
— Et détrompes toi, je suis bien plus à l’aise avec ce rang que le précédent.

— Épique ? A part quelques altercations avec des sabres, je n’ai jamais trouvé un combat pour servir la garde ainsi.
Il échappe un sourire. Oui, il a eut l’occasion de se confronter à l’ennemi héréditaire d’Inaria et d’en ressortir indemne, et bien que ce ne soit pas le terme qu’il aurait employé, épique convenait aussi à pareil affrontement. Eux, considérés comme des mastodontes par rapport à leur paire, faisaient bien pale figure face à ces créatures aux dents immenses. Quant au reste, cela dépendait. Les élites se battaient même pour s’accoupler, dans le temps…
— Je ne suis pas porté vers l’affrontement. Finit-il, concis. Il n’y a pas que les batailles qui le dérangeait… La pression d’être chef d’une race composé exclusivement de guerriers, ne devant jamais sortir de leur rang et devant se montrer des plus exemplaires avait achevé de le rendre mal à l’aise. Devoir garder l’étiquette était bien différent que d’obéir à un ordre de deux-pattes.
— Et toi ? Cela te manque t-il ?